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Auteur(s) : MAGALI CLAUSENER
En octobre 2015, j’ai reçu une lettre recommandée de Caudalie m’annonçant que le laboratoire dénonçait le contrat et que je ne pourrai plus vendre les produits à partir du 31 décembre date de la fin du contrat. Aucun motif n’était donné. Je ne vends donc plus la marque depuis un an », relate Florence Couasnon, pharmacienne à Saint-Orens-de-Gameville (Haute-Garonne). Depuis deux ans, certains pharmaciens reçoivent deux mois avant la fin de l’année cette fameuse lettre recommandée qui dénonce leur contrat avec Caudalie. La procédure est légale. Seul problème : les motifs ne sont pas transparents. Du moins par écrit. Car certains titulaires ont reçu la visite d’un commercial Caudalie. « Il a annoncé que je ne vendais pas assez de produits de la marque et qu’en dessous de 30 par mois, c’était insuffisant. Puis m’a prévenu que la société ne me réapprovisionnerait plus », déclare un pharmacien installé dans la banlieue de Toulouse. Un témoignage loin d’être isolé. Plusieurs autres officinaux ont eu la même visite et une explication toujours orale. De fait, le contrat ne comporte aucune indication de volume ou de chiffre d’affaires à réaliser. En revanche, il précise que le pharmacien doit fournir des statistiques mensuelles de vente. Il est vrai que dans certaines officines, les rotations ne sont pas toujours très élevées. « Nous avons plutôt une patientèle âgée, mais également des clientes fidèles à Caudalie et nous sommes plutôt bien situés sur les prix. Cependant, il nous est difficile de développer les ventes plus que cela. Depuis un an environ, le discours de la commerciale porte sur leur niveau trop bas et sur la nécessité de l’augmenter les prochains mois. A défaut, nous ne pourrons plus vendre la marque », détaille une adjointe exerçant dans le Tarn-et-Garonne.
Si cette officine a décidé de jouer le jeu pour garder la marque, certaines n’ont pas pu réagir. « Durant 2014, c’était “silence radio” de la part de la commerciale de Caudalie. Plus de réassortiments, plus de formations pour l’équipe. Après quelques mois de relances téléphoniques, j’ai jeté l’éponge. Mon expertise devient inutile ; travailler avec des marques qui ne veulent pas de vous n’a aucun sens », déclare Claire Delpech, titulaire au Val des 4 Pignons à Beynes (Yvelines). Un autre pharmacien à Six-Fours-les-Plages (Var) attend la visite de la commerciale en décembre 2016, après avoir reçu le courrier en octobre. Ces exemples démontrent clairement que Caudalie ne souhaite pas garder dans son réseau de distribution les officines peu rentables pour sa marque. « C’est de la distribution très sélective ! », commente le titulaire varois. Malgré plusieurs sollicitations du Moniteur des pharmacies, Caudalie n’a pas souhaité s’expliquer sur ces différends qui l’opposent aux pharmaciens.
La marque semble aussi avoir une stratégie particulière sur le front d’internet. Les pharmaciens qui veulent vendre la marque en ligne, doivent conclure un contrat spécifique à la vente sur internet. Lorsqu’il a lancé son site, un titulaire a donc demandé un avenant à Caudalie – comme aux autres laboratoires. Peine perdue malgré ses multiples relances. Face à ce silence, il décide de vendre les produits. C’est alors que la société lui envoie un recommandé pour qu’il cesse les ventes… puisqu’il n’a pas signé de contrat ! De guerre lasse, le pharmacien récupère un avenant par d’autres voies et le signe. Démarche dont il convient qu’elle n’est pas très éthique, mais qu’il justifie par l’attitude de Caudalie. Philippe Lailler, titulaire à Caen (Calvados) et pionnier de la vente en ligne de médicaments, ne peut, lui non plus, proposer de produits Caudalie depuis quatre ans et a engagé une procédure contre la marque. De même, cette dernière a attaqué en 2014 la plateforme 1001Pharmacies.com pour vente illicite. La société estime, en effet, que la place de marché, même si elle est mandatée par des pharmaciens, n’a pas reçu l’agrément pour vendre ses produits. De plus, les sites agréés doivent être adossés à une pharmacie physique. La plateforme perd son procès et saisit en décembre 2015 l’Autorité de la concurrence. Puis elle gagne en appel en février 2016. Le juge estime que le refus de Caudalie constitue « une restriction de concurrence caractérisée ». La marque saisit alors la Cour de cassation. « Je vends de nouveau les produits de Caudalie puisque le jugement en appel est en ma faveur. Le laboratoire reste sur ses positions et veut que nous arrêtions de vendre ses gammes en attendant la décision de l’Autorité de la concurrence qui devrait intervenir en 2017 », explique Cédric O’Neill, dirigeant de 1001Pharmacies.com. Au-delà de savoir si la distribution sélective peut s’appliquer aux places de marché, des pharmaciens subodorent que c’est, avant tout, une question de prix de vente qui motiverait Caudalie. « Le prix est la porte d’entrée sur internet. La marque m’a demandé rapidement de les augmenter… », remarque un titulaire installé à Villeneuve d’Ascq (Nord).
Les pharmaciens reprochent aussi à Caudalie sa stratégie : après avoir développé sa notoriété grâce aux officines, la marque semble se désengager du réseau pour créer ses propres points de ventes et les développer sur son site internet. Ce qui n’étonne guère Stéphane Billon, économiste de la santé et directeur associé de Kamedis Conseils : « C’est une stratégie d’opportunité. La marque n’a plus besoin des pharmacies. Les officines ont permis d’asseoir sa notoriété, d’apporter un vernis “scientifique” à ses produits. Maintenant, elle souhaite contrôler ses canaux de distribution qui lui offrent une marge confortable. Pourquoi transférer une partie de la marge aux officinaux qui deviennent des concurrents ? Le mouvement risque de s’amplifier, y compris avec d’autres marques ». Selon la blogueuse de (dé)maquillages, Bertrand Thomas, cofondateur de Caudalie, expliquait en 2010, lors d’une conférence que « le prix des produits sur le shop-on-line de Caudalie est 10 % plus élevé que dans les pharmacies. Essentiellement pour ne pas faire de concurrence déloyale aux pharmaciens ». Mais à l’époque, seulement 5 produits étaient commandés par jour sur le site. Depuis, la marque a développé ses ventes à l’international, en Asie, et créé ses propres points de vente dont deux à Paris. Et déployé son site de e-commerce international.
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