Prenez-la en main ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 3124 du 16/04/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3124 du 16/04/2016
 
SANTÉ CONNECTÉE

Temps forts

ENJEUX

Auteur(s) : Chloé Devis*, Loan Tranthimy**

Alors que les pharmaciens avaient été les premiers professionnels de santé à faire leur révolution informatique, l’essor des applis et objets connectés dans le domaine de la santé est encore loin d’avoir bousculé les habitudes de l’officine. Si un certain nombre d’incertitudes peuvent expliquer cette frilosité, les bonnes raisons de se lancer ne manquent pas.

Pas un seul jour sans un colloque, un forum ou une conférence sur la santé connecté. Au rendez-vous de l’e-santé, il y a, d’abord, les patients, lesquels intègrent progressivement dans leur quotidien les objets connectés. « A l’horizon de 2020, chaque Français possédera environ 30 objets connectés, tous secteurs confondus, à son domicile », indique David Sainati, pharmacien et dirigeant de la société de certification Medappcare. Selon un sondage PHR/IFOP de septembre 2015, 16 % des Français possèdent déjà un objet connecté bien-être ou santé. De son côté, l’institut Xerfi a annoncé un doublement du taux de dispositifs médicaux connectés cette année. De fait, les médecins eux-mêmes répondent présents : selon un baromètre de l’Ordre des médecins en partenariat avec Vidal, 18 % des praticiens interrogés conseillent des applis à leurs patients et 16 % leur conseillent déjà des objets connectés.

Les pharmaciens, eux, restent encore frileux. « Sur le terrain, il y a encore très peu d’initiatives qui s’appuient sur les objets connectés », constate Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine. Même si, selon un sondage Direct Medica/ Medappcare de mai 2015 publié dans Le Moniteur des pharmacies n° 3082, 6 pharmaciens sur 10 se déclarent prêts à en vendre et 8 sur dix ont identifié deux atouts majeurs de ces innovations : l’amélioration de l’observance et le partage d’informations avec les autres professionnels. Pour Alain Breckler, qui suit de près ces dossiers à l’Ordre des pharmaciens, le frein n’est pas réglementaire (à condition de respecter l’arrêté du 15 février 2002 qui fixe la liste des marchandises dont les pharmaciens peuvent faire commerce dans leur officine) ni financier, car il n’est pas nécessaire d’avoir un stock. Il est surtout « psychologique » : « Les pharmaciens dans le condiv économique actuel n’ont pas forcément envie d’investir dans une nouvelle activité ou ont du mal à identifier leur valeur ajoutée par rapport à d’autres circuits de vente ». De plus, « souvent non utilisateurs, ils pensent que ce sont des gadgets et craignent pour la sécurité des données de santé », pointe David Sainati. Pourtant, « les objets connectés sont un bon outil d’échange, de suivi et de fidélisation des patients ». L’Ordre lui-même se montre résolument encourageant. « Ces nouveaux outils vont faire entrer la pharmacie dans le XXIe siècle et lui permettre de mettre davantage en avant des compétences médicales mais aussi technologiques », souligne ainsi Alain Breckler. Or, alors que les hôpitaux eux-mêmes équipent de plus en plus leurs patients et que l’e-santé s’affirme comme le nouvel eldorado des géants de l’ère digitale, anticiper est le meilleur moyen de ne pas se laisser dépasser. Surtout, « l’officine dispose de réels atouts : la proximité, l’expérience et la crédibilité », note Xavier Pavie, professeur à l’ESSEC Business School.

Des avancées attendues dans la labellisation

Outre quelques indépendants pionniers, les groupements l’ont eux-mêmes compris et explorent actuellement la diversité des champs d’application de la santé connectée. Ainsi, PHR déploie son enseigne de pharmacie digitale Ma Pharmacie Référence avec l’idée de vendre des objets connectés, mais aussi d’y faire appel dans le cadre de consultations diététiques, de l’observance, du maintien à domicile… De son côté, PharmaVie construit un portail Internet pour le suivi des données de santé des patients et mène avec des pharmacies une expérimentation autour du suivi de l’observance de patients hypertendus. Les piluliers électroniques sont au cœur de démarches innovantes initiées par des réseaux, ou des prestataires comme Pharmagest. Car le marché se veut un aiguillon du changement : l’explosion de l’offre d’applis en témoigne, que ce soit en matière de click and collect, d’accompagnement de pathologies, de prévention, etc. Reste que le pharmacien doit faire preuve de proactivité pour tirer le meilleur parti de ces nouvelles technologies. « Le titulaire doit envisager les services à mettre en place autour de ces dispositifs de santé connectée et, en premier lieu, recevoir les fournisseurs, invite Xavier Pavie. Il doit également comprendre les besoins de ses différentes catégories de patients pour leur proposer les objets adaptés. » Sa valeur ajoutée s’exercera également dans la qualité de sa sélection sur le plan de la fiabilité et de la sécurité. « Il faut impérativement s’assurer que les fournisseurs de produits et solutions fassent appel à des hébergeurs agréés de santé », rappelle Alain Breckler. Il faut donc oser poser la question à ses prestataires. Par ailleurs, si certains objets connectés sont déjà classés comme dispositifs médicaux, des avancées dans la labellisation des applis santé reliées aux objets connectés devraient permettre d’y voir plus clair : Medappcare et son concurrent DMD Santé œuvrent en ce sens.

Les pistes de la rémunération

Une question demeure toutefois en suspens, celle de la rémunération. Les marges dégagées par les objets connectés restent modestes, et quid du temps passé en termes de conseil voire de suivi autour de leur utilisation ? Pour certains, la fidélisation des patients suivis via l’objet connecté – depuis les malades chroniques jusqu’aux sportifs soucieux d’améliorer leurs performances – est une réponse en soi. Alors qu’il reste encore délicat de demander au patient de mettre la main à la poche, se dessinent des opportunités de financement par des tiers : pour Gilles Bonnefond, président de l’USPO, « les ARS pourraient équiper d’outils de télémédecine les pharmacies dans les déserts médicaux. De même, la surveillance des patients à l’officine via l’objet connecté pourrait faire l’objet d’une prise en charge par l’Assurance maladie et les complémentaires ». A ces pistes, dont certaines font déjà l’objet d’expérimentations, Pascal Louis en ajoute une autre : « Les laboratoires pourraient eux-mêmes être intéressés à rémunérer les pharmaciens pour un suivi de l’usage de certains produits onéreux à faible volume. »

UN DOSSIER MÉDICAL NUMÉRIQUE TESTÉ DANS DES EHPAD

L’idée n’est pas nouvelle : réussir à embarquer tout le dossier médical du patient sur un support mobile. Un projet dans ce sens est en phase pilote et testé dans deux établissements pour personnes âgées (EHPAD). Infocament, tel est son nom est une clé USB à usage personnel sous format de carte de crédit, « capable de stocker toutes les données de santé les plus lourdes comme l’imagerie médicale, grâce à un algorithme de traitement d’images unique », soutient Jean-Pierre Coustenoble, porteur du projet. Pour pouvoir consulter ce dossier et l’alimenter, le professionnel de santé doit avoir le consentement du patient, l’accès au dossier étant protégé par un mot de passe. Selon Jean-Pierre Coustenoble, « ce projet ne bénéficie pas du soutien ministériel qui préfère miser sur un système centralisé ». En effet, malgré l’échec du dossier médical personnel (DMP), l’Assurance maladie qui s’est vu confier le pilotage de ce projet, vient d’annoncer sa relance en septembre.

À RETENIR

• 11 % des Français utilisent déjà un objet connecté dans le condiv santé/bien être.

• 60 % des pharmaciens déclarent être prêts à vendre des objets connectés car pour eux c’est un moyen pour améliorer l’observance et partager les informations, selon l’enquête du Moniteur des pharmacies et de Meddapcare (n° 3082)

• Le potentiel économique de l’Internet des objets en France : entre 74 milliards d’euros en 2020 et 138 milliards d’euros en 2025, selon un rapport de l’Institut Montaigne (« Big data et objets connectés »).

REPÈRES

Données de santé : de quoi parle-t-on ?

1 Quels sont les types de données de santé ?

La notion de « données de santé » est très large et englobe des réalités différentes. Selon le rapport Bras de 2013, il existe une cinquantaine de sources de données de santé, depuis les enquêtes de centres régionaux de pharmacovigilance aux bases de données des registres du cancer en passant par les enquêtes épidémiologiques de prévalence des caries chez les enfants de 6 à 12 ans. Il faut encore en distinguer les données de santé dites à caractère personnel qui sont une « information relative à la santé d’une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres », rappelle l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP). Ces données-là doivent être conservées par des hébergeurs agréés. Les données du DP en font partie. Enfin, la troisième famille des données de santé englobe les informations issues du « quantified self », autrement dit des applications mobiles et des objets connectés.

2 Qu’est-ce que l’open data ?

On parle d’« open data » lorsque des bases de données de santé sont mises en ligne et sont accessibles sans condition. Dans ce cas, il ne peut s’agir que de données personnelles rendues anonymes et agrégées de manière à ce qu’il soit impossible de réidentifier les individus en croisant les informations. Un certain nombre de jeux de données ont déjà été mis en ligne par le ministère de la Santé, des agences sanitaires ou l’Assurance maladie sur le site data.gouv.fr. Par ailleurs, la Loi de santé a également créé un nouveau Système national des données de santé (SNDS) qui comprendra notamment toutes les données de remboursements de l’Assurance maladie ainsi que l’activité hospitalière. Même s’il s’agit de données anonymes, l’accès à cette base, notamment à des fins d’études et de recherche, sera dûment réglementé et ne sera pas ouvert en open data.

3 Qu’est-ce quele big data ?

L’explosion de la production de données diverses et variées dans le domaine de la santé laisse entrevoir des possibilités intéressantes pour les chercheurs. En effet, dans le même temps, l’amélioration continue de la puissance du calcul informatique permet de mieux traiter ces masses de données considérables. C’est la conjonction de ces deux phénomènes qu’on appelle le « big data ». La ministre de la Santé a aussi lancé à l’automne dernier un groupe de réflexion sur le big data en santé qui, selon elle, devra permettre de « mieux comprendre les maladies, mieux accompagner les patients et mieux anticiper les crises sanitaires ».

4 Quelle est la fiabilité des applis et objets ?

Les patients peuvent utiliser des applications mobiles dans le domaine de la santé reliées ou non à un objet connecté pour leur bien-être (poids, alimentation, activité physique…) ou pour une surveillance purement médicale (taux de glycémie via les glucomètres connectés). Lorsque l’objet connecté est un dispositif médical, sa fiabilité est garantie par le marquage CE. Pour les applications qui relèvent plus du domaine de la forme et du bien être, la qualité est très hétérogène. Quant à la confidentialité des données, la CNIL a mis en garde le public à propos du « quantified self » et conseille l’usage d’un pseudonyme.

5 Les professionnels de santé peuvent-ils échanger des données ?

Oui, mais comme l’a encore rappelé la CNIL en 2014, les échanges de données de santé à caractère personnel par voie électronique entre professionnels de santé habilités sont autorisés uniquement par messagerie sécurisée. Ce type de messagerie a été développé par des associations de professionnels de santé comme Apycript mais également par l’ASIP qui a créé le système MSSanté, lequel peine cependant à décoller.

ÉMILIE BOLLINGER

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