BOUGER À TOUT PRIX ! - Le Moniteur des Pharmacies n° 3096 du 26/09/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3096 du 26/09/2015
 
AVENIR OFFICINAL

L’événement

Auteur(s) : Loan Tranthimy

Réduction des dépenses publiques sur les médicaments, baisses de l’activité… pour faire face à une situation économique en berne, la profession doit bouger. Mais comment ? En acceptant l’ouverture du capital comme le préconise l’UNPF ? En réinventant le métier sans toucher aux fondamentaux ? Les pharmaciens vont devoir faire des choix. Et vite.

Une pharmacie disparaît tous les deux jours ! Selon les derniers chiffres de l’Ordre des pharmaciens, 151 officines de pharmacie ont fermé en 2014 et 99 sur les six premiers mois de 2015. Cette tendance risque encore de s’amplifier dans les mois à venir car le secteur est confronté à une conjoncture économique difficile.

Depuis plusieurs années, les différents plans de réduction de déficit du budget de la Sécurité sociale touchent les pharmacies qui voient leurs marges baisser de 5,4 milliards d’euros en 2013 à 5,1milliards en 2014. Et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, présenté le jeudi 24 septembre, n’augure rien de bon. Baisses de prix des médicaments et actions sur les prescriptions via la maîtrise médicalisée devraient être au menu.

Face à cette tendance néfaste pour l’économie officinale, le temps n’est plus à l’inaction. Les pharmaciens doivent vite agir pour changer leur manière de fonctionner et faire évoluer leur point de vente. Peuvent-ils réinventer le métier sans toucher aux trois piliers de l’officine ? Quel modèle choisir pour ne pas sombrer ? A quelques semaines des élections aux unions régionales des professions de santé (URPS), déterminantes pour la représentativité syndicale, les syndicats de pharmaciens ont fait de l’avenir de la profession leur cheval de bataille. Et la FSPF, l’un des thèmes majeurs de son congrès à Reims les 17 et 18 octobre. En attendant, la Fédération s’est opposée fermement à l’ouverture du capital, une proposition choc de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). Dans son Livre blanc intitulé « Pour que la pharmacie ait un avenir », ce syndicat met le pied dans le plat en suggérant cette solution à des pharmaciens en exercice toutes sections confondues (hôpital, biologistes, répartition, industrie) ou à la retraite. « Ce serait une mutualisation de nos compétences et de nos capitaux », estime Jean-Luc Fournival. Le président de l’UNPF sait qu’il prend ici la majorité des pharmaciens à rebrousse-poil en raison du risque d’intrusion des capitaux extérieurs, tant redoutés par la profession. Une intrusion qui pourrait provenir du secteur de la biologie bien sûr, mais aussi des grossistes-répartiteurs ou de l’industrie pharmaceutique.

De son côté, Philippe Gaertner a appelé les pharmaciens à être proactifs et « force de propositions autour des trois piliers en les aménageant sans céder sur l’essentiel ». Oui mais, concrètement, comment ?

Se regrouper intra- et interprofessionnellement

D’abord, pour éviter la fermeture de certaines officines, en favorisant sans attendre les transferts/regroupements. Cette démarche reste encore timide car elle nécessite selon Laetitia Hible, présidente du groupement Giphar, « un revirement important dans la mentalité du pharmacien et un effort pour passer de concurrent à confrère avec les pharmaciens des alentours ».

Autre changement nécessaire : la coopération interprofessionnelle. Selon Stéphane Billon, économiste de la santé et directeur des programmes pédagogiques à l’institut Kamedis, « le pharmacien doit considérer son métier dans l’offre de soins ambulatoire, dans un condiv de pénurie médicale ». Il encourage ainsi les pharmaciens à participer aux sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA), un cadre juridique permettant l’exercice regroupé des professionnels de santé libéraux en maison de santé pluridisciplinaire (MSP). Selon la dernière évaluation des structures participant à l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publiée en septembre, l’exercice pluriprofessionnel au travers du partage de la prise en charge des patients génère « des gains en matière de productivité et de dépenses ». « Le pharmacien pourra renforcer ainsi son rôle de conseil de proximité en termes de suivi, de prise en charge des personnes âgées, de maintien à domicile » et « se diversifier en développant de nouveaux services », insiste Stéphane Billon.

Développer de nouveaux conseils et services

Ainsi, d’un modèle aujourd’hui centré uniquement sur les médicaments remboursables, l’officine de demain devra évoluer vers un modèle économique mixte basé à la fois sur les produits, les conseils et les services. Xavier Pavie, professeur à l’ESSEC et spécialisé dans l’innovation dans les services, enfonce le clou. « Où se trouve la valeur ajoutée des pharmaciens ? Pas dans la vente de la boîte de médicaments, tel qu’ils continuent à le croire, mais dans les conseils et dans les services. Aujourd’hui ils ne doivent pas hésiter à les inventer et à réclamer le droit de les facturer. »

Pour étayer ses propos, Xavier Pavie prend l’exemple de la livraison de médicaments à domicile. « Le pharmacien apporte le médicament et repart. Ce que souhaite le patient, c’est que le pharmacien rentre dans l’appartement, regarde dans l’armoire à pharmacie pour voir s’il n’y a pas de risques de contre-indications entre les différents médicaments, qu’il prépare le pilulier et informe les parents ou les enfants que les grands-parents ont bien les médicaments en leur possession. Or les pharmaciens réagissent comme des distributeurs et ne pensent pas à cette valeur ajoutée qui les distingue des leaders de la distribution comme Amazon. »

Dans cette perspective, Stéphane Billon suggère la mise en place d’une organisation interne et d’une structure de service après-vente. « Le titulaire devra créer un fichier de clients qui permette de mieux suivre ses patients, de les conseiller et de rendre des services. Pour la rémunération de ces services, pourquoi ne pas faire payer ces derniers par les patients eux-mêmes ou par les complémentaires santé ?… »

A l’heure du choix, comment le titulaire peut-il concilier son rôle de chef d’entreprise et de pharmacien professionnel de santé ? Une particularité pas toujours simple à gérer pour lui. Le modèle proposé par les groupements pourrait être l’une des solutions. Président de Federgy (chambre syndicale des groupements et enseignes de pharmacie), Christian Grenier, vante en effet « les outils de mutualisation développés par les groupements depuis 25 ans. Le pharmacien peut déjà déléguer ses achats pour consacrer son temps à son cœur de métier, au comptoir, tout en développant son activité de commerçant spécialisé dans les médicaments. »

Entre un modèle traditionnel, presque « artisanal » et une structure purement capitalistique, il y aura certainement encore de la place pour des solutions intermédiaires.

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