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Enjeux
Auteur(s) : FRANÇOIS POUZAUD
Il ne faut pas s’y tromper. La fiscalité des entreprises sera un des grands enjeux de la prochaine campagne des présidentielles, et les programmes électoraux des candidats seront, à n’en pas douter, riches de promesses sur les allégements fiscaux en tous genres. Bercy a pris les devants en brossant un bilan positif des mesures phares de son pacte de responsabilité pour les entreprises, et en jouant d’effets d’annonce en vue de 2017. Selon les trois experts-comptables des cabinets KPMG, CGP et AdequA que nous avons interrogés, ses effets même positifs ont été marginaux sur la pharmacie, tandis que la nouvelle vague de mesures annoncées pour 2017 ne serait guère plus salvatrice.
« La masse salariale est restée stable, la baisse des charges sur les bas salaires, même si elle va dans le bon sens, n’a que peu d’impact sur l’officine, constate Olivier Desplats, président du groupement CGP. Elle peut rendre l’embauche moins onéreuse, mais n’oublions pas que seul le développement de l’activité justifie une création de postes ! » Pour Patrick Bordas, responsable national du réseau Professions de santé de KPMG, les officines ont même plutôt été « destructrices » d’emplois en 2015. « Le nombre de diplômés au chômage augmente et il est à craindre que la tendance ne se soit pas inversée en 2016 », observe-t-il. Dans les moyennes professionnelles effectuées par ce cabinet, l’effectif en équivalent temps plein par officine (titulaire inclus) est passé de 5,4 ETP en 2014 à 5,3 en 2015.
Le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) est la mesure la plus emblématique. Venant en déduction des frais de personnel, « il a généré un allégement de trésorerie moyen pour la pharmacie de l’ordre de 5 k€ en 2013, 7,5 k€ en 2014 et 2015 », précise Olivier Delétoille du cabinet AdequA. Cependant, ce bénéfice est annulé par la révision salariale dans les officines, supérieure à l’inflation. « Notre étude annuelle montre que l’évolution du poste “frais de personnel” après déduction du CICE est de 1,6 % en moyenne annuelle », souligne Patrick Bordas.
Là encore, le constat des experts-comptables est mitigé. « Le CICE n’améliore pas la compétitivité des officines, car elles en bénéficient toutes à peu près dans les mêmes proportions, remarque Olivier Desplats. « On peut regretter que, compte tenu du plafond (2,5 fois le Smic), le salaire des adjoints ne permette pas d’en bénéficier systématiquement. » Par ailleurs, « le fait que l’Assurance maladie prenne en compte le CICE dans la rémunération officinale est un détournement de l’esprit de ce crédit d’impôt », estime Patrick Bordas. Quant à l’augmentation du CICE en 2017 de 6 % à 7 %, elle aura un impact estimé à 1,2 k€ par an pour une pharmacie moyenne. Soit 100 € par mois !
Bercy soutient dans son dossier de presse que les marges des entreprises retrouvent leur niveau d’avant la crise (32,2 % à la fin du 1er trimestre 2016). Or, pour l’officine, il est difficile de répondre sur ce point, car le taux de marge d’aujourd’hui n’est pas comparable à celui de 2007, dernière année avant la récession, au cours de laquelle l’officine affichait une marge brute de 27,5 % et une croissance de CA de 3 % en moyenne. Depuis le changement de modèle économique, le taux moyen de marge au sens de rémunération inclut les remises, la ROSP, les honoraires de dispensation, etc. Il s’est donc logiquement redressé par rapport à un CA en berne, se maintenant entre 31,5 % et 32 %. « La correspondance avec le chiffre de Bercy n’est que pure coïncidence », remarque Patrick Bordas.
La disparition de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés (IS) en 2016 n’a eu aucun impact financier sur le réseau. « La suppression en 2016 de la contribution exceptionnelle à l’IS de 10,7 % ne concerne que les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 250 M€, telles les répartiteurs et autres fournisseurs de l’officine », rappelle Patrick Bordas. En revanche, elle le sera si la proposition de baisser l’IS à 28 % est adoptée dans la loi de finances pour 2017. En effet, ce nouveau taux sera applicable dès l’an prochain pour toutes les entreprises dont le CA est inférieur à 50 M€ et jusqu’à 75 000 € de bénéfices. « C’est une vraie bonne nouvelle », considère Olivier Desplats. Selon KPMG, une officine qui dégage 100 000€ de bénéfice avant IS économisera 3 298 € en deux ans. Quant aux officines encore assujetties à l’impôt sur le revenu (près de la moitié du réseau), aucun allégement n’est prévu. « En définitive, la fiscalité a évolué favorablement pour les entreprises, en contrepartie la fiscalité des particuliers a explosé avec la CSG, la CRDS, les contributions exceptionnelles, le nouveau barème de l’IRPP, les rabots fiscaux… », constate avec le recul Olivier Delétoille, invitant toutes les officines à basculer à l’IS.
« En tout état de cause, ces mesures en faveur des entreprises restent très en dessous de ce qui permettrait de remettre à flot le secteur de l’officine », conclut Patrick Bordas. Dans une profession dont 80 % des ressources sont tributaires des mesures d’économie prises pour équilibrer les comptes de l’Assurance maladie, « les revenus de la pharmacie dépendent plus des politiques successives de santé que des mesures d’allégement fiscal et social pour les entreprises », complète Olivier Desplats. Et avec les baisses de prix des médicaments remboursables, l’Etat rend beaucoup moins que ce qu’il a pris à l’officine.
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