Santé connectée et solutions intégrées dessinent l’avenir de la thérapeutique - Le Moniteur des Pharmacies n° 3106 du 05/12/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3106 du 05/12/2015
 

Industrie

Auteur(s) : Magali Clausener

Les annonces de partenariats entre groupes pharmaceutiques et acteurs du monde numérique se multiplient. La santé connectée devient pour les laboratoires une opportunité de proposer des solutions intégrées autour de leurs médicaments.

Le 31 août 2015, Sanofi annonçait une collaboration avec Google Life Sciences pour améliorer la prise en charge et les résultats cliniques des personnes atteintes de diabète de type 1 et de type 2. « En tant que leader mondial dans le traitement du diabète, nous avons à la fois le devoir et l’engagement de proposer des solutions intégrées aux personnes atteintes de cette maladie. Cette initiative combine les atouts et le savoir-faire de Sanofi dans le diabète avec le leadership de Google en matière de technologie et d’analyse afin de lancer une initiative unique en son genre ayant le potentiel de transformer le traitement du diabète », expliquait alors le Dr Olivier Brandicourt, directeur général de Sanofi, dans un communiqué de presse. « Avec l’arrivée de nouvelles technologies permettant de suivre en continu et en temps réel l’état de santé des patients, nous pouvons envisager des méthodes plus proactives et efficaces de contrôle du diabète », indiquait pour sa part Andy Conrad, directeur général de la division Sciences de la vie de Google.

Se positionner sur la santé connectée

Voilà qui résume le nouveau défi des laboratoires en matière de santé connectée : allier le savoir-faire médical des laboratoires pharmaceutiques à l’ingénierie informatique et numérique d’autres acteurs pour proposer de nouveaux produits. Il s’agit de « créer de la valeur médicale pour les patients » selon les termes d’Isabelle Vitali, directrice de l’innovation et du développement des partenariats chez Roche, d’améliorer la prise en charge des patients par les professionnels de santé et, in fine, par le payeur. Mais cette volonté de tirer profit des nouvelles technologies au bénéfice des patients relève aussi d’une stratégie à long terme. Les groupes pharmaceutiques sont confrontés, en matière de médicaments, à des contraintes réglementaires et budgétaires de plus en plus fortes dans les pays développés. L’intérêt est donc de proposer des produits à forte valeur ajoutée, non seulement thérapeutique mais aussi d’usage : observance, gestion des effets indésirables, suivi personnalisé du patient. « Nous avons décidé de revisiter notre écosystème en nous demandant : que peut-on faire en matière d’innovation ?, explique Isabelle Vitali. La réponse est d’aller au-delà du médicament, en apportant des services, des diagnostics, des dispositifs médicaux, du data, en nous appuyant sur les technologies. » D’où l’idée de proposer des « solutions intégrées ».

Dans le même temps, des acteurs extérieurs au monde pharmaceutique se sont lancés dans le développement d’objets connectés et d’applications santé. Or, les laboratoires n’ont pas l’intention de laisser échapper un tel marché : selon l’ASIP Santé (Agence des systèmes d’information partagés de santé), le marché global de l’e-santé en France représente environ 3 milliards d’euros. « Il y a une volonté claire de se positionner sur la santé connectée ou la santé numérique […], car c’est un mouvement de fond qui recèle de très nombreuses opportunités pour nous afin d’améliorer la prise en charge du patient et l’efficience du système de santé. Nous voyons émerger de nouvelles solutions et de nouveaux acteurs comme Google, Orange Healthcare ou des constructeurs d’automates. Un univers est en train de se construire et Sanofi a un rôle important à y jouer », déclare Gilles Litman, directeur de la performance et de l’innovation chez Sanofi France. Le numérique n’étant « pas le métier des groupes pharmaceutiques », comme le souligne Isabelle Vitali, « notre volonté est de développer des partenariats en télémédecine, en logiciels thérapeutiques compagnons, en objets connectés, et d’avoir une approche pluridisciplinaire ».

De nouvelles applications mobiles

Si la collaboration entre Sanofi et Google a été très médiatisée, le laboratoire n’en est pas à son coup d’essai. En France, il a signé dès septembre 2011 un accord de partenariat avec le Centre d’étude et de recherches pour l’intensification du traitement du diabète et la société Voluntis pour le développement, en télémédecine, de Diabeo. En 2015, Sanofi a lancé deux applications mobiles : NutriDial à destination des patients sous dialyse pour leur permettre d’évaluer et de contrôler l’apport de protéines, de phosphore, de potassium et de sodium dans leur alimentation, et AMS (Annuaire médico-social), un dispositif digital destiné aux professionnels de santé et aux patients pour faciliter leur prise en charge, leur orientation et leur parcours de soins en France. De son côté, Genzyme, une entreprise du groupe Sanofi, a également apporté son soutien à la conception du premier « e-guide » sur les maladies lysosomiales à transmission autosomique récessive, une application développée par ViVio, un éditeur de contenu spécialisé dans la santé.

Autre exemple d’innovation de Sanofi : l’application Mon Glucocompteur développée par le CHU de Toulouse et déployée ensuite avec le soutien du groupe. « Nous avons travaillé avec des diabétologues et des nutritionnistes pour mettre au point une application qui permette aux patients d’estimer l’apport en glucides en fonction de leur alimentation. L’idée est d’indiquer aux patients diabétiques la dose d’insuline rapide en fonction de leurs repas », détaille Gilles Litman.

La stratégie de Sanofi en matière de santé connectée est partagée par d’autres laboratoires. Leo Pharma a fait part en août dernier de son investissement dans SkinVision BV, une société axée sur les applications mobiles en dermatologie. « Cet accord nous donnera un accès unique à des connaissances en matière de numérique qui vont nous aider à terme à répondre aux besoins non satisfaits de chaque patient, individuellement », précise Kim Kjoeller, vice-président du développement global chez Leo Pharma. Roche Pharma France a communiqué en septembre sur son partenariat avec Voluntis pour le développement d’une solution compagnon qui accompagnera, au quotidien, les femmes atteintes d’un cancer du sein dans leur prise en charge médicale. Mais le groupe a déjà entrepris d’autres coopérations avec Orange Healthcare et Orange Consulting (accompagnement des patients atteints de sclérose en plaques), Dassault Systèmes ou des start-up. « Nous avons aussi mis en place un programme de recherche, Epidemium, avec La Paillasse, un laboratoire communautaire scientifique. Il vise à mieux comprendre l’épidémiologie du cancer grâce à l’exploitation de big datas », relate Isabelle Vitali.

De fait, chaque laboratoire travaille à des applications en lien avec les aires thérapeutiques ou les sujets qu’il couvre. Pierre Fabre Healthcare a ainsi lancé en septembre dernier une application pour aider les femmes à ne pas oublier leur contraception au nom explicite : Moublipa. Quelques mois auparavant, en mars, les laboratoires Pierre Fabre Dermocosmétique mettent à disposition des professionnels de santé Skin Drug Reactions Base. Cette application permet d’accéder à une base de données recensant 3 000 types cliniques de réactions cutanées pouvant être déclenchées par des médicaments. Dernière action du groupe Pierre Fabre le 12 octobre : le partenariat avec Connected Health Lab (CHL), la nouvelle plate-forme de recherche et de développement de l’école d’ingénieurs en Informatique et systèmes d’Information pour la santé (ISIS) de Castres. « Ce lieu de coconception, mis en œuvre au travers d’une étroite collaboration avec des industriels et des acteurs du monde de la santé, a pour vocation de contribuer à l’émergence et à la validation de solutions innovantes pour la santé connectée de demain », explique Rémi Bastide, responsable de la recherche à l’ISIS, sur le site Internet du CHL.

Trouver un modèle économique

Les initiatives ne manquent donc pas. Reste le problème du financement. Car le modèle de gratuité des applications risque de ne pas tenir face aux investissements nécessaires des laboratoires et de leurs partenaires. Les futures solutions seront-elles prises en charge par l’assurance maladie, les régimes complémentaires ou bien encore par les patients ? « Nous ne savons pas pour l’instant, mais il va falloir trouver un modèle de financement, car nos dispositifs médicaux sont à distinguer des gadgets, répond Isabelle Vitali. Nos applications sont développées avec des experts scientifiques et nous voulons les évaluer avec la même précision qu’une nouvelle molécule. » « Qui pourrait financer ces solutions, demain ? Nous réfléchissons aux différentes options possibles, remarque Gilles Litman. Un financement public aurait du sens, car ces solutions vont à terme contribuer à une meilleure efficience du système de santé, par exemple en évitant des hospitalisations, des complications, en améliorant le suivi des patients chroniques ou leur parcours de soins entre la ville et l’hôpital, et cela générera demain des économies. »

L’aspect juridique préoccupe également les laboratoires. Comme souvent dans le domaine du numérique, les applications apparaissent bien avant qu’une réglementation ne soit mise en place. Gilles Litman estime que le marché va se réguler par la disparition d’acteurs simplement opportunistes et d’applications sans réelle utilité. Et d’ajouter : « Les applications conçues en amont avec les patients sont d’ailleurs celles qui ont le plus de chances d’être pérennes. » Isabelle Vitali met aussi en avant l’aspect éthique. « Fin 2015, nous allons mettre en place un comité éthique indépendant de Roche et de Voluntis, annonce-t-elle. Nous l’avons d’ailleurs fait pour notre projet avec La Paillasse. Le comité comprend aussi bien des experts scientifiques que des représentants des patients, des avocats ou entrepreneurs. » Des préoccupations qui rejoignent celles du Conseil national du numérique, qui rappelle dans son rapport d’octobre 2015 (« La santé, bien commun de la société numérique ») « la nécessité d’instruire la place des questions d’éthique dans la société numérique ».

Car tout est à construire dans le domaine de la santé connectée, ou plutôt, comme le déclare Isabelle Vitali, à « coconstruire avec les patients, les autorités de santé, les financeurs dans un budget contraint »

ILS ONT CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO

Marc-Antoine Lucchini, président-directeur général de Sanofi France

Bertrand Parmentier, directeur général de Pierre Fabre

Patrick Guérin, président-directeur général d’OpenHealth Company

Patrick Guérin Président-directeur général d’OpenHealth Company

Le tournant historique du big data

Nous vivons, avec le numérique et les données de santé, un tournant que l’on peut qualifier d’historique : des quantités colossales de données sont générées et se mettent à circuler chaque jour.

La plupart des données de santé (bilans, imagerie, prescriptions, délivrances etc.) sont désormais numérisées. La capacité de traitement informatique ouvre de nouvelles perspectives : épidémiologie, prévention, pharmacovigilance et veille sanitaire sont autant de domaines qui vont être transformés par ce qu’on appelle communément le « big data ». Par exemple, l’agence américaine des produits de santé (FDA) s’est associée à Google pour déceler les effets indésirables des médicaments via… les requêtes faites sur le moteur de recherche !

Dans le même temps, ces bouleversements nous invitent à une nécessaire réflexion éthique et méthodologique : la façon d’analyser ces volumes de données, dans le strict respect de la vie privée des citoyens, fonde la qualité des conclusions qui pourront en être tirées. Or l’intérêt de l’analyse des données réside précisément dans la capacité à en tirer des informations pertinentes pour relever les défis de la santé d’aujourd’hui, celui de l’observance par exemple. Ainsi, en comparant sur un produit ou une pathologie l’observance des patients d’une officine relativement à celle d’officines équivalentes, il devient possible de définir des profils de « non-observants » et de mettre en place des plans d’action ciblés. L’analyse des données est un outil qui permet au pharmacien de jouer pleinement son rôle de promoteur de santé. Car c’est lui qui reste au cœur de la relation avec le patient, qui peut l’accompagner tout au long de son traitement et améliorer son observance.

Marc-Antoine Lucchini Président-directeur général de Sanofi France

Sur le chemin de la médecine de demain

Les solutions d’e-santé qui se développent aujourd’hui tracent le chemin de ce que sera la médecine de demain. Une médecine plus personnalisée, participative, prédictive et collaborative, où le « patient expert » sera au cœur du système et acteur de sa santé.

Les solutions de santé connectée ont tout leur intérêt en matière de prévention et de dépistage, d’éducation et de coaching, d’aide à l’adhérence et à l’observance, de coordination des soins et de télésurveillance. Chez Sanofi, nous sommes convaincus que l’e-santé peut permettre d’améliorer la vie de chacun, notamment pour les patients atteints de maladies chroniques, telles que le diabète. En investissant dans ce domaine, nous souhaitons contribuer à l’amélioration du système de soins, ainsi que notre offre globale, en allant au-delà du médicament.

Depuis plus de 40 ans, notre ambition est d’accompagner les patients dans leur quotidien, en leur proposant des solutions innovantes, intégrées et personnalisées visant à améliorer leur prise en charge. Pour relever ce défi, nous avons fait le choix de l’« open innovation ». Nous travaillons à l’échelle locale avec tous les acteurs susceptibles de nous aider à mettre en pratique cette somme de connaissances nouvelles et de technologies de pointe, qui est en train de changer la nature même de nos processus d’innovation.

Nous souhaitons aujourd’hui constituer un portefeuille complet de solutions de santé mobile, en adéquation avec les pathologies dans lesquelles nous développons des nouvelles thérapies et nos domaines d’expertise pour répondre aux besoins des patients et leurs aidants, ainsi que de l’ensemble des professionnels de santé.

Bertrand Parmentier Directeur général de Pierre Fabre

Agir pour la prospérité de l’officine

En décembre dernier, nous avons annoncé un nouveau plan stratégique baptisé Trajectoire 2018. Ce plan axé sur l’innovation intervient au moment charnière de l’après-Monsieur Pierre Fabre où il appartient à notre entreprise, détenue par une fondation d’utilité publique, de se réinventer dans la fidélité aux valeurs et à la mission de son fondateur.

L’innovation est devenue une source de création de valeur incontournable pour l’officine à l’heure où les baisses de prix du médicament remettent en cause son modèle économique. Dans ce condiv, nos priorités pour l’officine sont claires : accélérer le rythme des initiatives lui permettant de se différencier, accompagner le pharmacien dans son rôle pivot dans le parcours de soin, encourager la transformation digitale de l’officine. Nous venons par exemple de participer à la création d’un laboratoire universitaire spécialisé dans l’évaluation des solutions d’e-santé en y implantant une officine virtuelle.

Trajectoire 2018 confirme ainsi notre positionnement original sur un continuum d’activités. Ce continuum de la santé à la beauté est issu de nos racines officinales auxquelles nous sommes viscéralement attachés. Il nous permet d’inscrire notre offre dans un parcours de soin centré sur le patient et orchestré par le pharmacien d’officine.

Comme l’était Monsieur Pierre Fabre, nous sommes convaincus que la prospérité future du groupe Pierre Fabre passera d’abord par celle de ses partenaires officinaux.

VOLUNTIS, UN PARTENAIRE TRÈS COURTISÉ

Créée en 2001, Voluntis est une société française spécialisée dans le développement de logiciels thérapeutiques compagnons. En 2015, Voluntis a déjà déployé 50 programmes utilisés par environ 600 000 patients dans 12 pays. Dès 2011, Sanofi s’est associé à Voluntis pour travailler sur le projet de télémédecine Diabeo, qui comprend une application smartphone, laquelle permet au patient d’entrer des données, un carnet électronique destiné à l’équipe soignante et un système de télésuivi par l’infirmière. Avec Voluntis, Roche développe un projet qui consiste à accompagner les femmes atteintes d’un cancer du sein à gérer au quotidien leur traitement, ses effets indésirables, leur anxiété, grâce à la transmission de données à l’équipe soignante. « Les laboratoires souhaitent aller au-delà du médicament en offrant des solutions de santé. Nous pouvons nouer ensemble des partenariats vertueux car nous avons des expertises très complémentaires, explique Pierre Leurent, président du directoire de Voluntis. Nous avons tout intérêt à travailler avec des laboratoires qui ont un savoir-faire reconnu pour la diffusion à large échelle d’innovations thérapeutiques auprès du corps médical. Ils ont aussi l’expertise et les moyens de mener des études cliniques de premier plan. » Les logiciels thérapeutiques compagnons que développe Voluntis sont en effet des dispositifs médicaux logiciels, une appellation reconnue depuis 2010. Et comme tels, ils nécessitent des études cliniques. Une distinction qui tient à cœur de Voluntis et des laboratoires. « En septembre 2015, on comptait 165 000 applications santé dans le monde mais seulement 110 homologuées en tant que dispositif médical », souligne Pierre Leurent. Quant à leur conception, Voluntis travaille en amont avec des scientifiques, des médecins et, bien sûr des patients qui testent les applications. « La solution doit être en adéquation avec leurs besoins, y compris en termes d’ergonomie », commente le jeune président de Voluntis. Les applications sont gratuites pour les patients et les professionnels de santé qui en sont les utilisateurs. Pour Pierre Leurent, l’un des freins à leur diffusion est la rémunération des professionnels de santé : « Il faut inciter les médecins à s’investir dans ces nouveaux usages par une rémunération appropriée. Une réponse peut être la forfaitisation de la prise en charge des patients chroniques, assortie d’une rémunération à la performance. »

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