Une recommandation temporaire d’utilisation trop restrictive - Le Moniteur des Pharmacies n° 3093 du 05/09/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3093 du 05/09/2015
 
BACLOFÈNE

Médicaments

Auteur(s) : Yolande Gauthier

En mars 2014, l’ANSM instaurait une RTU, première du genre, pour le baclofène. Elle donne aux patients dépendants à l’alcool un cadre réglementaire pour une utilisation hors AMM. Mais semble s’accompagner d’une baisse des ventes.

Dans un article publié début septembre dans la revue Le Flyer, les Drs de Beaurepaire (hôpital Paul-Guiraud, Villejuif) et Jaury (université Paris-Descartes) s’interrogent : « La RTU est-elle en train d’assassiner le baclofène ? » D’après les données de la CNAM, environ 200 000 personnes ont débuté un traitement par le baclofène en France entre 2007 et 2013, dont 52 % pour alcoolodépendance. Pour la seule année 2013, plus de 34 000 nouveaux utilisateurs ont été recensés. 100 000 personnes seraient toujours traitées aujourd’hui. Force est de constater que le nombre d’inscrits sur le portail de suivi de la RTU est bien en deçà : 3 570 en septembre 2014, près de 6 000 aujourd’hui.

Le baclofène serait donc encore largement prescrit hors cadre. D’après Celtipharm-Open Health, les chiffres de vente de Lioresal et de son générique accusent néanmoins une baisse depuis juin 2014 (voir infographie ci-dessous). L’arrivée de Selincro (nalméfène) à l’automne 2014 a peut-être modifié les habitudes de prescription. Mais la complexité du protocole a aussi sans doute rebuté plus d’un médecin, soucieux de se conformer aux directives de l’ANSM qui déconseille par ailleurs formellement l’utilisation du baclofène hors AMM et hors RTU.

« L’ANSM a une vision erronée de la réalité de la pratique »

« La RTU n’a pas été écrite de façon objective, elle décourage les médecins ! », estime le Dr de Beaurepaire. Il pointe l’inadéquation des critères retenus pour la prescription (seulement après échec d’autres traitements), pour les paliers (avis d’autres médecins requis au-delà de 120 puis 180 mg) ou encore pour les contre-indications (consultation psychiatrique préalable nécessaire en cas de symptômes dépressifs ou anxieux modérés). « Quels sont les intérêts ayant abouti à une RTU aussi anxiogène ? demande Samuel Blaise, président de l’association Olivier-Ameisen. L’ANSM a une vision erronée de la réalité de la pratique. Nous demandons que les recommandations de l’article du Dr de Beaurepaire et les études ou enquêtes que produisent les associations soient prises en considération dans l’élaboration de la future AMM ».

En attendant, faute d’information et de formation des médecins, les prescriptions de baclofène sont plutôt anarchiques. « Les patients vont voir plusieurs médecins pour en avoir et ils prennent ensuite les doses qu’ils veulent, sans percevoir la dangerosité du médicament, témoigne le Dr Pascal Vesproumis, du centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie de Saint-Brieuc. Cette RTU n’est vraisemblablement pas la mesure la plus adaptée au baclofène. Une prescription sur ordonnance sécurisée comme pour les traitements de substitution aux opiacés aurait permis de limiter les risques, tout en encadrant mieux son utilisation. »

Ethypharm en renfort ?

Le laboratoire Ethypharm développe actuellement un médicament à base de baclofène dans l’alcoolodépendance. Il s’appuie sur deux études cliniques randomisées, en double aveugle, menées chacune sur 320 patients versus placebo: Alpadir (maintien de l’abstinence chez des sujets sevrés avec des doses allant jusqu’à 180 mg) et Bacloville (diminution de la consommation d’alcool avec des doses allant jusqu’à 300 mg). Les résultats sont attendus fin 2015. S’ils sont concluants, une demande d’AMM sera déposée en 2016 et la commercialisation pourrait avoir lieu au plus tôt en 2017. « La RTU s’arrêtera dès que nous aurons obtenu une AMM. Nous prévoyons une gamme de comprimés dosés de 10 à 60 mg, ce qui réduira le nombre de comprimés à prendre », précise Charlotte Haas, directrice des produits de spécialité du laboratoire.

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