« Ma vie de pharmacien 1986-2016 » - Le Moniteur des Pharmacies n° 3135 du 02/07/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des pharmacies n° 3135 du 02/07/2016
 
POINT DE VUE

Vous avez la parole

Auteur(s) :

DELPHINE CHADOUTAUD, TITULAIRE À ORSAY (ESSONNE)

1986, j'ai 30 ans, je viens d'acheter ma première pharmacie, je suis si fier ! Les banques m'ont suivi sans problème. Le seul point qui les a chagrinées, c'est que je me suis marié sans contrat de mariage. Qu'importe ! Je sais que mon mariage durera toute la vie !

1996 : les pharmacies mutualistes nous entraînent dans le tiers payant. Ça va être compliqué ça... En plus, les grandes surfaces vendent maintenant la parapharmacie, ça complique les choses... Je bosse de plus en plus, ma femme fait la gueule et je vois moins mes enfants... J'ai dû revendre la belle Audi que je m'étais offerte, ce n'était pas raisonnable...

2006, j'ai dû ré-étaler mon emprunt. Ma femme m'a quitté, ça m'a coûté un bras. Je ne vois plus mes enfants qu'un week-end sur 2. Je devrais dire un dimanche sur 2 : tous les samedis je suis scotché au comptoir. Ma bonne marge d’antan a chuté, mon CA a bien augmenté mais je n'ai pas de quoi embaucher, alors à 50 berges, je bosse 50 heures par semaine et n'ai plus goût à sourire au comptoir. « Carte Vitale ? Carte de mutuelle ? Vous n'avez pas celle de cette année ? ». Je suis devenu un administratif. Un larbin de la sécu. J'ai chaque année 10 000 € d'impayés parce que je suis trop sympa et je n'ai pas le cœur de refuser un traitement d'urgence à un patient qui n'a pas sa carte Vitale ou sa mutuelle à jour...

2016, voilà, j'ai mon protocole BASIC, j'ai fait mon infarct'. Je suis stenté de partout. Je vendrais bien, à 60 ans, j'en peux déjà plus, mais ma pharmacie est invendable : petite pharmacie de quartier avec un EBE faiblard... Moi je sais que j'ai une patientèle charmante et fidèle, mais c'est loin d'être un argument... ma marge s’est effondrée, je ne suis plus compétitif sur le non remboursé, je passe trop de temps avec mes patients, je ne suis pas « rentable », ni « productif ». Je passe des heures à rentrer les RPPS tellement je suis à 0,15 € près... J'étais larbin de la sécu, j'en suis devenu un flic payé aux cacahuètes ! J'ai été naïf... Je pensais que pharmacien c'était une profession de santé, mais en fait c'est un métier de chef d'entreprise et moi je n'étais pas armé pour ça. Je vais jeter l'éponge, je vivrai de peu... J'aspire à profiter de mes petits-enfants, plus que je n'ai profité de mes enfants... Ma maison sera assez grande pour qu'on y joue sans fin... même serrés !

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