ZIZANIE AUTOUR DU TIERS PAYANT - Le Moniteur des Pharmacies n° 3116 du 20/02/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3116 du 20/02/2016
 

L’événement

Auteur(s) : François Pouzaud*, Loan Tranthimy**

Un bras de fer s’est engagé entre le syndicat FSPF et Almérys sur des motifs financiers. Mais pas seulement.En cause également, le trésor de guerre que représentent les données patients.

Les échanges électroniques sont devenus électriques entre la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France) et Almérys. Cet organisme bénéficie d’une délégation de paiement et de gestion des prestations de santé en tiers payant pour le compte d’une centaine de mutuelles. Cette convention prévoit une garantie de paiement des prestations, une indemnisation des coûts liés aux télétransmissions des factures ainsi qu’un dispositif de conciliation en cas de litige entre les pharmaciens et Almérys.

Dans un communiqué de presse du 11 février, la FSPF annonce que, pour « des raisons commerciales », Almérys a résilié la convention-cadre qui le liait depuis 2002 au syndicat. A l’origine de cette rupture, une demande de modification de la rémunération des flux à 3 centimes par facture télétransmise au lieu de 5 centimes comme actuellement payés par Almérys. « Nous souhaitons simplement l’égalité de traitement de la part de la FSPF par rapport aux autres opérateurs de tiers payant », expose Jérôme de Mautort, directeur du développement d’Almérys.

Mais le bras de fer va plus loin qu’une simple baisse de la rémunération demandée par l’organisme. Il se cristallise autour d’une solution technique, la norme Visiodroits que la FSPF veut imposer à Almérys. Cette norme dont le syndicat est pour l’instant seul dépositaire, via Résopharma (organisme concentrateur) permet aux pharmaciens d’accéder en temps réel aux droits et aux garanties de paiement. Or cette exigence ne convient pas à Almérys qui n’entend pas lâcher son propre dispositif mis en place depuis 2007. « La FSPF veut nous imposer un agent économique qui lui appartient et qui est sa source de financement, c’est tout simplement de l’abus de position dominante », dénonce Jérôme de Mautort.

La Fédération craint des programmes intrusifs

En outre, deux conditions d’entrée posées par la FSPF pour utiliser cette norme ne sont pas du goût d’Almérys : l’application informatique doit être totalement indépendante du cœur du logiciel de la pharmacie et la durée d’ouverture des droits numériques du patient de trois mois dans Visiodroits. « Cette gestion est compliquée car 80 % des embauches sont réalisées aujourd’hui en CDD parfois de deux mois, avec le risque que l’adhérent ait quitté la mutuelle et bénéficie à tort du tiers payant », explique Jérôme de Mautort. Qui soutient que la solution d’Almérys n’est pas intrusive : « Elle offre un traitement de flux industrialisé, fiable, totalement sécurisé en répondant en tout point aux règles, usages et divs régissant la sécurité des transferts de données de santé. »

Gilles Bonnefond, président de l’USPO, qui a conclu une convention nationale avec Almérys fin décembre, applicable au 1er janvier 2016, sur les mêmes bases (rémunération de 3 centimes, garantie de paiement…), est du même avis : « Ce chantage est fait pour essayer de maintenir le maximum de pharmaciens à Résopharma. »

Difficile à entendre par Philippe Gaertner, président de la FSPF. S’il est prêt à accepter le montant de l’indemnisation à 3 centimes, il n’entend pas transiger sur la protection du poste de travail et des données patients : « C’est une question de principe, aucun opérateur extérieur ne doit implanter un programme dans l’informatique d’un professionnel de santé. L’autoriser, c’est risquer de perdre le contrôle des échanges de flux et multiplier les dangers à la fois pour le patient et pour le pharmacien qui est le garant de ces données. » Dans une mise au point, l’UNPF apporte son soutien à la FSPF, n’acceptant pas non plus « qu’un organisme tiers puisse implanter dans le logiciel du pharmacien un module informatique qui pourrait, à terme, permettre la sélection des patients en fonction de leur état de santé ou de tout autre critère ». Ou encore qu’il puisse faire commerce de ces données.

Alors qu’un nombre croissant d’acteurs propose des attestations dématérialisées de tiers payant, Philippe Gaertner souhaite, au travers de Visiodroits, regrouper ces différents dispositifs privatifs au sein d’une interface unique et extérieure aux logiciels des pharmacies. « En laissant Almérys implanter son programme, on ouvre une brèche. Si on laisse faire, le pharmacien se retrouvera demain à gérer des dizaines de programmes différents pour vérifier des droits d’un assuré en ligne, avec le risque de bugs informatiques. »

En réponse aux critiques selon lesquelles Résopharma défendrait ses intérêts économiques en imposant Visiodroits aux opérateurs de tiers payant, Philippe Gaertner tend une perche à ses détracteurs : « La FSPF n’a aucune exigence à ce que cette norme reste la propriété de Résopharma. Elle peut être confiée à une gouvernance partagée. »

Que les pharmaciens, syndiqués ou non, se rassurent. Du fait de la convention passée avec l’USPO, Almérys continue d’assurer pleinement le service du tiers payant et ses obligations vis-à-vis des pharmaciens. Reste que l’affaire fait désordre : la FSPF dénonce une convention que l’USPO a signée alors que les deux syndicats sont censés travailler ensemble sur les dossiers. Il y a de quoi douter de l’unité syndicale affichée en début d’année pour aborder les prochaines négociations sur la rémunération.

Deux nouveaux services en ligne

Malgré la censure du Conseil constitutionnel sur le tiers payant généralisé dans les cabinets médicaux, la CNAM et les complémentaires santé ont élaboré conjointement des solutions techniques présentées le 17 février dans un rapport commun. Elles concernent médecins libéraux et pharmaciens. Deux évolutions en particulier devraient mieux garantir le paiement et réduire les rejets. Pour le régime obligatoire, la garantie de paiement se fera sur la base des droits figurant sur la carte Vitale même si ceux-ci ne sont pas à jour. « C’est nouveau, même s’il y a un changement de régime, de caisse, etc. C’est à la CNAM de régulariser après », précise Nicolas Revel, directeur général de la CNAM. Et pour éviter d’éventuels rejets de factures, le pharmacien pourra recourir à compter du 1er juillet 2016 au dispositif ADR (acquisition des droits). « Il s’agit d’un téléservice interrégimes obligatoires intégré au logiciel de facturation SESAM-Vitale qui permettra de fiabiliser la facturation. »

Pour le régime complémentaire, « la garantie de paiement est contractuelle », rappelle Emmanuel Roux, président de l’Association des complémentaires santé. Mais un dispositif normalisé d’interrogations des droits du bénéficiaire (IDB) sera proposé et fonctionnera quelle que soit la complémentaire santé. « Il permettra de réduire le nombre de rejets. » Le recours à ces deux dispositifs « s’effectuera sans formalité spécifique de la part du professionnel de santé », précise le rapport.

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