Ces animaux qui guérissent - Le Moniteur des Pharmacies n° 3103 du 14/11/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3103 du 14/11/2015
 
VENINS

Médicaments

Auteur(s) : Myriem Lahidely

Serpent, lézard, araignée, scorpion ou cône, une vingtaine de médicaments déjà présents sur le marché ont été tirés de leur venin. « La plupart de ces molécules agissent sur la coagulation ou l’anticoagulation du sang, ou sur les douleurs », résume Sébastien Dutertre, chercheur à l’Institut des biomolécules Max-Mousseron de Montpellier. Le captopril, le plus ancien sur le marché (1981), est l’antihypertenseur le plus commercialisé au monde. Il est dérivé de la bradykinine, peptide tiré du venin foudroyant d’un crotale brésilien, Bothrops jararaca. Il provoque une chute de la pression artérielle en agissant sur l’angiotensine, une enzyme qui contrôle la dilatation et la contraction des vaisseaux. Prialt (ziconotide), extrait du venin du cône géographe, est prescrit à l’hôpital depuis 2004 pour traiter des douleurs neuropathiques chroniques. « Grâce à une conotoxine (M7A) qui bloque les canaux calciques, cet analgésique bien plus puissant que la morphine est une alternative pour les patients devenus trop tolérants ou réfractaires aux opioïdes », indique Sébastien Dutertre, spécialiste de ces mollusques des mers tropicales qui présentent des propriétés pharmacologiques intéressant aussi les protocoles anticancéreux. Byetta (exénatide), un médicament prescrit depuis 2005 aux diabétiques de type 2, est issu d’une protéine de la salive du monstre de Gila, un gros lézard mexicain. Cette molécule proche du glucagon régule l’insuline, mais elle est beaucoup plus stable et permet de réduire le nombre d’injections. Integrilin (eptifibatide), molécule à usage hospitalier proposée depuis 1999 dans le traitement de l’infarctus du myocarde et des insuffisances coronariennes, provient d’une vipère d’Amérique du Nord.

Un potentiel largement inexploité en France

La recherche pharmacologique européenne ne s’intéresse à ces poisons que depuis une vingtaine d’années, quatre sites français (Nice, Saclay, Marseille, Montpellier) s’y consacrant. Une équipe de l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire de Nice-Sophia-Antipolis a isolé en 2013, dans le venin mortel du mamba noir, un serpent d’Afrique, deux molécules présentant un potentiel antidouleur aussi efficace que la morphine sans ses effets secondaires. « Ces mambalgines brevetées bloquent les canaux ioniques qui ont un rôle central dans la transmission de la douleur, explique Eric Lingueglia, chercheur au CNRS à Nice-Sophia-Antipolis, directeur de l’équipe. Les opiacés restent parmi les antidouleurs les plus anciens. Il n’y a pas eu beaucoup de molécules novatrices hormis les triptans et nous voulons mettre au point un traitement pointu et ciblé. » Une start-up de Sophia-Antipolis va développer un médicament à partir de ces miniprotéines.

A Montpellier, Sébastien Dutertre travaille actuellement sur Buthus occitanus, un scorpion languedocien protégé : « Son venin cible les canaux potassiques qui interviennent, comme les canaux calciques et sodiques, dans la transmission nerveuse. Il pourrait intervenir dans la sclérose en plaques pour laquelle il y a eu peu d’avancées significatives ces dernières années. » Sauf aux Etats-Unis, où une toxine d’anémone de mer – la SHK –, en inhibant les globules blancs qui attaquent certaines parties du système nerveux, pourrait bientôt traiter cette maladie auto-immune. Des essais cliniques de phase II sont en cours.

La France a un potentiel largement sous-exploité de tous ces animaux venimeux. 4 000 toxines produites in vitro à partir de venins sont stockées à Saclay, en région parisienne. Elles ont toutes un potentiel de futur médicament. Une trentaine déjà repérées pourraient permettre de traiter des allergies, l’obésité, des maladies auto-immunes voire des cancers.

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