Maladies chroniques : Un futur avec ou sans prise en charge - Le Moniteur des Pharmacies n° 3104 du 21/11/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3104 du 21/11/2015
 

Dossier

Auteur(s) : Magali Clausener

Une prise en charge uniquement pour les pathologies chroniques est-elle possible ? Cette question du panier de soins est de nouveau évoquée. Mais derrière se profile un autre débat : peut-on prendre en charge toutes les maladies chroniques ?

Le 22 octobre 2015, François Fillon a présenté son programme sur la santé. Plusieurs propositions concernent la pérennisation du financement de la Sécurité sociale. L’une d’elles aborde la prise en charge collective des maladies. Le candidat aux primaires de la droite veut ainsi revenir sur la définition des rôles respectifs de l’assurance maladie et des complémentaires santé.

L’objectif de l’ex-Premier ministre ? Focaliser « l’assurance publique universelle notamment sur les affections graves ou de longue durée: le panier de soins “solidaire” ; et l’assurance privée sur le reste : le panier de soins individuel ». L’idée d’un panier de soins qui déterminerait les soins remboursés ou non par l’assurance maladie n’est pas inédite. Mais la question de savoir comment établir un tel panier n’a jamais été résolue.

« Dérembourser les petites pathologies serait une erreur »

« Je reste persuadé que d’un point de vue sociétal, le déremboursement des petites pathologies serait excessivement difficile, car le principe de solidarité mis en place fait qu’on ne peut pas demander aux gens de payer et de ne rien recevoir en retour. Si l’assurance maladie ne donnait pas accès à un remboursement, cela serait un problème », estime Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Christian Saout, secrétaire général délégué du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), partage cette vision : « Nous en sommes déjà à 50 % de reste à charge avant complémentaire sur les soins de ville. Si l’on supprime tout remboursement, on délégitime la cotisation à l’Assurance maladie. Les patients paieront donc aussi cher qu’aujourd’hui pour être couverts sur les gros risques… et ils paieront deux fois plus cher leurs complémentaires pour couvrir le petit risque ! C’est une impasse car le budget des ménages ne le permet pas ». Même réaction de la part de Jean-Louis Touraine, député PS (Rhône), lors de la première édition des « Matinales » sur les maladies chroniques organisées le 27 octobre 2015 à la Maison de la Chimie à Paris, face à l’évocation d’un recentrage de l’assurance maladie sur le gros risque et les affections de longue durée. Il juge un tel scénario « très dangereux », avec le risque de rompre « le consensus social ». « Si vous déremboursez les petites pathologies, vous déremboursez l’accès au médecin et, là, vous accentuez le fossé entre les bien portants et les malades, et les malades qui n’ont pas les moyens », observe Eric Myon, secrétaire général de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF).

Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), pense que les comptes n’y seraient pas. « Imaginons que l’on dérembourse les médicaments à 15 % pour prendre en charge les traitements de l’hépatite C à 100 %. Cela rapporterait à peine 250 millions d’euros pour prendre en charge 800 millions d’euros pour les médicaments innovants de l’hépatite C. Cela serait juste une mécanique purement comptable… » Du côté des complémentaires santé, la perspective de couvrir des « petits risques » ne paraît pas non plus pertinente. « Nous sommes contre le désengagement de l’Assurance maladie, déclare d’emblée Jean-Martin Cohen-Solal, délégué général de la Mutualité française. S’il y a déremboursement, il doit être conjoint. En effet, si le médicament est inutile, il doit être déremboursé. Il faut une prise en charge en fonction de son utilité. »

« Il ne serait pas illogique que la liste des ALD soit revue régulièrement »

On l’aura compris, une couverture des « gros risques » seulement par l’assurance maladie ne paraît pas la bonne solution. Alors que faire face à l’arrivée de médicaments innovants et de plus en plus chers ? Comment assurer un accès aux soins dans un condiv de forte contrainte économique ? Gilles Bonnefond s’interroge sur la pertinence de la distinction entre affections de longue durée (ALD) et autres pathologies : « L’erreur est d’avoir trop vite élargi le remboursement à 100 % pour les ALD. Les ALD ne pèsent-elles pas trop lourds dans le régime obligatoire. Les assurances complémentaires ne peuvent pas s’exonérer d’intervenir sur ces pathologies ». Et de préconiser une révision de la liste des ALD. « Il ne serait pas illogique que la liste des ALD soit revue régulièrement, remarque Jean-Martin Cohen-Solal. Il y a des pathologies graves qui deviennent des affections de longue durée. A partir de quel degré un diabète peut devenir une ALD » Et d’ajouter : « Il faut savoir que le reste à charge d’un patient en ALD s’élève à environ 700 euros, contre 350 euros hors ALD. »

Une piste également abordée lors des « Matinales ». Ainsi, pour Jean-Pierre Door, député Les Républicains, il faut revoir les modalités d’entrée en ALD, mais aussi « prévoir des critères de sortie ». « On a déjà commencé à réviser cette liste : l’HTA sévère a disparu de cette liste. Personne n’a mesuré les conséquences en santé publique ni les conséquences sur les budgets des ménages, commente Christian Saout. Il y a seulement trois ans encore, le bouclier sanitaire était l’objet central de la discussion sur les nouvelles solidarités face à la maladie. Personne n’en a voulu. Dont acte. Mais au moins c’était une solution globale ouverte à l’échange public. Réviser la liste des ALD, affection par affection, c’est tout l’inverse. L’Assurance maladie universelle et solidaire est un élément du pacte social, y compris les ALD. On ne change pas un pacte social en catimini ». La mise en place d’un bouclier social pour remplacer le dispositif des ALD a d’ailleurs été l’une des solutions avancées lors des « Matinales ».

Même s’ils étaient réalisables d’un point de vue politique et technique, un éventuel changement de panier de soins ou un bouclier sanitaire ne peuvent pas être mis en œuvre très rapidement.

Revoir l’élaboration des prix des médicaments innovants ?

Pour l’heure, améliorer le parcours de soins y compris entre l’hôpital et la ville, développer l’éducation thérapeutique du patient, le bon usage du médicament et l’observance des traitements, sont autant d’éléments régulièrement mis en exergue. « Il faut une réforme structurelle du système de santé en France, ainsi que des débats sur le virage ambulatoire, sur la pertinence des soins et sur les traitements qui ne sont pas toujours justifiés », commente Jean-Martin Cohen-Solal.

Le CISS prône de revoir l’élaboration des prix des médicaments en particulier innovants (voir interview p. 40). Un point que Nicolas Revel, directeur général de la CNAMTS, a soulevé lors d’une conférence de presse le 15 octobre. Et que l’on retrouve dans le récent rapport de l’OCDE, « Panorama de la santé 2015 ». Quoi qu’il en soit, il va falloir trouver des solutions pour faire face aux défis de demain : l’augmentation du nombre de patients chroniques, le vieillissement de la population, la réduction des ressources financières.

Les psychotropes dérapent

Les dépenses santé liées aux maladies chroniques ne cessent d’augmenter. En 2013, les dépenses par grandes catégories de pathologies chroniques ont atteint 88,9 milliards d’euros. Les maladies psychiatriques représentent à elles seules 21,3 Md €. Viennent ensuite les maladies cardiovasculaires (15,1 Md €) et les cancers (15,1 Md €), puis le diabète (7,7 Md €) et les maladies neurologiques ou dégénératives (6,3 Md €).

Quid du parcours pharmaceutique ?

Gilles Bonnefond, président de l’USPO, défend depuis longtemps la mise en place d’un parcours pharmaceutique. Cela permettrait aux patients atteints de pathologies bénignes d’avoir les médicaments non remboursés pris en charge par leur complémentaire santé. « Une prise en charge officinale de petites pathologies serait plus efficace et moins chère », approuve Eric Myon, secrétaire général de l’UNPF. Et de confier : « Des complémentaires santé sont prêtes à nous accompagner sur ce sujet. Quelques mutuelles ont des offres avec des forfaits pour l’OTC, mais beaucoup ont du mal à gérer sur le long terme. Il faut protocoliser et faire de la qualité. » Pour Philippe Gaertner, président de la FSPF, « si on met en place ce type de parcours de médication officinale, on doit avoir une réflexion pour permettre aux personnes d’accéder à une pharmacie. Et là, il ne serait pas normal qu’une personne qui évite d’aller aux urgences et de consulter soit pénalisée par une non-prise en charge ».

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !