UN EXERCICE SUR LE FIL - Le Moniteur des Pharmacies n° 3086 du 27/06/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3086 du 27/06/2015
 
SEUL A L’OFFICINE

Entreprise

Auteur(s) : François Pouzaud

A l’heure où les officines se regroupent pour faire face aux difficultés économiques, l’exercice en solo est-il encore économiquement viable ?

Peu endettées, ces officines parviennent à survivre. Mais certaines restent invendables. Avis d’experts et témoignages.

Les petites pharmacies où le titulaire travaille seul ne correspondent plus au business model de demain. Elles restent pourtant indispensables pour rendre un service de proximité. « Seule et sans moyens humains, une pharmacie ne peut pas se développer ni résister aux changements, estime Olivier Desplats, expert-comptable du cabinet Flandre Comptabilité Conseil. La planche de salut de la profession ne sera pas individuelle, mais collective entre confrères au travers de regroupements ou de mutualisation des services, mais aussi avec les autres professionnels de santé. »

Ces officines sont-elles pour autant condamnées à mourir ? En 2014, elles représentaient 24 % des officines françaises, contre 25 % en 2013 et 27 % en 2012 (source : Ordre des pharmaciens). On est loin de l’hécatombe. « Du fait de leur très faible chiffre d’affaires, ces pharmacies présentent des ratios meilleurs que la moyenne, même si la marge et l’EBE restent faibles », souligne Lionel Canesi, expert-comptable du cabinet C2C Pharma. Selon lui, en travaillant seul, un titulaire peut difficilement réaliser plus de 400 000 € de chiffre d’affaires : « Si l’EBE est de 10%, ce pharmacien disposera de 40 000 € pour rembourser son prêt, payer ses impôts et vivre. »

Pour Olivier Desplats, ce profil d’officines parvient à subsister car elles ont peu d’endettement. Lorsque le crédit sur l’officine n’est pas remboursé, le titulaire se paie à peine plus que le smic. Sans emprunt, il peut s’octroyer une rémunération de l’ordre de 2 500 à 3 000 € net par mois. « Cependant, en cas de difficultés persistantes de trésorerie, il peut difficilement compter sur la banque ou son grossiste et c’est le plus souvent sa rémunération qui sert de variable d’ajustement », commente Lionel Canési. Le problème arrive au moment de la revente. « Une pharmacie de 500 000 € de chiffre d’affaires, sans endettement, permet à son titulaire de vivre décemment, mais le fonds ne vaudra rien, quel que soit son lieu d’implantation », affirme à son tour Oliver Desplats. Les officines situées en bourg dont le chiffre d’affaires est compris entre 800 000 € et 1 M€ peuvent être, selon lui, rachetées entre 40 à 50 %, « contrairement aux zones urbaines en surdensité où elles ne sont pas vendables ».

Une situation beaucoup plus difficile en ville

A Marseille, où la situation d’engorgement est critique en centre-ville, les transferts des petites officines sont quasi-impossibles. Ainsi, une petite officine y est entourée de sept autres, plus grandes. Son titulaire, quinquagénaire, n’a aucune perspective de solution de sortie, sauf à ce que les officines des alentours se groupent pour un rachat. Inversement, Théodore Guivarc’h, titulaire à Coësmes, une petite commune de 1 500 habitants en Ille-et-Vilaine, se montre serein, même si le seul médecin de la commune a quitté le village. « Ma clientèle est stable et ma pharmacie est remboursée », précise-t-il. A 56 ans, ce pharmacien entend bien aller jusqu’au bout et terminer sa carrière à Coësmes, mais ne se fait guère d’illusions sur les possibilités de revente de son affaire.

A Lens (Pas-de-Calais), Denis Léon est plus fataliste. Installé depuis 1991, le titulaire de la Pharmacie de la Gare est passé par toutes les épreuves (suppression des parkings, sous-population en centre-ville, départ de prescripteurs, concurrence d’une pharmacie discount) et toutes les difficultés (perte de chiffre d’affaires, surendettement, restructuration de prêts, jugement devant le tribunal de commerce). Aujourd’hui, il est toujours à la barre du navire et poursuit sa traversée en solitaire jusqu’à ce que sa pharmacie ferme car il ne voit pas d’autre issue : « Toute autre solution serait un miracle. » Aussi déconseille-t-il aux jeunes, même prêts à beaucoup de concessions, d’exercer seul dans des zones où les fermetures des petites officines sont inévitables. « Je travaille 6 jours sur 7 et 60 heures par semaine, et j’ai fait une croix sur la vie de famille », précise Denis Léon. « Les jeunes diplômés qui s’installent aujourd’hui n’aspirent pas à ce choix d’exercice, ils veulent concilier vie professionnelle et épanouissement dans leur vie personnelle », constate Olivier Desplats.

Une gestion simple mais avec peu de vacances

La gestion de A à Z d’une officine n’est pas insurmontable quand on est l’homme à tout faire : servir les clients, passer et ranger les commandes, tenir sa comptabilité, recevoir les délégués commerciaux… L’organisation du travail est relativement simple et les heures creuses, fréquentes, sont vite optimisées et réservées à l’administratif et au back-office. Et pour peu que le titulaire ait un conjoint pour lui prêter main-forte, c’est encore plus facile.

« Ce n’est pas très compliqué de gérer les tâches du quotidien », reconnaît Denis Léon. Ce qui l’est plus, c’est la gestion des stocks car la fréquentation de l’officine est imprévisible. « Si la moyenne journalière est de 40 à 50 clients, certains jours je ne vois que 20 clients et d’autres jours jusqu’à 70 ! » Comme il a besoin de la réactivité de son fournisseur, il passe 99 % de ses commandes chez son grossiste. « Sur les grosses rotations, je commande en direct avec deux laboratoires, mais je réalise aussi des achats groupés avec mon groupement », précise-t-il. L’offre parapharmacie est très limitée mais les marques leaders référencées permettent de répondre aux demandes de ses clients. En cas d’absence, il ne se fait pas remplacer et ferme l’officine, après avoir prévenu ses clients. « Je m’octroie 10 jours de vacances par an et quelques week-ends. »

Des pharmacies qui restent rentables

« L’exploitation d’une officine de moins de 1 M€, achetée à prix bradé, peut être rentable pour un jeune qui s’installe avec un apport », affirme Dominique Leroy, expert-comptable du cabinet Norméco. Par exemple, une pharmacie au CA de 700 000 € est rachetée 200 000 €. L’acquéreur emprunte la moitié du prix de vente (100 000 €) sur 12 ans, soit une mensualité avec les taux actuels de 1 500 € (18 000 €/an). Avec un EBE de 129 000 € avant rémunérations et cotisations de l’exploitant, il restera au titulaire 76 000 € annuels (6 300 € par mois) pour vivre et régler ses impôts.

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