POURQUOI ELLES DURENT - Le Moniteur des Pharmacies n° 3094 du 12/09/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3094 du 12/09/2015
 
RUPTURES DE STOCK

L’événement

Auteur(s) : Magali Clausener

Les ruptures de stock se multiplient depuis plusieurs années. Pénurie organisée ? Dysfonctionnements de l’industrie ? En réalité, les causes sont multiples. Explications

Cet été, un pharmacien de Clamart (Hauts-de-Seine), Issam Bouha, a tiré le signal d’alarme : 300 médicaments étaient indisponibles en officine. Il a donc a alerté l’ANSM et mis en demeure plusieurs laboratoires pour être livré. Aujourd’hui, le titulaire estime que la situation « est normale à 60 % », sachant que ruptures et remises à disposition se succèdent et qu’il est difficile d’avoir une image à l’instant T. Quoi qu’il en soit, les ruptures de stock compliquent le quotidien du pharmacien et du patient, surtout lorsque le médecin traitant est en congés. Et si certains médicaments reviennent rapidement sur le marché, d’autres manquent depuis des années… Le nombre de ruptures signalées à l’ANSM a d’ailleurs été multiplié par 10 entre 2008 et 2014, passant de 44 à 438.

Problèmes de matières premières

A l’heure actuelle, l’ANSM recense sur son site une trentaine de ruptures de stock « sans alternatives thérapeutiques disponibles pour certains patients ou dont les difficultés d’approvisionnement à l’officine et/ou à l’hôpital, peuvent entraîner un risque pour la santé publique » (voir tableau ci-contre). Certains médicaments manquent à l’appel depuis 2012-2013, la plupart depuis 2014. Quelles sont donc les raisons de ces ruptures qui perdurent ? Ce qui frappe, ce sont les problèmes d’approvisionnement ou de production des matières premières qui en sont à l’origine. « Le fabricant italien de matières premières d’Alkonatrem a fait faillite. Or, c’était le seul fabricant en Europe, explique Eric Thierry, directeur général de Primius Lab (basé à Londres). L’autre producteur se situe en Corée du Sud. C’est d’ailleurs lui qui fournit les laboratoires américains. Nous devons travailler avec ce producteur. Faut-il encore que l’ANSM valide notre dossier. » Le laboratoire anglais rencontre les mêmes difficultés pour la spécialité Semap : « Nous n’avons plus de fabricant de matières premières et nous n’en trouvons pas. »

Ce qui rejoint le constat du Leem : entre septembre 2012 et octobre 2013, 16 % des ruptures étaient dues à un problème d’approvisionnement en matière première ou excipient. Aujourd’hui, on estime qu’entre 60 et 80 % des matières premières sont fabriquées hors de l’Union européenne, contre 20 % il y a trente ans (rapport IGAS de septembre 2013). De fait, avec l’externalisation de la production des matières premières pharmaceutiques et la mondialisation, des difficultés d’approvisionnement ont des conséquences parfois durables sur la production et aboutissent même à l’arrêt de commercialisation d’un médicament.

C’est ce qui s’est produit pour Extencilline et Piportil de Sanofi, sachant que le laboratoire a attendu pour Extencilline l’arrivée d’une spécialité similaire de Sandoz.

Les problèmes de production sont aussi fréquents. Souvent, les laboratoires restent vagues sur leur origine, comme Prostrakan pour Amétycine. Il peut s’agir de la qualité de production qui entraîne un retrait de lots, mais également de la défaillance d’un site de production. Ces diverses raisons (technique, qualité…) représentent 33 % des causes de rupture. Par exemple, le site français de fabrication de Di-Hydan et de Marsilid a fait faillite. « Nous en avons trouvé un au Portugal, mais cela signifie qu’il faut reprendre le process de production à zéro, le valider et soumettre un nouveau dossier à l’ANSM. Un transfert industriel dure 12 à 18 mois », relate Eric Thierry. D’ailleurs, 3 % des ruptures sont dues aux délais d’approbation des changements de sites de fabrication. Dans le cas des vaccins, c’est l’insuffisance des capacités de production face à l’augmentation de la demande mondiale qui est pointée.

Dernière raison : le non-remboursement d’un médicament qui n’incite pas le laboratoire à promouvoir sa vente. La rupture de stock permet alors de faire disparaître subrepticement la spécialité du marché…

Des équilibres financiers rompus

Si la pénurie n’est pas organisée, il est clair que des arbitrages économiques interviennent dans les décisions des laboratoires, en particulier pour des produits à faible volume et peu chers. Ce qui peut conduire à l’arrêt de commercialisation. « La législation évolue, il faut s’assurer que la nouvelle production répond aux normes. Il faut aussi auditer les sites de production, même s’ils ont reçu l’aval de l’agence du médicament concernée. De nombreux sites sont aussi en Inde. Tout cela représente beaucoup de contraintes et des coûts énormes, notamment pour les petits laboratoires. Les équilibres financiers sont rompus et la question de la rentabilité peut se poser », détaille Eric Thierry.

Pour autant, dans les laboratoires, on évoque tout de suite les solutions mises en place pour pallier les ruptures, y compris l’importation de médicaments destinés à l’étranger avec des dosages différents ou des notices en anglais. « Nous travaillons avec l’ANSM et toutes les parties prenantes pour trouver des alternatives thérapeutiques pour les patients. C’est ce qui s’est passé pour Extencilline avec la mise à disposition d’une AMM de Sandoz », déclare Patricia Bellot, directrice de la communication de Sanofi. Peu importe les raisons, l’Ordre plaide pour qu’il y ait davantage de transparence et d’informations données aux officinaux (lire l’encadré ci-contre). Face à la multiplication des ruptures, le gouvernement renforce, de son côté, l’arsenal législatif. Le projet de loi de santé prévoit dans son article 36 de remédier à ce problème en listant les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et en encadrant leur distribution et leur exportation.

Pas sûr que cela suffise pour faire face à des difficultés qui semblent de plus en plus échapper au contrôle national.

DP-ruptures : une aide utile

Expérimenté en 2014, le dispositif d’information DP-ruptures (voir Le Moniteur n° 2996) développé par l’Ordre des pharmaciens se déploie lentement. Cette nouvelle fonctionnalité du dossier pharmaceutique (DP) permet aux pharmaciens d’alerter les industriels sur les difficultés d’approvisionnement qu’ils rencontrent et de recevoir les réponses sur la cause, la durée de la rupture signalée et les alternatives thérapeutiques possibles. « L’Ordre travaille dans une logique de service pour que tous les acteurs accèdent aux bonnes informations pour prendre les bonnes décisions », explique Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre. Reste que la mise en place de cette interface dans les logiciels métier n’est pas suffisamment rapide au goût de l’Ordre.

Seulement 2 700 pharmacies en sont équipées et un seul éditeur de logiciel, Winpharma, joue le jeu. « Deux autres sont en discussion, mais il n’y a encore rien de concret », déplore Isabelle Adenot, qui incite les pharmaciens à demander à leur éditeur de logiciel d’installer le DP-ruptures sur leur logiciel métier.

Loan Tranthimy

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