Un nouveau souffle - Le Moniteur des Pharmacies n° 3128 du 14/05/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3128 du 14/05/2016
 
COOPÉRATIONS COMMERCIALES

Temps forts

ENJEUX

Auteur(s) : François Pouzaud

Avec la nouvelle réglementation sur les remises sur les génériques, on a peut-être un peu trop vite enterré les coopérations commerciales. Celles-ci pourraient même vivre une seconde jeunesse, à en croire les groupements, l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) et certains laboratoires de génériques.

Le gisement des coopérations commerciales toucherait-il à sa fin ? Dans son rapport publié le 27 avril sur les contrôles des pratiques commerciales des acteurs du secteur pharmaceutique et de leurs intermédiaires, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sort à nouveau le carton jaune. Le bilan de ses investigations menées en 2014 révèle que, malgré une certaine amélioration, la transparence des relations commerciales entre les officines et les laboratoires laisse toujours à désirer. Parmi les infractions relevées sur les coopérations commerciales: des critères de rémunération des prestations de service peu lisibles, des facturations et conventions imprécises, des pratiques opaques des prestataires de services auxquels ont recours les laboratoires pour promouvoir leurs produits auprès des pharmaciens… Autre coup dur: avec le passage des remises de 17 % à 40 % du prix fabricant hors taxe du générique le 1er septembre 2014, la ligne « prestations commerciales » s’est tassée au profit de celle des marges (après remises) dans les bilans 2015 des officines. Et pourtant, les partenaires de l’officine considèrent que les coopérations commerciales ont encore de l’avenir. A commencer par le président de Sandoz, Frédéric Girard, dès lors que ces pratiques s’inscrivent dans le respect de la législation et de la stratégie de communication du laboratoire. « Sandoz a fait le choix de communiquer sur sa marque par l’intermédiaire des professionnels de santé. Des thèmes comme l’OTC, la préparation des doses à administrer et l’observance peuvent être des pistes intéressantes pour mettre en avant notre rôle d’entreprise responsable ».

Les groupements gagnants

Les groupements n’en pensent pas moins. Pour Lucien Bennatan, président du groupe PHR, la stratégie de défense des marques des génériqueurs auprès des patients va évoluer. Elle passera davantage par les groupements et enseignes que par les pharmacies individuellement. « Plus les baisses de prix opéreront, plus les génériqueurs vont réduire leurs achats de services et d’espaces dans les officines, argumente-t-il. Ils chercheront à collaborer avant tout avec les groupements capables de leur apporter des services différents et de la visibilité sur leurs marques, et de leur faire gagner des parts de marché. » Christian Grenier, président de Federgy, chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacies prédit également que les relations commerciales vont se renforcer assez rapidement entre groupements et génériqueurs. « La bataille de la logistique et de l’achat va changer la donne à l’horizon de 2017, explique-t-il. L’industrie de la santé se mondialise et les circuits de distribution des produits de santé se concentrent pour des raisons de coût, cette réorganisation mondiale aura des conséquences directes sur la pharmacie, à travers des accords avec les laboratoires. Certains génériqueurs n’auront plus les mêmes stratégies et seront plus intéressés par une relation commerciale groupée avec une structure fédérant 1 000 adhérents plutôt que par des relations individuelles avec 1 000 pharmacies. » Mais pour que cette hypothèse se matérialise, « il faudra d’abord que le groupement apporte la démonstration qu’il est plus intéressant de passer par lui que par l’adhérent », souligne Frédéric Girard. Sur ce point, EG Labo propose quelques éléments de réponse. Ce laboratoire a défrayé la chronique au moment du déplafonnement des remises, en étant le seul génériqueur à maintenir 17 % de remises aux pharmaciens, alors que ses concurrents consentaient 40 % de remises sur une majorité de leurs produits. En jouant la carte des groupements, ce laboratoire a démontré que l’on pouvait maintenir ses parts de marché, sinon les faire progresser, autrement qu’en proposant la remise maximale sur un prix administré.

Mutualiser les achats et les services de coopération commerciale

Sa recette ? « La relation commerciale garde son intérêt, il appartient seulement au laboratoire d’être suffisamment inventif sur des systèmes de promotion pour pouvoir exister sur son marché, répond Pascal Faye, président d’EG labo. Le rôle du groupement sera à l’avenir très important pour donner de la visibilité à nos marques et les services apportés par le “couple groupement/pharmacien” seront déterminants dans les relations commerciales. »

Quid des pharmacies non affiliées à un groupement ? Le regain des coopérations commerciales ne risque-t-il pas de créer des discriminations entre les grosses officines et les plus petites ? Pour éviter cet écueil, l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) propose de mutualiser les achats en autorisant les contrats de coopérations commerciales entre plusieurs officines et les rétrocessions. « Les deux vont de pair, explique François Gayon, conseiller du président de l’UNPF, cela permettrait aux pharmaciens de rendre un service plus performant et d’augmenter proportionnellement le montant des coopérations, et au laboratoire de générique sélectionné par le groupe de pharmaciens de gagner en audience. » Si cela peut à l’évidence donner de l’oxygène aux plus fragiles, on peut toutefois s’interroger, dans ce schéma, sur la capacité des génériqueurs à verser des rémunérations stables et pérennes aux officines, alors que leurs marges vont de plus en plus se restreindre avec les baisses de prix. Voila pourquoi Christian Grenier, lui, ne partage pas la proposition de légaliser les rétrocessions, alors même que celles-ci viennent de se faire épingler par la DGCCRF. « Dans son rapport, l’organisme de contrôle souligne que les rétrocessions sont pratiquées à grande échelle dans le cadre de structures qui font le même travail que les centrales d’achats pharmaceutiques sans avoir la qualité d’établissement pharmaceutique, et qu’elles dérégulent le marché », précise-t-il. Si le marché continue à se déréguler et que la profession laisse faire, les pouvoirs publics prendront un moment donné des mesures fortes contre les pharmaciens (ouverture du capital, ouverture du monopole…). Pour l’heure, la mutualisation des outils, des moyens et des services fait en tout cas consensus entre l’UNPF et le président de Federgy. « Les contrats individuels officinaux de coopération commerciale disparaîtront », martèle Christian Grenier. Pour qu’au final, tout le monde y trouve son compte ? Le laboratoire de générique dont la marque sera mieux « poussée » par les actions du groupement, le groupement, prestataire de service rémunéré en tant que tel, et les pharmaciens adhérents eux-mêmes qui, comme le mentionne la DGCCRF dans son rapport, bénéficient dans certains cas d’une redistribution des rémunérations par leur groupement.

LES CHIFFRES CLÉS

– Pour une pharmacie moyenne avec un CA de 1,53 M€, les coopérations commerciales se sont montées à 13 000 € en 2015 contre 37 000 € en 2014, soit une baisse sur un an de 64,8 %.

– Parallèlement, les remises génériques ont été de 61 000 € contre 35 000 € en moyenne en 2014, soit une hausse de 74,2 %.

A RETENIR

• Les génériqueurs cherchent à développer la notoriété de leur marque.

• Pour cette raison, les coopérations commerciales sont toujours d’actualité, même si leur montant a baissé depuis la mise en place du nouveau plafond des remises sur les génériques.

• Les coopérations commerciales vont basculer des officines individuelles vers les groupements selon ces derniers, qui estiment avoir plus de moyens pour pousser la marque d’un laboratoire partenaire. À charge pour eux d’en faire la preuve.

• Les pharmaciens ne seront pas perdants, dès lors que les rémunérations versées au groupement leur seront redistribuées. Une pratique déjà consacrée par l’usage, relève la DGCCRF.

• L’UNPF propose la mutualisation des achats via la rétrocession (à légaliser) et des coopérations commerciales.

REPÈRES

Spécificités des coopérations commerciales

1 Qu’est-ce qu’un contrat de coopération commerciale ?

C’est une convention par laquelle un distributeur ou un prestataire de services s’oblige envers un fournisseur à lui rendre, à l’occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs, des services propres à favoriser leur commercialisation qui ne relèvent pas des obligations d’achat et de vente. Ces services sont destinés à promouvoir, à stimuler ou à faciliter la revente des produits (la substitution dans le cas des médicaments génériques). Toute coopération commerciale doit faire l’objet d’un contrat écrit dont chaque partie détiendra un exemplaire.

2 Que doit préciser le contrat ?

Il doit permettre de connaître :

• la nature des services rendus ;

• les produits auxquels ils se rapportent ;

• la date à laquelle les services seront réalisés ;

• la durée desdites prestations de service ;

• enfin, et surtout, les modalités de la rémunération, sachant que celle-ci ne doit pas être disproportionnée par rapport à la valeur du service rendu.

3 Pourquoi ce formalisme ?

Le formalisme de ce contrat est prévu dans le code de commerce, donnant ainsi à l’administration les moyens d’une plus grande efficacité de ses contrôles. Les coopérations commerciales doivent être prévues dans la convention annuelle qui doit être conclue avant le 1er mars de chaque année. Cette convention annuelle (ou plan d’affaires) regroupe les conditions de vente résultant de la négociation commerciale, les services prévus dans le cadre de la coopération commerciale et les autres services.

4 Quels sont les services visés par la coopération commerciale ?

Mise en avant des produits sur le lieu de vente ou à des emplacements privilégiés (vitrines, têtes de gondole, mini-stand…), mise en place de PLV (affiches, dépliants précisant les spécificités des produits du laboratoire) sont les services les plus courants. En revanche, des réponses à des enquêtes, des remontées de statistiques, et d’une manière générale, toute action qui n’est pas visible par le consommateur ne peuvent pas avoir le caractère de coopération commerciale et relèvent d’autres obligations contractuelles destinées à favoriser la relation commerciale.

5 Comment ces services sont rémunérés ?

La rémunération doit être en rapport avec la prestation délivrée. Celle-ci peut être exprimée en un pourcentage du chiffre d’affaires global, ce taux pouvant être retenu par ligne de produit. Si c’est un forfait, il convient de définir les modalités de conversion de cette somme en pourcentage du CA global.

6 Quelle est la différence avec les remises ?

Les remises sont un avantage commercial réglementé par la loi. Elles se traduisent par une réduction de prix acquise à la date de la vente et directement liée à cette opération. Son règlement immédiat donne lieu à une déduction sur facture.

7 Peut-on cumuler remises et coopérations commerciales sur le générique remboursable ?

Si les remises sur factures n’atteignent pas le plafond légal de 40 % pour toutes les lignes de produit, des coopérations commerciales peuvent être réalisées. Cependant, le budget « services » additionné aux remises doit rester dans les limites du plafond autorisé.

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