LE PATIENT ÂGÉ - Le Moniteur des Pharmacies n° 3083 du 06/06/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3083 du 06/06/2015
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

CAS 1 - EFFETS INDÉSIRABLES

Madame N. perd la tête

Madame N., 76 ans, souffre d’une dépression caractérisée. Le psychiatre lui a prescrit un traitement par antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine, la sertraline (Zoloft 50 mg, 1 gélule le matin), associé à un anxiolytique, l’hydroxyzine (Atarax 25 mg, 1 cp matin et soir). Le traitement s’est révélé peu efficace au bout de trois mois. Elle a alors consulté son médecin généraliste qui, après avoir contacté le psychiatre, a ajouté un antidépresseur tricyclique, l’amitriptyline (Laroxyl 25 mg 1 cp matin et midi). Près d’une semaine plus tard, la fille de la patiente, inquiète, raconte au pharmacien que sa mère a du mal à se repérer et tient des propos confus.

A quoi peut être due cette confusion ?

L’introduction de l’antidépresseur tricyclique a pu augmenter la charge anticholinergique connue pour induire des troubles cognitifs, notamment chez un sujet âgé.

ANALYSE DU CAS

• L’hydroxyzine est un anxiolytique présentant des propriétés anticholinergiques.

• Une réévaluation européenne du rapport bénéfice/risque de l’hydroxyzine a abouti à des restrictions d’utilisation pour minimiser les risques cardiaques (allongement de l’intervalle QT, torsades de pointes). Par ailleurs, il n’est désormais pas recommandé chez le sujet âgé du fait, en particulier, du risque lié aux effets anticholinergiques. Si le traitement s’avère nécessaire, la posologie maximale recommandée est de 50 mg/jour, ce qui est le cas pour madame N.

• Le médecin a introduit un antidépresseur tricyclique, l’amitriptyline, à une dose faible, a priori adaptée à un sujet âgé. Ce médicament exprime lui aussi une composante anticholinergique qui s’est ajoutée à celle de l’hydroxyzine.

• Les médicaments anticholinergiques peuvent être à l’origine d’une iatrogénie handicapante voire sévère chez le senior, se traduisant notamment par des troubles oculaires (mydriase avec troubles de l’accommodation visuelle, crise de glaucome aigu par fermeture de l’angle), un tarissement des sécrétions (sécheresse buccale et cutanée, constipation), des troubles mictionnels (rétention urinaire) ou cardiaques (troubles du rythme avec bradycardie transitoire puis tachycardie).

• Les signes repérés par la fille de madame N. sont surtout centraux : il est effectivement fréquent que l’action anticholinergique se traduise par des troubles mnésiques, de l’irritabilité voire de l’agressivité, de l’agitation, une confusion mentale avec désorientation, hallucinations visuelles, parfois délire.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien contacte le médecin généraliste pour faire part de l’altération des fonctions cognitives de sa patiente.

• Ce dernier revoit rapidement madame N. Il décide de supprimer l’hydroxyzine et prescrit un nouvel antidépresseur plus adapté au sujet âgé que l’amitriptyline : la mirtazapine (Norset) en soluté buvable, 15 mg le matin pendant 1 semaine, puis 15 mg matin et soir, dont la composante anticholinergique est très faible, voire nulle.

CAS 2 - EFFETS INDÉSIRABLEs

Des bulles pour madame C. ?

Mme C., 68 ans, est traitée pour une hypertension. Elle vient ce matin à la pharmacie chercher du paracétamol car son arthrose du genou la fait souffrir. Elle demande à Lisa, la préparatrice, des comprimés effervescents. Elle trouve que les bulles ont un effet dynamisant ! Elle confie qu’elle prend aussi 3 comprimés effervescents de cimétidine 200 mg par jour pour son reflux et ajoute : « Je prends aussi un comprimé effervescent de vitamine C tous les matins, mais sans sucre ! » Lisa fronce les sourcils.

Qu’est-ce qui préoccupe Lisa ?

Les comprimés effervescents apportent des quantités importantes de sodium.

ANALYSE DU CAS

• En France, l’objectif du Plan national nutrition-santé (PNNS) 2011-2015 est de ramener la consommation quotidienne moyenne de sel de cuisine (NaCl) à 8 g/j chez l’homme et 6,5 g/j chez la femme et l’enfant. Les besoins quotidiens, pour un adulte, sont d’environ 1,5 g de sodium (1 g de sel apporte environ 0,4 g d’ions sodium).

• Un excès de sodium constitue un facteur de risque d’hypertension, associé à un risque d’accident vasculaire, et, probablement, d’ostéoporose voire de développement de cancers de l’estomac.

ATTITUDE À ADOPTER

• La préparatrice explique à Mme C. que certains médicaments ont une composition riche en sodium dont la consommation excessive est susceptible de déstabiliser sa tension artérielle. C’est notamment le cas des formes effervescentes.

• Mme C. doit veiller à ne pas systématiser le recours à cette forme. Elle doit par ailleurs veiller à limiter sa consommation de sodium alimentaire (pain, plats industriels, certaines eaux minérales…).

CAS 3 - EFFETS INDÉSIRABLES

Fortes chaleurs

Au cours d’une vague de chaleur, M. Edmond T., 82 ans, veuf, vient discuter et prendre le frais dans la pharmacie climatisée. Connaissant les traitements de M. T. (CoAprovel 300/12,5 mg, Séroplex 10 mg et Séresta 10 mg), la pharmacienne s’enquiert de sa santé. « Je me sens très fatigué et je souffre de douleurs musculaires. J’ai pris de l’ibuprofène ce matin pour me soulager », explique M. T.

La pharmacienne doit-elle s’alerter ?

Oui. M. T. présente des signes de déshydratation et la prise d’un AINS pourrait altérer sa fonction rénale.

ANALYSE DU CAS

• En cas de vague de chaleur, les personnes âgées sont particulièrement vulnérables en raison d’une capacité réduite d’adaptation à la chaleur à laquelle s’ajoute la prise de certains médicaments listés par l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé*.

• CoAprovel associe un sartanà un diurétique, susceptibles d’induire des troubles hydroélectrolytiques. Séroplex, antidépresseur IRS, favorise la dysrégulation thermique et l’hyponatrémie. Enfin, la prise d’AINS est néphrotoxique en cas de déshydratation.

• Ces troubles hydroélectrolytiques peuvent induire hypotension, céphalées, nausées, somnolence, douleurs musculaires et confusion mentale.

• Monsieur. T. est probablement victime d’une déshydratation dont témoignent sa fatigue et ses crampes musculaires.

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne recommande d’arrêter l’ibuprofène et lui propose d’appeler son médecin pour évaluer la sévérité de la déshydratation.

• En attendant, elle lui conseille de boire environ 1,5 litre d’eau par jour sans attendre d’avoir soif et de garder son logement frais en aérant le matin et en fin de journée.

CAS 4 - EFFETS INDÉSIRABLEs

Chute sous benzodiazépine

M. G., 81 ans, a chuté en allant aux toilettes cette nuit. Il est resté au sol longtemps avant que l’aide ménagère ne le découvre. Le lendemain, sa fille vient renouveler son ordonnance : aténolol 100 mg (1 cp/j), bromazépam 6 mg (1/4 cp le matin, 1/4 cp le midi et 1/2 cp au dîner) et zopiclone dont la dose a été récemment augmentée, de 3,75 mg à 7,5 mg au coucher, à la demande de M. G. qui se plaignait d’insomnie récurrente. Elle fait part de son inquiétude : « C’est la seconde fois que mon père tombe cette semaine. Comment éviter ces chutes ? »

A quoi pourraient être dues ces chutes ?

Les benzodiazépines et apparentés, prescrits à M. G., exposent à un risque de chute.

ANALYSE DU CAS

• Les personnes âgées sont plus exposées au risque de chute en raison de fréquentes comorbidités (arthrose, démence, maladies cardiovasculaires…), de modifications physiologiques liées à l’âge (mauvaise vue, troubles moteurs…), d’une polymédication.

• Les benzodiazépines et apparentés (zolpidem et zopiclone) sont susceptibles d’induire une confusion mentale et exercent une action myorelaxante qui, conjugués à la sédation, augmente le risque de chute.

• M. G. prend du bromazépam, une benzodiazépine anxiolytique à demi-vie longue, et de la zopiclone, un analogue hypnotique. En raison d’une probable accoutumance au traitement, la dose de zopiclone a été augmentée. Or, il a été montré que le risque de chute est accru dans les 7 jours suivant une modification de la posologie ou une nouvelle prescription de benzodiazépine.

• Chez le sujet âgé, la posologie initiale doit être réduite de moitié par rapport aux doses usuelles. La durée totale du traitement ne devrait pas excéder 12 semaines pour l’anxiolytique et 4 semaines pour l’hypnotique, incluant l’arrêt progressif, pour limiter le risque de tolérance et de dépendance. L’association de deux benzodiazépines ou apparentés n’est pas recommandée.

• Par ailleurs, le bêtabloquant (aténolol) peut induire une hypotension à l’origine de chute.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien indique que les différents traitements prescrits à M. G. sont susceptibles d’expliquer ses chutes.

• M. G. doit consulter rapidement son médecin traitant afin de réévaluer les prescriptions, inadaptées chez ce patient. La recherche des causes à l’origine de l’insomnie (dépression, apnée du sommeil, dysurie…) est également nécessaire.

• Le pharmacien rappelle quelques règles pour éviter les chutes : se lever lentement, éviter les tapis et les obstacles dans l’habitation, avoir un bon éclairage…

CAS 5 - EFFETS INDÉSIRABLES

Une épistaxis inquiétante

Inès, l’auxiliaire de vie de Mme F., 81 ans, vient à la pharmacie pour demander conseil car ce matin, Mme F. saigne du nez. Elle a bien essayé de comprimer la narine mais le saignement perdure. « Vous savez, Mme F. n’a plus toute sa tête et elle est maladroite, elle a dû se cogner. Ce n’est de toute façon pas bien grave ! », explique-t-elle. Lorsque Yann, l’étudiant en pharmacie, consulte son dossier pharmaceutique,il constate que Mme F. est sous digoxine (Hémigoxine 0,125 mg, 1 cp le matin) et dabigatran (Pradaxa 150 mg, 1 cp matin et soir) depuis 3 semaines. Yann, inquiet, va chercher le pharmacien.

Qu’est-ce qui préoccupe Yann ?

Une épistaxis chez une patiente traitée par anticoagulant oral direct (AOD) est un signe d’alerte d’une anticoagulation excessive.

ANALYSE DU CAS

• Une fibrillation atriale a été diagnostiquée chez Mme F. Pour prévenir le risque de survenue d’accident vasculaire cérébral ou d’embolie pulmonaire lié à ce trouble du rythme, un traitement anticoagulant lui a été prescrit.

• Un anticoagulant oral direct, le dabigatran, a été préféré chez cette patiente, présentant des troubles confusionnels qui rendraient éventuellement difficile la gestion de l’adaptation posologique et le suivi biologique des antivitamines K (AVK).

• Si le traitement est plus simple d’emploi qu’un AVK, le traitement par AOD n’en expose pas moins à un risque hémorragique. Ce risque est difficilement repérable puisque aucun test biologique de routine n’est disponible. Seule une surveillance clinique à la recherche de saignement permet d’alerter sur une anticoagulation excessive.

• La posologie du dabigatran semble inadaptée : la dose de 150 mg × 2/j est préconisée pour les sujets de moins de 80 ans, mais elle doit être réduite à 110 mg × 2/j à partir de 80 ans, y compris lorsqu’il n’y a pas d’insuffisance rénale ou hépatique spécifique.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à l’auxiliaire de vie de Mme F. que le saignement peut être dû à un effet indésirable du traitement anticoagulant. Coalgan devrait permettre d’arrêter le saignement de nez.

• Il propose d’appeler le médecin traitant pour l’informer de cet événement. Celui-ci reçoit la patiente dès la fin de matinée. Mme F. vient l’après-midi avec une nouvelle ordonnance : dabigatran 110 mg 2 × /j.

• Le pharmacien rappelle à Inès et Mme F. les signes évocateurs d’un saignement occulte (fatigue, pâleur, gingivorragie, épistaxis, hématomes…) et attire l’attention sur les médicaments à éviter qui pourraient augmenter le risque de saignement, notamment l’aspirine et tout autre AINS.Il remet à Inès et Mme F. un carnet d’information* et incite Mme F. à avoir toujours sur ellela carte de surveillance incluse dans la boîte de Pradaxa.

CAS 6 - EFFETS INDÉSIRABLES

« Je ne peux plus arrêter »

Mme Noémie T., 73 ans, vient passer quelques jours chez ses enfants. Ce matin, elle se rend à la pharmacie acheter une boîte de 50 sachets de Boldoflorine. Elle explique au pharmacien : « J’ai oublié ma boîte de tisanes chez moi en partant… mais j’en ai vraiment besoin, dès que j’arrête je suis constipée. De toute façon, c’est très bon, ce sont des plantes, rien de chimique ! » Le pharmacien s’interroge.

Ces plantes sont-elles sans risque pour Mme T. ?

Non. Ces produits certes « naturels » exposent néanmoins à des effets indésirables potentiellement graves.

ANALYSE DU CAS

• La tisane Boldoflorine est indiquée dans le traitement symptomatique de la constipation. Elle associe de l’extrait de boldo, de séné et de bourdaine, des laxatifs anthracéniques qui stimulent la motricité colique.

• La posologie conseillée de ce traitement est de 1 à 4 sachets par jour, pendant une durée maximale de 10 jours.

• Une prise abusive (prolongée ou détournée dans le cadre d’un régime amaigrissant) peut entraîner :

- rarement, une maladie des laxatifs associant colopathie fonctionnelle, rectocolite et hypokaliémie favorisant la survenue de torsades de pointes. Ils peuvent causer une inflammation de la muqueuse colique voire, à long terme, des modifications anatomopathologiques irréversibles ;

- de façon plus fréquente, une dépendance au traitement dont l’arrêt brutal induit une constipation rebond.

• Mme T. a constaté que l’arrêt du traitement se soldait par des difficultés à retrouver un transit normal et a fini par pérenniser le recours à cette tisane.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien alerte Mme T. sur l’origine iatrogène de sa constipation et sur le risque de survenue d’une irritation de la muqueuse intestinale.

• Il lui propose de remplacer Boldoflorine par un laxatif osmotique (macrogol, lactulose…) ou de lest (ispaghul, sterculia…) et lui conseille un régime adapté : consommation de fibres alimentaires (légumes verts, fruits secs, son…), hydratation suffisante (au moins 1,5 l/jour, par exemple Hépar aux propriétés laxatives)…

• Il l’incite également à évoquer avec son médecin ses troubles du transit afin de rechercher une étiologie organique.

PHARMACOLOGIE

IATROGÉNIE ET GÉRIATRIE

• Les sujets de plus de 60 ans représentent plus de 20 % de la population. Ils sont fréquemment atteints de plusieurs maladies chroniques (souvent cardiovasculaire, métabolique et oncologique) expliquant qu’ils soient traités par un nombre élevé de médicaments susceptibles de donner lieu à iatrogénie. Ils consomment plus de 40 % des médicaments prescrits en ville.

• La survenue d’effets indésirables médicamenteux est en moyenne deux fois plus fréquente après 65 ans et elle conduit à une hospitalisation dans 10 à 20 % des cas. 30 % à 60 % de ces effets seraient évitables. Il est essentiel de savoir repérer les signes évocateurs d’un effet iatrogène : malaise, vertiges, chute, perte d’appétit, troubles de la mémoire, confusion…

• Cette iatrogénie est d’autant plus mal connue que la population âgée est souvent exclue des essais cliniques préalables à l’obtention d’une AMM : les paramètres cinétiques et l’action pharmacologique décrits correspondent donc à des observations faites sur des sujets plus jeunes.

• Les accidents iatrogènes survenant chez le sujet âgé restent insuffisamment notifiés auprès des centres de pharmacovigilance probablement parce qu’ils impliquent le plus souvent des médicaments de prescription courante (traitement des troubles du transit, de l’hypertension, des troubles du sommeil ou de l’anxiété, etc.) et les signes d’alerte sont souvent associés avant tout à l’âge, sans que l’on s’attache à en préciser une éventuelle étiologie iatrogène.

FACTEURS DE RISQUE SPÉCIFIQUES

Facteurs de risque liés à l’âge

Modifications physiologiques

• Indépendamment de tout processus morbide, l’âge s’accompagne d’une altération ou d’une fragilisation progressive et variable selon l’individu des organes vitaux, notamment du cerveau, du cœur, du foie et des reins.

• Certaines altérations entraînent une exposition accrue à l’action des médicaments : insuffisance rénale et/ou hépatique, perméabilité accrue de la barrière hématoencéphalique aux psychotropes, diminution du contingent des cellules réglant l’automatisme cardiaque avec hypersensibilité aux médicaments cardiotropes, sarcopénie modifiant le rapport masse maigre/masse grasse, hypoprotidémie et notamment hypoalbuminémie, etc.

• D’autres altérations contribuent à aggraver les conséquences de certains effets iatrogènes : l’ostéoporose rend plus vulnérable aux fractures lors de chutes associées à une imprégnation médicamenteuse (benzodiazépines), l’altération du système de régulation de l’homéostasie glycémique aggrave l’iatrogénie par hypoglycémie (bêtabloquants).

Polypathologies et polymédication

• Il existe peu de pathologies spécifiques de la personne âgée. En revanche, dans cette population, la présentation clinique des maladies est souvent plus sévère.

• Le risque d’une décompensation rapide d’une pathologie chronique résulte d’une réduction progressive de l’efficacité des organes vitaux qui s’accélère à partir de 65 ans.

• Les épisodes aigus intercurrents (déshydratation, dénutrition, fièvre, infections, etc.) peuvent aggraver les pathologies chroniques ou être à l’origine d’un accident iatrogène même avec un médicament jusqu’alors bien toléré.

• La polymédication complexifie la gestion pluriquotidienne du traitement dans un condiv associant souvent réduction de l’autonomie physique (difficultés à réaliser des gestes simples : déblistérisation des comprimés, instillation de collyre, comptage de gouttes, etc.), déficit sensoriel (vision, audition, notamment), déficit cognitif et troubles de la déglutition.

• La polymédication constitue un frein à une bonne observance et expose à un risque d’interactions cinétiques et pharmacologiques accru.

Modifications cinétiques

Le vieillissement s’associe à une modification de la cinétique de nombreux médicaments.

Absorption. L’absorption orale des médicaments est ralentie en raison d’une réduction de la motilité gastro-intestinale (expliquant pour partie la vulnérabilité accrue du sujet âgé aux effets iatrogènes digestifs des AINS) et de la circulation sanguine splanchnique. L’acidité gastrique diminue, ce qui augmente l’ionisation des médicaments acides faibles et réduit leur passage systémique. La biodisponibilité des médicaments administrés par voie transcutanée est souvent réduite (peau sèche, irrigation superficielle réduite, etc.).

Distribution. Une diminution relative de la masse maigre au profit de la masse grasse augmente le volume de distribution des médicaments lipophiles : leur activité est retardée et leur élimination prolongée. La diminution de l’albuminémie fait augmenter la fraction libre des médicaments qui y sont fortement liés (AINS, AVK, sulfamides hypoglycémiants, etc.) avec risque de toxicité accrue.

Métabolisme et excrétion. Au niveau du foie, la réduction du débit sanguin et une moindre capacité à réaliser la détoxification enzymatique réduisent le métabolisme des médicaments dont la demi-vie peut s’allonger de façon importante. Il en va de même dans les autres organes participant, d’une façon plus secondaire, au métabolisme des médicaments : intestin et poumons notamment. La diminution de la perfusion sanguine rénale et du nombre de néphrons fonctionnels mais aussi une trop fréquente déshydratation expliquent que l’excrétion rénale soit moins efficace, avec risque d’accumulation de médicaments hydrosolubles (héparines de bas poids moléculaire, IEC, ARA II, diurétiques, AINS, opioïdes, metformine, etc.) ou de leurs métabolites. Ceci justifie l’importance de l’adaptation des doses administrées au degré d’insuffisance rénale et/ou hépatique.

Sensibilité pharmacologique

La sensibilité des récepteurs se modifie avec le vieillissement. En raison de potentielles conséquences iatrogènes, bien que les études dans ce domaine restent parcellaires, il faut souligner :

- une augmentation de la sensibilité des récepteurs cholinergiques : les anticholinergiques entraînent plus facilement des effets centraux (confusion mentale) ;

- une augmentation de la sensibilité des opiorécepteurs : les opioïdes antalgiques (tramadol, codéine, fentanyl, etc.) entraînent une sédation plus importante et un risque de dépression respiratoire augmenté ;

- une réduction de la sensibilité des récepteurs adrénergiques alpha et bêta, d’où un risque accru de troubles orthostatiques ;

- une réduction de la sensibilité et de l’expression des récepteurs à l’insuline à l’origine d’une insulinorésistance relative.

Facteurs de risque liés aux médicaments

• Une prise excessive ou inappropriée de médicaments entraîne la survenue d’interactions ou d’effets iatrogènes responsables de 128 000 hospitalisations par an en France, dont plus d’un quart évitable.

• Des divs ont proposé des listes de médicaments à éviter chez le sujet âgé. Le recours à ces médicaments devrait être limité voire proscrit même s’ils ne sont pas contre-indiqués, notamment chez un patient souffrant de pathologies augmentant sa vulnérabilité à l’iatrogénie spécifiquement attachée à ces médicaments.

• La première liste de médicaments à éviter a été proposée il y a 25 ans par le gériatre américain M.H. Beers. En France, une liste des médicaments potentiellement inappropriés chez le sujet de plus de 75 ans, dite de Laroche, répertorie des médicaments ou classes médicamenteuses et cinq situations justifiant d’éviter certains traitements (hypertrophie prostatique, glaucome, incontinence urinaire, démence, constipation chronique).

• La prescription gériatrique peut être optimisée en repérant trois types essentiels de source d’iatrogénie médicamenteuse :

Un traitement excessif

Il concerne une prescription non justifiée (hypnotique face à une durée de sommeil réduite du fait de l’âge…), dont le ratio bénéfice/risque ou le service médical rendu est insuffisant (vasodilatateurs cérébraux…), inutilement prolongée, non adaptée au profil du patient âgé.

Un traitement inapproprié

Au-delà des critères de Beers ou de la liste de Laroche, il existe des outils concernant l’iatrogénie fréquemment observée en gériatrie : le Drug Burden Index pour évaluer l’exposition aux atropiniques et sédatifs (les médicaments augmentant le risque de chute font l’objet de listes spécifiques). Il existe enfin des scores de risque médicamenteux spécifiquement adaptés à la gériatrie.

Un traitement insuffisant

Une trop faible attention portée à certaines pathologies associées à l’âge ou à certains signes cliniques rapidement mis sur le seul compte de la vieillesse peut priver le patient âgé d’un traitement qui lui est pourtant indispensable et dont l’absence constitue une « perte de chance » : il en va ainsi face à des signes de dépression, l’absence de diagnostic et de traitement d’une ostéoporose, d’un trouble du rythme, d’un trouble tensionnel, d’une insuffisance coronarienne, de certaines douleurs…

CAS 7 - INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Un malaise si soudain

M. P., 76 ans, est suivi par son médecin généraliste pour un diabète et une hypertension depuis dix ans. Son ordonnance associe glibenclamide (2,5 mg matin et soir), hydrochlorothiazide (Esidrex, 1/2 cp/j) et, depuis peu, du pindolol (Visken Quinze, 1 cp le matin). Hier, alors qu’il jardinait, il s’est brutalement évanoui. Le SAMU a diagnostiqué une hypoglycémie. Sa femme, très choquée, vient raconter l’événement à la pharmacienne.

Qu’est-ce qui peut expliquer ce malaise brutal ?

Le pindolol a pu masquer les signes annonciateurs de l’hypoglycémie.

ANALYSE DU CAS

• Une probable inertie thérapeutique de la part du médecin de M. P. a conduit a une prescription inadaptée pour ce patient.

• Le diabète de M. P. est traité par un sulfamide hypoglycémiant, le glibenclamide. Ce médicament est potentiellement inapproprié chez le sujet âgé car susceptible d’induire une hypoglycémie prolongée et sévère. La fréquence accrue des hypoglycémies chez le sujet âgé s’explique par une alimentation déséquilibrée et par l’insuffisance rénale qui majore l’activité des sulfamides.

• Le pindolol est un bêtabloquant non cardiosélectif. Il est associé à un diurétique, l’hydrochlorothiazide, pour traiter l’hypertension artérielle. Les bêtabloquants s’opposent à la réponse des catécholamines endogènes permettant de corriger une hypoglycémie. Ils masquent donc les signes caractérisant le malaise annonciateur du trouble métabolique : tachycardie, palpitations, sueurs.

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne explique que le traitement de M. P. est probablement la cause de son malaise brutal.

• Mme P. indique que le médecin consulté à l’hôpital a modifié le traitement antihypertenseur de son mari. Il est désormais traité par un IEC, le périndopril, plus adapté chez le patient diabétique. Il doit par ailleurs consulter un diabétologue.

CAS 8 - INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Précaution n’est pas contre-indication

M. K., 78 ans, bien connu de la pharmacie, est traité depuis un an par allopurinol (100 mg matin et soir) et warfarine (2 mg le soir). Alors qu’il renouvelle le traitement, Paul, étudiant en pharmacie, voit un message apparaître sur l’écran de l’ordinateur : « Interaction nécessitant des précautions d’emploi. Augmentation de l’effet de l’AVK et risque hémorragique ». Inquiet, il signale le problème au pharmacien.

Quelle est la conduite à tenir ?

Il suffit de s’assurer que M. K. est bien équilibré avec ses traitements.

ANALYSE DU CAS

• M. K. est traité par un anticoagulant antivitamine K (AVK), la warfarine. Les interactions médicamenteuses sont nombreuses exposant à des risques potentiellement graves de thrombose ou d’hémorragie.

• L’allopurinol peut diminuer le métabolisme hépatique de l’AVK augmentant son effet anticoagulant, d’où un risque de saignement. L’association impose des précautions d’emploi, notamment un contrôle plus fréquent de l’INR et une adaptation éventuelle de la posologie de l’AVK.

• Concernant M. K., la dose d’AVK a été adaptée en fonction des résultats de l’INR, à l’introduction de l’allopurinol, il y a un an. Le patient confirme que son INR est actuellement bien dans la fourchette cible.

• L’arrêt du traitement par allopurinol impliquerait un nouvel équilibrage du schéma d’administration de la warfarine.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à Paul que l’interaction été prise en compte au moment de la prescription de l’allopurinol. Il n’y a donc pas lieu de s’alerter.

• Il recommande à M. K de bien poursuivre son contrôle de l’INR et d’éviter toute automédication qui pourrait déstabiliser son traitement.

CAS 9 - INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES

« Et maintenant, j’ai une gastro ! »

M. B., 78 ans, est traité pour une insuffisance cardiaque congestive et une hypertension artérielle par digoxine 0,125 mg 1 cp par jour et périndopril 5 mg (1 cp le matin). Il vient à la pharmacie car depuis hier il a mal au ventre, des nausées et souffre de céphalées. « Je n’ai vraiment pas de chance, je reviens d’un séjour chez mon frère dans le Nord où j’ai attrapé une bronchite, et voilà que j’ai une gastro maintenant ! », dit-il. Voyant dans le dossier pharmaceutique de M. B. qu’il est depuis 4 jours sous clarithromycine (500 mg/j), la pharmacienne fronce les sourcils.

Qu’est-ce qui inquiète la pharmacienne ?

L’introduction de clarithromycine pourrait être à l’origine d’une intoxication digitalique.

ANALYSE DU CAS

• La digoxine est un cardiotonique dont l’utilisation requiert une attention spécifique en raison de son index thérapeutique étroit.

• Selon les recommandations de 2012 de la Société européenne de cardiologie, les indications de la digoxine sont très limitées : en seconde intention en cas de fibrillation auriculaire (FA) paroxystique ou d’insuffisance cardiaque associée à une FA et en dernier recours en cas d’insuffisance cardiaque avec dysfonction systolique majeure ou symptômes sévères.

• Malgré ses restrictions, au moins un tiers des patients insuffisants cardiaques et/ou en FA aurait un traitement digitalique au long cours. Cette prescription semble plus fréquente chez les patients âgés.

• Or, le sujet âgé est plus sensible à l’action de la digoxine. Au plan cinétique, une insuffisance rénale, fréquente dans cette tranche d’âge, retarde son élimination et tend donc à en augmenter le taux plasmatique.

• Par ailleurs, une augmentation de la digoxinémie est observée avec de nombreux médicaments, notamment les inhibiteurs de la glycoprotéine P, par augmentation de l’absorption intestinale de la digoxine.

• Une digoxinémie trop élevée peut être à l’origine d’une iatrogénie sévère qui se manifeste par des troubles digestifs, neurologiques, visuels et cardiaques, potentiellement fatals.

• M. B., allergique aux bêtalactamines, a reçu un traitement par un macrolide, la clarithromycine, inhibiteur de la glycoprotéine P.

• Dans ce condiv, les symptômes digestifs et neurologiques décrits par M. B. peuvent faire évoquer un surdosage digitalique.

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne alerte M. B. sur un éventuel surdosage de digoxine suite à la prise de l’antibiotique, qui pourrait être la cause de ses symptômes.

• Il lui propose de prendre rendez-vous avec son médecin pour confirmer l’intoxication par un dosage de la digoxinémie. Le médecin décidera d’arrêter transitoirement ou définitivement ce médicament.

CAS 10 - CONTRE-INDICATION

Une automédication mal venue

Monsieur J., 67 ans, est traité depuis 7 ans pour une hypertrophie bénigne de la prostate. Il prend actuellement de la tamsulosine LP (Josir, 1 gélule le matin) et un extrait végétal (Tadenan, 2 capsules par jour). Préoccupé par un mal de gorge et une gêne sinusienne qui perdure, il se traite depuis 2 jours par des pastilles Drill Rhume que lui a données sa fille. Ayant épuisé sa réserve, il vient en acheter à la pharmacie.

Ce traitement est-il adapté ?

Non. Le traitement présente une composante anticholinergique qui peut aggraver le trouble prostatique.

ANALYSE DU CAS

• Drill Rhume contient 500 mg de paracétamol et 4 mg de chlorphénamine, un antihistaminique ayant des propriétés anticholinergiques à l’origine d’effets indésirables.

• Le tonus vésical est notamment régulé par des récepteurs cholinergiques muscariniques (système parasympathique). Lorsque la vessie est pleine, la stimulation des récepteurs M3 des fibres lisses de la vessie induit la contraction musculaire et le relâchement du sphincter vésical. En bloquant ces récepteurs, les anticholinergiques inhibent donc la vidange.

• L’adénome de la prostate comprime l’uretère et peut induire des troubles obstructifs susceptibles d’être aggravés par la prise d’un médicament anticholinergique. Ces derniers sont donc contre-indiqués en cas de pathologie prostatique.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à M. J. qu’il doit éviter l’automédication car de nombreux médicaments sont déconseillés en cas d’hypertrophie bénigne de la prostate en raison d’un risque accru de rétention urinaire.

• Il préconise l’arrêt du traitement par Drill Rhume et son remplacement par un lavage nasal au sérum physiologique et du paracétamol.

CAS 11 - MÉSUSAGE

Un patch pour la journée

Thomas P., 67 ans, est traité pour angor stable par diltiazem (Mono Tildiem LP 200 mg), 1 gélule le soir, trinitrine (Trinipatch) 10 mg/24 h, 1 patch par jour et atorvastatine (Tahor) 20 mg,1 cp le matin. Alors qu’il renouvelle son ordonnance, il demandes’il peut changer son patch de trinitrine le soir, au moment où il prend Mono Tildiem, plutôt que le matin. Le pharmacien s’interroge.

Qu’est-ce qui interpelle le pharmacien ?

Les propos de M. P. suggèrent que le patch reste en place sans fenêtre thérapeutique.

ANALYSE DU CAS

• Contrairement à ce que suggère sa dénomination (10 mg/24 h), la trinitrine s’administre de façon discontinue sur 24 heures en ménageant un intervalle libre de 8 à 12 heures pour éviter un phénomène d’échappement par tolérance. S’il s’agit d’une forme orale, l’intervalle libre est fixé en fonction de la cinétique du médicament.

• Le phénomène d’échappement se traduit par une diminution de l’efficacité.

• L’intervalle libre est ménagé dans la période où le patient ne présente pas de crise (pendant la nuit lorsqu’il s’agit d’angor d’effort). Un traitement antiangoreux non nitré assure une couverture thérapeutique pendant l’intervalle libre. Il s’agit pour M. P. du diltiazem, un antagoniste calcique.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien propose un plan de prise à M. P. pour éviter toute erreur.

• Il rappelle également qu’il doit changer tous les jours le lieu d’application du patch pour éviter une irritation cutanée. Il lui remet le dépliant de l’ANSM pour faciliter la bonne utilisation des patchs*.

• Le pharmacien encourage M. P. à signaler cette erreur de prise à son médecin lors de la prochaine consultation.

CAS 12 - MÉSUSAGE

Double dose pour madame D.

Mme Simone D., 82 ans, se plaint depuis plusieurs semaines de fatigue et de fréquentes crampes musculaires. Une analyse biologique a montré une hypokaliémie probablement due à une alimentation déséquilibrée et à la prise de laxatifs stimulants. Un premier traitement par Nati-K 500 mg (1 cp 3 fois par jour à la fin des repas) s’étant révélé insuffisant, le médecin a souhaité doubler la dose et a prescrit Kaleorid LP 1 000 mg (1 cp 3 fois par jour ). Mme D. vient à la pharmacie avec ses derniers résultats d’analyse biologique. Ils révèlent une hyperkaliémie.

Comment expliquer cette hyperkaliémie ?

L’hyperkaliémie est probablement due a une erreur de posologie, le médecin ayant cru doubler la dose alors qu’il l’a presque triplée.

ANALYSE DU CAS

• Le médecin s’est basé sur le dosage en sel de potassium des spécialités prescrites : Nati-K contient 500 mg de tartrate de potassium et Kaleorid 1 000, 1 000 mg de chlorure de potassium. Or Nati-K renferme 4,26 mmol de potassium élément et Kaleorid 1 000 13,4 mmol, soit un rapport de 3. Cet écart s’explique par la différence entre la masse moléculaire des deux sels.

• Le dosage choisi est donc trop important par rapport à la déplétion potassique de Mme D.

• Or, une hyperkaliémie expose à des effets indésirables graves, parfois mortels, d’autant plus chez le sujet âgé fragile.

• Si elle reste souvent asymptomatique lorsqu’elle est faible, une hyperkaliémie peut induire des paresthésies dans les extrémités et autour de la bouche, des nausées, parfois des troubles du rythme sévères.

• Par ailleurs, les sels de potassium sont irritants pour la muqueuse digestive : des observations d’ulcération de l’intestin grêle ont notamment été rapportées avec certaines formes orales solides. Le risque d’ulcération œsophagienne, gastrique ou entérique est réduit par l’usage d’une forme LP dont la dissolution est lente.

ATTITUDE À ADOPTER

• Sur les conseils du pharmacien, la patiente revoit le médecin dès le lendemain et modifie la prescription, optant pour Kaleorid 600 mg (3 cp/j).

• Lors de la dispensation, le pharmacien attire l’attention de Mme D sur le risque associé à l’usage du médicament. Les comprimés ne doivent être ni broyés, ni coupés. Il est conseillé de boire abondamment lors de la prise.

CAS 13 - MÉSUSAGE

Un médicament au lit

Madame S., 68 ans, est traitée depuis 6 mois par Fosavance 70 mg/2 800 UI, 1 cp/semaine et Cacit 1 000 mg, 1 cp/j. Elle passe à la pharmacie car elle souffre de brûlures de l’œsophage. Interrogée par la pharmacienne, elle indique prendre ses médicaments le matin quand elle se lève pour regarder son émission de télé. Ces 15 derniers jours, elle a pris ces médicaments au lit : « J’ai eu une grosse grippe qui m’a épuisée. » Cette remarque interpelle la pharmacienne.

Que suspecte la pharmacienne ?

Mme S. n’a pas respecté les règles de prise de Fosavance, ce qui pourrait expliquer ses brûlures.

ANALYSE DU CAS

• Fosavance associe de la vitamine D3 et de l’alendronate, un bisphosphate indiqué dans le traitement de l’ostéoporose postménopausique.

• L’alendronate peut provoquer localement des irritations de la muqueuse œsogastro-intestinale. Les réactions œsophagiennes, parfois sévères, rapportées sont des œsophagites, des ulcères œsophagiens et des érosions œsophagiennes.

• Pour cette raison, l’alendronate impose des modalités d’administration strictes : prendre le comprimé après le lever avec un grand verre d’eau du robinet ou faiblement minéralisée, l’avaler en entier (ne pas le casser, le croquer ou le laisser se dissoudre dans la bouche), ne pas s’allonger pendant au moins 30 minutes après la prise.

• Madame S. a probablement oublié les recommandations qui lui ont été données lorsqu’elle a débuté son traitement. Il convient de rappeler régulièrement les consignes de prise au patient.

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne alerte Mme S. sur la nécessité du respect strict des modalités de prise du Fosavance pour réduire le risque d’irritation œsophagienne.

• Elle incite Mme S. à joindre son médecin pour l’informer de cet effet indésirable. Celui-ci arrêtera probablement le traitement temporairement.

CAS 14 - MÉSUSAGE

Un INR en hausse

M. Thomas I., 81 ans, prend de la fluindione (Préviscan, 1 cp un soir sur deux, 1/2 cp l’autre soir), un extrait de Serenoa repens (Permixon, 2 gélules le matin) et une association de périndopril et d’indapamide (Preterax, 1 cp le matin) en remplacement récent d’un bêtabloquant indiqué dans l’hypertension artérielle. Sa fille s’inquiète auprès du pharmacien : l’INR de son père, plutôt stable, est brutalement monté à 4 pour une valeur cible comprise entre 2 et 3.

Pourquoi cet INR est-il si élevé ?

En l’absence d’autre cause connue, le pharmacien suspecte une confusion entre certains des médicaments prescrits.

ANALYSE DU CAS

• Parmi les médicaments prescrits, trois ont un nom proche : Permixon, Preterax et Préviscan. Preterax ayant été prescrit récemment et Préviscan ayant changé de couleur en avril dernier, la nouvelle aide de vie de M. I. a pu confondre les deux médicaments lors de la préparation de son pilulier.

• Vérification faite dans le pilulier, les comprimés de Preterax sont effectivement coupés et pris le soir, en alternance avec des comprimés entiers, alors que des comprimés de Préviscan sont prévus pour une prise matinale.

• L’iatrogénie attachée a des erreurs de dispensation ou à une confusion au moment de la prise de spécialités dont le nom est proche est fréquente. Il s’agit par exemple de Préviscan/Permixon, Préviscan/Preterax, Cialis/Céris, Olmetec/Omexel, etc.

ATTITUDE À ADOPTER

• Contacté, le médecin suspend temporairement la prise de l’anticoagulant, le temps que l’INR soit normalisé.

• Pour limiter le risque de confusion le pharmacien propose de mentionner le schéma de prise de chaque médicament sur leurs boîtes.

Prévenir l’iatrogénie

Questions à se poser lors de la dispensation de médicaments à un patient âgé

Analyse de la prescription

La forme galénique choisie est-elle adaptée ?

• Les gélules et les comprimés peuvent ne pas être adaptés au senior ayant des troubles de la déglutition. Lorsqu’elles sont disponibles, privilégier les formes buvables ou orodispersibles. Attention cependant à l’apport en sodium des formes effervescentes !

• Attirer l’attention sur l’existence de coupe-comprimés et de broyeurs adaptés en expliquant leur utilisation. Au préalable, vérifier si le comprimé peut être écrasé.

La prescription comporte-t-elle des interactions ?

• Le sujet âgé est souvent polymédiqué, ce qui est source d’erreurs de prises mais aussi d’interactions pharmacologiques et/ou cinétiques.

• Vérifier dans le dossier pharmaceutique du patient les ordonnances en cours.

• Certains médicaments sont contre-indiqués chez le sujet âgé en raison de pathologies fréquentes (ex. : troubles urétroprostatiques et anticholinergiques).

La dose est-elle adaptée à un sujet âgé ?

• Les posologies sont souvent réduites chez la personne âgée. Le métabolisme de nombreux médicaments est ralenti, comme leur élimination, d’où une exposition accrue.

• Tout surdosage, potentiellement toxique, est à signaler au prescripteur.

Le patient est-il observant ?

Des troubles mnésiques, une polymédication, le fait de vivre seul sont des facteurs de risque d’inobservance.

Prévention des risques

• L’état mental ou psychologique d’un sujet âgé ne lui permet pas nécessairement de gérer une prescription complexe.

Lorsque des troubles cognitifs sont évidents (patient désorienté ou confus dans ses propos), il est prudent de contacter le prescripteur pour faire un point.

• S’assurer de la bonne compréhension de l’ordonnance, même par un patient ayant la maîtrise de ses facultés : nom des médicaments (éviter de changer de marque de générique), doses. Ne pas hésiter à élaborer un plan de prise par écrit et à mentionner sur chaque boîte (et éventuellement chaque conditionnement interne) la posologie et l’heure d’administration du médicament.

• Expliquer les modalités d’utilisation de certains dispositifs (ex. : pompes doseuses, inhalateurs) ou de médicaments requérant des manipulations particulières (ex. : collyres) et évaluer régulièrement leur bon usage.

• Décourager le patient de recourir à toute forme d’automédication et l’inciter à solliciter l’avis d’un professionnel même pour des médicaments considérés comme banals (paracétamol) ou des produits de phytothérapie (millepertuis).

• Attirer l’attention du patient ou de ses proches sur les réactions iatrogènes associées aux médicaments fréquemment retrouvés dans les ordonnances et qui peuvent nécessiter une adaptation thérapeutique :

- vertiges (antihypertenseurs, antidiabétiques),

- troubles de la vision (anticholinergiques),

- troubles de l’équilibre (tous psychotropes mais surtout benzodiazépines, opioïdes, anticholinergiques),

- troubles cognitifs (benzodiazépines, opioïdes, anticholinergiques),

- constipation (opioïdes, anticholinergiques),

- troubles de la miction (anticholinergiques).

* www.ansm.sante.fr, dossier « Conditions climatiques extrêmes et produits de santé ».

* Téléchargeable sur www.live-mvte.org

* Téléchargeable sur www.ansm.sante.fr

ATTENTION

L’action cumulée de médicaments anticholinergiques peut être à l’origine de troubles cognitifs iatrogènes surtout chez le sujet âgé.

Médicaments anticholinergiques

• Les médicaments à composante anticholinergique (ou atropinique) sont nombreux :

atropine et scopolamine qui constituent les chefs de file pharmacologique ;

antiparkinsoniens : bipéridène (Akineton), trihexyphénidyle (Artane, Parkinane), tropatépine (Lepticur) ;

antispasmodiques : clidinium (Librax), oxybutynine (Ditropan), flavoxate (Urispas), solifénacine (Vesicare), toltérodine (Détrusitol), trospium (Céris)…

bronchodilatateurs : ipratropium (Atrovent, Bronchodual), tiotropium (Spiriva)…

• Leur action pharmacologique peut ne pas apparaître clairement dans leur indication car secondaire au plan thérapeutique (ils sont alors dits « masqués ») : c’est notamment le cas, à des degrés variables, des antidépresseurs tricycliques, des neuroleptiques phénothiaziniques ainsi que de la clozapine (Leponex), de la loxapine (Loxapac) et du pimozide (Orap), des antihistaminiques sédatifs (alimémazine, chlorphénamine, oxomémazine, prométhazine, hydroxyzine), de la métopimazine (Vogalène), de la mémantine (Ebixa), du disopyramide (Isorythm, Rythmodan) et du néfopam (Acupan).

• Ces dernières années, différentes échelles ont été développées pour évaluer l’exposition des sujets âgés aux médicaments sédatifs et anticholinergiques les plus fréquemment utilisés en gériatrie : Anticholinergic Drug Scale (ADS), Anticholinergic Cognitive Burden (ACB), Anticholinergic Risk Scale (ARS), Drug Burden Index (DBI)… Leur utilisation, principalement en milieu hospitalier, permet de limiter la survenue d’effets indésirables sans se substituer au jugement clinique.

À RETENIR

Les apports médicamenteux sont à prendre en compte dans le bilan des apports sodés quotidiens, notamment chez un sujet âgé hypertendu.

ATTENTION

En cas de vague de chaleur, certains médicaments (diurétiques, IEC, sartans, IRS…) sont susceptibles d’induire des troubles hydro- électrolytiques, principalement chez le sujet âgé.

ATTENTION

L’usage des benzodiazépines doit rester prudent chez un sujet âgé : sédation, troubles cognitifs et myorelaxation favorisent des chutes l’exposant à une perte d’autonomie.

Chutes iatrogènes

• Certains médicaments constituent un facteur de risque de chutes essentiellement chez le sujet âgé. Ils agissent par divers mécanismes :

action sédative : benzodiazépines, anticonvulsivants, opioïdes (y compris tramadol et antitussifs) ;

troubles cognitifs et/ou visuels : anticholinergiques, antiparkinsoniens dopaminergiques (hallucinations) ;

troubles neurologiques : neuroleptiques, y compris les neuroleptiques « masqués » ;

hypotension orthostatique : antihypertenseurs et vasodilatateurs, antiparkinsoniens (lévodopa, agonistes dopaminergiques), antidépresseurs tricycliques, phénothiazines ;

troubles de la conduction et du rythme cardiaque : antiarythmiques (digoxine), diurétiques hypokaliémiants, bêtabloquants.

La prise de certains médicaments est en rapport avec une pathologie augmentant le risque de chutes (antiarthrosiques, antidiabétiques, anti-Alzheimer, etc.).

• L’allégement des prescriptions de ces médicaments s’accompagne d’une réduction du risque de chute en diminuant la pression pharmacologique et les interactions.

• Certains facteurs intrinsèques aggravent le risque de chute iatrogène : âge supérieur à 80 ans, instabilité à la marche (troubles neurologiques, orthopédiques, visuels), hypotension, dépression ou troubles cognitifs, faible niveau d’activité physique, vie en institution ou solitaire et prise d’alcool.

• Le syndrome post-chute se définit par l’apparition, quelques jours après la chute, d’une diminution de l’autonomie physique sans cause objective avec une sidération des automatismes de l’équilibre et de la marche, une anxiété puis une régression psychomotrice. Une prise en charge rapide permet une issue favorable. L’évolution vers un état grabataire irréversible n’est pas rare, et ce d’autant plus que la personne aura été incapable de se relever seul, sera restée longuement au sol ou que ses chutes sont récurrentes.

ATTENTION

Les anticoagulants oraux directs exposent aux mêmes risques hémorragiques que les AVK.

AOD chez le sujet âgé : prudence !

• Remplacer les antivitamines K par des anticoagulants oraux directs (AOD) est une alternative quand l’INR fluctue en dehors de la zone thérapeutique malgré une observance correcte ou en cas de contre-indication, de mauvaise tolérance ou d’un refus des contraintes liées à la surveillance de l’INR. Les AOD actuellement disponibles sont un inhibiteur direct de la thrombine (dabigatran) et des inhibiteurs directs du facteur Xa (rivaroxaban et apixaban).

• Il n’existe à ce jour aucune surveillance biologique de routine. Le contrôle du taux d’anticoagulation, réalisé dans un laboratoire spécialisé, est indiqué seulement lorsque le risque hémorragique ou thrombotique est élevé.

• Ces médicaments exposent aux mêmes risques que les AVK : hémorragie en cas de surdosage, thrombose en cas de sous-dosage. Il n’existe actuellement pas d’antidote spécifique des AOD (une demande d’AMM a été déposée pour un antidote du dabigatran et d’autres molécules sont en phase de développement).

• Selon l’ANSM, fin 2013, plus de 31 % des AOD étaient prescrits chez des sujets de 70 à 79 ans, et plus de 32 % chez les plus de 80 ans. Pourtant, aucune étude clinique n’a été réalisée à ce jour chez les patients âgés avec ces médicaments.

• Les sujets âgés sont exposés à un risque hémorragique accru car ils conjuguent, du fait même de leur âge, divers facteurs favorisants un éventuel surdosage : insuffisance rénale, amaigrissement fréquent, comorbidités, polymédication avec risque accru d’interactions.

• Lorsque l’usage d’AOD est justifié, il nécessite d’évaluer la fonction rénale avant la prescription puis au minimum une fois par an (plus souvent chez le sujet âgé ou à risque d’interactions) et d’être attentif à la survenue d’un événement indésirable. Toute situation exposant à une dégradation de la fonction rénale (diarrhées, vomissements, canicule, diurétiques, etc.) impose un contrôle de la clairance et une éventuelle adaptation posologique.

À RETENIR

Les laxatifs stimulants, trop agressifs pour l’intestin, sont à éviter chez le sujet âgé.

Constipation iatrogène du sujet âgé

• La constipation est l’un des troubles de l’exonération les plus fréquents chez le sujet âgé : après 80 ans, le risque relatif est estimé à 2,6. Sa prévalence est comprise entre 23% et 55% au-delà de 75 ans, et va jusqu’à 80 % chez les sujets dépendants. Elle affecte plus souvent la femme que l’homme et les sujets de niveau socioéconomique faible.

• Elle a une origine multifactorielle, avec des facteurs de risque affectant le sujet jeune (troubles métaboliques, hypothyroïdie, diabète, etc.) et d’autres plus propres à l’âge : maladie neurologique, AVC, troubles cognitifs mais aussi troubles de la mobilité et déshydratation.

• La composante iatrogène est fréquente chez le sujet âgé : les médicaments les plus à risque sont notamment les anticholinergiques (phénothiazines, antidépresseurs tricycliques, antispasmodiques, antihistaminiques), les antiépileptiques, les antiparkinsoniens, les opioïdes, la supplémentation martiale (sels de fer), les topiques digestifs antiacides (hydroxyde d’aluminium, carbonate de calcium), les inhibiteurs des canaux calciques, les inhibiteurs des prostaglandines (AINS), les diurétiques hypokaliémiants (pouvant induire un iléus paralytique) et, bien sûr, les antidiarrhéiques. Les benzodiazépines sont évoquées dans certaines publications. Enfin, il ne faut pas oublier la constipation résultant d’un abus de laxatifs.

• Le traitement repose avant tout sur l’hygiène de vie : régime enrichi en fibres alimentaires, hydratation suffisante, activité physique quotidienne (30 minutes de marche), aller aux toilettes dès l’envie ou à heure fixe.

• La prise de laxatifs est envisageable en optant pour des produits peu agressifs : laxatifs osmotiques ou laxatifs de lest. Il faut éviter toute prise de laxatifs stimulants (bisacodyl, picosulfate, dérivés anthracéniques…) qui appartiennent à la liste des médicaments potentiellement inappropriés chez le sujet âgé*.

• Des stratégies alternatives peuvent être proposés, telles des massages ou, lorsque le patient a conservé ses facultés cognitives, le biofeedback.

* Laroche M.-L. et al., Rev Med Interne, juillet 2009 ; 30 : 592-601.

A vérifier lors de la dispensation

• S’informer des prescriptions en cours (dossier pharmaceutique et questionnement du patient et de son entourage).

• Eviter de changer de marque de génériques lors des renouvellements d’ordonnance. Noter le nom du princeps sur la boîte.

• S’assurer que le patient peut prendre son traitement : forme galénique et modalités d’administration adaptées.

• Expliquer l’ordonnance au patient et à son entourage : indication, schéma de prise, mode d’emploi, durée du traitement…

• Inscrire lisiblement la posologie sur les conditionnements et éventuellement rédiger un plan de prise.

• Signaler au patient tout changement de présentation des médicaments qu’il prend régulièrement (le conditionnement, la forme galénique…).

• Vérifier régulièrement la bonne observance des traitements : « Vous arrive-t-il d’oublier de prendre votre traitement ? », « Combien de fois avez-vous pris votre traitement cette semaine ? »…

• Alerter sur les risques de l’automédication et être particulièrement vigilant lors de la dispensation de médicaments conseils.

Source : d’après « Prévenir l’iatrogenèse médicamenteuse chez le sujet âgé », 2005, Afssaps.

MÉDICAMENTS POTENTIELLEMENT INAPPROPRIÉS CHEZ LES PERSONNES DE 75 ANS ET PLUS*

Antalgiques

- Indométacine per os

- Phénylbutazone

- Association d’au moins 2 AINS

Médicaments à propriétés anticholinergiques

Antidépresseurs imipraminiques : clomipramine, amoxapine, amitriptyline, maprotiline, dosulépine, doxépine, trimipramine, imipramine

Neuroleptiques phénothiazines : chlorpromazine, fluphénazine, propériciazine, lévomépromazine, pipotiazine, cyamémazine

Hypnotiques anticholinergiques : doxylamine, acéprométazine en association, alimémazine

Antihistaminiques H1 : prométhazine, méquitazine, alimémazine, hydroxyzine, bromphéniramine, dexchlorphéniramine +/- bêtaméthasone, cyproheptadine

Antispasmodiques à effets anticholinergiques : oxybutynine, toltérodine, solifénacine

- Associations de médicaments anticholinergiques

Anxiolytiques, hypnotiques

Benzodiazépines et apparentés à longue demi-vie : bromazépam, diazépam, chlordiazépoxide, prazépam, clobazam, nordazépam, loflazépate, nitrazépam, clorazépate, estazolam

Antihypertenseurs

Antihypertenseurs à action centrale : méthyldopa, clonidine, moxonidine, rilménidine

Inhibiteurs calciques à libération immédiate : nifédipine, nicardipine

- Réserpine

Antiarythmiques

- Digoxine > 0,125 mg/j ou digoxinémie > 1,2 ng/ml

- Disopyramide

Antiagrégant plaquettaire

Ticlopidine

Médicaments gastro-intestinaux

- Cimétidine

Laxatifs stimulants : bisacodyl, docusate, huile de ricin, picosulfate, laxatifs anthracéniques

Sulfamides hypoglycémiants à longue durée d’action : glipizide

Relaxants musculaires sans effets anticholinergiques : méthocarbamol, baclofène

* D’après Laroche M.-L., Rev Med Interne, juillet 2009, 30 : 592-601.

ATTENTION

Un bêtabloquant non cardiosélectif peut masquer les signes annonciateurs d’une hypoglycémie.

À RETENIR

Certaines interactions médicamenteuses avec les AVK ne nécessitent pas d’intervention particulière si les posologies sont adaptées et le contrôle de l’INR régulier.

ATTENTION

La digoxine a un index thérapeutique étroit. Son association avec des inhibiteurs de la glycoprotéine P peut être responsable d’une élévation de la digoxinémie.

La toxicité des digitaliques

• Les signes d’imprégnation digitalique doivent être connus du patient traité par digoxine et de ses proches. Des troubles cliniques s’observent dès que la digoxinémie dépasse 2,5 à 3 ng/ml. Ils sont digestifs (douleurs abdominales, anorexie, nausées, vomissements, diarrhées), visuels (vision floue, halo coloré persistant, scotomes scintillants, dyschromatopsie), neurologiques (confusion mentale, céphalées, insomnies, anxiété, dépression) mais aussi cardiaques avec troubles de la conduction et de l’automatisme.

• La prise en charge de l’intoxication repose avant tout sur l’arrêt immédiat du traitement. En cas de troubles aigus, il faut réaliser un lavage gastrique, l’administration de médicaments spécifiques des troubles du rythme repérés, un entraînement cardiaque avec une sonde, voire l’injection d’anticorps spécifiques en milieu hospitalier.

• L’élimination de la digoxine se fait à 90 % par voie rénale. En raison de la baisse physiologique de la fonction rénale chez le sujet âgé et d’une sensibilité augmentée à la digoxine, la posologie doit être adaptée.

• La posologie usuelle est de 0,25 mg/j. Elle est réduite à 0,125 mg/j chez le sujet âgé et de 0,125 mg tous les 2 jours chez l’insuffisant rénal sévère (ClCr < 30 ml/min).

• Chez le sujet âgé et l’insuffisant rénal, un dosage de la digoxine plasmatique (digoxinémie) est nécessaire pour adapter la posologie, notamment vers la fin de la première semaine du traitement, puis si des signes évoquant un surdosage, un sous-dosage (non-contrôle de l’insuffisance cardiaque) ou si des anomalies électriques l’exigent.

• De nombreux médicaments sont susceptibles d’interagir avec la digoxine, notamment ceux augmentant l’effet arythmogène de la digoxine (hypokaliémiants, bradycardisants, hypercalcémiants, torsadogènes..), ceux altérant la fonction rénale ou augmentant l’absorption (inhibiteurs de la glycoprotéine P).

À RETENIR

Un trouble urétroprostatique contre-indique l’utilisation de tout médicament à action anticholinergique

À RETENIR

Les patchs de trinitrine doivent être appliqués de façon discontinue sur 24 h pour éviter une diminution de leur efficacité.

ATTENTION

La teneur en potassium des présentations orales diffère selon le sel utilisé dans les formules, exposant à un risque d’hyperkaliémie.

Potassium oral : des erreurs de dosage

• L’ANSM a récemment rappelé le risque lié à l’usage de spécialités contenant du potassium administrées par voie orale, qui expose le patient aux effets indésirables graves d’une hyperkaliémie et/ou à des ulcérations digestives.

• Le risque peut être réduit, voire évité, en considérant les points suivants, notamment lors de la substitution d’une spécialité par une autre :

- le sel de potassium peut différer d’un médicament à un autre : il peut s’agir de chlorure, de bicarbonate, de tartrate, de gluconate ou de glycérophosphate ;

- la masse molaire de ces sels n’étant pas identique, la quantité d’ion potassium par unité de prise diffère en fonction de la spécialité ;

- il importe de prendre en compte la quantité réelle en ion potassium dans chaque unité de prise lors d’une substitution entre spécialités.

• Des mesures de minimisation du risque d’erreur médicamenteuse portant sur l’étiquetage de ces différentes spécialités sont actuellement à l’étude.

À RETENIR

La prise d’alendronate impose des précautions strictes de prise pour éviter des irritations œsophagiennes potentiellement graves.

À RETENIR

Les confusions entre spécialités peuvent avoir de graves conséquences iatrogènes. Attirer l’attention lors de la dispensation de médicaments dont les consonances sont proches.

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