« Le schéma actuel expose la profession à tous les dangers » - Le Moniteur des Pharmacies n° 3113 du 30/01/2016 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3113 du 30/01/2016
 
INTERVIEW JEAN-LUC FOURNIVAL, PRÉSIDENT DE L’UNPF*

Actualités

Auteur(s) : Loan Tranthimy*, Laurent Lefort**

L’échec aux élections des URPS n’a pas ébranlé l’UNPF. Au contraire ! Maintenu à la tête du syndicat, Jean-Luc Fournival dévoile ses ambitions pour la profession.

Comment expliquez-vous votre mauvais score aux élections des URPS (8,6 % des votes) ?

Notre objectif était de dire la vérité aux pharmaciens car le statu quo n’est plus possible. Mais le Livre blanc, qui porte notre vision d’avenir sur le métier, a été trop précurseur. La vérité n’est pas toujours bonne à dire. Je reconnais aussi avoir été naïf dans l’exécution voire dans la façon de mener la campagne électorale et en refusant toute approche électoraliste. Cet échec, je l’ai pris personnellement. Lors du dernier bureau, j’ai d’ailleurs présenté ma démission. Laquelle n’a pas été acceptée.

Quelles erreurs allez-vous corriger ?

Il y a peut-être eu des erreurs de présentation, de communication du Livre blanc mais pas sur le fond. Nous ne changerons donc rien ni sur les fondamentaux ni sur les objectifs. En revanche, nous ferons en sorte que nos propositions soient mieux expliquées et pas détournées par les deux autres syndicats de façon plus ou moins correcte comme cela s’est passé pendant la campagne.

C’est surtout votre proposition d’ouverture du capital qui a été rejetée par les pharmaciens…

Bien sûr. J’ai toujours dit que cette proposition n’était pas un objectif mais un simple moyen. L’ouverture du capital doit être vue comme une mutualisation des moyens permettant aux pharmaciens de vivre décemment de leur métier et aux jeunes de pouvoir accéder à la profession. Cela peut prendre la forme d’une franchise, d’une coopérative… peu importe. Le système est à inventer.

N’est-ce pas l’exemple même du sujet tabou et suicidaire pour une campagne ?

L’objectif de l’UNPF est de préparer l’avenir et sans réseau construit, il n’y aura pas d’évolution possible… Alors oui, c’est un sujet « sensible » mais il fallait avoir le courage politique de dire la vérité aux pharmaciens. Il faudra bien à un moment donné se poser les bonnes questions.

Aujourd’hui, le pharmacien est un pousseur de boîte, un logisticien, un commerçant. S’il continue à s’appuyer sur cette logique et sur un régime conventionnel qui va se réduire, il n’aura pas d’avenir car attaqué de toute part par les GMS, la vente en ligne…

Aujourd’hui, négocier, gérer des stocks, « pousser des boîtes » pour reprendre votre expression, c’est sur quoi le pharmacien a le plus de visibilité. En allant vers un autre modèle, il sait ce qu’il va perdre mais pas forcément ce qu’il va gagner…

Le schéma actuel expose la profession à tous les dangers. Prenons l’exemple de l’iatrogénie médicamenteuse qui coûte 1 milliard d’euros à l’Etat. Si le pharmacien devient clinicien, se positionne comme expert dans un domaine technique, entre dans un réseau pluridisciplinaire avec les médecins, il redevient alors un véritable professionnel de santé qui rend service aux patients tout en permettant à l’Etat de réaliser des économies. Ce nouveau positionnement ferme la porte à tous ces acteurs qui veulent prendre les marchés. Le réseau peut être ainsi pérennisé en passant un contrat avec l’Etat, comme ce qui se fait déjà au Canada.

La pharmacie canadienne est-elle votre modèle ?

Oui, car elle a su développer le rôle du pharmacien clinicien comme nous le souhaitons. Notre axe de communication va vers les confrères qui veulent œuvrer pour le patient et être payés pour un acte intellectuel. L’objectif est de créer un réseau de pharmaciens qui développent des compétences nouvelles. Sur les 22 000 pharmacies françaises, je pense pouvoir en fédérer au moins 2 500 dont 700 qui se sont déjà spécialisées dans les préparations des doses à administrer.

L’USPO réclame également un contrat avec l’Etat. A vous entendre, vous êtes d’accord…

Le contrat doit proposer une réelle et rapide mutation du métier et à condition que l’Etat l’accepte et sur ce point, je n’en suis pas sûr. En tout cas, si nous parvenons à une idée commune pour la profession, alors l’UNPF travaillera avec toutes les structures. Pour moi, les bonnes idées n’ont pas d’étiquette politique. Je soutiens davantage les hommes de convictions, porteurs de projets innovants que ceux aux ego débordants.

L’UNPF perdra sa représentativité en juillet. Comment défendrez-vous la profession ?

La représentativité conventionnelle a été perdue, mais pas la représentativité sociale. Notre parole sera plus libre et cela peut être une chance. En 2016, nous allons reprendre un tour de France pour rencontrer des pharmaciens. Cette fois, on ne pourra pas nous taxer d’électoralisme. Notre objectif est de regrouper toutes les forces pour construire et finaliser un projet d’avenir avec tous les acteurs de la chaîne du médicament.

Vous dites que le modèle économique des officines va reposer de plus en plus sur le régime complémentaire. Donc davantage d’inégalités d’accès aux soins pour les patients…

L’objectif est de travailler sur des nouveaux process. Le pharmacien, en tant qu’acteur de soins de premier recours, peut prendre en charge plus rapidement un grand nombre de symptômes et de pathologies pour un coût moindre et donc générer des économies.

En développant les paniers de soins avec le régime complémentaire, nous pouvons fluidifier le parcours de soins des patients. Quant à l’Assurance maladie, elle doit rester plus protectrice pour des personnes aux revenus faibles qui ont déjà un accès difficile aux soins ou aux médicaments innovants. En tout cas, ce sera un nouvel axe de travail avec les mutuelles. En contrepartie de ces paniers de soins, les complémentaires devront accepter de proposer des contrats équitables.

* Union nationale des pharmacies de France.

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