«   Je voudrais un antiseptique   » - Le Moniteur des Pharmacies n° 3153 du 01/12/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3153 du 01/12/2016
 

Expertise

Dialogue

Auteur(s) : NATHALIE BELIN 

L’antiseptique est indispensable dans la pharmacie familiale. Mais la formule «   à tout faire   » qui convient à tous n’existe pas. Pour bien conseiller, quelques questions s’imposent.

1 Pour qui est-ce ?

Une femme enceinte : Du sérum physiologique et de l’éosine, s’il vous plaît.

Le pharmacien : L’éosine c’est pour… le futur bébé ?

- Oui, une amie me l’a conseillée pour les soins du cordon.

L’éosine aqueuse est parfois utilisée pour les soins du cordon ombilical grâce à son pouvoir asséchant, mais ce n’est pas un antiseptique. De plus, sa coloration rouge peut gêner l’évaluation de la cicatrisation. La chlorhexidine en solution aqueuse (ou faiblement alcoolisé, comme Biseptine) ou un dérivé chloré (Dakin) sont les antiseptiques à préférer chez le nourrisson.

Un homme déposant un flacon de Biseptinespraid : C’est bien, ça ?

Le pharmacien : Qui est susceptible de l’utiliser ?

- Toute la famille !

- Vous avez de jeunes enfants ?

- Le petit dernier a 4 ans et il est très douillet !

La chlorhexidine convient à tous, y compris au nourrisson et à la femme enceinte. Concernant l’association chlorhexidine, benzalkonium, alcool benzylique (Biseptine, Biseptinespraid…), l’alcool présent est un alcool aromatique qui vise à potentialiser l’action des autres antiseptiques. Il ne pique pas ou très peu, mais les enfants peuvent y être sensibles. Préférer alors une solution aqueuse qui a l’avantage de ne pas piquer si la peau est lésée.

2 Pour quel emploi ?

Une femme de 25 ans : Vous avez des flacons pour analyse d’urine ?

Le pharmacien : Bien sûr. Avez-vous de quoi désinfecter le méat urinaire avant d’effectuer le prélèvement ?

- Oui, l’autre jour le médecin m’a prescrit Septeal pour une blessure.

La chlorhexidine, en solution aqueuse (Septeal) ou alcoolique, est contre-indiquée sur les muqueuses (sauf muqueuse buccale en bain de bouche) sur lesquelles elle peut induire de graves irritations. Pour une application sur des muqueuses (génitales, bain de siège…), les dérivés chlorés (Dakin), bien tolérés, sont recommandés. Ils s’utilisent sans dilution. Dans le cas d’un prélèvement urinaire pour ECBU, attendre que l’antiseptique ait bien séché avant de recueillir les urines (des traces d’antiseptiques fausseraient les résultats).

Un homme de 40 ans : Bonjour, je voudrais un spray Hexomédine.

Le pharmacien : Vous l’utilisez pour une raison particulière ?

- Ma femme l’utilise pour désinfecter sa peau avant les injections de Gonal F.

L’hexamidine (Hexomédine) ou encore la chlorhexidine à 0,05 % sont des antiseptiques mineurs réservés au nettoyage des plaies superficielles. Ils ne conviennent pas à la désinfection de la peau saine avant une injection. Il faut préférer la chlorhexidine à 0,2 %, un dérivé iodé ou chloré, ou encore l’alcool à 60 ou 70 %. A noter : l’alcool ne doit pas être utilisé avant un contrôle glycémique par prélèvement capillaire – le résultat peut être faussé.

3 Savez-vous l’utiliser ?

Une femme de 30 ans : Il me faudrait de l’eau oxygénée, s’il vous plaît.

Le pharmacien : Savez-vous comment l’utiliser ?

- Je l’utilise pour enlever des débris sur une plaie...

- Oui… mais ce n’est pas suffisant ! Il vous faut aussi un antiseptique.

Nettoyer une plaie à l’eau et au savon est le premier réflexe à adopter avant d’appliquer un antiseptique. Si la plaie est souillée (terre, débris…), l’eau oxygénée à 10 volumes peut être utile grâce à son action « moussante » et hémostatique. En revanche, elle présente un spectre d’action trop limitée pour pouvoir être utilisée comme antiseptique cutané. Il faut conseiller un antiseptique utilisable sur peau lésée (dérivé chloré, chlorhexidine aqueuse…) et recommander de bien rincer l’eau oxygénée à l’eau du robinet avant de l’appliquer (risque d’inhibition de son action).

Un homme de 40 ans tendant une ordonnance : Ne me donnez pas le Dakin, il m’en reste chez moi.

Le pharmacien : Vous l’avez ouvert, il y a longtemps ?

Les antiseptiques conditionnés en flacon sont susceptibles d’être contaminés une fois ouverts. Hormis l’alcool, dont la durée de conservation après ouverture est relativement longue, il est habituellement recommandé de les utiliser dans les 15 jours (pour les antiseptiques mineurs) ou durant le mois qui suit l’ouverture. Toutefois, en usage domestique (utilisations généralement peu fréquentes), il est possible de les conserver plus longtemps, sous réserve de bien refermer le flacon après chaque usage et de le garder à l’abri de la lumière et de la chaleur (radiateur…). Cas particuliers : l’eau oxygénée se conserve 8 jours après ouverture (évaporation importante) ; les flacons d’Hexomédine Transcutanée ou Stérilène dont le flacon sert à baigner le doigt, 5 jours maximum.

L’ESSENTIEL SUR LES TRAITEMENTS 

L’antiseptique permet, temporairement, d’éliminer des micro-organismes ou d’inactiver les virus sur des tissus vivants : peau, muqueuse, plaie. Idéalement, il doit présenter un large spectre d’activité, avoir une action bactéricide et un délai d’action court, présenter une bonne rémanence (persistance de l’action, une bonne tolérance et être incolore.
Antiseptiques majeurs
Bactéricides, à large spectre d’activité.
Chlorhexidine (solution aqueuse ou alcoolique 0,5 ou 0,2 %) : action potentialisée par les ammoniums quaternaires et l’alcool (Biseptine…). Utilisable sur la peau saine ou lésée. Effet indésirable : neurotoxicité si passage systémique (notamment si contact avec œil, conduit auditif si perforation tympanique). Interactions : inactivée par le savon et certains antiseptiques. Contre-indications : application au niveau de l’œil ou des muqueuses.
Dérivés chlorés (hypochlorite de sodium à 0,5 % : Dakin ; 0,06 % : Amukine…) : utilisables sans dilution sur les muqueuses, la peau saine ou lésée. Effet indésirable : irritations possibles. Interaction : inactivés par le savon. Contre-indications : non.
Dérivés iodés (povidone : Bétadine) : utilisables sur les muqueuses, la peau saine ou lésée. Effets indésirables : réactions d’hypersensibilité (eczéma de contact, urticaire…) non croisées avec des allergies à l’iode (fruits de mer, produits de contraste iodés), risque de troubles thyroïdiens et rénaux chez le nourrisson, le grand brûlé ou en usage répété et prolongé ; coloration de la peau en brun orangé. Interaction : antiseptiques mercuriels. Contre-indications : nourrissons de moins de 1 mois (rinçage après application entre 1 et 30 mois), grossesse et allaitement.
Alcool (alcool à 60 ou 70 % vol./vol. : action bactéricide supérieure à l’alcool à 90 %, réservé à la désinfection du matériel). Utilisable sur peau saine (évaporation et séchage rapide). Effets indésirables : irritation sur peau lésée ; si présence de camphre (alcool à 70 °) risque de convulsions chez le nourrisson. Interaction : inactivation par le savon. Contre-indications : nourrisson de moins de 1 mois, ou 30 mois pour l’alcool camphré. Non recommandé avant 30 mois, sur les muqueuses ou une peau lésée.

Autres antiseptiques
D’action intermédiaire. Ammoniums quaternaires (chlorure de benzalkonium, cétrimide…) : peu irritants, inactivés par le savon.
D’action faible. Triclocarban, hexamidine, chlorhexidine aqueuse à 0,05 %, sulfate de cuivre et de zinc : bactériostatiques et à spectre étroit.
A noter : cétrimide ou hexamidine en association à une forte concentration d’alcool (Hexomédine Transcutanée, Stérilène…) ont une bonne pénétration cutanée.

Colorants et eau oxygénée
Ne sont pas des antiseptiques (faiblement bactériostatiques et spectre étroit).
Eosine, fluorescéine… :action asséchante. Colorent la peau ; l’éosine est photosensibilisante.
Eau oxygénée à 10 volumes :action moussante et hémostatique.
Conseils
- Application sur une peau propre (nettoyage à l’eau et au savon avec rinçage minutieux) et sèche. Ne pas associer plusieurs antiseptiques (risque d’incompatibilité).
- Pas d’application sous pansement occlusif (sauf avis médical contraire : augmentation du risque de passage systémique).
- S’assurer, le cas échéant, de l’état vaccinal contre le tétanos.
Conseils - Application sur une peau propre (nettoyage à l’eau et au savon avec rinçage minutieux) et sèche. Ne pas associer plusieurs antiseptiques (risque d’incompatibilité). - Pas d’application sous pansement occlusif (sauf avis médical contraire : augmentation du risque de passage systémique). - S’assurer, le cas échéant, de l’état vaccinal contre le tétanos.

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