LEUCÉMIE MYÉLOÏDE CHRONIQUE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3113 du 30/01/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3113 du 30/01/2016
 

Cahiers Formation du Moniteur

ORDONNANCE

ANALYSE D’ORDONNANCE

Mme C., 41 ans, passe sous Tasigna

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

Mme C., une patiente de 41 ans.

Par quel médecin ?

Le Dr T., hématologue, qui la suit depuis le diagnostic de sa maladie.

L’ordonnance est-elle recevable ?

Oui. Le nilotinib est un médicament à prescription initiale hospitalière semestrielle. La prescription et le renouvellement sont réservés à certains spécialistes (cancérologue, hématologue, oncologue médical).

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous de la patiente ?

• Mme C. a 2 enfants et travaille comme secrétaire pour un cabinet dentaire. Elle est sous imatinib (Glivec) depuis le diagnostic il y a un an d’une leucémie myéloïde chronique (LMC) en phase chronique (voir page 6). Non fumeuse, elle ne souffre d’aucune autre pathologie.

• Mme C. a dû arrêter temporairement de travailler suite à une fatigue importante et à de fortes douleurs et crampes musculaires liées au traitement, allant jusqu’à l’empêcher de se déplacer. Il lui est arrivé de sauter des prises du médicament pour ne pas être invalidée par ces effets indésirables.

Quel était le motif de consultation ?

Mme C. avait rendez-vous avec l’hématologue pour faire le point, en particulier sur la tolérance et la réponse au traitement. Les derniers examens (analyse des cellules sanguines et de moelle osseuse) ont montré que la réponse au traitement n’était pas optimale.

Que lui a dit le médecin ?

Le médecin a expliqué à Mme C. que les résultats n’étaient pas aussi bons qu’ils le devraient, sans doute du fait de la mauvaise observance au traitement liée aux effets indésirables (très gênants chez cette patiente). Il a donc proposé de passer au nilotinib (Tasigna), un autre inhibiteur de tyrosine-kinase, qui provoque moins de crampes et de douleurs que l’imatinib. Toutefois, il a expliqué que des effets indésirables restaient possibles, d’où la prescription de traitements symptomatiques pour les limiter. Il a aussi insisté sur la nécessité d’une bonne observance.

Vérification de l’historique

• Des délivrances d’ibuprofène, de lopéramide et de Dexeryl accompagnaient celles de l’imatinib. Le DP indique aussi des délivrances de quinine et de médicaments à base de magnésium, prescrits pour lutter contre les crampes.

• Par ailleurs, Mme C. a acheté un autotensiomètre il y a un an.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

• Nilotinib : inhibiteur de tyrosine-kinase (ITK) de 2e génération, plus puissant que l’imatinib, ITK de 1re génération. Les ITK cible le gène BCR-ABL présente dans les cellules leucémiques des patients atteints de LMC, et à l’origine de leur prolifération.

• Ibuprofène : AINS utilisé ici pour ses propriétés antalgiques. Il atténue les céphalées, crampes et arthralgies, fréquentes en début de traitement.

• Macrogol 4000 : laxatif osmotique. Le passage de l’imatinib au nilotinib peut favoriser une constipation, prévenue par la prise d’un laxatif doux.

• Dexeryl : protecteur cutané à l’action émolliente et hydratante. Il limite le prurit et la sécheresse cutanée induits par l’ITK.

Est-elle conforme aux stratégies de référence ?

Oui. L’imatinib constitue le traitement de 1re ligne de la LMC en phase chronique chez la majorité des patients. En cas d’intolérance ou de résistance, voire d’emblée lorsque le score pronostic de la maladie est défavorable, un ITK de 2e génération comme Tasigna est indiqué.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Non.

Y a-t-il des contre-indications ?

Non. Une contraception efficace est recommandée sous ITK en raison d’un risque potentiel pour le fœtus ; Mme C. porte un stérilet au cuivre.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

• La posologie habituelle du nilotinib en phase chronique est de 300 mg 2 fois par jour. En cas d’intolérance ou de résistance préalable à l’imatinib (comme c’est le cas ici), une dose de 400 mg 2 fois par jour est préconisée. Cette posologie majore le risque d’effets indésirables mais elle pourra être abaissée une fois le contrôle de la maladie obtenu.

• Les autres posologies ne posent pas de problème.

Y a-t-il des interactions ?

Non, pas d’interaction particulière entre les médicaments prescrits mais il faut avoir en mémoire que le nilotinib, comme tous les ITK peut interagir avec des inducteurs ou inhibiteurs du CYP3A4. Les ITK sont aussi susceptibles d’allonger l’intervalle QT et ne doivent donc pas être associés à des médicaments torsadogènes.

La prescription pose-t-elle un problème particulier ?

Non en dehors du fait que l’observance doit être rigoureuse : elle conditionne la réussite du traitement et permet au patient de se maintenir en rémission prolongée.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

Oui. Sous ITK, un ECG et une échographie cardiaque sont réalisés en début de traitement puis tous les 12 mois environ en fonction de l’état du patient. Le suivi comporte également la réalisation de NFS et des contrôles biologiques réguliers (glycémie, bilan hépatique et lipidique, lipase…). Régulièrement sont effectuées des analyses de sang et de moelle osseuse pour suivre la réponse au traitement.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Mme C. était jusqu’à présent sous Glivec. Elle est sensibilisée à certains effets indésirables, communs à tous les ITK mais il est important de les lui rappeler. Il faut aussi expliquer les modalités de prise particulières de Tasigna et rappeler ou expliquer l’emploi des traitements symptomatiques.

Concernant Tasigna

Utilisation

• Le nilotinib s’administre en 2 prises par jour espacées de 12 heures. La biodisponibilité du médicament est augmentée par une prise alimentaire : de ce fait, pour ne pas majorer la toxicité du médicament, aucun aliment ne doit être consommé les 2 heures qui précèdent la prise de Tasigna et l’heure suivante (réponse 2). Les spécialistes (cancérologues…) autorisent généralement la prise des gélules avec du thé ou du café. Les personnes qui ne peuvent avaler les gélules peuvent disperser leur contenu dans une unique cuillère à café de compote de pommes.

• Pour respecter ces contraintes, proposer par exemple à Mme C. de faire sonner l’alarme de son téléphone portable. Le plan de prise proposé est le plus « compatible » avec une vie sociale et, selon le cas, professionnelle. Il est aussi possible de prendre Tasigna à 10 heures et 22 heures.

Quand commencer le traitement ?

Le lendemain matin.

Que faire en cas d’oubli ?

Ne pas rattraper la dose oubliée mais poursuivre le traitement à l’heure de prise suivante habituelle.

Le patient pourra-t-il juger de l’efficacité du traitement ?

L’efficacité du traitement est jugée par le médecin sur la base d’objectifs précis à atteindre (page 9).

Quels sont les principaux effets indésirables ?

• Sous nilotinib, les douleurs, les crampes musculaires et parfois la fatigue peuvent être moins invalidants que sous imatinib. En revanche, les céphalées et les troubles digestifs (nausées, douleurs gastriques, constipation) sont fréquents en début de traitement. Des effets indésirables cutanés peuvent aussi survenir (érythème, prurit, xérose, photosensibilisation) ainsi qu’une rétention hydrique, une élévation de la tension artérielle et des troubles du rythme.

• Le nilotinib est aussi associé à une augmentation du risque de thrombose artérielle, notamment consécutive à la formation de plaques athéromateuses.

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

• L’automesure tensionnelle peut être recommandée (comme c’est le cas déjà ici) et il est nécessaire également de se peser régulièrement.

• Pour limiter les nausées, conseiller de fractionner les repas et d’éviter les repas lourds ou épicés. Une alimentation riche en fibres (légumes verts, fruits, céréales…) aide à lutter contre la constipation.

• Une photoprotection est nécessaire en cas d’exposition au soleil.

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

• L’apparition ou l’aggravation des œdèmes (gonflement des mains, des pieds…) ou une prise de poids rapide, signes de rétention hydrique, imposent un avis médical.

• Une dyspnée, une douleur thoracique, des difficultés à la marche pouvant évoquer une thrombose artérielle ou l’apparition de troubles du rythme (tachycardie) nécessitant une prise en charge rapide.

Concernant le traitement symptomatique

Les médicaments prescrits ne posent pas de problèmes particuliers.

• La prise de l’ibuprofène se fait à la demande en recommandant d’espacer chaque prise de 6 heures.

• Le macrogol peut être débuté en même temps que Tasigna pour pallier une constipation pendant quelques jours, puis la prise sera adaptée en fonction des symptômes.

Il se prend en une prise le matin. Recommander une bonne hydratation pour optimiser son action.

• L’application de l’émollient doit être régulière pour limiter les démangeaisons.

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

• Insister sur la nécessité de bien suivre le traitement. Chaque oubli compromet l’efficacité du traitement. En revanche, si le traitement est correctement suivi, il permet de contrôler la maladie et d’obtenir une rémission prolongée.

• La fatigue est souvent importante chez un patient sous ITK et oblige à modifier ses habitudes de vie et à organiser ses activités différemment. Pour autant, ne pas rester inactif, alterner repos et activité physique adaptée, effectuée à son rythme.

• Déconseiller l’automédication (pas de millepertuis, etc.), éviter le jus de pamplemousse. Signaler systématiquement le traitement aux pharmaciens ou aux médecins.

INTERVENTION PHARMACEUTIQUE

Vous revoyez Mme C. après plusieurs mois, à l’occasion du renouvellement de Tasigna. Elle demande un gel contre les jambes lourdes car elle a mal aux jambes depuis quelque temps lorsqu’elle marche trop longtemps.

Des difficultés à la marche ou des douleurs dans les jambes peuvent être le signe, sous nilotinib, d’une artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), liée la constitution de lésions athéromateuses. Mme C. doit contacter en urgence l’hématologue afin de réaliser un écho-Doppler et d’évaluer son état cardiovasculaire (réponse 2).

PATHOLOGIE

La LMC en 6 questions

La leucémie myéloïde chronique est une hémopathie maligne due à une anomalie moléculaire acquise à l’origine d’une prolifération des cellules de la lignée granuleuse.

La leucémie myéloïde chronique, se caractérise par la prolifération maligne de cellules de la lignée myéloïde, principalement celles de la lignée granuleuse qui aboutit aux polynucléaires. La maladie est la conséquence d’une anomalie moléculaire acquise affectant une cellule-souche hématopoïétique (voir page 7).

1 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

L’évolution naturelle de la maladie se fait classiquement en 3 phases : chronique, accélérée et blastique.

• Phase chronique : elle dure 4 à 5 ans en l’absence de traitement. Durant cette phase, 20 à 30 % des patients sont asymptomatiques. Les symptômes, lorsqu’ils sont présents, sont peu spécifiques : fatigue, perte de poids modérée, splénomégalie pouvant provoquer une pesanteur.

• Phase accélérée : elle correspond à une progression de la pathologie et aboutit à la phase blastique en 3 à 18 mois. Au cours de cette phase, le pourcentage de cellules blastiques augmente dans le sang et la moelle osseuse. S’y associent souvent une anémie et parfois une thrombocytose (augmentation des plaquettes). L’état général du patient se détériore avec de la fièvre, des sueurs inexpliquées et un amaigrissement. La splénomégalie se majore.

• Phase blastique : encore appelée « crise blastique » ou « transformation aiguë », elle correspond à un tableau de leucémie aiguë avec une forte proportion de blastes dans le sang et la moelle osseuse (> 20 %). Le tableau clinique associe fièvre, anémie, sueurs nocturnes, douleurs osseuses et spléniques, hémorragies. Le décès survient en quelques mois, les traitements étant peu efficaces.

A noter que certains patients passent directement de la phase chronique à la phase blastique.

2 QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ?

• La majorité des patients sont maintenus actuellement en phase chronique grâce aux inhibiteurs de tyrosine-kinase et on peut considérer que les phases accélérées et blastiques sont des complications.

• Des complications liées à l’hyperleucocytose peuvent parfois révéler la maladie (rarement toutefois en phase chronique) : complications liées à l’hyperuricémie (induite par la lyse des globules blancs qui libèrent de l’acide urique) type crise de goutte, colique néphrétique, infarctus spléniques (douleurs abdominales marquées), complications thrombotiques chez les patients très hyperleucocytaires (par exemple, diminution brutale de l’acuité visuelle liée à une thrombose de la veine centrale de la rétine) ou encore priapisme chez l’homme (érection prolongée douloureuse).

3 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE ?

• Le plus souvent, on ne retrouve pas de facteurs favorisants.

• A noter que l’exposition prolongée au benzène (industrie pétrochimique, garagistes…) ou aux radiations ionisantes favorise l’apparition de leucémies en général, dont la LMC.

4 COMMENT SE FAIT LE DIAGNOSTIC ?

• Dans 95 % des cas, la LMC est diagnostiquée en phase chronique. La découverte de la maladie est le plus souvent fortuite, à la suite d’une numération-formule sanguine dans le cadre d’un bilan de santé. Le diagnostic est ensuite établi par la mise en évidence du chromosome de Philadelphie et/ou de l’anomalie moléculaire : le transcrit (c’est-à-dire l’ARN) BCR-ABL (voir page 7).

Numération-formule sanguine : en phase chronique, elle montre une hyperleucocytose (souvent supérieure à 100 × 109/l) avec une myélémie dite harmonieuse, et peu de blastes. Une thrombocytose (augmentation des plaquettes) modérée peut être présente. Il peut y avoir une légère anémie. En phase accélérée il existe une anémie, une basophilie, et parfois une chute des plaquettes (thrombocytopénie ou thrombopénie) ; en phase blastique, il y a une anémie, une thrombocytopénie et un excès de cellules blastiques.

Le myélogramme confirme l’hyperplasie de la lignée granuleuse ; il permet de préciser également le stade évolutif de la maladie, selon le taux de blastes médullaires.

Le caryotype, réalisé le plus souvent à partir du prélèvement de la moelle osseuse, permet d’objectiver la présence du chromosome Philadelphie. Il permet aussi de rechercher des anomalies génétiques surajoutées qui ont une valeur pronostique.

Plus rarement, le chromosome Philadelphie est dit « masqué », non visible en cytogénétique conventionnelle. Dans ce cas on peut avoir recours à l’hybridation fluorescente in situ (ou FISH), technique qui emploie des sondes fluorescentes permettant de détecter des remaniements BCR-ABL sans chromosome Philadelphie. La technique RT-PCR (reverse transcriptase polymerase chain reaction) met en évidence sur prélèvement sanguin le transcrit BCR-ABL avec une grande sensibilité, permettant également de le quantifier : elle est utilisée pour le suivi de la réponse au traitement.

Examens complémentaires : notamment uricémie, bilan hépatique (le typage HLA n’est fait que lorsqu’une allogreffe est envisagée du fait d’une évolution défavorable de la maladie).

5 QUELS FACTEURS PRONOSTIQUES ?

• Etablis au moment du diagnostic, ils permettent d’évaluer le risque de progression de la maladie. L’un des scores classiquement utilisés, celui de Sokal, prend en compte l’âge du patient, la taille du débord splénique, le pourcentage de blastes sanguins, le taux de plaquettes. Un mauvais pronostic est lié à une splénomégalie importante, une hyperleucocytose et une thrombocytose importante ainsi qu’à l’existence d’anomalies additionnelles au caryotype.

• D’autres éléments pronostiques sont importants comme le niveau de réponse à 3 mois de traitement, la date d’obtention de la réponse cytogénétique complète (il n’y a plus de cellules détectables portant le chromosome Philadelphie dans la moelle osseuse) et de la réponse moléculaire profonde (le taux BCR-ABL est inférieur à 0,01 %).

6 QUELLE ÉVOLUTION ?

• Grâce aux inhibiteurs de la tyrosine-kinase (ITK) disponibles depuis le début des années 2000, la plupart des patients restent en phase chronique « contrôlée » durant de nombreuses années. Il est admis que les patients qui répondent bien au traitement (rémissions moléculaires de bonne qualité) ont la même espérance de vie que la population générale. En particulier, beaucoup n’évolueront jamais vers une leucémie aiguë mortelle.

• Revers de la médaille, pour certains patients, les effets indésirables des ITK sont à l’origine d’effets indésirables parfois très gênants.

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter la leucémie myéloïde chronique ?

Le traitement de la leucémie myéloïde chronique repose actuellement sur les inhibiteurs de tyrosine-kinase. Ces derniers ont transformé le pronostic de la pathologie qui, autrefois mortelle en quelques années, est devenue une maladie chronique comme une autre.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Les inhibiteurs de tyrosine-kinase (ITK) constituent le traitement de première intention de la LMC, à débuter le plus vite possible dès le diagnostic de la maladie posé.

L’objectif est de maintenir le patient en rémission moléculaire (voir ci-après) la plus profonde possible afin de limiter le risque d’évolution de la maladie vers des phases plus avancées. En cas de progression vers la phase accélérée ou blastique, l’objectif est de revenir en phase chronique.

Phase chronique

En première intention

• Le traitement de référence de la LMC est l’imatinib, premier ITK y ayant montré son efficacité. Il reste actuellement le traitement de première intention en phase chronique chez la majorité des patients.

• Toutefois, il existe des problèmes d’intolérance à l’imatinib et une émergence de résistances (primaire ou secondaire) affectant jusqu’à un tiers des patients. Ainsi, en cas d’intolérance à l’imatinib ou chez les patients ayant un score pronostic d’emblée défavorable, un ITK de 2e génération est proposé : nilotinib (Tasigna) ou dasatinib (Sprycel). Les études montrent une efficacité plus importante et plus rapide de ces molécules par rapport à l’imatinib, avec une baisse significative du taux de progression vers les phases accélérée ou blastique pour le nilotinib. En France, seul le nilotinib peut être prescrit d’emblée en première ligne en cas de LMC chronique nouvellement diagnostiquée ; le dasatinib n’est pas remboursé dans cette indication (il peut toutefois être utilisé dans le cadre d’un essai clinique).

Choix de l’ITK : il tient compte dans tous les cas du profil de tolérance de la molécule et des comorbidités du patient. Ainsi le nilotinib exige une attention particulière chez les patients diabétiques (augmentation de la glycémie) et/ou ceux ayant plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire (tabac, pression artérielle élevée, obésité…) car il augmente le risque de thrombose artérielle et d’artériopathie. Il implique aussi des contraintes de prise dont il faut tenir compte (prise 2 heures avant un repas, sans manger dans l’heure suivante, 2 fois par jour).

Le dasatinib peut induire des épanchements pleuraux (le plus souvent bénins) voire une hypertension artérielle pulmonaire imposant l’arrêt définitif du traitement.

Evaluation de l’efficacité : en phase chronique, sous ITK, la réponse optimale consiste en une réponse hématologique complète à 3 mois, une réponse cytogénétique complète à 12 mois et une réponse moléculaire majeure à 12 mois. Le suivi régulier des patients comprend un examen clinique, des analyses de sang et de moelle osseuse afin de surveiller la tolérance et la réponse au traitement et d’identifier rapidement une résistance éventuelle.

En cas d’intolérance sévère à l’un des ITK, il est recommandé d’en changer.

En cas de résistance

• Une dose plus élevée de l’ITK peut être envisagée chez certains patients mais le plus souvent un changement d’ITK est préconisé, avec recours notamment au nilotinib, au dasatinib ou au bosutinib (Bosulif), autre ITK de 2e génération réservé aux patients déjà traités préalablement par imatinib, nilotinib ou dasatinib.

• Plusieurs mécanismes sont évoqués pour expliquer des résistances au traitement, dont des mutations du gène BCR-ABL. Ces mutations sont donc systématiquement recherchées car elles peuvent guider le choix de l’ITK. La mutation T315l en particulier entraîne une résistance à tous les ITK, sauf au ponatinib (Iclusig à l’hôpital), ITK de 3e génération. Ce dernier est indiqué après échec de un ou plusieurs ITK de 2e génération et également en présence de la mutation T315I.

Autres traitements

• L’hydroxyurée est très souvent utilisée en traitement préalable, avant l’instauration des ITK, dans les formes très hyperleucocytaires pour éviter tout risque de complications liées à une thrombose. Il permet de contrôler la prolifération mais non d’obtenir une réponse cytogénétique, même partielle.

• L’interféron alfa, traitement de référence avant l’arrivée des ITK, ne permet d’obtenir une réponse moléculaire profonde que chez une minorité de patient. Il est actuellement essentiellement utilisé en alternative aux ITK chez la femme enceinte (ces derniers étant contre-indiqués en raison d’un risque potentiel de tératogénicité), quel que soit le terme de la grossesse. Il est également employé au cours d’essais thérapeutiques, notamment en combinaison avec les ITK.

Phases accélérée et blastique

• En phase accélérée ou blastique récemment diagnostiquée et pour les patients naïfs des ITK, l’imatinib et surtout les ITK de 2e génération, nilotinib (pas d’AMM en phase blastique) ou dasatinib, sont indiqués. En phase blastique, les ITK peuvent être associés à une chimiothérapie chez certains patients.

• En cas d’évolution de la maladie sous ITK, le traitement repose sur un ITK encore non utilisé, avec notamment le recours au ponatinib en cas de mutation T315l.

• L’omacétaxine (Synribo, utilisé par voie sous-cutanée, alcaloïde extrait de Cephalotaxus harringtonia, un conifère) peut aussi être employée : elle dispose d’une ATU (autorisation temporaire d’utilisation) nominative dans la LMC pour les phases chroniques et accélérées, en cas de résistance et/ou d’intolérance à plus de 2 ITK.

Allogreffe de moelle osseuse

En raison d’un taux de morbimortalité non négligeable, la greffe de moelle osseuse n’est généralement indiquée que dans les phases avancées de la maladie ou en cas de résistance au traitement, notamment chez un sujet jeune.

TRAITEMENTS

Inhibiteurs de tyrosine-kinase

Cinq ITK ciblant BCR-ABL sont disponibles : l’imatinib (Glivec), ITK de 1re génération et traitement de référence de la LMC ; le nilotinib (Tasigna), le dasatinib (Sprycel) et le bosutinib (Bosulif), ITK de 2e génération ; le ponatinib (Iclusig), disponible à l’hôpital, ITK de 3e génération.

Effets indésirables

• Les plus fréquents. Ils surviennent à l’instauration du traitement et tendent généralement à diminuer avec le temps : fatigue, céphalées, troubles digestifs à type de nausées, vomissements, diarrhée (fréquente sous imatinib et quasi constante avec le bosutinib, nécessitant un traitement symptomatique, mais généralement transitoire), myalgies et crampes musculaires, réactions cutanées (xérose, rougeur, éruptions acnéiformes, réactions de photosensibilité, réactions cutanées graves dont syndrome de Stevens-Johnson ou de Lyell), rétention hydrosodée et œdème (pouvant nécessiter la prescription d’un diurétique). Les troubles hématologiques à type de neutropénie, thrombopénie, anémie sont plus fréquemment observés en début de traitement. Spécifique à l’imatinib : toxicité oculaire (œdème périorbitaire, hémorragie conjonctivale, impressionnante mais sans aucune gravité).

• Au long cours, tous les ITK peuvent être à l’origine d’effets indésirables cardiovasculaires : (HTA, très fréquente sous ponatinib, dose-dépendante, survenant dans un délai de quelques mois) ; allongement de l’intervalle QT favorisé par des troubles ioniques (vomissements, diarrhées, sous diurétiques) et/ou la coprescription de médicaments torsadogènes ou allongeant le QT ; en particulier sous nilotinib ou ponatinib, augmentation du risque thromboembolique artériel et/ou veineux.

Sous dasatinib, la survenue d’épanchements pleuraux et des cas d’hypertension artérielle pulmonaire sont rapportés ; une dyspnée, une toux sèche ou une douleur thoracique chez un patient sous ITK, notamment sous dasatinib, doit conduire à réaliser rapidement un examen clinique pulmonaire et une radiographie du thorax.

- Des anomalies du bilan lipidique sont aussi rapportées (hypertriglycéridémie, hypercholestérolémie) ainsi que des troubles de la glycémie (hypoglycémie chez le patient diabétique sous imatinib ; hyperglycémie sous nilotinib et ponatinib).

Surveillance

• Elle est clinique (état général, poids, tension artérielle, etc.) et biologique : NFS (fréquente les 2 premiers mois de traitement puis tous les 3 mois) ; bilan lipidique, glycémie à jeun et surveillance des fonctions hépatique, pancréatique (élévation des transaminases et de la lipase) et rénale, fréquemment en début de traitement puis tous les 6 mois à un an. L’arrêt temporaire du traitement suivi d’une reprise avec diminution de la posologie peut être envisagé selon la sévérité de ces troubles.

• Un ECG, une évaluation de la fonction myocardique et éventuellement un écho-Doppler artériel sont recommandés avant le début du traitement.

Interactions

• Les ITK sont des substrats du cytochrome CYP3A4. Leur association à des inhibiteurs du CYP3A4 est déconseillée ou à éviter en raison du risque de majoration de leurs effets indésirables : antifongiques azolés, certains macrolides (clarithromycine, télithromycine, érythromycine), inhibiteurs de protéases, jus de pamplemousse ou produits à base de pamplemousse, etc.). Leur association à des inducteurs puissants du CYP3A4 (qui peuvent diminuer l’action des ITK) est déconseillée (phénytoïne, carbamazépine, rifampicine, rifabutine…).

• L’association à des médicaments à index thérapeutique étroit (tacrolimus, ciclosporine, fentanyl, hormones thyroïdiennes…) doit se faire avec prudence. • L’association à des molécules pouvant induire des torsades de pointe ou allonger le QT (amiodarone, disopyramide, sotalol, mizolastine, citalopram, dompéridone, clarithromycine…) n’est pas recommandée.

• La coadministration d’antisécrétoires anti-H2 ou d’IPP est à éviter, notamment avec le bosutinib et le dasatinib dont l’absorption est influencée par le pH. L’administration à au moins 2 heures de distance d’un topique antiacide à action rapide est possible.

Dispensation

Prescription initiale hospitalière valable 6 mois, réservée aux spécialistes en hématologie, oncologie, ou aux médecins compétents en cancérologie. Renouvellement possible en ville par ces mêmes spécialistes sur présentation simultanée de la PIH initiale datant de moins de 6 mois.

Interféron alfa

L’interféron alfa-2a (IntronA) et l’interféron alfa-2b (Roféron-A) ont une AMM dans la leucémie myéloïde chronique en phase chronique. Le recours (hors AMM) à une forme retard (Pegasys, Viraféronpeg) est fréquente (administration hebdomadaire et amélioration de la tolérance).

Effets indésirables

Très fréquents : syndrome pseudo-grippal (limité par la prise de paracétamol), troubles digestifs, perte d’appétit, fatigue, céphalées, arthralgies, myalgies, alopécie.

Autres : rash cutané, arythmies, palpitations, troubles visuels, troubles psychiatriques pouvant nécessiter l’administration d’un antidépresseur, effets hématologiques justifiant une surveillance de la formule sanguine et l’adaptation posologique.

Dispensation

Prescription initiale hospitalière annuelle. Renouvellement possible par tout médecin durant un an.

Hydroxyurée

L’hydroxyurée (ou hydroxycarbamide) est une chimiothérapie à visée uniquement symptomatique.

Effets indésirables : toxicité hématologique nécessitant une surveillance régulière de la numération-formule sanguine (hebdomadaire en début de traitement), troubles gastro-intestinaux et cutanés (prurit, rash, xérose, difficultés de cicatrisation, ulcérations cutanées…) : les cas d’intolérance sévère avec fièvre et éruption survenant dans les 10 jours suivant l’initiation du traitement sont rares mais imposent l’arrêt définitif. Une lyse cellulaire massive peut entraîner une hyperuricémie en début de traitement nécessitant l’association à l’allopurinol et une hydratation abondante. Des contrôles de la fonction rénale sont nécessaires durant le traitement.

Interactions médicamenteuses : l’association à la phénytoïne est déconseillée (risque de convulsions ou de perte d’efficacité du cytotoxique).

Greffe allogénique de cellules-souches

La greffe allogénique de cellules-souches est précédée d’une chimiothérapie cytotoxique à haute dose associée ou non à une radiothérapie afin de détruire les cellules cancéreuses.

L’administration de cellules-souches saines du donneur HLA-compatible permet la régénération de la moelle osseuse puis des éléments figurés du sang (hématies, leucocytes et plaquettes) en quelques semaines. Cependant l’âge du patient, la disponibilité d’un donneur HLA identique, le risque élevé de complications graves (dont la maladie du greffon contre l’hôte) et les progrès apportés par les inhibiteurs de la tyrosine-kinase limitent aujourd’hui son indication.

Perspectives

Récemment, un essai de phase II a montré que l’ajout de pioglitazone (un antidiabétique qui n’est plus commercialisé en France) permet d’améliorer les réponses moléculaires profondes, et d’obtenir des maladies moléculaires indétectables.

D’autres essais sont en cours ou en projet avec comme objectif d’éroder le compartiment des cellules-souches leucémiques quiescentes, insensibles aux inhibiteurs de la tyrosine-kinase.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Michèle, 56 ans :

« En 1994, lorsqu’on m’a diagnostiqué ma LMC, j’ai été traitée par interféron et j’ai subi une autogreffe. En 2004, la maladie a récidivé et le médecin m’a prescrit un nouveau traitement, Glivec, que je prends toujours. Il me provoque quelques douleurs dans les cuisses mais pas trop de fatigue ni de douleurs gastriques. Le plus ennuyeux ce sont les diarrhées qui me gênent pour sortir avec des amis, mais, en prenant le traitement le soir, je suis moins incommodée. Le médecin n’a pas toujours le temps de m’écouter lorsque je suis inquiète ou que j’essaye de lui faire part des effets indésirables. C’est comme ça, c’est le prix à payer… Et c’est vrai qu’il y a 20 ans, je n’imaginais pas être encore là aujourd’hui ! »

LA LMC VUE PAR LES PATIENTS

Impact psychologique

• Le terme de « leucémie » est souvent synonyme pour le patient de « condamnation ». L’annonce de la maladie est un bouleversement.

• De nombreux patients disent ressentir une grande angoisse à chaque analyse de sang ou ponction de moelle osseuse, leur vie étant comme « suspendue » dans l’attente des résultats.

Impact familial, social et professionnel

La fatigue et les douleurs musculaires induites par les traitements ne permettent parfois plus de mener la même vie qu’avant et nécessitent souvent de déléguer et de se faire aider. La vie sociale peut aussi être perturbée par des effets indésirables souvent bénins mais visibles (gonflement du visage, des paupières, érythème ou éruptions cutanées…). La vie professionnelle est parfois interrompue.

À DIRE AUX PATIENTS

A propos de la LMC

• Grâce aux thérapies ciblées, la LMC est devenue une maladie chronique de bon pronostic lorsque le traitement est bien suivi, avec une espérance de vie comparable à celle de la population générale, mais avec les contraintes d’un traitement a priori « à vie » : prises quotidiennes, examens de contrôle réguliers.

• Préparer la consultation avec le médecin en listant les questions à lui poser. Décrire les effets indésirables ou les difficultés rencontrées sans attendre si besoin la prochaine consultation pour les évoquer : le patient doit pouvoir joindre l’hématologue ou l’hôpital (par téléphone ou par mail) et/ou, dans tous les cas, son médecin traitant qui fera le lien avec l’hématologue.

• La fatigue est une plainte très fréquente. L’activité physique a généralement un effet bénéfique en améliorant le sommeil, le bien-être général, l’endurance et en permettant à l’organisme de mieux résister. Les techniques de relaxation peuvent aussi aider à soulager le stress, l’angoisse et l’inquiétude.

• Les vaccinations contre la grippe et les infections pneumococciques sont recommandées.

A propos des traitements

• L’observance du traitement par ITK est déterminante pour l’efficacité du traitement. Des stratégies peuvent aider à assurer des prises régulières : alarmes, sollicitation de l’entourage, inscription à LMCoach (service gratuit proposé par l’association LMC France délivrant des messages vocaux et SMS de rappel aux patients sous ITK), recours à une infirmière libérale. Prévoir de ne pas à être à cours de son traitement en anticipant ou en programmant les commandes auprès de la pharmacie.

Modalités de prise : imatinib et dasatinib de préférence au cours d’un repas pour limiter les troubles digestifs ; nilotinib au moins 2 heures après et 1 heure avant de manger ; bosutinib au cours d’un repas. Pas de rattrapage de la dose en cas d’oubli ou de vomissements.

Effets indésirables : ils sont très variables d’un patient à l’autre. Certains, invalidants, peuvent s’estomper avec le temps et/ou peuvent être améliorés en adaptant le moment de prise (au repas, le soir etc.) ou en proposant si besoin des traitements symptomatiques.

Crampes musculaires, arthralgies, céphalées : elles peuvent être limitées par la prise d’antalgiques, et pour les crampes, de magnésium. Le recours au paracétamol doit rester ponctuel, notamment sous imatinib (toxicité hépatique).

Troubles digestifs : des mesures hygiénodiététiques adaptées limitent la diarrhée, la constipation ou les nausées ; si besoin d’un laxatif doux, un antidiarrhéique (type lopéramide, racécadotril), un antinauséeux (type métopimazine) ou un topique antiacide (pris à au moins 2 heures de distance de l’ITK) peut être conseillé. Dans tous les cas, en cas de diarrhée et/ou de vomissements, le patient doit penser à bien se réhydrater pour éviter toutes perturbations hydroélectriques qui pourraient majorer des troubles du rythme sous ITK.

Toxicité cutanée : prévoir des vêtements couvrants et une crème solaire haute protection si nécessaire et l’application quotidienne d’émollients. En cas de prurit important, proposer un topique dermocorticoïde et/ou un antihistaminique per os (cétirizine, loratadine) en attendant une consultation médicale. En cas de prurit au niveau du cuir chevelu, un shampooing antipelliculaire peut être proposé (Stiprox, Sebiprox…). Autres : encourager l’automesure tensionnelle et une surveillance régulière du poids.

Consulter en urgence : si apparition d’hématomes ou de saignements inhabituels, céphalées importantes (suspicion d’HTA), prise de poids rapide ou aggravation des œdèmes, dyspnée non expliquée et toux (suspicion d’épanchement pleural en particulier sous dasatinib), douleurs thoraciques ou troubles du rythme, difficultés ou douleurs à la marche.

Attention aux interactions ! : vérifier les coprescriptions, en particulier les médicaments torsadogènes, les inducteurs et inhibiteurs enzymatiques (proscrire le millepertuis, les produits à base de pamplemousse). De nombreuses plantes (chardon-Marie, Desmodium, carambole, orange amère…) sont déconseillées par les prescripteurs. Attention aussi aux nouvelles plantes dont les interactions sont mal connues.

• Contraception efficace jusqu’à 2 semaines après l’arrêt du traitement par inhibiteurs de la tyrosine-kinase.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : NON. La dompéridone est une molécule torsadogène et son association aux inhibiteurs de tyrosine-kinase (comme le dasatinib, Sprycel), qui sont susceptibles d’allonger l’intervalle QT, n’est pas recommandée. Un appel au médecin s’impose pour qu’il modifie l’antiémétique : la prescription de la métopimazine par exemple est possible. Par ailleurs, il faut recommander à Mme G. de bien s’hydrater car les vomissements et la diarrhée favorisent l’apparition de perturbations ioniques pouvant majorer le risque de troubles du rythme sous ITK.

ORDONNANCE 2 : NON. Les ITK (imatinib, Glivec) sont des substrats du CYP3A4 et leur association à des inhibiteurs enzymatiques comme la clarithromycine n’est pas recommandée (risque de majoration de leurs effets indésirables par diminution de leur métabolisme). De plus, la clarithromycine est susceptible d’allonger l’intervalle QT tout comme Glivec. Il convient donc d’appeler le médecin afin qu’il prescrive un autre antibiotique (amoxicilline, pristinamycine…).

MÉMO-DÉLIVRANCE

Y a-t-il des traitements à délivrance particulière ?

• ITK : prescription initiale hospitalière réservée aux spécialistes en hématologie, oncologie ou cancérologie et valable 6 mois. Renouvellement possible durant ce laps de temps par un spécialiste de ville.

• Interféron alfa : prescription initiale hospitalière annuelle. Renouvellement possible par tout médecin durant la période de validité de la PIH.

Le patient connaît-il les modalités de prise de l’ITK ?

• Imatinib et dasatinib : de préférence au cours d’un repas pour limiter les troubles digestifs.

• Nilotinib : en 2 prises par jour à 12 heures d’intervalle au moins 2 heures après et 1 heure avant le repas.

• Bosutinib : prise obligatoire au cours d’un repas.

Pas de rattrapage de la prise en cas d’oubli ou de vomissements.

Est-il sensibilisé à l’observance ?

L’observance stricte conditionne l’efficacité de l’ITK et le maintien de la maladie en rémission. A partir de 3 oublis par mois, risque de perte de la réponse au traitement.

Est-il gêné par les effets indésirables ?

• Céphalées, douleurs musculaires : ibuprofène à préférer au paracétamol notamment sous imatinib (toxicité hépatique) ; magnésium en cas de crampes douloureuses. Troubles digestifs : si besoin lopéramide (imatinib, bosutinib) ou laxatifs doux (notamment sous nilotinib), topiques antiacides à 2 heures de distance des ITK (éviter les IPP et les anti-H2). Toxicité cutanée : application régulière d’émollients (prurit, xérose, érythème), si besoin anti-H1 ; photoprotection en cas d’exposition au soleil. Autres : l’automesure tensionnelle peut être recommandée, surveillance du poids (rétention hydrique). Fièvre ou signes infectieux : en début de traitement, orienter vers une consultation médicale ; par la suite, pas de consigne particulière si dernière NFS (moins de 3 mois) normale.

• Consultation en urgence : si aggravation des œdèmes ou prise de poids importante, apparition d’une toux et/ou d’une dyspnée, céphalées importantes (suspicion d’HTA) ; douleur thoracique ou dans une jambe, difficultés à la marche.

Y a-t-il des coprescriptions ?

Nombreuses interactions contre-indiquées ou déconseillées (millepertuis, phénytoïne, carbamazépine, azolés, clarithromycine, pamplemousse, dompéridone, mizolastine, citalopram…).

Conseils complémentaires

Vaccinations recommandées : contre la grippe saisonnière et le pneumocoque.

Contraception efficace sous ITK. Grossesse à planifier en période de rémission prolongée autorisant l’arrêt temporaire de l’ITK.

LE CAS : Mme C., 41 ans, est sous imatinib (Glivec) depuis le diagnostic il y a un an d’une leucémie myéloïde chronique. Elle a rendez-vous avec l’hématologue pour le suivi de son traitement. Au vu des derniers résultats, ce dernier modifie la prise en charge et remplace l’imatinib par du nilotinib (Tasigna).

Qu’en pensez-vous

La prise du nilotinib doit s’effectuer :

1) Systématiquement au milieu d’un repas

2) Impérativement à distance des repas

Qu’en pensez-vous

Pouvez-vous délivrez le gel à Mme C. ?

1) Oui et vous encouragez la patiente à en parler au médecin lors de son prochain rendez-vous

2) Inutile, vous décidez de contacter l’hématologue en urgence

EN CHIFFRES

• Environ 800 nouveaux cas par an en France. Représente environ 15 % des leucémies de l’adulte.

• Age médian au moment du diagnostic : 59 ans. Légère prépondérance masculine. Très rare chez l’enfant.

• Prévalence en augmentation du fait de l’efficacité des traitements ; estimée entre 8 000 et 12 000 cas en 2014.

Physiopathologie de la LMC

• Les cellules du sang sont produites au sein de la moelle osseuse à partir des cellules-souches hématopoïétiques. Ces dernières sont à l’origine des différentes lignées sanguines.

• La LMC est le résultat d’une anomalie moléculaire acquise dans les cellules-souches de la moelle osseuse : une translocation réciproque entre les bras longs des chromosomes 9 et 22 donne naissance à un chromosome 22 court, le chromosome Philadelphie (Ph1). Celui-ci comporte une séquence de gène anormale appelée BCR-ABL codant pour une protéine à activité enzymatique de type tyrosine-kinase qui provoque un renouvellement et une prolifération accélérée des cellules atteintes, essentiellement ceux de la lignée granulocytaire. Par la suite, au cours de l’évolution de la maladie, d’autres anomalies génétiques peuvent apparaître.

A noter : l’anomalie moléculaire n’est présente que dans les lignées des cellules sanguines qui découlent de la cellule-souche atteinte. Elle ne concerne pas les autres cellules ni celles de la reproduction : la maladie n’est donc pas héréditaire et il reste des cellules hématopoïétiques normales.

CE QUI A CHANGÉ

APPARUS

• Le bosutinib (Bosulif), ITK de 2e génération, disponible à l’hôpital depuis 2013, en ville depuis début 2015.

• Le ponatinib (Iclusig), ITK de 3e génération, disponible à l’hôpital depuis fin 2013.

VIGILANCE !!!

Les principales contre-indications des traitements sont les suivantes :

• ITK : ils ne doivent pas être administrés au cours de la grossesse en raison de risques potentiels pour le fœtus ni au cours de l’allaitement. Une contraception efficace est recommandée durant le traitement et, pour le nilotinib, jusqu’à 2 semaines après l’arrêt de l’ITK.

• Interféron alpha : antécédent d’affection cardiaque sévère préexistante, insuffisance rénale sévère, hépatite chronique décompensée ou cirrhose hépatique, épilepsie non contrôlée.

• Hydroxyurée : grossesse et allaitement.

Point de vue
Dr Pascale Cony-Makhoul, hématologue, centre hospitalier Annecy-Genevois, membre du groupe coopérateur FI-LMC

« A partir de 3 oublis par mois de l’ITK, le patient n’a aucune chance d’obtenir une maladie moléculaire indétectable »

Quand envisager un arrêt de l’ITK ?

A l’heure actuelle, un arrêt du traitement par ITK n’est proposé que dans le cadre d’essais cliniques très encadrés, généralement chez des patients dont la maladie moléculaire est indétectable depuis au moins 2 ans, ce qui représente à peine 10 % des patients sous ITK. Parmi ces patients, environ 30 % rechutent dans les 6 mois et nécessitent une reprise du traitement, 40 % restent en maladie indétectable. Chez les autres, on constate une réapparition d’un signal moléculaire fluctuant, sans perte de réponse moléculaire majeure, mais qui nécessite une surveillance très rapprochée. On suppose que le système moléculaire de ces patients parvient à contrôler par lui-même les cellules-souches Ph1+ quiescentes qui se réactivent. Dans tous les cas, il apparaît que plus la durée d’exposition à l’ITK est importante (sans doute plus de 5 à 8 ans), moins le risque de rechute moléculaire semble important. Un traitement par ITK ne peut donc être envisagé à l’heure actuelle que sur une longue durée.

Que dire aux patients ?

Que l’observance est primordiale. En dessous de 90 % (soit 3 oublis dans le mois), le patient n’a aucune chance d’obtenir une maladie moléculaire indétectable. Si besoin, il faut composer avec les effets indésirables (modifier les moments de prise, adapter son alimentation, adjoindre des traitements symptomatiques…) et, bien sûr, prévenir les plus graves par une surveillance rapprochée. Le pharmacien a un rôle important à jouer dans la détection des interactions (avec des coprescriptions éventuelles) ou dans le signalement de comorbidités dont l’hématologue n’a parfois pas connaissance (un diabète, une hypertension artérielle…) qui peuvent remettre en question la prescription de certains ITK.

QUESTION DE PATIENTS

Comment se déroule une ponction de moelle osseuse ?

« Elle consiste à prélever un échantillon de cellules de moelle osseuse au niveau du bassin (os iliaque) ou du sternum. Elle est réalisée au cours du diagnostic puis du suivi (en général pas plus de 2 ponctions en moyenne au cours des 12 à 18 premiers mois de traitement pour les patients qui répondent bien). L’examen dure 15 à 20 minutes. Il est désagréable mais peu douloureux car réalisé sous anesthésie locale. Un traitement anxiolytique peut être proposé au patient avant sa réalisation. »

QUESTION DE PATIENTS

Est-ce qu’une grossesse est possible malgré mon traitement ?

« Tout projet de grossesse doit être discuté avec l’hématologue car l’arrêt de l’ITK, potentiellement fœtotoxique, est alors recommandé, d’où la nécessité d’être en rémission stable et suffisamment prolongée pour éviter une reprise de la maladie. En cas de perte de la réponse moléculaire (évaluée chaque mois), un traitement par interféron alfa est instauré. »

INTERNET

LMC-France

lmc-france.fr

Nombreux documents et conseils sur le site de l’association LMC France (Leucémie myéloïde chronique France).

FI-LMC

lmc-cml.org

Des informations sur la maladie et les traitements à destination des patients et des professionnels de santé.

Institut national du cancer

e-cancer.fr

A télécharger, un document sur les effets indésirables des ITK : « Médicaments ciblant BCR-ABL… » (onglets Expertises et Publications, Catalogue des publications).

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