Cahiers Formation du Moniteur
Iatrogénie
LOUISE VIENT À LA PHARMACIE chercher le traitement pour sa fille, Jeanne, âgée de 15 mois : « A chaque poussée dentaire, elle est malade ! ». Elle tend une ordonnance comprenant Amoxicilline 250 mg une cuillère-mesure 3 fois par jour pendant 6 jours, Célestène solution buvable, 80 gouttes par jour pendant 3 jours. Elle a également Zymaduo 300 UI, 4 gouttes le matin, Inexium 10 mg un sachet par jour et Gasviscon 2,5 ml après chaque repas. Jeanne ne grossissant pas suffisamment, la pédiatre a prescrit un lait enrichi, Infatrini, à donner une ou deux fois par jour. « Avec tous ces traitements, ça devient compliqué. Je ne sais plus quand et comment lui donner ses médicaments… ».
• Beaucoup de médicaments peuvent se prendre indifféremment au cours ou en dehors des repas.
• En revanche, pour certaines molécules, la prise au cours du repas est recommandée pour améliorer la tolérance (protection de l’estomac, diminution des troubles digestifs…) ou augmenter l’efficacité en facilitant l’absorption ou en modifiant le métabolisme. Par ailleurs, certains médicaments ont un mécanisme d’action qui justifie une prise à un moment précis du repas.
• Le moment de prise optimal des traitements par rapport aux repas peut être indiqué par le pharmacien sur le conditionnement extérieur des médicaments. Lorsque les traitements sont nombreux, il est préférable de réaliser un plan de prise faisant apparaître les différents repas de la journée.
• Dans le cas de Jeanne, les biberons d’infatrini peuvent être donnés le matin et le soir. Il s’agit d’un aliment diététique destiné à des fins médicales spécifiques présenté en bouteille. Il se substitue aux biberons de lait.
• Les gouttes de Zymaduo doivent être prises le matin à distance du lait en raison de la présence de calcium pouvant chélater le fluor et ainsi diminuer l’efficacité de la supplémentation. Elles seront administrées pures ou diluées dans un peu d’eau ou du jus de fruit.
• L’absorption des anti-inflammatoire stéroïdiens (Célestène) n’est pas influencée par l’alimentation mais il est préférable de les donner après le petit-déjeuner pour protéger la muqueuse gastrique.
• L’antibiotique, amoxicilline, est à administrer au cours des trois repas afin d’améliorer sa tolérance digestive.
• Inexium (ésoméprazole) est un inhibiteur de la pompe à protons. à administrer le matin à jeun pour réduire la sécrétion acide diurne. Pour faciliter la prise pour Jeanne, on préférera le donner avant le déjeuner.
• Gaviscon, en raison de son mécanisme d’action doit être pris à la fin du repas. En effet, l’alginate et le bicarbonate de sodium, au contact de l’acidité gastrique, forment un gel visqueux qui flotte au dessus du contenu gastrique et s’oppose au reflux en constituant une barrière physique.
• Le pharmacien propose à la mère de Jeanne de réaliser avec elle un plan de prise des différents médicaments pour organiser l’administration des traitements.
• Il lui recommande de bien suivre les recommandations pour assurer la bonne tolérance et l’efficacité des traitements.
UNE OSTÉOPOROSE a été diagnostiquée chez Amandine V., 70 ans, à la suite d’une fracture vertébrale. Elle vient chercher son traitement : alendronate 70 mg / colécalciférol 5600 UI (Fosavance), 1 cp par semaine et carbonate de calcium 1 000 mg, 1 cp le matin. Le pharmacien lui recommande de prendre Fosavance 30 minutes avant le petit déjeuner : « Je le prendrai avec un verre de lait d’amande car l’eau, à jeun, ça passe mal ! ».
• L’alendronate est un bisphosphonate qui agit sur la résorption osseuse.
• L’alimentation diminue fortement la biodisponibilité des bisphosphonates. Ainsi, l’alendronate doit être pris à jeun, 30 minutes avant le petit-déjeuner ou 2 heures après un repas.
• Par ailleurs, les bisphosphonates forment avec le calcium des complexes insolubles. Leur absorption intestinale est alors réduite.
• Or, les amandes sont riches en calcium (248 mg pour 100 g). Le jus d’amande, improprement appelé « lait » car dépourvu de lactose, est préparé à partir d’une petite quantité de purée d’amande diluée avec de l’eau. Les jus actuellement commercialisés sont enrichis en calcium.
• Le pharmacien explique à Mme V. les modalités d’administration de Fosavance en insistant sur la prise hebdomadaire, avec uniquement un verre d’eau du robinet (pas d’eau minérale), à distance du petit-déjeuner et de tout produit contenant du calcium, dont le lait d’amande.
• Il recommande aussi d’éviter la position allongée dans les 30 minutes suivant la prise pour limiter le risque d’ulcère œsophagien.
EXIT LE LAIT DE VACHE et place aux yaourts au soja ! Depuis 3 mois, Mme G. a décidé de suivre un nouveau régime. Elle en a discuté avec Gabrielle, l’étudiante en pharmacie. Ce matin, comme chaque mois, elle vient à la pharmacie avec son ordonnance de lévothyroxine : « Mon généraliste m’a dit que ma TSH a augmenté. Il a changé le dosage de mon médicament et veut que j’aille voir mon endocrinologue ». Gabrielle s’interroge.
• La production des hormones thyroïdiennes est gouvernée par une glycoprotéine hypophysaire, la TSH. L’équilibre en hormones thyroïdiennes dans le sang est maintenu grâce à un système de rétrocontrôle. Lorsque le taux d’hormones thyroïdiennes baisse, la production de TSH augmente.
• Or, les protéines de soja interagissent avec les hormones thyroïdiennes (mécanisme non élucidé) en diminuant l’absorption intestinale des hormones.
• Les isoflavones de soja de structure proche de celle des hormones thyroïdiennes peuvent participer à la dysrégulation de l’équilibre thyroïdien.
• Une perte d’efficacité du traitement et une perturbation de l’équilibre thyroïdien est possible.
• Il est donc préférable d’espacer la prise de soja de celle de lévothyroxine d’au moins 2 heures.
• Gabrielle suggère que la récente cure de soja puise être responsable de l’augmentation de la TSH.
• L’arrêt de la consommation du soja n’est a priori pas impératif, mais Gabrielle incite Mme G. à en parler avec son endocrinologue.
ALEXANDRINE C., 22 ANS, est excitée à l’idée de son imminent voyage au Vietnam. Elle vient à la pharmacie chercher son traitement antipaludéen : atovaquone 250 mg / proguanil 100 mg (Malarone) un comprimé le matin au cours du repas, à débuter la veille du départ et à poursuivre 7 jours après le retour. Alexandrine spécifie qu’elle n’a pas l’habitude de prendre de petit-déjeuner et veut savoir si elle doit quand même prendre son comprimé le matin.
• Malarone est une association schizonticide indiquée dans la prophylaxie du paludisme.
• L’atovaquone est une molécule très lipophile, peu soluble dans l’eau. Sa biodisponibilité orale est faible mais multipliée par 4 par les aliments riches en graisses favorisant sa solubilité. Il est donc recommandé de l’associer à un repas riche en lipides ou à un laitage riche en matière grasse (yaourt, boisson lactée non écrémée).
• La biodisponibilité du proguanil n’est en revanche pas influencée par la composition du repas.
• Concernant les autres antipaludéens, l’absorption de la chloroquine est également facilitée par la nourriture. Le goût amer de la méfloquine incite à son administration au cours du repas.
Afin d’améliorer l’absorption de l’atovaquone, le pharmacien conseille à Alexandrine de prendre son comprimé de Malarone au cours du dîner, plutôt riche en graisses, tous les jours à la même heure.
LILIAN, 28 ANS, est traité pour une tuberculose pulmonaire depuis 2 mois. Alors qu’il vient chercher son nouveau traitement par isoniazide 150 mg/rifampicine 300 mg (Rifinah), il raconte à Noé, le préparateur, qu’il s’apprête à partir une semaine en Suisse pour se reposer : « Au programme : sieste, fondue et chocolat ! » annonce-t-il. Noé réagit.
• La tyramine est une monoamine vasopressive contenue en quantité importante dans certains aliments. Elle est métabolisée dans l’organisme par la mono-amine oxydase (MAO).
• Or, l’isoniazide, antituberculeux bactéricide, possède une activité inhibitrice de la MAO.
• L’apport alimentaire massif de tyramine expose à des effets sympathomimétiques si sa dégradation physiologique par la MAO est inhibée, on parle « d’effet fromage » : palpitations, augmentation de la tension artérielle, céphalées, bouffées de chaleur, tachypnées, sueurs…
• Les aliments riches en tyramine sont principalement les fromages, la bière, le vin, le chocolat, les poissons fumés et les viandes faisandées. Ils doivent être évités au cours de traitement inhibant la MAO, par exemple : isoniazide, moclobémide, procarbazine, rasagiline et sélégiline.
• Ont ainsi été rapportés quelques cas de poussées hypertensives chez des patients traités par isoniazide, sans surdosage, mais ayant consommé du fromage.
• Noé, explique à Lilian qu’il va devoir limiter sa consommation de fromages et de chocolat s’il veut éviter la survenue d’effets indésirables gênants voire graves.
• Il lui rappelle que le médicament doit être pris à jeun et insiste sur la nécessaire observance du traitement pour éviter une rechute.
ELSA, ENCEINTE DE 4 MOIS, est végétarienne. Elle enrichit son alimentation avec des légumineuses riches en protéines. La dernière analyse sanguine a révélé une anémie par carence martiale nécessitant la prescription de Tardyféron 80 mg, 1 cp par jour. Elsa demande au pharmacien si elle peut prendre le comprimé au petit déjeuner : « Eventuellement, mais il ne faut pas l’associer avec du thé, du café ou des céréales ».
• Les besoins en fer d’une femme enceinte sont augmentés d’environ 600 mg en raison de l’élévation de la masse sanguine, de la croissance fœtale et du développement placentaire.
• Il existe deux types de fer apporté par l’alimentation :
– le fer héminique à l’état ferreux apporté par les sources animales (viandes rouges et viandes blanches, abats et charcuterie). Il est absorbé intact avec l’hème. Son absorption n’est pas influencée par le pH gastro-intestinal et l’est peu par les autres constituants des repas.
– le fer non héminique ferrique retrouvé dans les céréales, les légumes frais et les légumes secs, est moins bien assimilé. Le taux d’absorption du fer non héminique peut varier selon la nature de repas.
• Tardyféron contient du fer sous forme de sulfate ferreux. Il est indiqué dans le traitement préventif et curatif de l’anémie par carence martiale. Il est notamment prescrit au cours de la grossesse lorsqu’un apport alimentaire suffisant en fer ne peut être assuré. Son absorption peut être modifiée par certains aliments.
• Ainsi, l’acide phytique, retrouvé dans les céréales et le pain complet ainsi que les tanins, présents dans le thé, limitent l’absorption du fer non héminique et des sels ferreux présent dans Tardyféron par la formation de complexes insolubles.
• La consommation importante de café participe également à un défaut d’assimilation du fer.
• En revanche, la vitamine C favorise l’assimilation du fer non héminique en formant des complexes fer-ascorbate solubles et en réduisant le fer ferrique en fer ferreux mieux absorbé par la muqueuse intestinale.
• Le pharmacien propose à Elsa de prendre Tardyféron à distance des repas (deux heures avant ou une heure après) sauf si elle venait à souffrir de troubles digestifs. Elle devrait alors ne pas l’associer à la prise de thé, café et céréales.
• Le pharmacien lui préconise de diversifier son alimentation en mangeant du cacao, des jaunes d’œuf, des herbes aromatiques (cresson, persil), des céréales complètes, des fruits et légumes secs (amande, noix, haricots, lentilles) riches en fer.
• Enfin, pour faciliter l’absorption du fer alimentaire, le pharmacien conseille à Elsa de consommer au cours des repas des aliments riches en vitamine C (agrumes, kiwis, fruits exotiques, fruits rouges, persil).
CÉLESTE P., 56 ANS, vient à la pharmacie pour le renouvellement de son traitement anticoagulant par warfarine. Elle est ravie de ses vacances passées en Nouvelle Angleterre. Elle raconte à Nathalie, la pharmacienne : « C’est le pays de la canneberge. Cette petite baie possède d’excellentes propriétés anti-oxydantes, vous savez. Je m’en suis fait une véritable cure pendant un mois ». Alertée, Nathalie lui demande comment sont les derniers résultats de son INR mensuel. « Mon INR est légèrement plus élevé que d’habitude, répond Mme P., je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi ? ».
• La canneberge (ou cranberry en anglais), fruit de Vaccinium macrocarpon, est présente dans de nombreux compléments alimentaires et dispositifs médicaux. Ces baies, peu caloriques, sont riches en vitamine C et en flavonoïdes (anthocyanes, flavonols et proanthocyanines) qui lui procurent notamment des propriétés anti-oxydantes. Elle est par ailleurs souvent proposée en prévention des cystites récidivantes à E. coli.
• In vitro, il a été démontré que les anthocyanes présents dans la baie sont des inhibiteurs des cytochromes P450 (CYP) 3A4 intestinaux et CYP2C9, dont la warfarine est le substrat. Cette interaction pourrait induire une augmentation de la biodisponibilité de la warfarine et une majoration du risque hémorragique.
• La canneberge semble également être à l’origine d’une potentialisation de l’effet anticoagulant de la warfarine. Plusieurs cas d’interactions médicament-aliment ont été rapportés entre les AVK et la canneberge avec des conséquences cliniques (saignements) et/ou biologiques (élévation de l’INR). Le mécanisme de cette interaction pharmacodynamique est non encore élucidé.
• Cependant, les données cliniques restent limitées pour exclure toute consommation de canneberge chez des patients traités par AVK. Ils doivent être avertis du risque lié à la consommation de jus ou de comprimés de canneberge, notamment en automédication. Si le patient souhaite maintenir une consommation de canneberge, il est préférable de recommander une prise modérée et régulière, ainsi qu’une surveillance rapprochée de l’INR.
• La pharmacienne explique à Mme P. que la canneberge n’est pas incompatible avec son traitement, mais que sa consommation récente et importante a pu interagir avec la warfarine et perturber son INR.
• Elle lui indique que pour garantir l’équilibre du traitement par AVK, son alimentation ne doit comprendre aucun excès.
• Elle lui rappelle qu’elle doit également être vigilante aux aliments contenant de la vitamine K.
• Elle lui conseille d’appeler dès que possible son médecin pour lui faire part de l’augmentation de l’INR et de sa consommation de canneberge. Une modification de la posologie de la warfarine pourrait être envisagée.
Les interactions médicament-aliment se caractérisent par des variations de biodisponibilité et d’activité d’un médicament, induites par l’alimentation et plus largement par les extraits de plantes et les compléments alimentaires. Les médicaments pris par voie orale et de marge thérapeutique étroite sont les plus concernés. La biodisponibilité d’un médicament par voie orale correspond à la fraction de dose administrée retrouvée dans la circulation sanguine. Elle est principalement dépendante de son absorption et de l’effet de premier passage intestinal et hépatique, lié à l’activité enzymatiques des cytochromes P450 (CYP) et à différents transporteurs (Pgp…).
• Les interactions médicament-aliment sont d’ordre :
– pharmaceutiques, liées à une incompatibilité physicochimique modifiant principalement la vitesse de désintégration et de dissolution du médicament : pH de l’estomac, chélation, lipophilie du milieu…,
– pharmacocinétiques, modifiant le devenir du médicament dans l’organisme au niveau des étapes d’absorption, de distribution, de métabolisme et d’élimination,
– pharmacodynamiques, s’opposant ou potentialisant l’action thérapeutique du médicament.
• Ces interactions sont jugées cliniquement significatives si la baisse des concentrations plasmatiques du médicament engendre la réduction de l’effet thérapeutique souhaité ou si, inversement, l’augmentation des concentrations plasmatiques est à l’origine d’une toxicité aiguë ou chronique, potentiellement grave.
• Les interactions médicament-aliment sont généralement peu sévères. Elles sont jugées bénignes dans 40 % des cas et modérées dans 50 % des cas. Cependant, 10 % des interactions notifiées entraînent des conséquences graves voire fatales.
• Les interactions jugées cliniquement significatives sont de plus en plus fréquentes. Elles semblent corrélées à la consommation en constante augmentation de plantes médicinales et de compléments alimentaires.
• La prévalence des interactions médicament-aliment reste faible (1 %) et probablement sous-estimée en raison de leur détection difficile et d’une formation insuffisante des cliniciens.
• Le risque d’interactions médicament-aliment diffère selon chaque patient. Plusieurs facteurs peuvent influencer l’intensité de l’interaction
– la qualité de l’alimentation (riche en graisses, en fibres, en glucides…),
– le dosage et la durée du traitement,
– l’état nutritionnel, physiologique et pathologique du patient,
– la variabilité génétique du système enzymatique.
• Selon certaines études, les patients les plus à risque d’être exposés à une interaction médicament-aliment sont les patients âgés, polymédiqués, traités par immunosuppresseurs, par anticancéreux ou par antirétroviraux, les personnes dénutries et ceux ayant une nutrition entérale.
• Les interactions médicament-aliment sont plus graves chez les personnes de plus de 70 ans en raison des altérations physiologiques occasionnant des modifications pharmacocinétiques : diminution des fonctions hépatique et rénale, du débit sanguin hépatique, de la masse maigre et augmentation de la masse grasse et du volume de distribution à l’origine d’une possible accumulation.
• Le bol alimentaire produit des réactions chimiques locales pouvant inactiver le médicament en fonction de ses propriétés physicochimiques.
• Les réactions sont variées : hydrolyse, oxydation, précipitation, complexation, chélation…
• Par exemple, les bisphosphonates et les tétracyclines sont chélatés par le calcium et les sulfates ferreux par les oxalates et les phytates. Ces traitements doivent ainsi être pris à 2 heures de distance des repas.
• D’autre part, l’alimentation favorise la sécrétion d’acide gastrique engendrant des modifications d’ionisation du médicament. Or, la capacité à traverser les membranes gastro-intestinales est fonction du degré d’ionisation et de la polarité des molécules. En cas de prise concomitante d’aliments, la biodisponibilité de certains médicaments peut ainsi être modifiée : soit diminuée pour l’azithromycine, l’érythromycine, l’isoniazide…, soit augmentée pour l’atovaquone, la céfuroxime, l’isotrétinoïne, la méfloquine, le saquinavir…
L’absorption intestinale du médicament varie en fonction du temps de transit, de la dissolution du médicament et des réactions d’induction ou d’inhibition des enzymes et transporteurs intestinaux.
• La vidange gastrique est un phénomène qui permet de réguler l’arrivée des nutriments dans l’intestin grêle pour permettre le bon déroulement des phénomènes de digestion et d’absorption et pour assurer le confort digestif post-prandial. La durée de la vidange gastrique a des conséquences variables sur l’absorption des médicaments.
• Les aliments chauds, acides, épais ou visqueux, à teneur élevée en sucre ou sel, constitués de lipides ont tendance à retarder la vidange gastrique. Ainsi le temps d’absorption de certains traitements antibiotiques sera allongé, pouvant entraîner une efficacité différée (notamment pour la fosfomycine, dont l’effet rapide est recherché). A l’inverse, le retard de la vidange gastrique augmente la biodisponibilité de certaines grosses molécules dont la dissolution est améliorée par le brassage du bol alimentaire et l’action des sucs gastriques (par exemple la spironolactone).
• Les repas riches en lipides ralentissent la vidange gastrique. Cependant certains médicaments lipophiles sont mieux absorbés en présence de lipides (ex : atovaquone). En outre, les lipides alimentaires déclenchent la sécrétion des acides biliaires ralentissant le transit intestinal et favorisant aussi la dissolution de molécules comme certains bêtabloquants (propranolol, métoprolol, labétalol), les inhibiteurs de protéase du VIH, la griséofulvine et la carbamazépine. Pour ces molécules, la prise au cours d’un repas riche en graisses est alors fortement conseillée.
• Les enzymes du métabolisme sont déterminées génétiquement et leur activité varie d’un individu à un autre.
• Certains aliments modulent l’action de ces enzymes, les cytochromes P450 (CYP), et des transporteurs d’influx et d’efflux (dont la P-glycoprotéine, P-gp) situés au niveau des entérocytes (voir illustration page 8).
• Le CYP3A4 est impliqué dans le métabolisme de plus de 50 % des médicaments actuellement commercialisés. Le pamplemousse (mais aussi l’orange de Séville ou orange amère, le citron vert et le pomélo) sont riches en furanocoumarines inhibant l’activité du CYP3A4 intestinal, augmentant ainsi les concentrations plasmatiques des médicaments et majorant leurs effets indésirables. Le jus de pamplemousse est ainsi déconseillé avec des statines (simvastatine, atorvastatine), des immunosuppresseurs (tacrolimus, ciclosporine), le cisapride, la buspirone et la carbamazépine. Inversement, certaines plantes médicinales vendues sans ordonnance sont de puissants inducteurs enzymatiques, dont le millepertuis, retrouvé en tisane, infusion ou compléments alimentaires. L’hyperforine, composant du millepertuis, est responsable de l’induction enzymatique des CYP1A2, 2C9, 2C19, 3A4 et 2E1. Son utilisation est notamment contre-indiquée avec les anticonvulsivants, anticoagulants oraux, antirétroviraux, immunosuppresseurs, inhibiteurs de tyrosine kinase, inhibiteurs de protéase. Il est principalement à l’origine d’échec thérapeutique par sous-dosage en raison d’une augmentation du métabolisme et de l’élimination du médicament pris concomitamment.
• Les aliments peuvent modifier l’effet thérapeutique ou toxique des médicaments au niveau de leur site d’action :
– L’alcool inhibe la gluconéogénèse, soit la production hépatique de glucose. Lorsque des antidiabétiques oraux ou l’insuline sont associés à une consommation d’alcool, le risque d’hypoglycémie est majorée. En effet, ces médicaments réduisent la concentration plasmatique de glucose et stimulent son utilisation par le foie, les cellules musculaires et adipeuses.
En outre, l’alcool a un effet sédatif, potentialisant les effets sédatifs des médicaments agissant au niveau du système nerveux central (benzodiazépines, morphiniques…).
– Les aliments riches en vitamine K (choux, épinards, haricots verts, laitue…) ont une action antagoniste des antivitamines K. Leur consommation en excès augmente le risque de perturbation de l’INR.
– L’acide glycyrrhizique, contenu dans la réglisse, peut être à l’origine d’une augmentation de la pression artérielle, par rétention sodée. Son utilisation est à éviter avec les antihypertenseurs et les antiarythmiques.
• D’autres interactions spécifiques entre aliments et médicaments peuvent être citées comme l’effet « fromage ». Il est dû à une interaction entre les inhibiteurs de la mono-amine oxydase (isoniazide…) et les aliments riches en tyramine (dont les fromages) métabolisée par la mono-amine oxydase. Il est à l’origine de céphalées, nausées, palpitations… L’effet antabuse est produit par la consommation concomitante de boissons alcoolisées avec les médicaments inhibant l’enzyme aldéhyde deshydrogénase (ADH) responsable de la dégradation de l’alcool. La consommation d’alcool est ainsi déconseillée avec le métronidazole, le disulfiram, les nitrofuranes, les sulfamides hypoglycémiants, la griséofulvine, l’isoniazide…
La consommation importante de certains aliments peut perturber le pH urinaire et influencer l’élimination et la résorption tubulaire des médicaments acides faibles ou bases faibles. Ainsi, les fruits alcalinisant les urines (famille des agrumes) réduisent l’élimination de la quinidine et des antiarythmiques.
L’élimination du lithium, excrété majoritairement par le rein, est modifiée par l’apport de sodium : un régime hyposodé entraîne une baisse de l’excrétion rénale du lithium et donc une augmentation de la lithémie avec un risque de toxicité. A l’inverse, la caféine favorise l’élimination rénale du lithium.
SAMEDI MATIN, ANTOINE M., 29 ANS, a dû consulter en urgence son dentiste pour un abcès dentaire très douloureux. Il arrive, impatient et contrarié, à la pharmacie pour récupérer son traitement. L’ordonnance comprend : métronidazole et spiramycine (Bimissilor) 1 comprimé matin, midi et soir pendant 6 jours, paracétamol codéiné 1 à 2 comprimés par prise, toutes les 4 à 6 heures selon la douleur et Eludril Gé, un bain de bouche après chaque repas. Le pharmacien, qui connaît bien Antoine et sa famille, l’interpelle : « C’est aujourd’hui que vous vous mariez ? Ce n’est pas de chance, pour vous, ce sera un mariage sans alcool ! ».
• L’éthanol est métabolisé au niveau hépatique en deux étapes par des réactions d’oxydation : la première fait intervenir majoritairement une enzyme, l’alcool deshydrogénase (ADH), transformant l’éthanol en acétaldéhyde, la seconde transforme l’acétaldéhyde en acétate par l’acétaldéhyde deshydrogénase (ALDH).
• Le métronidazole entraîne, lorsqu’il est associé à la prise d’alcool, une réaction connue sous le nom d’effet antabuse.
• Ce médicament inhibe l’ALDH, induisant une accumulation dans l’organisme d’acétaldéhyde. Cette dernière est un vasodilatateur périphérique susceptible de provoquer un malaise général avec sensation de chaleur, une rougeur du visage, des fourmillements, des céphalées, une tachycardie, une hypotension artérielle pouvant aller jusqu’au collapsus cardiovasculaire. Une réaction antabuse peut s’accompagner également de nausées et vomissements.
• Le métronidazole ayant une demi-vie de 8 à 10 heures, la consommation d’alcool n’est autorisée que 3 jours après la fin du traitement.
• La dose seuil d’alcool à partir de laquelle se produit l’effet antabuse n’est pas définie et dépend de l’âge et de la sensibilité individuelle.
• Par ailleurs, la somnolence induite par la consommation d’alcool peut être potentialisée par la codéine. En effet, la sédation et la somnolence sont fréquemment retrouvés avec la prise de codéine.
• Le pharmacien incite Antoine à éviter toute consommation d’alcool, même modérée, avec le traitement prescrit, si le futur marié veut profiter de la fête !
• Il précise que les effets délétères de l’alcool sont amplifiés avec le métronidazole et la codéine.
• Si Antoine préfère commencer le traitement après le mariage, l’administration de paracétamol seul est possible en cas de douleur, en respectant la posologie maximale de 3 g par jour.
M. G., 59 ANS, souffre d’hypertension artérielle traitée par amlodipine. Il surveille attentivement sa pression artérielle en pratiquant l’automesure. Aujourd’hui, alors qu’il vient à la pharmacie renouveler son traitement, il s’étonne de la récente hausse de sa tension : « Je me suis pourtant bien pris en main. Je mange sainement, je bouge et j’ai même arrêté de fumer depuis 3 mois… grâce aux bâtons de réglisse. Est-ce que vous en vendez ? ».
• Les bâtons de réglisse à mâcher correspondent aux organes souterrains de la plante Glycyrrhiza glabra.
• Le principal constituant de la drogue est la glycyrrhizine. Cette substance inhibe une enzyme, la 11-hydroxystéroïde déshydrogénase, responsable de la transformation du cortisol endogène très actif en cortisone moins active.
• A dose élevée de glycyrrhizine, un pseudo-hyperaldostéronisme avec hypertension artérielle et œdèmes peut survenir.
• Le seuil toxique généralement admis de glycyrrhizine serait de 700 mg à 1,4 g par jour pendant plusieurs mois (un bâton de réglisse de 10 g contient approximativement 400 mg de glycyrrhizine).
• L’inhibition de l’enzyme persiste 2 semaines après l’arrêt de la consommation de réglisse.
• Chez l’hypertendu traité par des diurétiques hypokaliémiants, la prise concomitante de réglisse peut également conduire à une perte élevée de potassium.
• Le pharmacien explique à M. G. que la consommation de bâtons de réglisse a pu déséquilibrer sa pression artérielle. Il propose à M.G. d’autres méthodes pour maintenir son sevrage tabagique.
• Le pharmacien lui conseille de surveiller sa pression artérielle dans le mois suivant l’arrêt de la prise de réglisse et de consulter son médecin traitant si nécessaire.
JULES, 5 ANS, 16 KG, sous carbamazépine au long cours, est bien connu de la pharmacie. Il y a quelques mois, il a subi une gastrostomie qui l’aide à s’alimenter. Aujourd’hui, sa mère vient à la pharmacie car Jules souffre d’une otite et le médecin lui a prescrit Doliprane une dose-poids toutes les 6 heures, Amoxicilline 500 mg une cuillère-mesure 3 fois par jour pendant 5 jours, Ultralevure 100 mg 1 sachet matin et soir pendant 10 jours. La maman de Jules montre l’emballage de la nouvelle nutrition entérale enrichie en fibres et interroge Alix, la pharmacienne : « Est-ce que je peux donner les médicaments par la sonde en même temps que la solution de nutrition ? »
• En cas de nutrition entérale et s’il n’existe pas de trouble de la déglutition, la voie orale est toujours à privilégier pour administrer des médicaments.
• Quelle que soit la voie d’administration utilisée (orale ou entérale), des interactions entre les médicaments et la solution de nutrition entérale sont possibles. Elles varient en fonction de la position de la sonde au niveau du tube digestif. Elles dépendent des variations du pH gastro-intestinal et de la composition protéique, lipidique et en fibres de la solution.
• Notamment, les nutritions entérales riches en fibres peuvent réduire l’absorption des médicaments tels que la carbamazépine, le paracétamol et l’amoxicilline par un phénomène d’adsorption.
• Pour faciliter l’administration des médicaments par la sonde, il est préférable de choisir des médicaments sous forme liquide (sirop, suspension).
• Alix explique à la maman de Jules qu’en raison du risque d’interaction, notamment avec la carbamazépine dont la concentration doit rester stable pour éviter la survenue de crise, la nutrition entérale doit être interrompue idéalement 2 heures avant et 2 heures après (et au minimum 30 minutes avant et 30 minutes après) la prise des médicaments par voie orale ou par sonde.
• Si la voie de la stomie est utilisée, la maman de Jules devra respecter quelques modalités pratiques :
– arrêter la nutrition entérale puis rincer la tubulure avec 20-30 ml d’eau,
– les médicaments, même sous forme liquide, doivent tous être dilués dans 20 ml d’eau minérale,
– il convient de rincer la sonde avec au moins 5 ml d’eau minérale entre chaque médicament, qui ne doivent pas être administrés tous en même temps, afin d’éviter une obstruction de la sonde et tout risque d’interactions médicamenteuses. – la sonde sera enfin rincée avec 20 ml d’eau minérale avant de reprendre la nutrition entérale.
Mme V., 53 ANS, souffre de bouffées de chaleur et de troubles vaginaux très gênants. Sa gynécologue lui a prescrit Utrogestan 100 mg et Estreva 0,1 %. Elle confie à la pharmacienne : « Cette ménopause, c’est terrible ! Ma sœur me conseille de manger du soja. Je n’en ai pas parlé à mon médecin mais il paraît que c’est efficace contre les vapeurs. Qu’en pensez-vous ? »
• Les graines de soja contiennent des isoflavones. Ces molécules sont appelées phytoestrogènes en raison de leur structure proche de l’estradiol, bien que leur activité soit 1 000 fois inférieure à celle des estrogènes endogènes.
• L’efficacité des phytoestrogènes est limitée sur les bouffées de chaleur et n’est bénéfique que chez 30 % des femmes occidentales.
• Le traitement hormonal de la ménopause (THM) vise à compenser la carence en estrogènes responsable des troubles du climatère (bouffées de chaleur, sécheresse cutanéo-muqueuse…).
• Il a cependant été mis en évidence que le THM augmente le risque de cancer du sein, l’apport hormonal stimulant la croissance des cellules tumorales sensibles aux estrogènes. Il est donc contre-indiqué en cas d’antécédent de cancer hormonodépendant. Il doit être prescrit à la dose minimale efficace, pour la durée la plus courte possible et réévalué au moins une fois par an.
• L’innocuité des isoflavones de soja n’a pas été démontrée dans le cancer du sein mais par précaution, l’Anses recommande de ne pas dépasser une dose de 1 mg d’isoflavones de soja par kg corporel, le risque de prolifération des cellules tumorales n’étant pas écarté.
• L’association entre THM et soja semble inutile sur l’amélioration des bouffées de chaleur. Bien que le risque d’augmentation du cancer de sein ne soit pas démontré, cette association reste cependant déconseillée.
• La pharmacienne conseille à Mme V. de ne pas consommer de soja en excès pour éviter un apport trop important en estrogène.
• Elle lui conseille, pour atténuer ses symptômes, d’éviter les lieux surchauffés, de dormir dans une pièce fraîche, de limiter la consommation de plats épicés, d’alcool, de boissons chaudes ou excitantes (thé, café…) et de faire des exercices pour éviter le stress (yoga, relaxation…).
MME F., 62 ANS, revenant du marché, passe à la pharmacie pour le renouvellement de son traitement habituel : simvastatine 20 mg un comprimé le soir et vérapamil LP 240 mg un comprimé le matin. La pharmacienne constate que le panier de Mme F. regorge de fuits dont des pamplemousses et des oranges : « Mon mari est un peu fatigué. Il a décidé de faire une cure de vitamines. Je vais m’y mettre aussi ! » déclare-t-elle. La pharmacienne réagit.
• L’absorption intestinale de certains médicaments est régulée dans les entérocytes par le cytochrome P450 3A4 (CYP3A4) qui métabolise ces substances.
• Le pamplemousse est constitué de polyphénols et de furanocoumarines (bergamottine et 6,7-dihydroxybergamottine). Ces molécules forment une liaison covalente avec le CYP3A4. L’activité du cytochrome est alors inhibée de façon irréversible et prolongée jusqu’à la synthèse de nouvelles enzymes. L’absorption intestinale des médicaments substrats du CYP3A4 est augmentée induisant une majoration des effets indésirables.
• Il faut attendre 3 jours pour que l’activité du CYP3A4 soit complètement renouvelée.
• Toutes les formes de pamplemousse sont concernées : un fruit entier ou 200 ml de jus de fruit frais ou concentré congelé suffit à provoquer une inhibition du CYP3A4 cliniquement significative. En revanche, l’extrait de pépins de pamplemousse ne semble pas concerné par cette interaction.
• Les statines sont des substrats du CYP3A4 (à l’exception de la pravastatine). Associée au pamplemousse, la biodisponibilité de la simvastatine est multipliée par 15. Le risque de survenue d’effets indésirables à type de toxicité musculaire est donc fortement majoré. Des cas de rhabdomyolyse ont été rapportés.
• De même, le vérapamil et l’ensemble des inhibiteurs calciques sont des substrats du CYP3A4. L’association au pamplemousse augmente le risque d’hypotension orthostatique, de malaises et d’œdèmes périphériques.
• La pharmacienne informe Mme F. du risque d’interaction entre le pamplemousse et ses traitements.
• Elle la rassure sur l’absence d’interaction avec les autres agrumes qu’elle pourra consommer sans problème.
MICHAL, 27 ANS, vient à la pharmacie avec une prescription d’acétazolamide (Diamox) 250 mg 1 comprimé 2 fois par jour, à commencer 24 heures avant l’ascension et à poursuivre pendant toute la durée de la montée. Michal part dans 2 jours à l’assaut du Mont Blanc : « J’espère être rétabli de mon rhume ! Ma mère me fait faire une cure de fruits et légumes riches en vitamine C ».
• L’acétazolamide est un diurétique inhibiteur de l’anhydrase carbonique (IAC), utilisé pour permettre de s’acclimater aux changements de pression du à l’altitude.
• L’action des IAC se traduit notamment par une hypercalciurie et une élévation du pH urinaire à l’origine de la formation de cristaux calciques.
• Ces modifications métaboliques favorisent ainsi la survenue de lithiase rénale, surtout lors d’un traitement prolongé, sans influence de la posologie.Ce risque semble négligeable avec les collyres bien qu’il existe un passage systémique.
• Le risque de lithiase rénale est augmenté par la prise d’acide ascorbique (vitamine C) présent en grande quantité dans les kiwis, oranges, poivrons rouges et le persil. Une consommation de plus de 1 g par jour d’acide ascorbique aboutit à la synthèse endogène d’oxalate, suivie d’une hyperoxalurie à l’origine de lithiase rénale.
• Le pharmacien alerte Michal sur le fait qu’un excès de vitamine C est directement éliminé dans les urines sans effet bénéfique, et sur le risque accru de lithiase urinaire.
• Il lui conseille de réduire l’apport alimentaire en vitamine C et d’effectuer plusieurs fois par jours un lavage des fosses nasales.
LORELEI, 21 ANS, souffre d’une infection urinaire à risque de complication. Après analyse bactériologique, le médecin lui prescrit de la ciprofloxacine 500 mg 2 cp/j pendant 5 jours. Elle se présente à la pharmacie avec son ordonnance dans une main et dans l’autre, un grand gobelet de café latte qu’elle pose sur le comptoir. Alors qu’il prépare l’ordonnance de Lorelei, le pharmacien réagit.
• La ciprofloxacine est une fluoroquinolone dont l’utilisation doit être limitée en cas de cystite en raison de l’émergence de résistance.
• Les quinolones sont des inhibiteurs du CYP1A2, enzyme du métabolisme de la caféine. En cas de prise concomitante, la caféinémie est augmentée, entraînant un risque d’effets indésirables à type d’excitation, palpitations voire d’hallucinations.
• Par ailleurs, l’absorption des fluoroquinolones est diminuée lors de la prise de produits laitiers.
Le calcium favorise la précipitation de l’antibiotique empêchant son absorption.
• Le pharmacien met en garde Lorelei sur une consommation abondante de café au cours du traitement par ciprofloxacine qui pourrait entraîner des palpitations et une excitation.
• Il lui conseille également la prise à distance de lait ou de produits laitiers.
• Il l’incite donc à prendre l’antibiotique avec de l’eau ou des jus et à boire abondamment de l’eau pendant toute la durée du traitement.
Les recommandations sur la prise d’un traitement par rapport aux repas ne doivent pas être négligées. Beaucoup de médicaments peuvent se prendre indifféremment au cours ou en dehors des repas. Cependant, pour certaines molécules, la prise avec certains aliments détermine l’efficacité ou l’innocuité du médicament. Les aliments solides mais également les boissons sont concernés.
Les aliments à ne pas associer avec certains médicaments pour éviter…
• Une diminution de l’absorption
– Pas de calcium avec les bisphosphonates : Les bisphosphonates forment avec le calcium, présent dans le lait, les produits laitiers et certaines eaux minérales, un complexe insoluble.
– Pas de thé avec les sels ferreux : le fer précipite en présence d’acide phytique retrouvé dans les céréales et les tanins du thé. Le café participe également à un défaut d’assimilation du fer.
– Pas de soja avec la lévothyroxine : les protéines de soja sont susceptibles de diminuer l’absorption de la lévothyroxine. Elles doivent être consommées à distance.
• Une diminution du métabolisme
– Attention à la canneberge avec les AVK : les baies de canneberge inhibent le métabolisme des antivitamines K. Une consommation ponctuelle et importante expose à un risque accru de saignement.
– Eviter le pamplemousse : cet agrume, sous forme de fruit, de jus ou de concentré, inhibe le cytochrome P450 3A4 de façon irréversible et augmente l’absorption intestinale de nombreux médicaments dont les statines (atorvastatine et simvastatine) et les inhibiteurs calciques.
• Un antagonisme des effets
Pas de réglisse avec des antihypertenseurs : une consommation chronique et importante de bâtons de réglisse est susceptible d’augmenter la pression artérielle et s’oppose à l’effet des antihypertenseurs.
• Un cumul des effets indésirables
– Pas trop de soja avec les THM : les phyto-estrogènes du soja, en raison de leur structure proche de l’estradiol, sont susceptibles d’augmenter le risque de cancer du sein induit par les traitements hormonaux de la ménopause (THM).
– Pas d’alcool avec des médicaments qui altèrent la vigilance : notamment l’alcool renforce la somnolence induite par la codéine.
• Une toxicité des aliments
– Pas de fromage avec les inhibiteurs de la mono-amine oxydase : ces médicaments (isoniazide, moclobémide…) inhibent le métabolisme de la tyramine présente notamment dans le fromage et le chocolat. Ils sont alors susceptibles d’induire des effets indésirables liés à la concentration massive de tyramine dans l’organisme : palpitations, céphalées, voire poussée hypertensive (effet « fromage »).
– Pas de café avec les quinolones : les fluoroquinolones inhibent la dégradation de la caféine. Une prise concomitante peut entraîner une excitation, des palpitations voire des hallucinations, dus à une forte caféinémie.
– Pas d’alcool avec le métronidazole, le kétoconazole, le glibenclamide… En inhibant l’ALDH, une enzyme du métabolisme de l’éthanol, ils sont à l’origine d’un effet antabuse (malaise, sensation de chaleur, flush, céphalées, hypotension artérielle).
Les aliments à associer avec certains médicaments pour améliorer l’absorption
Les aliments riches en graisses favorisent la solubilité de molécules lipophiles comme l’atovaquone, la carbamazépine, la griséofulvine et augmentent leur biodisponibilité.
Afin de garantir la sécurité autour de l’utilisation des médicaments, les professionnels de santé doivent notifier tout effet indésirable, y compris ceux issus d’une interaction médicament-aliment. Depuis 2011, les patients et associations de patients peuvent également notifier des effets indésirables. L’interaction peut être déclarée directement au laboratoire commercialisant le médicament mis en cause ou bien à l’un des 31 centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) qui transmet l’information à l’ANSM. Cette déclaration peut être faite par téléphone, par courrier ou par mail en téléchargeant le formulaire de déclaration disponible sur le site ansm.sante.fr, onglet « Déclarer un effet indésirable ».
Outre la mission de recueil et d’analyse, les CRPV répondent aux interrogations des professionnels sur l’utilisation des médicaments, dont le risque d’interaction avec la nourriture (coordonnées des CRPV sur le site ansm.sante.fr).
Le moment de prise de médicaments par rapport aux repas peut influer sur la tolérance du traitement, l’absorption du principe actif et son métabolisme ou être déterminé par le mécanisme d’action du médicament.
Les produits lactés ou riches en calcium doivent être consommés à distance des bisphosphonates (de 30 minutes à 2 heures selon les molécules).
Les protéines de soja sont susceptibles de diminuer l’absorption de la lévothyroxine. Celle-ci doit être prise le matin à jeun, au moins une heure avant le petit-déjeuner et 2 heures avant la consommation de soja.
Les repas riches en graisses facilitent l’absorption des molécules lipophiles, comme l’atovaquone, en augmentant leur solubilité dans la lumière intestinale.
Les aliments riches en tyramine (fromage, chocolat…) sont à éviter au cours des traitements inhibant la mono-amine oxydase, tels que l’isoniazide.
L’absorption des médicaments contenant des sels ferreux est diminuée par certains aliments dont le thé, le café et les légumes riches en acide phytique.
La table Ciqual est une table de composition nutritionnelle issue de la base de données de référence sur la composition des aliments, gérée par l’Observatoire de la qualité nutritionnelle des aliments. Elle permet de connaître la composition nutritionnelle d’environ 1 500 aliments consommés en France grâce à la compilation des données des industriels, des laboratoires et de la littérature. Pour certains produits (exemple : biscuits, crème dessert, yaourt…), plusieurs spécialités de marques différentes ont été prises en compte afin d’estimer la teneur moyenne en nutriments. Pour chaque type d’aliment sont mentionnés le nombre de calories et les valeurs moyennes, minimales et maximales en lipides, protéines, glucides, vitamines et minéraux.
Cet outil est utile pour tous les professionnels de santé afin de prodiguer des conseils nutritionnels personnalisés aux patients. Il permet une recherche par nom et famille d’aliments ou par constituant.
La table est accessible et téléchargeable gratuitement sur le site de l’Anses (pro.anses.fr/tableciqual).
Toute consommation importante de canneberge peut être à l’origine d’une interaction avec les AVK, augmentant le risque hémorragique.
Les antivitamines K sont des médicaments à marge thérapeutique étroite. Ils présentent de nombreuses interactions avec des médicaments ainsi que certains aliments et suppléments vitaminiques qui imposent une éducation spécifique du patient ainsi qu’un suivi régulier de l’INR. Les entretiens pharmaceutiques sont l’occasion de rappeler aux patients les précautions liées à ce traitement.
La prise d’AVK n’impose pas de régime strict. En revanche, une attention particulière doit être portée sur certains aliments, notamment ceux riches en vitamine K. Il convient de favoriser un apport constant et régulier d’un jour à l’autre, sans excès.
Les interactions médicament-aliment peuvent être responsables d’une perturbation de l’état nutritionnel du patient en interférant avec l’ingestion des aliments et le métabolisme des nutriments. Les médicaments peuvent entraîner une perte de poids par :
• changement de goût (goût désagréable laissé par le carbonate de lithium et le méthotrexate),
• altération de la muqueuse buccale (anticancéreux, antibiotiques favorisant la survenue de candidoses) et de la sécrétion de salive (antidépresseurs tricycliques),
• nausées (anticancéreux) ou réduction de l’appétit (sertraline).
A l’inverse, certains médicaments favorisent le gain de poids en stimulant l’appétit (antipsychotiques, hypoglycémiants oraux par stimulation de sécrétion d’insuline).
Les médicaments peuvent également favoriser des carences nutritionnelles, en altérant l’absorption (changement du pH gastrique et intestinal par les antiacides, formation de précipités et chélation de minéraux par les tétracyclines), le métabolisme et l’élimination des vitamines et minéraux.
Pendant le mois du Ramadan, les journées sont rythmées par la pratique d’un jeûne total du lever au coucher du soleil. Les repas suivant cette période de jeûne, l’Iftar, le soir, et le Suhour, avant l’aube, sont généralement riches en graisses et glucides.
Il est admis que seule la voie orale est incompatible avec le jeûne.
La prise unique des médicaments le soir est préférable sauf pour les diurétiques, les corticoïdes et les antidépresseurs stimulants pour lesquels l’administration le matin est conseillée. En cas d’administration biquotidienne, une prise au début du repas du soir et la seconde avant le repas du matin est possible. Les médicaments devant être pris à jeun peuvent être administrés de préférence une demi-heure avant le repas du soir. Actuellement, aucune conséquence du jeûne sur l’efficacité et la tolérance des traitements anticoagulants et anti-hypertenseurs n’a été signalée. Pour les médicaments à marge thérapeutique étroite tels que les antiépileptiques et la théophylline, il existe un risque de modifications pharmacocinétiques nécessitant de convenir du moment de prise approprié et d’une surveillance des concentrations plasmatiques.
La consommation d’alcool est déconseillée au cours de la plupart des traitements, principalement ceux à l’origine d’effet antabuse en raison du risque d’effets indésirables potentiellement graves.
L’alcoolisation aiguë a un effet inhibiteur au niveau du cytochrome P450, ce qui réduit le métabolisme de certains médicaments et donc augmente leur toxicité : phénobarbital, benzodiazépine (effets neuropsychiques) et AVK (saignements).
A l’inverse, une alcoolisation chronique est à l’origine d’une induction enzymatique responsable de l’accélération du métabolisme des médicaments dont les anesthésiques halogénés et l’isoniazide. En cas d’absorption chronique d’éthanol, le paracétamol sera plus rapidement transformé en métabolite toxique qui peut être à l’origine d’hépatite grave.
Les effets de l’alcool s’additionnent aux effets indésirables de certains médicaments en provoquant des effets neuropsychiques (avec les dépresseurs du systéme nerveux central), cardiovasculaires (avec les hypotenseurs), digestifs (avec les hépatotoxiques) et métaboliques (avec les antidiabétiques et les bêta-bloquants).
L’effet antabuse est décrit avec certains anti-infectieux (chloramphénicol, griséofulvine, kétoconazole, isoniazide, métronidazole, nitrofuranes…), des antidiabétiques (glibenclamide) et le disulfiram (pour lequel cet effet est recherché dans le cadre du sevrage alcoolique).
L’ingestion chronique et en grande quantité de réglisse peut favoriser la survenue d’un syndrome de pseudo-hyper- aldostéronisme avec hypertension et œdèmes.
Une interaction entre médicaments et alimentation est possible même en cas de nutrition entérale. En pratique, il est préférable d’interrompre la nutrition 2 heures avant et 2 heures après la prise des médicaments.
Le manque de données cliniques incite à ne pas associer une consommation importante de soja au traitement hormonal de la ménopause pour ne pas multiplier le risque de cancer du sein.
La prise de pamplemousse (fruit, jus, concentré) est à éviter lors d’un traitement métabolisé par le CYP3A4.
Environ 85 médicaments, généralement de faible biodisponibilité et pris par voie orale, sont affectés par l’interaction avec le pamplemousse. L’inhibition du métabolisme intestinal des molécules provoque une élévation importante des concentrations plasmatiques à l’origine d’effets indésirables souvent graves (dépression respiratoire, torsades de pointe, myélotoxicité, néphrotoxicité).
A l’inverse, certaines molécules subissent une perte d’efficacité, soit par inhibition au niveau du transporteur organique d’anion (aliskiren), soit par inhibition des cytochromes responsables du métabolisme de prodrogue en métabolite actif (clopidogrel).
La consommation de vitamine C en excès peut entraîner une lithiase urinaire d’autant plus qu’elle est associée à des médicaments présentant ce même risque tels que les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique par voie orale.
La caféinémie est augmentée lors de la consommation concomitante de café et de fluoroquinolones, pouvant induire des palpitations et une excitation.
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