Inutile de croireque tout va changer - Le Moniteur des Pharmacies n° 3132 du 11/06/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3132 du 11/06/2016
 
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Temps forts

ENJEUX

Auteur(s) : Chloé Devis

Alors que l’Ordre poursuit sa consultation en vue d’un éventuel assouplissement des règles de communication officinale, le syndicat FSPF a fait connaître le point de vue de ses adhérents : plutôt tiède. La profession ferait-elle preuve d’archaïsme, selon les termes de certains groupements, ou de saine prudence ?

Preuve qu’on est loin du consensus, l’Ordre reste flou quant à la date à laquelle il dévoilera l’issue de la consultation lancée à l’automne autour de la réforme du Code de déontologie : prévue avant l’été… ou à la rentrée. Syndicats, groupements, pharmaciens et étudiants ont été invités à contribuer à la réflexion sur le droit à communiquer, jugée incontournable à l’heure d’internet. Mais la FSPF est allée plus loin en soumettant le questionnaire de l’Ordre à ses adhérents. Pour son président Philippe Gaertner, avec 700 réponses, les résultats livrent une tendance significative au sein de la profession. Et reflètent les positions de la FSPF, « même si on s’attendait à un tout petit peu plus d’ouverture », admet son président. Car c’est bien le conservatisme qui l’emporte. La majorité des répondants se disent « globalement satisfaits des outils existants » et « ne souhaitent pas une libéralisation outre mesure des conditions de publicité des officines ». Frilosité ? Avant tout, « le risque de déstabilisation du réseau, lié à la capacité financière inégale des officines », pointe Philippe Gaertner. Lui-même insiste : pas question de « donner prise au détournement de clientèle avec la mise en œuvre d’éléments d’attractivité hors médicaments ». Derrière la crispation se profile une autre crainte, celle d’une perche tendue à l’ouverture du monopole. Les adhérents de la FSPF défendent bel et bien une évolution des divs, destinée à préciser les usages des nouvelles technologies de l’information et de la communication. La fédération se prononce aussi en faveur de la légalisation de moyens de fidélisation. Mais sans remettre en cause un cadre global restrictif, au nom, en premier lieu, de « l’intérêt du patient ». Des réserves qui trouvent un écho du côté de l’USPO. Si son président, Gilles Bonnefond, reconnaît la nécessité d’ajustements pour permettre aux groupements de communiquer plus librement sur leurs services, « la question reste en suspens en ce qui concerne les GIE, au vu des risques de déstabilisation à l’échelle locale ». Le responsable syndical, par ailleurs favorable à une explicitation de la fameuse formule « avec tact et mesure », redoute également les excès en matière promotionnelle. « L’équilibre est difficile à trouver », reconnaît-il.

Une frilosité due à la peur de la concurrence

Marcher sur des œufs, ce n’est pas la solution pour Jean-Luc Fournival, son homologue de l’UNPF. « La frilosité des pharmaciens en matière de communication est un syndrome du refus de la concurrence », diagnostique-t-il. Jean-Pierre Dosdat, président d’Objectif Pharma, enfonce le clou : « Le pharmacien vit en vase clos, alors que tout change rapidement. Mais les murs ne vont pas tenir longtemps », prévient-il. Selon les partisans d’une libéralisation accrue, le retour de bâton pourrait faire mal : « Il est normal que la profession ait peur, à cause des dérives possibles. Reste que le statu quo rend les dérives inéluctables et encore plus incontrôlables », argumente Laurence Bouton, directrice générale d’Alphega et vice-présidente de Federgy. Dans le condiv du recul de l’ordonnance et de l’érosion des marges, « l’officine doit pouvoir faire le poids face aux autres réseaux de distribution qui n’ont aucune contrainte en matière publicitaire », ajoute Frank Vanneste, président de Giropharm. Pour cela, il souhaite des « moyens ciblés et légaux » permettant aux groupements de jouer pleinement leur rôle dans ce sens. L’axe commercial n’est pas oublié : « Nous avons déjà vécu l’arrivée de la parapharmacie en grandes surfaces : nous devons anticiper cette éventualité en ce qui concerne l’OTC en bénéficiant des moyens de communication nécessaires, car on ne change pas le Code tous les jours », note Laurence Bouton. Les groupements jouent gros dans les futures évolutions : « Sans pour autant aliéner l’indépendance de leurs membres, les enseignes doivent pouvoir leur offrir une communication professionnelle tous azimuts, à la fois positive pour l’image de l’officine et valorisante pour leurs compétences en matière d’éducation sanitaire notamment », souligne la dirigeante d’Alphega. Mais si les « libéraux » plaident l’urgence d’une réforme, ils sont moins précis dans la définition des applications pratiques. Car ils n’entendent pas jeter l’éthique avec l’eau du bain : ils ne plaideront pas pour des spots télévisés ou des flyers dans les boîtes à lettres. En revanche, « les pharmaciens doivent pouvoir utiliser les outils modernes d’animation en vitrine, mais aussi exploiter les ressources digitales – là encore, dans le cadre de bonnes pratiques », estime Jean-Luc Fournival. D’autant qu’avec internet, les frontières sont ouvertes… pour le meilleur et le pire. D’ailleurs, « dans nombre de pays étrangers, les règles sont plus souples. La profession et les patients ne s’en portent pas plus mal », tranche Laurence Bouton. L’Ordre l’entendra-t-il de cette oreille ?

A RETENIR

• La FSPF a dévoilé les 700 réponses de ses adhérents sur l’évolution des règles de communication dans le code de déontologie.

• La plupart des répondants ne souhaitent pas une libéralisation outre mesure des conditions de publicité des officines.

Les groupements, partisans d’une libéralisation accrue, savent qu’ils jouent gros dans les futures évolutions .

• L’ Ordre dévoilera l’issue de la consultation probablement à l’automne.

TROIS QUESTIONS À STÉPHANE BILLON, économiste de la santé

« Pour garder un marché, il faut communiquer »

Comment percevez-vous le positionnement des pharmaciens face à une possible libéralisation du droit à communiquer ?

Stéphane Billon : A l’image de l’attitude adoptée face aux entretiens pharmaceutiques, ils fustigent les conséquences d’une telle démarche sans même s’y être essayés. Au fond, ils souhaiteraient revenir à un âge d’or qui n’existera plus.

Qu’opposez-vous à la crainte d’un glissement vers l’ouverture du monopole ?

S. B. : La première règle, quand on cherche à vous prendre un marché qui relève de votre métier, c’est de davantage communiquer à destination des populations aux besoins divers en matière de santé et de bien-être. Oui, nous changeons d’époque, mais ce n’est pas forcément négatif : la demande de biens et services médicaux et paramédicaux ne cesse de croître. Les pharmaciens ne veulent pas que les médicaments soient vendus en supermarché ? Alors c’est le supermarché qui doit aller à l’officine. Sinon, ils se feront dépasser.

Qu’en est-il des risques d’une distorsion de concurrence entre officines induite par des moyens de communication inégaux ?

S. B. : L’officine qui a les moyens de communiquer le fait déjà par des procédés dérivés : une offre plus large, plus de conseillers en rayon, une enseigne plus léchée… Le problème, ce n’est pas la pharmacie d’en face, mais l’épicerie. Or celle-ci n’est pas un professionnel de santé. Il y a donc aussi préjudice pour l’organisation des soins. Le pharmacien, lui, a toute légitimité pour communiquer sur les marchés de santé.

PROPOS RECUEILLIS PAR CHLOÉ DEVIS

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