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Temps Forts
Enquête
Auteur(s) : MAGALI CLAUSENER
Les pharmaciens devraient-ils disposer d’une clause de conscience ? La question a fait débat début juillet, non seulement dans la sphère publique mais au sein même de la profession et de l’ordre des pharmaciens. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que celui-ci avait lancé une consultation à ce sujet sur son site internet. Pour autant, dans son communiqué du 21 juillet, annonçant la suspension de la consultation, l’Ordre se défendait en avançant que « toutes les professions comportant des enjeux éthiques importants sont dotées d’une clause de conscience ». Toutes… sauf celle des pharmaciens. Qu’en est-il exactement ? Les codes de déontologie des professions médicales et paramédicales (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues) comportent tous un article relatif au « droit de refuser des soins pour des raisons professionnelles ou personnelles ». Mais dans tous les cas, le professionnel de santé doit en avertir le patient et l’orienter vers un autre professionnel afin d’assurer la continuité des soins. Si la rédaction de ces articles peut varier d’un code à l’autre en fonction de la spécificité de l’exercice professionnel, le principe est donc acté.
Quant aux infirmiers, quel que soit leur statut, ils doivent « dispenser [leurs] soins à toute personne avec la même conscience quels que soient les sentiments qu'ils [peuvent] éprouver à son égard et quels que soient l'origine de cette personne, son sexe, son âge, son appartenance ou non-appartenance à une ethnie, à une nation ou à une religion déterminée, ses mœurs, sa situation de famille, sa maladie ou son handicap et sa réputation ». Ceci figure dans l’article R4312-25 du Code de la santé publique (CSP). Si l’infirmier accepte d’effectuer des soins, il est tenu d’en assurer la continuité (article R4312-30 du CSP). Il y a pourtant une exception pour les infirmiers libéraux. En effet, ceux-ci peuvent décider « sous réserve de ne pas nuire à un patient, de ne pas effectuer de soins ». Mais là encore, le professionnel doit en expliquer les raisons au patient et l’orienter vers un autre infirmier. Il faut cependant noter que l’article R4312-41 du CSP qui instaure cette alternative ne relève pas du code de déontologie puisque les infirmiers n’en ont pas. De fait, l’ordre des infirmiers a, dans ses cartons, un projet de code professionnel dans lequel figurent des dispositions sur le refus de soins qui s’appliqueraient à l’ensemble des infirmiers : « Dès lors qu’il a accepté d’effectuer des soins, l’infirmier est tenu d’en assurer la continuité. Hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un infirmier a le droit de refuser ses soins pour une raison professionnelle ou personnelle essentielle et déterminante de la qualité et de la sécurité des soins ».
La clause de conscience spécifique à certains actes a été introduite lors de la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en 1975. Elle concerne les médecins et les sages-femmes, mais aussi les infirmiers et les auxiliaires médicaux : « Un médecin ou une sage-femme n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse mais il doit informer, sans délai, l'intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens ou de sages-femmes susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues à l'article L. 2212-2. Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu'il soit, n'est tenu de concourir à une interruption de grossesse », précise l’article L2212-8 du CSP. La clause de conscience concernant l’IVG fait également partie du code de déontologie des médecins et de celui des sages-femmes. Les médecins peuvent aussi refuser d’effectuer un acte de stérilisation à visée contraceptive (article L2123-1 du CSP). Quant à la recherche sur embryon, outre les médecins, les auxiliaires médicaux mais aussi les chercheurs, ingénieurs, techniciens ou auxiliaires de recherche ont le droit de la refuser (article L2151-7-1 du CSP).
La clause de conscience relative à l’IVG a cependant failli être remise en cause. En février 2015, la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes recommande d’introduire de nouvelles dispositions dans le projet de loi de modernisation du système de santé. Elles visent notamment à supprimer la clause de conscience pour les professionnels de santé : ils ne pourraient plus l’invoquer en cas de demande d’interruption volontaire de grossesse. Un projet que conteste vigoureusement l’ordre des médecins. Celui-ci rappelle que « le code de déontologie médicale et le code de la santé publique prévoient une clause de conscience applicable à tous les médecins pour l’ensemble des actes médicaux ». Et de déclarer : « L’ordre des médecins ne comprendrait pas qu’un droit fondamental de liberté de conscience soit refusé à un médecin alors qu’il fait partie des droits inaliénables de tout citoyen français ». Finalement, ces recommandations seront écartées du projet de loi santé.
L’article proposé portait sur le refus d’« effectuer un acte pharmaceutique susceptible d’attenter à la vie humaine ». La polémique sur la clause de conscience des pharmaciens s’est donc centrée sur la contraception et l’IVG médicamenteuse. Certains officinaux jugent que le fait de dispenser des contraceptifs, la pilule du lendemain ou la pilule abortive implique le pharmacien dans l’acte. Par conséquent, ils devraient avoir le droit de refuser de délivrer ces médicaments ou dispositifs médicaux pour des raisons personnelles ou religieuses. Une position qui a toujours été rejetée par la jurisprudence française et confirmée par la Cour européenne des droits de l’homme en 2001. Face à deux pharmaciens qui avaient refusé de vendre la pilule contraceptive pour des raisons religieuses, elle considère « dès lors que la vente de ce produit est légale, intervient sur prescription médicale uniquement et obligatoirement dans les pharmacies, les requérants ne sauraient faire prévaloir et imposer à autrui leurs convictions religieuses pour justifier le refus de vente de ce produit ».
Dans Le Monde du 19 juillet 2016, Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre national des pharmaciens, affirmait que le sujet n’était « pas du tout lié à la contraception mais à la fin de vie, question qui fait énormément débat dans la profession ». Il faut savoir que l’ordre des médecins a estimé qu’une clause de conscience spécifique à la fin de vie n’était pas nécessaire « grâce à l’équilibre trouvé du div », c’est-à-dire la proposition de loi d'Alain Claeys et Jean Leonetti sur l’accompagnement de la fin de vie, adoptée en 2015. Pour autant, la position de l’ordre des médecins était loin d’être partagée : 11 000 médecins, infirmiers, psychologues ou autres soignants ont signé une pétition pour réclamer une clause de conscience concernant la fin de vie. Le débat sur la clause de conscience des pharmaciens ressurgira peut-être. En Belgique, en Espagne, en Grande-Bretagne et au Portugal, ils peuvent exercer leur droit à l’objection de conscience pour ne pas délivrer des produits de santé.
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