AMÉLIORER L’OBSERVANCE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3080 du 16/05/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3080 du 16/05/2015
 

Cahiers Formation du Moniteur

CONSEIL

QU’EST-CE QUE L’OBSERVANCE ?

Un traitement non stabilisé

Lors de la délivrance du traitement de Monsieur B., la pharmacienne constate, grâce au DP, une augmentation des doses par rapport à la dernière prescription.

Le médecin a augmenté le dosage de ramipril. Votre tension n’est pas stabilisée ?

- De vous à moi, mon médecin est si dévoué que je n’ose pas lui dire que je ne prends pas toujours mon traitement pour ne pas le vexer.

Au contraire, votre médecin est à votre écoute. Il souhaite une amélioration de votre santé et non que vous lui fassiez plaisir. Si vous lui cachez la vérité, il ne pourra vous donner le traitement le plus adapté.

Selon l’OMS, toutes pathologies chroniques confondues, le taux d’observance serait de 50 % en moyenne, même lorsqu’il s’agit d’une pathologie lourde.

DÉFINITIONS

• L’observance désigne la concordance entre le comportement du patient vis-à-vis de son traitement et les recommandations médicales. Elle ne tient pas uniquement compte de la prise d’un médicament conformément à l’ordonnance, que ce soit en termes de doses, de nombre de prises, d’horaire de prise et de durée de traitement. Elle englobe également un ensemble de comportements, comme le respect de règles hygiéno-diététiques prescrites (arrêt du tabac, pratique d’une activité physique…) ou le suivi médical en assistant régulièrement aux consultations et en se soumettant aux analyses.

• Le patient est considéré comme non-observant lorsqu’il prend moins de 80 % du traitement prescrit.

• L’observance est indissociable de l’adhésion thérapeutique qui s’intéresse au point de vue du patient, à son degré d’acceptation vis-à-vis du traitement, à sa motivation et sa coopération active. Pour être optimale, l’observance, nécessite que le patient « adhère » à sa thérapeutique et non qu’il « se soumette » à son ordonnance.

• L’observance intègre la notion de persistance : durée pendant laquelle le patient suit correctement son traitement.

Pour exemple : la période la plus sensible se situe dans les six premiers mois après l’instauration d’un traitement antihypertenseur.

POURQUOI L’OBSERVANCE EST-ELLE IMPORTANTE ?

Pour le patient

• La mauvaise observance peut être responsable d’une diminution de l’efficacité de traitement, d’un échec thérapeutique, d’un déséquilibre, d’une aggravation de la pathologie, de complications ou d’effets indésirables. Lorsqu’elle n’est pas identifiée, elle conduit les professionnels de santé à s’orienter vers des alternatives thérapeutiques de seconde intention, souvent plus chères, moins tolérées.

• On estime que plus de 100 000 hospitalisations pourraient être ainsi évitées chaque année en France. La mauvaise observance serait aussi responsable de 8 000 à 12 000 décès par an.

Pour la société

• L’inobservance a un coût, évalué à 9 milliards d’euros par an. Ce coût comprend les dépenses liées aux médicaments délivrés mais non pris (gaspillage), auxquelles s’ajoutent les dépenses liées aux thérapeutiques de remplacement, à la prise en charge des complications, à la prolongation des arrêts maladie…

• Il faut également tenir compte des conséquences sur la santé publique, notamment en infectiologie, avec la transmission des pathologies contagieuses ou les problèmes de pharmacorésistance.

• Selon l’OMS, l’amélioration de l’observance est un investissement rentable. Elle donnerait de meilleurs résultats que certaines nouvelles technologies, coûteuses, pour améliorer la qualité de vie des malades chroniques.

POURQUOI EST-ON INOBSERVANT ?

« Je vais mieux, j’arrête mon traitement ! »

Eva présente son ordonnance en précisant qu’elle ne prend pas l’un des médicaments.

Inutile de me donner la fluoxétine, j’ai retrouvé le moral, je vais l’arrêter.

- C’est une bonne nouvelle si vous vous sentez mieux, mais il ne faut pas arrêter votre traitement sans consulter votre médecin. L’amélioration que vous constatez est justement liée à l’action du médicament.

L’inobservance se traduit par de multiples comportements : ne pas acheter un médicament, ne pas l’administrer, augmenter ou diminuer des doses sans avis médical, sauter une prise…

L’enjeu est d’en identifier les causes, intentionnelles ou non (oubli), pour adapter au mieux la prise en charge des patients.

FACTEURS LIÉS AU PATIENT

Refus de la maladie

• A l’annonce d’une pathologie sévère, certains patients refusent d’entendre le diagnostic, vécu comme un choc brutal qui n’a été ni prévu ni choisi. Il faut faire le deuil de « la vie d’avant », se construire une nouvelle vie qui intègre la maladie.

A faire. Respecter les différentes phases du « deuil » (sidération, déni, colère, marchandage) pour enfin aboutir à l’acceptation. Un accompagnement psychologique peut être proposé. Penser aussi aux associations de patients et aux groupes de parole.

Perception de la maladie

• Un malade qui sous-évalue la sévérité de sa pathologie voit mal l’intérêt d’une thérapeutique et se sent moins impliqué dans le suivi du traitement.

A faire. Donner au patient des informations claires sur sa pathologie et expliquer l’intérêt du traitement.

Environnement social et culturel

• Les patients vivant seuls sont moins observants. Le soutien de l’entourage (conjoint, famille, amis, réseau social) est indispensable pour motiver le patient à suivre son traitement.

A faire. Impliquer les proches. Les associations de patients peuvent aussi intervenir.

• Les idées reçues ou les croyances sont un frein à l’observance : conviction que le traitement n’est pas nécessaire ou qu’il est dangereux ; expérience d’effets indésirables antérieurs ; intégration d’informations négatives véhiculées par les médias…

Le faible niveau d’éducation est aussi un facteur d’inobservance.

A faire. De la pédagogie, fournir des explications adaptées, claires et s’assurer de la compréhension du patient (faire reformuler les explications données). Des entretiens particuliers peuvent être proposés.

• Les différences linguistiques et/ou culturelles, éventuellement religieuses, sont des obstacles à la bonne observance.

A faire. Utiliser des documents traduits (Livret de santé bilingue disponible sur le site de l’INPES), appel à un tiers.

Âge

• Les problèmes d’observance sont spécifiques à chaque âge, et concernent aussi bien la personne âgée (difficultés fonctionnelles…) que les jeunes adultes (souvent pressés) ou les enfants (dépendance vis-à-vis des parents, psychologie particulière des adolescents).

A faire. S’adapter à son patient, personnaliser les conseils.

Facteurs psychologiques

• Les épisodes dépressifs ou de déception liés à l’évolution de la pathologie entraînent une chute de l’adhésion. Le patient démotivé arrête de se soigner.

A faire. Ecouter, rassurer encourager. Si nécessaire, une consultation médicale doit être envisagée.

Evénements extérieurs

• Certains moments de la vie (déménagement, changements professionnels, arrivée d’un enfant, décès d’un proche…), les événements ponctuels (départ en vacances, week-end…) bouleversent le quotidien et constituent des situations à risque d’inobservance.

A faire. Etre attentif à toute modification du rythme de vie. Au cours de cette période sensible, répéter les messages essentiels, proposer un soutien, encourager. Responsabiliser le patient.

FACTEURS LIÉS À LA PATHOLOGIE

Chronicité

• Pour être efficace, le traitement d’une pathologie chronique s’inscrit sur le long terme et demande de la persistance.

La lassitude serait responsable de 14 % des cas d’inobservance.

A faire. Répéter régulièrement les informations et encourager le patient, en rappelant les bénéfices du traitement. Ne pas hésiter, au moment de la délivrance, à l’interroger sur son ressenti : « Comment vivez-vous la prise quotidienne des médicaments ? ». Etre attentif aux signes de lassitude : plaintes, retard dans les renouvellements, rendez-vous manqués chez le médecin…

• Si les malades peuvent accepter certaines contraintes à court terme, les envisager sur le long terme pose plus de difficultés, surtout lorsque les effets positifs du traitement ne se manifestent que tardivement, parfois après plusieurs années, alors que les contraintes, elles, sont immédiates.

A faire. Associer la contrainte à un moment de plaisir (rendre un régime alimentaire moins difficile en le préparant en famille) ou la rendre ludique (proposer des stylos injecteurs « design » et des lecteurs de glycémie connectés aux smartphones pour les adolescents diabétiques).

Symptomatologie

• L’absence de symptômes gênants ou visibles (notamment la douleur) change la perception de la maladie ou fait oublier son existence.

A faire. Entretenir la motivation. Rappeler que l’absence de symptômes visibles ne signifie pas que la pathologie est bénigne. Un arrêt anticipé du traitement peut entraîner une rechute ou des complications.

Evolution

• L’arrêt des traitements par le patient lui-même car son état de santé s’améliore est aussi très fréquent (près de 20 %).

Une confusion entre la disparition des symptômes et la guérison règne parfois dans son esprit. Inversement, le traitement est réintroduit ou les posologies augmentées sans avis médical dès le retour des symptômes.

A faire. Rappeler que tout arrêt, changement ou reprise de traitement doit se faire sous le contrôle d’un médecin. Rappeler les risques d’un arrêt précoce ou d’une reprise anticipée.

• Certaines pathologies compliquent la bonne observance, par incapacité physique (mobilité diminuée) ou psychique (démence, troubles psychiatriques…) à suivre la thérapeutique.

A faire. Accompagner le patient, orienter vers une assistance médicalisée.

FACTEURS LIÉS AU MÉDICAMENT

Complexité du traitement

• Le nombre de médicaments, le schéma posologique compliqué, les prises multiples ou au contraire espacées (prises hebdomadaires, trimestrielles) ne favorisent pas l’observance.

A faire. S’interroger sur l’intérêt de la prescription et en discuter si nécessaire avec le prescripteur : le médicament est-il indispensable ? Peut-on réduire le nombre de médicaments (envisager les associations fixes, les formes à libération modifiée) ? Y a-t-il un risque de confusion (nom du produit, galénique similaire…) ? Tous les médicaments peuvent-ils être réunis en une seule prise ? Simplifier le schéma posologique et l’adapter aux contraintes du quotidien, en réalisant un plan de prises, en étiquetant le conditionnement. Le patient lui-même doit être intégré à ces choix.

Galénique

• Certaines formes galéniques rendent les prises délicates. En cause :

- le goût, la taille, la sécabilité ;

-les manipulations complexes de certains dispositifs médicaux (inhalateurs, stylos injecteurs…) ;

- les contraintes des horaires stricts ou des repas, pas nécessairement adaptées au quotidien du patient ;

- la voie d’administration contraignante, douloureuse (injection, soins des plaies…) ;

- le temps nécessaire consacré à la thérapeutique ;

- l’absence de discrétion (inhalateurs…).

A faire. S’assurer que le traitement est compatible avec le mode de vie et les capacités du patient (forme, facilité d’utilisation, cinétique adaptée, voie d’administration supportée…).

Proposer des accessoires : coupe-comprimés, écrase-comprimés, seringue pour faciliter l’administration des liquides…

Délai d’action

• L’observance est meilleure si les effets bénéfiques du traitement sont perçus immédiatement. Lorsque le délai d’action est long (antidépresseurs, anti- acnéiques…), le patient peut faire preuve d’impatience ou douter de l’efficacité du traitement et y renoncer.

A faire. Avertir le patient, insister sur l’efficacité du traitement proposé. S’appuyer sur des éléments objectifs attestant de l’évolution de la pathologie (par exemple, mesure du souffle ou de la pression artérielle au moment du traitement et quelques semaines après).

Effets indésirables

• La survenue ou la crainte d’effets indésirables, la peur d’une dépendance, conduisent le patient à interrompre son traitement prématurément.

A faire. Rassurer le patient. Respecter les contraintes de la pharmacocinétique (interactions médicamenteuses, contre-indications…)

Rappeler l’importance des bénéfices sur les risques. Donner les solutions qui préviennent les effets indésirables attendus et la conduite à tenir en cas d’apparition. Si nécessaire, entrer en contact avec le prescripteur.

Substitution

• Les changements d’apparence des médicaments (forme, couleur…) augmentent le risque d’arrêt du traitement.

S’y ajoute la différence entre le nom de la spécialité et son générique, source de confusion.

A faire. Conserver le même médicament générique d’une délivrance sur l’autre, inscrire la correspondance sur le conditionnement et sur l’ordonnance.

Méfiance

• Les doutes sur la nécessité ou l’efficacité du traitement sont réguliers et représenteraient un quart des causes d’inobservance volontaire.

A faire. Rassurer le patient, réfléchir avec lui sur les conséquences d’une absence de traitement.

Coût et disponibilité

• Le coût du médicament et son mode de remboursement limitent l’accès aux soins.

A faire. Contacter le médecin. Si nécessaire, orienter vers les services sociaux adaptés.

• Faire revenir le patient parce que son médicament n’est pas en stock ou est en rupture est une contrainte supplémentaire à l’observance.

A faire. Veiller à la disponibilité d’un traitement chronique chez un patient régulier. A défaut, proposer une solution de remplacement.

FACTEURS LIÉS AUX SOIGNANTS

Posture et ton

• Debout, le pharmacien peut paraître impressionnant, formel, n’incitant pas au dialogue.

Certains patients, intimidés ou ne souhaitant pas décevoir leur médecin et/ou leur pharmacien, mentent sur leur consommation.

A faire. Favoriser la proximité, ne pas rester derrière le comptoir. Si possible s’asseoir pour l’entretien et regarder le patient dans les yeux. Discuter d’égal à égal. Faire preuve d’empathie, de compréhension. Valoriser le patient.

Temps d’échange

• Le temps consacré au patient est souvent limité.

A faire. Se montrer disponible, par des phrases d’encouragement : « Le traitement peut vous décourager. N’hésitez pas à venir, notre équipe est aussi là pour vous aider. »

Informations fournies

• Les explications des professionnels de santé sont parfois jugées trop floues ou succinctes par les patients, qui se tournent alors vers des sources d’information médicale grand public pas toujours fiables, ou se fient à l’expérience de l’entourage.

A faire. Prendre le temps d’expliquer : être sélectif (insister sur ce qui est important), clair. Ne pas donner trop d’informations en une fois, les hiérarchiser (les premières informations données sont celles qui seront les plus retenues). Inciter le patient à poser des questions, lui fournir de la documentation et des sites de référence fiables.

Confiance

• La relation que le patient entretient avec les professionnels de santé est un facteur important : la confiance augmente le taux d’observance.

A savoir : La confiance naît lorsque l’accueil (posture et ton), la disponibilité (temps d’échange) et la qualité des informations fournies sont réunies.

Coordination

• Le manque de coordination entre professionnels de santé est un obstacle majeur à l’observance : duplication des traitements, informations contradictoires…

A faire. Communiquer entre professionnels de santé. Améliorer l’observance est une démarche collective, centrée sur le patient, qui implique coordination et coopération entre professionnels de santé. Le pharmacien a un rôle clé pour détecter l’observance.

Professionnel de santé le plus vu par les malades, disponible sans rendez-vous, il a aussi une position clé pour l’améliorer.

DIFFICULTÉS À AMÉLIORER L’OBSERVANCE

• L’inobservance est multifactorielle et inconstante : le patient chronique alterne au cours de sa vie périodes d’observance et d’inobservance. Aux professionnels de santé de détecter et anticiper les situations à risque.

• Plusieurs expériences ont été tentées pour améliorer l’observance : incitation financière, télésurveillance, dosage plasmatique du principe actif…

• Au comptoir, le pharmacien peut proposer d’autres solutions d’amélioration, à adapter au cas par cas, en fonction du patient, de la pathologie et de la thérapeutique. Pour obtenir des résultats, les études menées sur l’observance démontrent qu’il faut agir sur plusieurs facteurs et non sur un seul.

LE PATIENT DIABÉTIQUE DE TYPE 2

« J’arrêterai un jour mon traitement ? »

Fabienne vient chercher son traitement habituel.

- Voilà six mois qu’on m’a diagnostiqué un diabète. J’ai changé mon alimentation et je suis toutes les recommandations du médecin. Mon dernier résultat d’hémoglobine glyquée est très satisfaisant. Ma glycémie est revenue à la normale. Vais-je pouvoir bientôt arrêter mon traitement ?

- Non, il faut continuer. L’absence de régulation naturelle de votre glycémie vous oblige à prendre des médicaments à vie, mais bravo pour votre observance. N’oubliez pas de vous ménager quelques moments de plaisir.

Le diabète de type 2 est une pathologie chronique, la majorité du temps silencieuse. Difficile donc de prendre conscience des dangers d’une mauvaise observance au quotidien lorsque les symptômes ne sont pas là pour rappeler la maladie.

PARTICULARITÉS

Profil du patient

• Le diabète de type 2 touche en particulier les adultes de plus de 40 ans, en surpoids ou obèses, souvent avec hypertension et hypercholestérolémie associées.

Pathologie

• Le diabète de type 2 est une pathologie chronique caractérisée par l’absence de tout symptôme pendant plusieurs années.

Thérapeutique

• La thérapeutique est à vie et demande une triple observance :

- observance du traitement médicamenteux ;

- observance des règles hygiénodiététiques ;

- observance du contrôle glycémique.

• Les contraintes sont donc nombreuses avec, pour récompense tardive, l’absence de complications éventuelles à long terme.

• Entre les différentes classes pharmacologiques, leurs nombreuses spécialités, les génériques et les différents dosages, les modifications de traitement et les substitutions sont facilement réalisables.

• La prise des médicaments dépend du repas : de son moment (avant ou au milieu) voire de son existence (éviter la prise du matin si absence de petit-déjeuner et décaler la prise au déjeuner).

• Les effets indésirables sont fréquents : troubles digestifs, risques d’hypoglycémie…

• Pour certains patients, l’insuline fait partie intégrante du traitement, avec ce qu’elle implique : automesure fréquente, variation des doses selon la glycémie, risques d’hypoglycémie plus importants, mode de conservation…

LES SOLUTIONS AU COMPTOIR

• Fixer des objectifs réalistes. Introduire des « récompenses intermédiaires ».

• Motiver le patient pour maintenir les bonnes règles de l’observance :

- l’inciter à respecter les règles hygiénodiététiques tout en se ménageant : garder du plaisir et s’autoriser quelques écarts alimentaires. Adopter une stratégie personnalisée et progressive (modification du régime alimentaire puis arrêt du tabac), plutôt qu’une stratégie d’emblée stricte. Conseiller l’activité physique en groupe, plus ludique et plus motivante ;

- s’intéresser à la surveillance glycémique : « De quand date votre dernière hémoglobine glyquée ? Quelle était votre glycémie cette semaine ? ». L’automesure glycémique peut également créer un symptôme (rappel de l’existence de la pathologie) et favoriser l’adhésion en obligeant le patient à être actif.

• Prendre le temps d’expliquer la prescription. Plus de 50 % des patients ne connaissent pas le nom de leurs médicaments, et plus de 70 % n’en connaissent pas l’indication.

• Remettre un carnet de glycémie (disponible auprès des laboratoires), outil permettant de suivre la maladie au jour le jour.

• Vérifier à chaque délivrance la présence d’effets indésirables. Donner les conseils pour les gérer ou orienter vers le médecin.

• Au moment du ramadan, anticiper la prise des médicaments en fonction des horaires de jeûne.

• Inviter le patient à suivre un programme d’accompagnement, pédagogique et motivant.

L’Assurance maladie a mis en place le projet Sophia, un service d’accompagnement gratuit destiné notamment aux diabétiques de plus de 18 ans.

LE PATIENT ASTHMATIQUE

« Je ne renouvelle que la Ventoline ! »

Madame R. vous présente l’ordonnance de son fils Paul, 14ans.

- Donnez-lui uniquement la Ventoline. Sa boîte de Seretide est encore pleine.

- Cela fait longtemps que Seretide n’a pas été délivré. Il ne le prend pas ?

- Non. Et pourtant j’insiste, mais la poudre qu’il contient le fait tousser.

- C’est que Paul utilise mal le dispositif. Si vous êtes d’accord, je peux organiser un entretien pour lui expliquer comment se servir du Diskus.

Si un tiers des adultes admettent que l’asthme les empêche de vivre normalement, moins de 15 % des patients suivent leur traitement correctement.

PARTICULARITÉS

Profil du patient

• L’asthme touche 6,7 % de la population française et 9 % des enfants. Le traitement, visible (inhalateurs), peut gêner les jeunes adolescents qui veulent éviter d’être stigmatisés.

• Un patient sur dix considère son asthme comme non contrôlé. C’est en réalité plus d’un sur deux. Les patients s’adaptent à un état peu satisfaisant et le considèrent comme normal.

Pathologie

• C’est une pathologie chronique qui se manifeste principalement par des crises plus ou moins espacées, mais pouvant survenir à tout moment. Devant l’absence ou la rareté des manifestations, le patient a tendance à oublier ou délaisser son traitement de fond car sans effets visibles perçus immédiatement, et privilégier le traitement de crise, dont il ressent le bénéfice rapidement.

Thérapeutique

• Dans l’asthme, l’observance s’applique non seulement aux médicaments prescrits, mais aussi aux consultations programmées, à l’éviction des allergènes, à la mesure du DEP*, au suivi des plans d’action…

• La thérapeutique de l’asthme persistant associe un traitement de fond au traitement de crise. Leur différence ou leur intérêt ne sont pas toujours bien compris par le patient. Les moments d’administration différents (l’un doit être administré quotidiennement et l’autre en cas de besoin) contribuent à un mauvais timing au moment du renouvellement.

• Les médicaments sont principalement des dispositifs médicaux, dont la technique de manipulation plus ou moins complexe peut susciter des difficultés.

• Dans des conditions optimales d’utilisation, 10 % seulement de l’aérosol atteignent en théorie sa cible et 90 % restent dans la cavité buccale. En pratique c’est souvent plus de 99 % du produit qui restent dans la bouche.

• Près de la moitié des patients (en particulier les jeunes) estime gênant et stigmatisant l’utilisation d’un inhalateur devant les autres.

LES SOLUTIONS AU COMPTOIR

• Expliquer la pathologie avec des mots adaptés. Convaincre de l’intérêt du traitement.

Apprendre à différencier traitement de fond et traitement de crise, et expliquer le rôle de chacun. Apprendre au patient à maîtriser l’inhalateur, ne pas hésiter à le faire manipuler.

• Une motivation régulière est indispensable : « Le traitement de fond permet de vivre normalement ».

• Proposer une chambre d’inhalation (systématiquement chez les enfants) qui facilite la pénétration des particules inhalées.

• En cas de crise, il faut agir vite. Rappeler que le traitement de crise doit toujours rester à portée de main.

• Différents outils permettent au patient de suivre l’évolution de sa pathologie : le carnet de suivi (disponible auprès de certains réseaux de l’asthme ou certains laboratoires) ou les applications pour smartphone (Mon Asthme, AsthMaCrise…).

• Il existe des programmes d’éducation thérapeutique et d’accompagnement : écoles de l’asthme pour les enfants et adolescents (parfois les adultes), entretiens pharmaceutiques ou programme Sophia pour les adultes (sous conditions).

LE PATIENT ÂGÉ

« Tenez, j’ai quatre ordonnances ! »

Arlette, 83 ans, présente ses quatreordonnances.

- Je n’y comprends plus rien entre toutes ces ordonnances. En plus, avec les boîtes de 28 ou de 30 gélules, il me manque toujours une dose.

- Votre traitement est complexe. Nous allons reprendre tranquillement avec vous et établir un plan de posologie. Nous pourrions aussi convenir d’un rendez-vous pour faire le point. Si votre fille est disponible, elle pourrait se joindre à nous pour cet entretien.

Les patients de plus de 75 ans prennent en moyenne 4,5médicaments au quotidien et plus de 43 % d’entre eux en prennent entre 5 et 10 par jour. Ce qui ne contribue pas au maintien de l’observance.

PARTICULARITÉS

Profil du patient

• Le patient âgé est souvent polymédiqué car plus concerné par les pathologies chroniques que la population générale.

• Les déficits cognitifs source d’oubli ou de confusion, et les troubles psychologiques (dépression, anxiété) sont fréquents. Des déficits fonctionnels dus à l’âge (problèmes de vision ou d’audition, dextérité manuelle) sont également récurrents.

• Les patients âgés sont souvent seuls, isolés, parfois avec de faibles revenus. Ils utilisent plus rarement les technologies modernes et n’aiment pas le changement.

Pathologies

• Souffrant de plusieurs pathologies, les personnes âgées consultent en moyenne plus de trois médecins et jonglent ainsi avec plusieurs ordonnances.

Thérapeutique

• A chaque pathologie son médicament. La thérapeutique devient complexe, avec des prises multiples réparties sur toute la journée ou dont le schéma varie d’un jour à l’autre (AVK dont la dose dépend des résultats d’INR; traitement de l’ostéoporose qui demande des prises hebdomadaires, mensuelles ou trimestrielles). Toutes ces contraintes sont sources d’erreur.

• La ressemblance entre formes galéniques (comprimés blancs, unidoses de collyre…) augmente les risques de confusion.

• Les présentations ne sont pas toujours adaptées : les déficits fonctionnels peuvent expliquer les difficultés de manipulation ou d’administration pour les inhalateurs, les collyres, les compte-gouttes, les bas de compression. Les comprimés deviennent impossibles à couper. L’ouverture des emballages ou la lecture des étiquettes sont parfois difficiles.

• Les conditionnements de 20 et 28 comprimés associés à des conditionnements de 30 comprimés déstabilisent le patient et compliquent le renouvellement.

LES SOLUTIONS AU COMPTOIR

• Faire preuve d’attention. Prendre le temps.

• Proposer si possible une galénique adaptée : ouverture facile, simplicité de manipulation. Faire manipuler le patient. Si elle est nécessaire, inciter à la mise en place d’une assistance.

• Etablir avec le patient un plan de posologie*. Proposer un pilulier à la journée, à la semaine ou au mois. Vérifier que le patient sait bien le remplir et l’utiliser.

• Toute innovation permettant de simplifier la prescription et de tendre vers une prise unique représente un avantage pour améliorer l’observance. En accord avec le prescripteur et le patient, proposer des associations fixes ou des formes à libération prolongée, quand elles existent.

• Conserver les habitudes du patient d’une délivrance sur l’autre, surtout en cas de substitution générique.

• Pallier l’oubli : il existe de nombreux supports, tels que des montres-alarmes, des piluliers électroniques « intelligents » munis d’un système de rappel, des alarmes de téléphone…

• Impliquer les proches.

• Coordonner l’action des différents intervenants : la transmission de l’information sur l’état de santé du patient contribue à une meilleure prise en charge. Il est possible de réunir les données médicales dans un classeur de liaison que le patient montre aux personnels de santé.

LE PATIENT SÉROPOSITIF POUR LE VIH

« Ces médicaments me rendent malade ! »

Le pharmacien invite Gilles, nouveau patient de la pharmacie, dans un espace de confidentialité :

- Ces médicaments me rendent malade ! J’ai envie de tout arrêter.

- Les effets indésirables de votre traitement sont gênants. Mais avant de prendre une telle décision, il faut d’abord identifier les médicaments que vous supportez le moins et en discuter avec votre médecin. Une adaptation thérapeutique peut être envisagée avec lui.

L’observance est l’un des facteurs clés de l’efficacité du traitement dans l’infection à VIH. 95 % d’adhésion au traitement sont nécessaires pour maintenir une charge virale indétectable.

PARTICULARITÉS

Profil du patient

• La découverte de la maladie est souvent brutale et le diagnostic rejeté dans un premier temps.

• L’infection par le VIH est une pathologie encore très stigmatisée, taboue dans certains milieux. Pour garder l’anonymat, le patient commande son traitement dans une officine qui n’est habituellement pas la sienne, il se cache pour prendre ses comprimés, dissimule ses effets indésirables ou détourne les questions gênantes. Il se confie peu.

Pathologie

• Beaucoup de préjugés, d’idées reçues et de croyances erronées circulent encore à l’heure actuelle sur le sida.

• Pathologie incurable, contagieuse, elle est maîtrisée grâce aux thérapeutiques existantes.

Thérapeutique

• Le traitement est lourd car il inclut un suivi biologique et clinique régulier, ainsi que plusieurs médicaments (antirétroviraux [ARV], médicaments pour la prise en charge de leurs effets indésirables et anti-infectieux quand les défenses immunitaires sont diminuées) dont la prise pluriquotidienne rappelle systématiquement l’existence de la maladie.

• Les ARV impliquent un respect strict des horaires de prises, souvent différentes selon les médicaments (à distance des repas et des autres médicaments pour certains, au milieu des repas pour d’autres).

• Les effets indésirables sont importants, parfois invalidants, nécessitant un changement de trithérapie. Les interactions médicamenteuses réduisant l’efficacité des ARV sont nombreuses.

• Les ARV ne sont pas toujours gardés en stock à l’officine. Il est souvent nécessaire de les commander, ce qui oblige le patient à revenir.

LES SOLUTIONS AU COMPTOIR

• Recevoir le patient dans une zone de confidentialité. Faire preuve de discrétion.

• Soutenir le patient, l’inviter à parler de sa maladie, l’orienter vers des associations de patients (l’association AIDES notamment).

• Informer le patient sur ses différents médicaments : hiérarchiser les traitements, distinguer les ARV qui imposent une observance optimale, des autres médicaments.

• Proposer au patient régulier de lui commander son traitement à l’avance chaque mois. C’est parallèlement un moyen de suivre précisément l’observance.

• Un lien hôpital/ville étroit est indispensable. Prendre contact avec le prescripteur permet de renforcer l’accompagnement, en particulier dans la prise en charge des effets indésirables dus au traitement.

LE PATIENT SOUS TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE DE COURTE DURÉE

« Je n’arrive pas à lui faire boire son sirop »

Mme J. présente une ordonnance d’antibiotiques pour son fils Maxime, 4 ans. Elle reconnaît la bouteille d’amoxicilline/acide clavulanique :

- Encore ce sirop ! Ce n’est pas la peine de me le donner : Maxime refuse de l’avaler, il déteste ça. Il pleure, il se débat, impossible de lui administrer.

- Il faut pourtant qu’il prenne son antibiotique pour éviter une aggravation. Je vous propose le même médicament mais d’un autre fabricant : les arômes des sirops sont parfois différents d’un laboratoire à l’autre.

Les problèmes d’observance ne concernent pas uniquement les pathologies chroniques. Même si l’inobservance semble moins fréquente dans le cas des pathologies infectieuses aiguës, elle reste l’un des facteurs principaux de résistance bactérienne.

PARTICULARITÉS

Profil du patient

• Si tous les patients sont concernés par les pathologies infectieuses, on constate une différence de comportement selon l’âge : les patients les plus jeunes sembleraient moins observants que leurs aînés.

• A noter que les enfants, patients souvent peu conciliants, dépendent pour beaucoup de leurs parents.

Pathologie

• La prise en charge des infections aiguës nécessite généralement un petit nombre de médicaments et une durée de traitement brève. Elle repose sur une guérison rapide mais les manifestations symptomatiques sont souvent intenses, inconfortables. En comparaison, les pathologies chroniques cumulent plus de facteurs de risque d’inobservance.

• Toutefois, l’inobservance existe (22 % des patients avouent ne pas suivre leur traitement antibiotique à la lettre) et conduit à l’échec thérapeutique ou encore à la résistance bactérienne. Elle oblige alors à prescrire d’autres antibiotiques (surcoût), souvent moins bien tolérés.

Thérapeutique

• Le traitement des infections aiguës repose généralement sur la prescription d’une antibiothérapie probabiliste, qui nécessite parfois une confirmation par analyse biologique, avec éventuelle modification du traitement.

• Les antibiotiques sont responsables d’effets indésirables marqués : troubles digestifs, mycoses, allergies…

LES SOLUTIONS AU COMPTOIR

• Inciter le patient à respecter les prises et la durée du traitement : ne pas arrêter « quand ça va mieux », sous peine de créer un climat propice à l’adaptation des bactéries (résistance).

• Adapter les horaires de prise au rythme de vie du patient. Ne pas hésiter à décaler les prises : si la prescription nécessite troisprises quotidiennes et que la prise du midi est impossible, reporter cette seconde prise au goûter puis la dernière au dîner.

• Choisir une galénique adaptée au patient : le choix des formes et des voies d’administration sont larges, et des formes pédiatriques sont disponibles. Bien expliquer la reconstitution du produit et le système-doseur. Ne pas utiliser les pipettes d’autres formes buvables.

• Anticiper l’apparition des effets indésirables : préciser les modalités de prise (incidence des repas sur la tolérance), proposer la coadministration de probiotiques, d’antimycosiques…

• Inviter les patients à rapporter les antibiotiques qui ne sont pas utilisés à l’officine. Ils ne doivent pas être pris ultérieurement sans avis médical.

LA PATIENTE SOUS CONTRACEPTIF ORAL

« J’ai encore oublié ma pilule ! »

Sandra, jeune femme pressée, tend son ordonnance :

- Pourrais-je avoir ma pilule ? Je suis en déplacement et je l’ai encore oubliée chez moi.

- Cela vous arrive-t-il souvent ?

- Oui, je pars souvent pour mon travail et je l’oublie toujours sur ma table de nuit. Je m’en rends compte le matin à l’hôtel au moment où je dois la prendre.

- Je vais vous dépanner d’une plaquette. Vous devriez aussi en mettre une dans votre sac pour l’avoir sur vous.

90 % des femmes en âge de procréer utilisent une contraception et pourtant, le taux de grossesses non désirées reste élevé. La problématique n’est pas l’accès aux méthodes contraceptives mais les difficultés que les femmes rencontrent dans la gestion quotidienne de leur contraception.

PARTICULARITÉS

Profil de la patiente et condiv

• La pilule est la méthode contraceptive la plus utilisée.

Mais les patientes qui l’utilisent n’en connaissent pas toutes les particularités et les contraintes liées au cycle hormonal, lui aussi mal compris. Les idées reçues sont encore très répandues, surtout chez les jeunes filles.

• La contraception est une thérapeutique particulière, plutôt considérée comme un mode de vie, choisi. Elle permet de prévenir la survenue d’une grossesse. A ce titre, l’absence de symptôme pathologique, la contrainte d’une prise quotidienne à heure fixe ou la motivation incertaine de la patiente (ambiguïté sur le désir de grossesse) sont responsables d’un manque de rigueur et majorent le risque d’oubli.

• Contrairement à la plupart des pathologies chroniques où le saut d’une prise est toléré, la contraception ne donne pas le droit à l’oubli. Lorsqu’elle y est confrontée, la patiente ne sait généralement pas quelle conduite adopter.

Médicaments

• La contraception orale doit respecter des horaires de prise stricts, avec une marge de sécurité restreinte (3 à 12 heures).

• Toutes les pilules ne sont pas prises en charge par l’Assurance maladie et leur coût peut devenir un frein à l’observance.

• Les effets indésirables sont fréquents (tension mammaire, migraines, règles abondantes…), parfois gênants, obligeant à un changement de pilule, voire de contraception.

• La délivrance se fait généralement pour 3 mois, délai suffisamment important pour faire oublier la date de renouvellement.

LES SOLUTIONS AU COMPTOIR

• Rappeler les modalités de prises (heure, date de reprise, ordre précis des comprimés…) et la conduite à tenir en cas d’oubli. Compléter et remettre la carte d’oubli de pilule disponible auprès du Cespharm ou de l’INPES.

• Proposer des solutions pour éviter les oublis : associer la prise du contraceptif avec un geste du quotidien (brossage des dents, petit-déjeuner…), programmer une sonnerie de rappel. Des applications sur smartphone permettent de recevoir une alerte SMS (Ma Pilule, myPill…). Mettre une plaquette de pilule dans son portefeuille permet de l’avoir toujours sur soi. Prendre son comprimé le matin peut présenter l’avantage d’avoir la matinée (3 heures pour les pilules microprogestatives) ou la journée pour y penser.

• Si l’oubli concerne le premier comprimé de la plaquette (reprise), noter sur un calendrier la date à laquelle la prochaine plaquette doit être commencée. Vérifier que la patiente dispose de la plaquette pour le mois suivant. Au moment du dernier renouvellement, inviter la patiente à prendre rendez-vous chez son médecin. Une forme « continue » de 28 comprimés peut être privilégiée.

• La contraception étant aussi une affaire de couple, il ne faut pas hésiter à inciter la patiente à impliquer son partenaire pour le lui rappeler.

• Les oublis répétés indiquent que la méthode de contraception n’est pas adaptée. D’autres méthodes existent.

Inviter la patiente à en discuter avec son médecin.

• Le coût du traitement doit être abordé.

Si nécessaire, le médecin peut proposer un contraceptif remboursé.

L’INTERVIEW Catherine Tourette-Turgis PROFESSEURE À L’UNIVERSITÉ PIERRE-ET-MARIE-CURIE DE PARIS, DIRECTRICE DU MASTER EN ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE, FONDATRICE DE L’UNIVERSITÉ DES PATIENTS, CHERCHEURE AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS

« Il faut aborder l’observance comme une activité »

« Le Moniteur » :

Les taux d’observance sont faibles, même pour des pathologies lourdes. Est-on naturellement programmé pour être inobservant ?

Catherine Tourette-Turgis : Le comportement d’observance n’existe pas, de même qu’il n’existe aucune prédisposition de l’être humain à ingérer des médicaments même en cas de grave danger. Prendre un traitement, c’est une activité comme une autre, qui comporte un certain nombre de tâches à effectuer et qu’il faut d’ailleurs simplifier pour le patient. Tout le travail doit être allégé, que cela soit l’ergonomie des médicaments, leur prise en main, leur goût, leur texture, leurs effets indésirables, leurs exigences en termes de température et de stockage.

« Le Moniteur » : Comment, alors, aborder la question de l’observance ?

Catherine Tourette-Turgis : En termes d’activités, ce qui évite les tentatives de blâme et de punition du patient et a le mérite d’obliger les chercheurs à étudier comment un malade qui doit prendre des traitements arrive ou non à les prendre, comment il s’y prend concrètement… On découvre par exemple que les seuls outils de travail du malade se résument à une ordonnance, un sachet dans lequel il y a des boîtes de médicaments et des notices.

A partir de là, le malade doit inventer, découvrir les usages de ces petits outils de travail. Quand on lui parle de médicaments, on lui dit qu’il faut les prendre comme indiqué sur l’ordonnance; c’est comme si on disait à un conducteur d’une voiture qu’il faut conduire en respectant le code de la route alors qu’il ne saurait pas comment faire pour freiner en cas d’urgence, qu’on ne lui aurait jamais appris à décoder les panneaux de circulation routière et que les routes ne comportaient aucune signalisation et aucune indication sur le sens de circulation.

Pour moi, c’est de l’usage d’outils et d’objets techniques dont il faut parler pour trouver des solutions.

L’essentiel à retenir

*DEP : débit expiratoire de pointe

* Obligatoire pour les ordonnances complexes (5 lignes de médicaments et plus)

QU’AURIEZ-VOUS RÉPONDU ?

Monsieur H., 67 ans, diabétique de type 2 sous insuline

Je ne supporte plus les injections, j’ai envie de tout arrêter.

Ce qu’il faut répondre :

Je vous comprends. Mais pensez aux bénéfices : depuis que l’insuline a été instaurée, vous êtes moins fatigué et vous pouvez jouer avec vos petits-enfants. L’arrêt de l’insuline entraînera des complications, de nouveaux examens, peut-être une hospitalisation. Vous êtes las et c’est normal. En avez-vous parlé à votre femme ? Mon équipe et moi sommes aussi disponibles pour en discuter et vous accompagner.

Mesurer l’observance au comptoir

• Le taux d’observance correspond au rapport, sur une période donnée, entre le nombre de prises effectives et le nombre de prises prescrites.

• Les outils de mesure sont variés :

Mesures déclaratives : Aborder l’observance par des questions ouvertes (« Comment vous organisez-vous avec ce traitement ? Combien de fois l’avez-vous pris cette semaine ? A quel moment de la journée le prenez-vous ? Avez-vous des astuces pour ne pas l’oublier/vous tromper ? Comment faites-vous quand vous êtes en déplacement ? »). Un questionnaire rapide, facilement réalisable au comptoir, est également proposé par l’Assurance maladie. A soumettre régulièrement, pas uniquement en cas de suspicion, pour éviter un sentiment de culpabilité et des réactions de défense.

Contrôle des délivrances : consultation du DP (retard ou avance dans les renouvellements), relevé des médicaments non utilisés rapportés en pharmacie, des promis jamais récupérés. Certaines phrases doivent alerter : « Il m’en reste plusieurs boîtes », « Je n’ai toujours pas pris rendez-vous chez mon médecin ».

Comptabilisation des doses restantes : blisters non entamés, indicateurs intégrés aux dispositifs d’inhalation…

• Les facteurs d’alerte (résultat thérapeutique insatisfaisant, absence d’amélioration malgré l’augmentation des posologies, plaintes contre les effets indésirables…) sont autant d’éléments qui doivent faire rechercher une mauvaise observance avant toute modification.

Situations à risque

• Evènements personnels : changements familiaux, changements professionnels

• Période de fêtes, vacances

• Régime trop strict

• Solitude

• Substitution générique, modification du traitement

• Mauvais résultats biologiques.

Situations à risque

• Evènements personnels : changements de rythme (école/vacances…).

• Changement de dispositif d’inhalation.

Situations à risque

• Solitude, isolement

• Bouleversement du quotidien : voyage, deuil…

• Sorties d’hospitalisation, substitution ou changement de traitement

• Modification de l’apparence du comprimé

• Ordonnance complexe

• Déficience cognitive, sensitive ou perte de mobilité et de mouvement.

95 % d’adhésion au traitement correspondent à :

• Chez un patient qui prend son traitement matin et soir :

3 oublis maximum par mois

• Chez un patient qui prend son traitement 3 fois par jour :

4 oublis maximum par mois.

Situations à risque

• Moment de l’annonce du diagnostic

• Changement de trithérapie

• Mauvais résultats biologiques

• Solitude, isolement du patient

• Vacances, dîners entre amis, rencontre amoureuse.

Situations à risque

• Les jeunes enfants

• Produits à reconstituer

• Goût désagréable

• Antibiothérapie probabiliste (risque d’inefficacité).

Situations à risque

• Voyage à l’étranger (décalage horaire)

• Changement de rythme de vie (weekend et vacances, changement professionnel)

• Imprévus, situations de stress

• Jour de reprise.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


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