LES PHARMACIENS, DES PATIENTS COMME LES AUTRES - Le Moniteur des Pharmacies n° 3115 du 13/02/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3115 du 13/02/2016
 
DROIT À L’OUBLI BANCAIRE

L’événement

Auteur(s) : Loan Tranthimy*, François Pouzaud**

Publiée au Journal officiel le 29 janvier 2016, la loi de santé améliore l’accès à l’assurance emprunteur pour les anciens malades de pathologies tel le cancer. Une avancée qui peut intéresser des pharmaciens, eux-mêmes confrontés à des difficultés pour souscrire des prêts.

Un pharmacien parisien achète une officine dans les années 2 000 où les taux d’intérêt sont élevés. Six ans plus tard, il décide à 55 ans de renégocier son emprunt pour profiter de la baisse des taux. Mais, entre-temps, sa santé s’est dégradée. L’assurance a jugé son niveau de risque trop élevé et a refusé de l’assurer. Un autre pharmacien guéri d’un cancer de la thyroïde a été confronté à la même déconvenue. « Les assureurs appliquent parfois des surprimes pouvant aller de 50 % à 200 % du tarif normal », ce qui revient d’une manière déguisée à refuser le dossier, raconte Jean-Christophe Leuret, consultant pour Magnolia Assurance et fondateur du Courtier du pharmacien. Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs Associés, rapporte que « plus le montant emprunté est important, plus le questionnaire et les examens de santé à réaliser sont poussés. Le plus souvent, l’emprunteur doit s’acquitter d’une surprime ». Pour éviter ces déboires, les pharmaciens emprunteurs qui ont eu une pathologie grave pourront désormais évoquer le droit à l’oubli introduit dans la convention AERAS (S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé) en septembre 2015 et confortée par la loi de santé.

Comment fonctionne le droit à l’oubli ?

Lors d’une demande de prêt, comme tout autre emprunteur, les pharmaciens n’ont plus à mentionner leur antécédent de cancer dans le questionnaire de santé au nom du droit à l’oubli. A condition de respecter certains délais. Pour les cancers survenus avant l’âge de 18 ans, ce droit s’exerce cinq ans après la fin des traitements et la guérison. Pour les adultes, il s’applique dès lors que le protocole médical est achevé depuis plus de dix ans, quel que soit le type de cancer.

Que faire pour les cas n’entrant pas dans ces conditions ?

Pour tenir compte des progrès thérapeutiques, une grille de référence publiée le 5 février a été établie avec une première liste des pathologies ne présentant pas de surrisque par rapport à la population générale. Cette liste prévoit des délais différents inférieurs à 10 ans permettant ainsi aux anciens malades de bénéficier d’un droit à l’assurance au tarif normal, sans surprime ni exclusion de garantie. Mais, dans ce cas, le droit à l’oubli ne s’applique pas. Les pharmaciens emprunteurs doivent alors déclarer leur antécédent de santé dans le questionnaire de santé accompagnant la demande de prêt.

Quelles sont les pathologies concernées ?

Cette première liste mentionne cinq types de cancers (testicule, thyroïde, certains cancers du sein, mélanomes et utérus) et l’hépatite C. Plusieurs délais sont prévus en fonction de la pathologie. Ainsi, pour les cancers très localisés du sein, du col de l’utérus et les mélanomes, le délai d’un an est fixé. Des délais allant de trois à dix ans sont prévus pour les cancers des testicules et de la thyroïde. Pour les anciens malades de l’hépatite C, le délai de 48 semaines est imposé après la fin des traitements, à condition de ne pas être infecté en même temps par le virus du sida ou de l’hépatite B.

Pourquoi ces maladies en particulier ?

Cette première grille a été élaborée par l’Institut national du cancer (INCa) à partir de nombreux critères, notamment la survie, l’évolution de la survie au cours du temps, l’âge de la survenue de la maladie, ou encore l’analyse des données des registres français qui suivent les cancers. « Cette analyse des données permet de démontrer que les personnes concernées par ces cancers ne présentent pas de surrisque particulier par rapport à la population générale. Ils peuvent ainsi bénéficier d’une tarification normale, ce qui redresse une situation qui était injuste par le passé », explique Thierry Breton, directeur général de l’INCa. Selon ce dernier, 20 000 à 30 000 personnes pourraient bénéficier de la mesure.

Et pour les autres maladies ?

La grille va être actualisée tous les ans sur la base des propositions de l’INCa en ce qui concerne les cancers. « Les travaux du groupe de suivi du droit de l’oubli viennent de redémarrer. Une nouvelle actualisation est prévue avant la fin de l’année 2016 », ajoute Thierry Breton. L’article 190 de la loi de santé a aussi prévu d’étendre cette liste aux pathologies chroniques lorsque les progrès de la science le permettent. Le programme 2016 du groupe de travail prévoit par exemple d’étudier le VIH, l’insuffisance rénale traitée ou encore la mucoviscidose.

Que faire si l’assureur n’applique pas la loi ?

La loi de santé a prévu des sanctions en cas de non-respect du div. Reste que ces sanctions doivent être définies par un décret en Conseil d’Etat. En attendant, Marc Morel, directeur du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), rappelle que « le principal levier est de rendre la grille opposable ». « Si l’assureur ne la respecte pas, l’emprunteur peut toujours saisir la commission de médiation ou changer d’assureur », déclare-t-il. L’INCa conseille également de « mettre en concurrence les banques et les assurances ou encore de faire appel à un courtier en assurance ».

Maud Schnunt, responsable des affaires juridiques et institutionnelles du GEMA (Groupement des entreprises mutuelles d’assurance) se défend : « La convention AERAS fonctionne depuis vingt ans. Elle a démontré que les assureurs ont fait des efforts et accepté de repousser les limites de l’assurabilité. ». Pour montrer la bonne volonté des assureurs, cette responsable évoque « un document ad hoc élaboré par la profession à destination des emprunteurs », à réclamer donc à l’assureur.

REPÈRES

31 janvier 2007

La loi relative à l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé est publiée.

2 septembre 2015

Introduction du droit à l’oubli dans la convention AERAS.

5 février 2016

Publication de la première liste de référence.

CHIFFRES CLÉS

3 millions

de demandes d’assurance pour des crédits immobiliers et professionnels reçus par les assureurs.

14 % des dossiers d’assurance présentent un risque aggravé de santé.

Source : Fédération bancaire française.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !