La profession s’enflamme - Le Moniteur des Pharmacies n° 3139 du 20/08/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3139 du 20/08/2016
 
ÉCONOMIE, DÉONTOLOGIE...

Temps Forts

Enjeux

Auteur(s) : LOAN TRANTHIMY, MARJOLAINE LABERTONIÈRE ET MATTHIEU VANDENDRIESSCHE 

Deux ans après la mobilisation sans précédent des pharmaciens contre la loi Macron en 2014, la profession attend l’arbitrage ministériel sur trois dossiers sensibles : l’économie officinale, la réforme du code de déontologie et la vente en ligne.

Cette rentrée s’annonce agitée. Plus que jamais, la priorité des pharmaciens est d’enrayer la dégradation économique due aux baisses de prix des médicaments programmées par les lois de financement de la sécurité sociale successives (LFSS). Début juillet, l’ensemble des représentants de la profession a réclamé la concrétisation, avant la prochaine convention nationale pharmaceutique (en 2017), d’un engagement pluriannuel de l’État et de l’Assurance maladie en faveur de l’économie de l’officine, de l’évolution du mode de rémunération et du métier. Reçues au cabinet de la ministre de la Santé le 9 juillet, la FSPF et l’USPO ont entrevu une issue favorable à la poursuite de la redéfinition du rôle et des missions du pharmacien d’officine. Une réunion de travail du comité de liaison avec les représentants de l’Assurance maladie et de la direction générale de l’offre des soins est prévue le 13 septembre. Mais depuis, du côté ministériel, «   c’est silence radio   », déclare Philippe Gaertner, président de la FSPF. «   Nous attendons les orientations économiques de la ministre. Elle doit rendre son arbitrage en indiquant un nombre de pistes qui se retrouveront, à la fois dans le projet de loi -le PLFSS 2017- et dans la lettre de cadrage des négociations conventionnelles. Il faut un plan pour l’officine   ». En attendant, les deux syndicats appellent les pharmaciens à poursuivre leur mobilisation via les actions lancées cet été. Ils sont en effet invités à arborer dans leur vitrine une affiche destinée au grand public et, jusqu’au 15 septembre, à voter sur le site consacré à la grande consultation (ouverte jusqu’au30 septembre), puis à faire leurs propres propositions. «   A la date du 20   août, nous avons déjà recensé plus de 600 propositions sur la grande consultation et plus de 2 300 réponses sur nos propres propositions   », se félicite Gilles Bonnefond, président de l’USPO. « 90 % des répondants sont par exemple en faveur du contrat pluriannuel avec l’Etat », ajoute-t-il. De son côté, Philippe Gaertner, ne mâche pas ses mots : « Nous privilégierons toujours la négociation, à condition qu’elle soit équilibrée. Aujourd’hui, cet équilibre n’est pas respecté et ce, au détriment de l’officine. J’espère que la discussion avec l’Etat permettra d’avancer intelligemment. Mais si nous en avons besoin, nous ne nous priverons pas de la force ».

Toilettage du code de déontologie : avec ou sans clause de conscience

L’autre dossier sensible de cette rentrée concerne la réforme du code de déontologie et de communication. La présidente de l’Ordre national des pharmaciens, Isabelle Adenot, a indiqué mi-juillet que le projet avait été voté par ses instances, puis soumis à l’avis des pharmaciens (sur un site) jusqu’à fin août, avant une adoption définitive le 6 septembre. Cette refonte s’accompagne d’une révision des règles de communication et de publicité des officines. «   On ne touchera pas à la communication concernant le monopole pharmaceutique, c’est-à-dire les médicaments. En revanche, les pharmacies pourront communiquer, à certaines conditions, sur les services qu’elles proposent, et les enseignes de pharmacies devraient pouvoir communiquer sur des sujets relatifs à des thèmes de santé publique   », révèle Isabelle Adenot.

Et Quid de la clause de conscience que l’Ordre a souhaité introduire dans le nouveau code de déontologie ? Cette proposition a soulevé une vive polémique. Début juillet, les pharmaciens avaient été, en effet, invités par l’instance ordinale à s'exprimer sur l’intérêt d’introduire dans le nouveau code une clause de conscience. Mais l'article, soumis au vote, a fait réagir des pharmaciens et étudiants, organisés en collectif. Le 19 juillet, ils ont adressé à Isabelle Adenot une pétition réclamant le retrait de cette clause. Alertée, Laurence Rossignol, ministre de la Famille, s'est déclarée inquiète pour le droit des femmes. Quant à Marisol Touraine, elle s'est dite «   vigilante, mais confiante   » dans les intentions de l'Ordre. Opposés à l'avortement, les soutiens à la clause, se sont également manifestés, tels le député-maire Jacques Bompard (Ligue du Sud) ou Alliance-Vita, proche de la Fondation Lejeune. Selon plusieurs professeurs de droit pharmaceutique, la formulation «   le pharmacien peut refuser d’effectuer un acte pharmaceutique susceptible d’attenter à la vie humaine   » peut concerner les médicaments de la fin de vie, mais aussi l'IVG, voire la contraception d'urgence. Phillippe Gaertner et Gilles Bonnefond, ont regretté un «   emballement excessif   » pour un projet inutile dans les cas évoqués. Face à la tempête, l'Ordre a préféré suspendre la consultation, et prévoit pour la prochaine délibération du 6 septembre, «   de ne pas maintenir en l’état le projet de clause de conscience   ».

Vente en ligne : les bonnes pratiques finalisées

Le commerce en ligne de médicaments divise la profession : d’un côté les pionniers du e-commerce qui souhaitent la libéralisation des règles, et de l’autre ceux qui plaident en faveur d’une grande sécurisation du dispositif. En mai, après de vives critiques de l’Autorité de la concurrence sur la réglementation envisagée par le ministère de la Santé, le gouvernement a, en effet, revu sa copie en finalisant deux nouveaux projets d’arrêtés transmis en juillet, à faire valider par la commission européenne : un div portant sur les bonnes pratiques de dispensation des médicaments en ligne et au comptoir, réclamé depuis 2007 par la profession, et un autre relatif aux règles techniques concernant les sites de vente en ligne. La position ministérielle sur ce sujet est claire : la dispensation au détail des médicaments est réservée aux pharmaciens d'officine en raison de leur compétence scientifique. Par ailleurs, cette pratique doit être encadrée. Conséquence : aucun assouplissement des règles réclamées par les pharmaciens pionniers de l’e-commerce ne semble avoir été acté. L'activité de commerce électronique doit être réalisée dans le respect des conditions générales d'installation de l'officine prévues par la réglementation, qui indique notamment que «   les locaux de l'officine forment un ensemble d'un seul tenant. Toutefois, des lieux de stockage peuvent se trouver à proximité immédiate, à condition qu'ils ne soient pas ouverts au public et ne comportent ni signalisation, ni vitrine extérieure   ». La commande doit être préparée au sein de l'officine, dans un espace « adapté » et la sous-traitance de tout ou partie de l'activité de vente est toujours interdite, de même que le référencement dans des moteurs de recherche ou des comparateurs de prix contre rémunération. «   Nous avons aménagé le div, de manière à le rendre compatible avec la réalité de l’officine et pour créer un équilibre entre la dispensation au comptoir et celle sur Internet », commente Gilles Bonnefond. Les projets d’arrêtés ont été transmis en juillet à la Commission européenne qui rendra son avis en novembre.

À RETENIR


•  Pour faire pression sur le gouvernement en vue de l’arbitrage économique, les syndicats appellent les pharmaciens à intensifier leurs actions lancées en juillet.

•  Le 6 septembre, l’Ordre des pharmaciens devra se réunir pour adopter la version définitive du nouveau code de déontologie.

•  La Commission européenne doit donner son avis avant novembre sur les nouveaux projets d’arrêtés de bonnes pratiques de délivrance au comptoir et en ligne.

REPÈRES 

LE CODE DE DÉONTOLOGIE EN 4 QUESTIONS


1 QUAND EST APPARU LE CODE DE DÉONTOLOGIE ?

Le terme de « déontologie » apparaît pour la première fois en France en 1825, dans la traduction de « l'Essai sur la nomenclature et la classification des principales branches d'Art et Science », du philosophe utilitariste anglais Jeremy Bentham. Il écrit ainsi : « “L'éthique” a reçu le nom plus expressif de “déontologie” ». La déontologie correspond donc à l’ensemble des principes moraux et des règles éthiques qui encadrent l’activité professionnelle des pharmaciens. Le premier code de déontologie des pharmaciens date de 1953 (1941 pour les médecins). Il a ensuite été révisé par le décret n° 95-284 du 14 mars 1995.


2 QUE CONTIENT LE CODE DE DÉONTOLOGIE ?

Le Code énonce les devoirs professionnels envers les patients, ainsi que des règles s’appliquant à l’exercice professionnel. Il est actuellement divisé en deux parties : la première s’applique à tous les pharmaciens ; la seconde détaille les règles propres à chaque exercice professionnel (officine, pharmacie à usage intérieur, industrie…). Par exemple, dans la première partie, figurent le respect de la vie et de la personne humaine, la préservation de l’indépendance professionnelle, le respect du secret professionnel. Concernant les modes d’exercice, le Code interdit au pharmacien d’officine de délivrer un médicament non autorisé. Il fixe aussi les règles de tenue de l’officine : présentation intérieure et extérieure de la pharmacie, publicité, information sur les prix, etc. Tous les articles du Code de déontologie figurent dans le Code de la santé publique.


3 QUELLES SANCTIONS EN CAS DE NON RESPECT ?

En cas de comportement fautif, le pharmacien risque un avertissement, un blâme avec inscription au dossier, l'interdiction temporaire ou définitive de fournir les établissements publics ou reconnus d'utilité publique, les communes, les départements ou l'Etat. On peut aussi lui interdire d’exercer la pharmacie pour une durée maximum de cinq ans, avec ou sans sursis, ou définitivement. Outre ces sanctions, le pharmacien peut être poursuivi pénalement.

4 POURQUOI UNE RÉVISION DU CODE ?

En 2015, Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), a proposé une refonte du code actuel afin de l’adapter aux évolutions de l’exercice professionnel et de la société. Les travaux ont abouti à la rédaction d’un projet de div présenté aux pharmaciens début juillet. Ce projet comprend 48 articles contre 77 actuellement. 

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !