LA MIGRAINE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3079 du 09/05/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3079 du 09/05/2015
 

Cahiers Formation du Moniteur

ORDONNANCE

ANALYSE D’ORDONNANCE

Mme R. a des crises de migraine de plus en plus fréquentes

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

Mme R., 25 ans, 64 kg.

Par quel médecin ?

Son médecin traitant, un médecin généraliste.

L’ordonnance est-elle conforme à la législation ?

Oui.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous de la patiente ?

Mme R. est une patiente bien connue de l’officine. Diabétique de type 1, elle vient régulièrement chercher son traitement insulinique. Elle achète aussi souvent du paracétamol pour soulager ses crises de migraine.

Quel était le motif de consultation ?

Devant l’intensification de ses crises, le pharmacien a orienté Mme R. vers son médecin afin d’éviter une consommation inadaptée d’antalgiques.

Que lui a dit le médecin ?

Le médecin lui a dit qu’elle avait bien fait d’écouter les conseils de son pharmacien. Il lui a prescrit un protocole à suivre pour traiter ses crises de migraine, qui sera à adapter en fonction de l’efficacité des médicaments et de la sévérité de la crise.

Vérification de l’historique de la patiente

La consultation de l’historique et du dossier pharmaceutique de Mme R. retrouve une délivrance régulière de Lantus et Novorapid ainsi que du matériel pour l’autosurveillance glycémique.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

• L’ibuprofène est un AINS indiqué dans la crise de migraine utilisé pour soulager la douleur liée à la céphalée et l’inflammation des artères méningées.

• Le zolmitriptan est un traitement spécifique de la crise. C’est un agonistes des récepteurs sérotoninergiques permettant une vasoconstriction des vaisseaux cérébraux.

• La métopimazine est un antiémétique appartenant à la famille des neuroleptiques phénothiaziniques.

• La prescription de forme lyoc ou orodispersible permet d’assurer l’efficacité des traitements même en cas de vomissements.

Est-elle conforme aux référentiels ?

• Le traitement de la crise de migraine fait appel en première intention aux AINS. En cas d’inefficacité après 2 heures (voire 1 h selon la SFEMC), le triptan peut être utilisé comme traitement de secours (réponse 2).

• Ce protocole sera évalué après 3crises successives. Si l’AINS demeure inefficace sur au moins 2 crises sur 3, le triptan sera alors pris d’emblée pour traiter les crises suivantes. Si toutefois, testé sur 3 crises, le triptan correctement pris (dès le début de la crise, quand celle-ci est légère) s’avérait inefficace, il pourrait, sur avis médical, être pris simultanément avec l’ibuprofène, d’après la SFEMC.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Non.

Y a-t-il des contre-indications ?

• Non. Mme R. n’est pas enceinte et ne souffre pas d’ulcère gastrique ni de lupus érythémateux disséminé, qui contre-indiqueraient l’usage de l’ibuprofène. Il est préférable d’éviter l’emploi prolongé des AINS chez le diabétique du fait d’un risque d’altération de la fonction rénale. Mais, ici, la prise d’ibuprofène reste ponctuelle.

• Par ailleurs, Mme R. ne présente pas d’antécédents ischémiques et n’est pas hypertendue. Elle ne présente donc pas de contre-indication au triptan.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

Oui. Les posologies d’ibuprofène et de métopimazine prescrites sont les posologies maximales à ne pas dépasser chez l’adulte. La posologie prescrite pour le triptan est inférieure à la posologie maximale (10 mg par jour).

Y a-t-il des interactions ?

Non.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

La patiente devra tenir un agenda (date de survenue des crises, durée, intensité, traitements utilisés et éventuels facteurs déclenchants). Il sera utile au médecin pour adapter le traitement de crise et/ou de fond.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Utilisation des médicaments

• L’ibuprofène est à prendre dès les premiers signes annonçant la crise migraineuse (céphalée). Il faut éviter de le prendre à jeun afin d’éviter une irritation gastrique.

• Le zolmitriptan sera à prendre 1 à 2 heures après la prise d’AINS si celui-ci s’avère inefficace. Une deuxième administration est possible en laissant au moins 2heures entre les prises et ce, uniquement si la première administration a permis de soulager la crise, mais que les symptômes réapparaissent. En revanche, si la patiente n’est pas soulagée par la première prise de zolmitriptan, une seconde dose ne doit pas être prise au cours de la même crise. Le comprimé orodispersible est à laisser fondre directement dans la bouche.

• La métopimazine est à utiliser en cas de nausées et/ou vomissements associés à la migraine. Le lyoc peut être déposé sur la langue ou être dissous dans un demi-verre d’eau.

Quand commencer le traitement ?

• Le traitement de crise est à prendre dès que les premiers signes apparaissent, c’est-à-dire dès le début de la céphalée douloureuse. En cas de migraine avec aura, les triptans sont à prendre lorsque l’aura est terminée. Les AINS, quant à eux, peuvent être pris au cours de l’aura.

La patiente pourra-t-elle juger de l’efficacité du traitement ?

Si le traitement de crise est efficace, la crise migraineuse devrait être soulagée significativement dans les 2 heures suivant la prise des médicaments.

Quels sont les principaux effets indésirables ?

• Ibuprofène : nausées, vomissements, gastralgies pouvant aller jusqu’à l’ulcère gastroduodénal, manifestations allergiques (éruptions cutanées, crise d’asthme, œdème de Quincke, voire choc anaphylactique).

• Zolmitriptan : « syndrome des triptans » (somnolence, vertiges, sensation de chaleur diffuse au niveau de la poitrine et de la gorge, augmentation transitoire de la pression artérielle, bouffées de chaleur, douleur ou oppression thoracique), nausées, vomissements, myalgies.

• Métopimazine : notamment somnolence, troubles extrapyramidaux, signes atropiniques (bouche sèche, constipation, troubles de l’accommodation, rétention urinaire).

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

• En cas d’irritation gastrique, recommander de prendre l’ibuprofène avec une collation.

• Le « syndrome des triptans » est, certes, source d’angoisse pour le patient mais il est bénin et rapidement réversible.

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

• Si le « syndrome des triptans » se prolonge plus de 1 à 2 heures, la patiente devra consulter un médecin.

• En cas de signes d’hypersensibilité suite à la prise de l’ibuprofène, une consultation médicale serait nécessaire afin de confirmer ou non l’allergie.

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

• Avoir toujours son traitement de crise sur soi pour ne pas être pris au dépourvu.

• Ne pas multiplier les prises d’antalgiques afin d’éviter les risques de surdosage, d’addiction et de céphalées chroniques quotidiennes. Une consultation médicale serait nécessaire pour envisager un traitement de fond si Mme R. était amenée à prendre son traitement de crise plus de 2 jours par semaine (même si celui-ci est efficace).

• Le repos au calme, dans le noir et l’application de froid sur le crâne peuvent aider à soulager la céphalée.

• Repérer les facteurs déclenchants de la crise. Les plus fréquents sont, entre autres, le stress, l’alcool, certains aliments, le tabac, les changements climatiques et les règles.

L’hypoglycémie peut également déclencher une crise. Le pharmacien interroge donc Mme R., diabétique, pour s’assurer de la régularité de ses horaires de repas et pour savoir si elle n’est pas souvent sujette aux hypoglycémies ces derniers temps.

• Avoir une bonne hygiène de vie avec des horaires réguliers de lever et de coucher.

• Apprendre à gérer son stress en pratiquant une activité physique et/ou de la relaxation.

SIX MOIS PLUS TARD

• Mme R. présente une ordonnance émanant d’un neurologue. Son généraliste l’a orientée vers un spécialiste suite à des crises de migraine de plus en plus fréquentes (jusqu’à 8 par mois).

• Le neurologue maintient le traitement de crise et initie un traitement de fond par bêtabloquant (propranolol 40 mg, 1/2 cp matin et soir, qsp 1 mois).

La prescription est-elle conforme aux référentiels ?

• Oui. L’instauration d’un traitement de fond est décidée par le médecin en fonction de la fréquence et de l’intensité des crises et du handicap qu’elles génèrent. Le recours fréquent au traitement de crise (plus de 2 fois par semaine même en cas d’efficacité) peut motiver l’instauration d’un traitement de fond. Les molécules utilisées en première intention sont le propranolol ou le métoprolol en l’absence de contre-indication.

• La posologie de propranolol est cohérente sachant que, dans cette indication, elle peut en pratique varier de 40 à 160 mg par jour. Le traitement est instauré progressivement en fonction de la tolérance et de la réponse clinique.

Y a-t-il des contre-indications ?

Non, Mme R. n’a pas d’antécédents asthmatiques, de maladie de Raynaud ou de troubles du rythme cardiaque.

Y a-t-il des interactions ?

Le propranolol interagit avec l’insuline car il peut masquer les signes habituels d’hypoglycémie (tachycardie, sueur, tremblements) et donc retarder sa prise en charge. Selon le « Thésaurus » de l’ANSM, l’interaction est classée en association nécessitant des précautions d’emploi. On peut donc délivrer le propranolol, mais Mme R. devra être attentive à certains signes atypiques d’hypoglycémie (nausées, vomissements, troubles de l’humeur et du comportement) et renforcer son autosurveillance glycémique (réponse 3).

Quels sont les principaux effets indésirables ?

Le propranolol peut induire une asthénie, une hypotension, des essoufflements, des cauchemars et un refroidissement des extrémités.

Quels conseils de prise donner ?

• Le propranolol doit être débuté dès que possible. Il est à prendre tous les jours à heures fixes. Le fractionnement de la dose journalière en 2 prises permet de limiter le risque d’hypotension. En cas de survenue de cauchemars, il peut être conseillé de prendre le traitement le matin et à midi ou éventuellement en une seule prise le matin.

• En cas d’oubli, les deux moitiés de comprimés peuvent être prises simultanément.

• L’efficacité sera évaluée au bout de 3 mois, l’objectif étant de diminuer le nombre de crises de migraine de moitié environ.

PATHOLOGIE

La migraine en 6 questions

La maladie migraineuse est caractérisée par la répétition de crises de céphalées ayant des caractéristiques propres. Selon l’intensité et la fréquence de ces dernières, la migraine peut avoir un retentissement plus ou moins important sur la qualité de vie du patient.

1 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

• La maladie migraineuse est caractérisée par l’apparition de céphalées récurrentes, avec des signes cliniques propres et un examen clinique normal.

• La migraine est précédée ou non d’une aura, qui peut être visuelle, sensitive ou aphasique. L’aura visuelle peut se manifester sous forme d’une diminution ou d’une perte de la vision sur une partie du champ visuel. L’aura sensitive se caractérise par une sensation de piqûre d’épingle, un engourdissement ou des fourmillements, ne touchant qu’un hémicorps et prédominant au visage ou à la main. L’aura aphasique se manifeste par des troubles du langage ou des difficultés d’élocution. Un patient migraineux peut souffrir alternativement de migraines avec et sans aura.

• La migraine est associée à des troubles du sommeil.

2 COMMENT EST PORTÉ LE DIAGNOSTIC ?

• La maladie migraineuse est définie par un certain nombre de critères, selon que les céphalées sont accompagnées ou non d’une aura. Dans le cas où il manque l’un des critères pour affirmer le diagnostic de migraine, celle-ci sera qualifiée de « probable ».

La migraine sans aura est diagnostiquée en présence d’au moins 5 crises (au cours de la vie du patient) durant entre 4 et 72 heures en l’absence de traitement. Les céphalées présentent au moins 2 caractéristiques parmi les suivantes : unilatérale, pulsatile, modérée ou sévère (intensité appréciée selon l’échelle verbale), aggravée par les activités de routine. Les crises sont accompagnées par au moins l’un des signes suivants : nausées et/ou vomissements, photophobie et phonophobie.

L’examen clinique est normal entre les crises.

La migraine avec aura est quant à elle diagnostiquée en présence de 2 crises (au cours de la vie) avec aura visuelle, sensitive et/ou aphasique sans déficit moteur. Les symptômes d’aura présentent au moins 2caractéristiques parmi les suivantes : symptômes visuels et/ou sensitifs unilatéraux, apparition d’au moins l’un des symptômes progressivement ou successivement en au moins 5minutes ; durée de chaque symptôme entre 5 et 60 minutes.

L’examen clinique d’une migraine avec aura est normal entre les crises. L’aura peut être suivie ou non d’une céphalée.

• Dans certains cas, des examens complémentaires sont nécessaires pour affirmer le diagnostic. Un scanner et surtout une IRM cérébrale sont indiqués en cas d’apparition des crises après l’âge de 50 ans, d’aura atypique (survenue brutale, durée supérieure à une heure, survenue toujours du même côté) et/ou d’anomalie à l’examen clinique.

3 AVEC QUELLES MALADIES NE PAS CONFONDRE ?

• Le diagnostic différentiel consiste tout d’abord à exclure une céphalée secondaire, symptomatique d’une autre pathologie, comme une hémorragie méningée (céphalée le plus souvent brutale, parfois en « coup de tonnerre » et constituant une véritable urgence), une hypertension intracrânienne (céphalée récente dont l’intensité se majore de façon rapidement progressive, qui constitue également une urgence), ou encore une pathologie moins grave comme une sinusite aiguë.

• Ensuite, il faut distinguer la migraine des autres céphalées primaires comme l’algie vasculaire de la face (douleur brusque et intense, durant en moyenne 1 heure et demie, pouvant se répéter jusqu’à 8 fois par 24 heures, centrée sur un œil, rouge et larmoyant, et diffusant souvent à la moitié du visage) ou la céphalée de tension (douleur diffuse, bilatérale, non pulsatile, non accompagnée de signes digestifs, durant 30 min à 7 jours et généralement liée à une tension au niveau des muscles de la nuque).

• Les céphalées iatrogènes doivent également être distinguées des autres céphalées. Elles sont induites par un vasodilatateur (dérivés nitrés, inhibiteurs calciques de type dihydropyridines, alphabloquants…).

4 QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE ?

• Une prédisposition génétique est reconnue en particulier pour les migraines avec aura.

• Cette prédisposition est aggravée par l’imprégnation hormonale féminine, ce qui explique la large prédominance féminine de la maladie après la puberté.

5 QUELS SONT LES FACTEURS DÉCLENCHANTS ?

• Les facteurs déclenchants peuvent varier d’un patient migraineux à l’autre et d’une migraine à l’autre. Certaines crises peuvent être associées à plusieurs facteurs déclenchants.

• Le facteur le plus fortement impliqué dans la maladie migraineuse (notamment sans aura) est le cycle hormonal féminin. Les crises surviennent fréquemment au moment des règles (de 2 jours avant à 3 jours après leur début) et sont dues à la chute du taux d’œstradiol en fin de cycle.

• Le stress et l’anxiété sont des facteurs reconnus comme potentiellement déclencheurs de crises.

• Certains aliments seraient impliqués dans le déclenchement des crises. Les substances en cause seraient la tyramine (lait et fromage), la phénylalanine (chocolat), l’histamine (poissons, crustacés, aliments fumés…), le glutamate (cuisine chinoise), les glucides et les lipides, l’alcool et les aliments glacés.

• Des facteurs sensoriels (exposition à la lumière, au bruit, à certaines odeurs), des facteurs climatiques (variations de pression atmosphérique, orage, chaleur, grand vent) ou des facteurs divers comme le manque de sommeil, l’irrégularité des repas, l’hypoglycémie, le jeûne et l’effort physique peuvent aussi déclencher des crises de migraine.

6 QUELLE EST L’ÉVOLUTION ET QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ?

• L’évolution de la migraine est aussi variable qu’imprévisible d’un patient à un autre.

L’évolution est toutefois le plus souvent favorable avec l’âge. La grossesse s’accompagne généralement aussi d’une amélioration.

• Une migraine est dite chronique quand, en l’absence d’abus médicamenteux, le patient souffre de céphalées plus de 15 jours par mois durant plus de 3 mois.

• La céphalée par abus de médicaments est l’une des principales complications de la migraine, tout antécédent de dépendance au tabac, à l’alcool ou aux benzodiazépines constituant un facteur de risque. Elle est provoquée par une surconsommation d’antimigraineux plus de 15 jours par mois pour les antalgiques non opioïdes et plus de 10 jours par mois pour les triptans et les opioïdes, pendant plus de 3 mois. Ceci entraîne des céphalées chroniques avec prises d’antimigraineux quasi quotidiennes et peut être à l’origine d’un « état de mal migraineux », caractérisé par des crises dont la durée dépasse 72 heures. La céphalée par abus de médicaments concerne 2 à 3??% de la population générale.

• L’infarctus migraineux (crise typique avec aura persistant plus d’une heure), défini comme un accident vasculaire cérébral ischémique, est une complication exceptionnelle de la maladie migraineuse. Il survient immédiatement suite à une crise avec aura, qui en est la cause.

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter la migraine ?

Les principales complications de la migraine étant liées à une utilisation inappropriée des médicaments, il apparaît indispensable de bien connaître les différents antimigraineux pour optimiser la prise en charge des patients.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Traitement de crise

C’est un traitement symptomatique et ponctuel qui doit être administré le plus précocement possible.

Traitements non spécifiques

• Le paracétamol est insuffisamment évalué chez le migraineux en crise.

• Le recours aux antalgiques opiacés est à éviter, d’une part, parce qu’ils majorent les nausées, et, d’autre part, parce qu’ils exposent au risque d’abus médicamenteux, voire de comportement addictif.

• Les AINS constituent en revanche le traitement de première intention de la crise de migraine. Ils permettent de réduire l’inflammation des artères méningées. Il n’y a pas d’inefficacité croisée entre les AINS. En cas d’échec, il est donc légitime de tester un autre AINS.

• Le traitement est évalué après 1 à 2 heures. En cas de soulagement significatif et de bonne tolérance, il ne doit pas être modifié.

• Si le patient n’est pas soulagé 1 à 2 heures après la prise de l’AINS, un triptan sera utilisé comme traitement de secours.

Traitements spécifiques (triptans, dérivés ergotés)

• Si les triptans peuvent être utilisés comme traitement de secours, ils peuvent aussi être prescrits d’emblée, en cas d’intolérance ou d’échecs successifs des AINS (inefficacité sur au moins 2 crises sur 3). Ils constituent le traitement spécifique de référence de la crise de migraine.

• Les triptans sont efficaces dans 2 crises sur 3 en moyenne. Un patient non répondeur à un triptan lors de la première crise peut ensuite être répondeur lors d’une autre crise. C’est pourquoi, avant de conclure à l’inefficacité d’un triptan, il convient de le tester sur au moins 3 crises successives. Un patient non répondeur à un triptan peut répondre à un autre triptan.

• Si la prise d’emblée d’un triptan (correctement pris dans l’heure suivant le début de la céphalée) s’avère insuffisamment efficace, certains spécialistes proposent d’utiliser l’association AINS/triptan en prise simultanée, certaines études ayant démontré la supériorité de cette association par rapport à l’utilisation isolée des molécules.

• Les dérivés ergotés sont utilisés en seconde intention chez les patients ne répondant pas aux triptans.

Traitement de fond

• Il s’agit d’un traitement quotidien qui a pour but de réduire le nombre et l’intensité des crises et de prévenir les abus médicamenteux. Un traitement de fond est recommandé chez les patients qui recourent depuis 3 mois au traitement de crise plus de 2 jours chaque semaine (même en cas d’efficacité). Le traitement de fond commence par une monothérapie, instaurée à doses progressives.

• Il fait appel en première intention aux bêtabloquants et en seconde intention à l’amitriptyline (hors AMM), à l’oxétorone, aux antiépileptiques (topiramate et, hors AMM, valproate de sodium) ou au pizotifène. En dernière intention, le méthysergide ou la flunarizine peuvent être utilisés.

• La tenue d’un agenda des crises est recommandée pour apprécier l’efficacité du traitement de fond, qui sera évaluée après 3 mois à pleines doses. Il est jugé efficace quand la fréquence des crises est réduite de 50 % et si elles sont moins sévères et moins longues.

• En cas d’échec, il faut essayer une autre molécule. Les bithérapies ne sont pas recommandées. En cas de résistance à plusieurs traitements de fond, il faut rechercher un éventuel abus médicamenteux.

• Le traitement de fond doit être poursuivi 6 à 12 mois selon les molécules. Compte tenu de l’évolution fluctuante de la fréquence des crises tout au long de la vie et d’une amélioration habituelle avec l’âge, il est cohérent de proposer des essais d’arrêt, avec diminution progressive des posologies. Si des crises réapparaissent 6 à 12mois après l’arrêt, le traitement de fond peut être réinstauré.

Profils particuliers

Femmes enceintes

• Le paracétamol peut être utilisé pendant toute la grossesse. L’aspirine et les AINS sont contre-indiqués à partir du début du 6e mois de grossesse (risque fœtotoxique cardiopulmonaire et rénal), et déconseillés avant. L’utilisation d’un triptan est contre-indiquée mais la pharmacovigilance est tout à fait rassurante quant à l’utilisation de triptan en début de grossesse, au moment où la migraineuse ne se sait pas encore enceinte. Les dérivés ergotés sont contre-indiqués.

• Les crises étant généralement moins fréquentes pendant la grossesse, la pertinence d’un traitement de fond peut être remise en question. S’il est maintenu, les bêtabloquants (propranolol notamment) peuvent être utilisés. Cependant, une surveillance des fréquences cardiaques et respiratoires et de la glycémie du nouveau-né est recommandée à la naissance. Si le propranolol est contre-indiqué, l’amitriptyline peut être utilisée. Mais une recherche de troubles atropiniques chez le nouveau-né est justifiée. Le topiramate et le valproate de sodium sont tératogènes. Il y a peu de données concernant l’utilisation de l’oxétorone et le pizotifène chez la femme enceinte. Le méthysergide est contre-indiqué (pouvoir ocytocique). Selon le Centre de référence sur les agents tératogènes, la flunarizine est à éviter en raison de sa longue demi-vie.

Enfants

• Si le paracétamol n’est pas efficace, le traitement de crise recommandé en première intention, chez l’enfant de moins de 12 ans, est l’ibuprofène. En seconde intention, le diclofénac (> 16 kg), le naproxène (> 25 kg) ou le tartrate d’ergotamine associé à la caféine (> 10 ans) peuvent être proposés. Chez l’enfant de plus de 12 ans, le sumatriptan peut être utilisé en pulvérisation nasale.

• En traitement de fond, l’apprentissage de techniques de relaxation est recommandée en première intention.

TRAITEMENT

Traitement de crise

AINS

• L’ibuprofène et le kétoprofène bénéficient d’une indication spécifique dans la crise de migraine. Le naproxène et le diclofénac sont également recommandés (pas d’AMM spécifique).

• Effets indésirables : atteintes digestives et rénales (en particulier en cas de déshydratation), manifestations allergiques (dont asthme), atteintes cutanées parfois sévères et risque d’aggravation d’une insuffisance cardiaque ou d’une hypertension.

• L’utilisation des AINS est déconseillée chez les patients traités par anticoagulants oraux ou héparines à doses curatives, lithium ou méthotrexate (> 20 mg/semaine).

Triptans

• Les triptans sont actifs sur l’ensemble de la symptomatologie migraineuse (céphalée, nausées et vomissements, photo- et phonophobie).

• Ils doivent être administrés dès l’apparition de la céphalée, leur efficacité étant meilleure quand ils sont pris au stade de céphalée légère. Toutefois, il ne faut pas les prendre pendant l’aura car ils sont inefficaces à ce stade.

• Si une première dose n’est pas efficace, la réadministration d’une seconde n’est pas conseillée au cours de la même crise. En revanche, si la première dose a été efficace, mais que les symptômes réapparaissent, une seconde dose peut être prise en respectant un intervalle de 1 à 4 heures selon les spécialités.

• Effets indésirables : troubles digestifs, fourmillements, sensation de chaleur, d’oppression thoracique, de pesanteur de la tête (« effet triptan », réversible en quelques heures), élévation transitoire de la pression artérielle, risque d’allergie croisée avec les sulfamides (sauf rizatriptan et zolmitriptan).

• Les triptans ne sont pas recommandés chez les patients de plus de 65 ans.

• Leur association aux IRS et IRSNA doit prendre en compte le risque de syndrome sérotoninergique.

• Ne pas associer l’élétriptan aux inhibiteurs du cytochrome P450.

Dérivés ergotés (ergotamine et dihydroergotamine)

• Ce sont des vasoconstricteurs. La caféine augmente l’absorption intestinale de l’ergotamine de 44 %.

• Effets indésirables : paresthésies, ergotisme, augmentation de la tension artérielle, intolérance locale (sensation de nez sec ou bouché, rhinorrhée) avec la dihydroergotamine pernasale. Une utilisation excessive des dérivés ergotés peut entraîner une fibrose, notamment rétropéritonéale.

• L’association de dérivés ergotés antimigraineux aux dérivés ergotés antiparkinsoniens ou aux sympathomimétiques est déconseillée.

Traitement de fond

Bêtabloquants

• Seuls le propranolol (60 % de patients répondeurs) et le métoprolol bénéficient d’une indication spécifique dans le traitement de fond de la migraine. Ils agissent par vasoconstriction, et sont également particulièrement intéressants lorsque le stress est un facteur déclenchant.

• Effets indésirables : bradycardie, dyspnée, hypotension, refroidissement des extrémités, cauchemars et risque de masquer les signes d’une hypoglycémie.

• L’association de bêtabloquants aux inhibiteurs calciques bradycardisants (diltiazem et vérapamil) est déconseillée.

Amitriptyline (Laroxyl)

• Utilisée hors AMM, c’est l’antidépresseur dont l’activité préventive sur les crises de migraine est la mieux établie (50 % de patients répondeurs).

• Effets indésirables : troubles atropiniques, somnolence, hypotension orthostatique, troubles de la conduction cardiaque.

Oxétorone (Nocertone)

• Elle agirait par antagonisme sérotoninergique sur les récepteurs 5HT2B.

• Effets indésirables : risque de somnolence (éviter l’alcool et prudence au volant).

Antiépileptiques

L’utilisation de certains antiépileptiques est justifiée par les mécanismes neuronaux impliqués dans la migraine.

• Seul le topiramate (Epitomax) a une AMM dans le traitement prophylactique de la migraine. Mais il expose au risque de troubles neuropsychiques et visuels. Il provoque souvent une perte de poids.

• L’acide valproïque (Dépakine) a une efficacité préventive sur les crises de migraine comparable à celle du propranolol. Ses effets indésirables les plus fréquents sont des troubles digestifs et, plus rarement, des troubles hématologiques et hépatiques, des troubles neuropsychiques et des atteintes cutanées.

Pizotifène (Sanmigran)

• Le pizotifène est un dérivé tricyclique aux propriétés antisérotoninergiques, antihistaminiques et anticholinergiques.

• Effets indésirables : somnolence (éviter l’alcool et prudence lors de la conduite automobile), effets atropiniques et très fréquente prise de poids.

Méthysergide (Désernil)

• Il n’est actuellement plus disponible sur le marché. L’Agence européenne du médicament a discuté de son retrait du marché. Il s’agit d’un vasoconstricteur qui agit par antagonisme compétitif des récepteurs 5HT2.

• Effets indésirables : nausées/vomissements, engourdissement et refroidissement des extrémités, risque de fibrose rétropéritonéale ou pleuropulmonaire. Une administration continue ne doit pas dépasser 6 mois.

• Le méthysergide est impliqué dans les mêmes interactions que les dérivés ergotés utilisés dans la crise.

Flunarizine (Sibélium)

• La flunarizine est utilisée en dernière intention, pour une durée n’excédant pas 6 mois.

• Effets indésirables : somnolence (ne pas consommer d’alcool et attention à la conduite automobile), prise de poids et, plus rarement, troubles de la coordination, ralentissement moteur, hypertonie ou galactorrhée (effet neuroleptique caché).

Autres traitements

En traitement de fond, certains spécialistes utilisent aussi hors AMM la venlafaxine, le candésartan, le vérapamil et, à moindre degré, le lisinopril.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Aurélie, 25 ans, enseignante et chercheuse en informatique

« Mes migraines ont commencé au lycée : elles étaient peu fréquentes et facilement calmées par du paracétamol et du repos. Depuis la fin de mes études, leur fréquence et leur durée ont fortement augmenté. Ceci était devenu ingérable au travail. Mon médecin traitant m’a orientée vers un neurologue qui m’a prescrit Relpax. La crise est en général stoppée en moins de 2 heures. Mais ce traitement entraîne des somnolences qui ne me permettent pas de travailler correctement les jours de migraines. Mes horaires souples me permettent heureusement de jongler avec, mais c’est assez gênant vis-à-vis de mes collègues ! Comme je consommais plus de 10 comprimés de Relpax par mois, le neurologue m’a prescrit du propranolol qui a permis de réduire de moitié la fréquence des crises, même si je souffre encore de migraine 5 à 6 fois par mois. »

LA MIGRAINE VUE PAR LES PATIENTS

La migraine peut rapidement devenir handicapante par la fréquence des crises de céphalée, leur durée, leur intensité et les éventuels signes associés (nausées, vomissements en particulier).

Impact psychologique

• Les patients migraineux ont plus souvent des troubles psychologiques associés que la population générale.

• Le fait que les crises puissent se déclencher à tout moment est une source de stress et d’angoisse importante. Le patient peut alors devenir réticent à s’engager dans une activité réclamant certaines performances.

• Le handicap engendré par les crises ainsi que le stress et l’angoisse qu’elles génèrent peuvent aboutir à une dépression.

Impact sur le quotidien

Les crises de migraine peuvent fortement altérer la qualité de vie en perturbant la vie sociale et les relations affectives. Le patient est contraint parfois, en fonction de l’intensité de la crise, de modifier son emploi du temps car il est dans l’obligation de s’aliter.

Impact professionnel

•  Arrêts de travail et absentéisme sont fréquents lorsque les crises sont sévères. Les crises peuvent également entraîner une baisse de la productivité et des difficultés à se concentrer.

Impact scolaire

• Chez l’enfant, les crises de migraine entraînent beaucoup d’absences qui peuvent perturber les résultats scolaires.

À DIRE AUX PATIENTS

A propos de la pathologie

• Il est important de différencier les céphalées de la migraine des céphalées de tension (douleur diffuse, continue et non pulsatile, sans signe digestif ). Les céphalées de tension sont plus répandues que la migraine et les antimigraineux spécifiques, y sont inactifs. Un migraineux peut avoir des céphalées de tension entre deux crises.

• Les céphalées de migraine sont exacerbées par le bruit, le mouvement, la lumière et sont souvent accompagnées de signes digestifs. Les crises peuvent présenter une grande variabilité chez un même patient. La fréquence et la sévérité des crises ont tendance à diminuer avec l’âge.

• Malgré le handicap généré par les crises, la migraine est une pathologie bénigne. Toutefois, les maux de tête ne doivent pas être banalisés et imputés à tort à la migraine. En cas de céphalée aiguë d’apparition brutale, s’installant en moins d’une minute, d’intensité sévère inconnue jusqu’à présent, durable malgré un traitement, ou/et en cas de fièvre associée, il est important de consulter un médecin en urgence.

• Il est important de tenir un « agenda de crises » (date de survenue, durée, intensité de la douleur, facteurs déclenchants éventuels et médicaments utilisés) qui servira d’outil de suivi et d’ajustement de la prise en charge pour le médecin.

A propos du traitement

Il est important d’expliquer au patient que les antimigraineux permettent de diminuer l’intensité, la durée et/ou la fréquence des crises sans les faire complètement disparaître.

Traitement de crise

• Il est à prendre dès les premiers signes de céphalées (une fois l’aura terminée pour les triptans et les dérivés ergotés).

• Prendre en première intention l’AINS, et garder le triptan en secours, en cas d’inefficacité, à 1 à 2 heures de l’AINS. Si, testé sur 3 crises, l’AINS s’avère inefficace, prendre le triptan d’emblée. La prise de triptan dans l’heure suivant l’apparition de la céphalée augmente son efficacité, mais aussi la durée de son effet, limitant le risque de réapparition des symptômes et donc la nécessité de recourir à une seconde prise.

• Repérer des spécialités contenant du paracétamol, de l’ibuprofène ou de l’aspirine utilisées pour d’autres indications (rhume notamment) : risque de surdosage.

• Informer le patient que la multiplication des prises d’antalgiques non spécifiques peut entraîner des céphalées chroniques quotidiennes.

• L’application de froid sur le crâne (pack réfrigérant, crayon au menthol, huile essentielle de menthe poivrée) et dormir ou se reposer au calme dans une pièce avec une température relativement fraîche peut contribuer à soulager la crise.

Traitement de fond

• La prise du traitement de fond doit être quotidienne.

• Prévenir le patient du délai d’action (2 à 3 mois) afin qu’il ne se décourage pas.

• Relaxation, acupuncture, rétrocontrôle et thérapie de gestion du stress peuvent être conseillés en complément, ou en première intention chez l’enfant.

En prévention

• Apprendre au patient à identifier les facteurs susceptibles de déclencher des crises.

• Respecter des heures régulières de lever et de coucher, ainsi que de repas, éviter les aliments déclencheurs, essayer au mieux de gérer le stress…

• La caféine peut déclencher des crises si elle est consommée de manière régulière et/ou excessive. Paradoxalement, elle peut également soulager une crise et favoriser l’absorption de certains antalgiques.

• Ne pas hésiter à consulter son médecin traitant puis éventuellement un spécialiste pour poser un diagnostic et ajuster la prise en charge médicamenteuse.

• En cas de migraines liées aux règles, les progestatifs seuls sont préférés comme contraceptifs.

Il est recommandé aux jeunes femmes d’arrêter le tabac afin de limiter les facteurs de risque vasculaire.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : NON. En cas d’allergie avérée aux bêtalactamines, le traitement de l’angine bactérienne fait appel aux macrolides. Cependant, ces derniers sont contre-indiqués avec les dérivés ergotés du fait d’un risque majoré d’ergotisme suite à l’inhibition des CYP450 par les macrolides. Il faut donc contacter le prescripteur afin de l’informer du traitement antimigraineux et remplacer l’azithromycine par la spiramycine, qui n’est pas inhibitrice enzymatique.

ORDONNANCE 2 : NON. Il existe un risque d’allergie croisée entre les sulfamides et l’almotriptan. Il faut contacter le médecin pour trouver une alternative comme traitement de crise. On peut notamment proposer au médecin le zolmitriptan ou le rizatriptan qui ne sont pas concernés par l’allergie croisée avec les sulfamides.

MÉMO-DÉLIVRANCE

Quel est le profil du patient ?

• Enfants : pour les crises, l’ibuprofène doit être privilégié. Le sumatriptan nasal est utilisable à partir de 12 ans, et le tartrate d’ergotamine à partir de 10 ans. En traitement de fond, privilégier la relaxation.

• Femmes enceintes : en traitement de crise, les dérivés ergotés sont contre-indiqués, ainsi que les AINS (à partir du 6e mois). En traitement de fond, le méthysergide, le topiramate et le valproate de sodium sont contre-indiqués (s’assurer qu’une femme en âge de procréer bénéficie d’une contraception efficace).

• Patients hypertendus ou ayant des antécédents d’ischémie : les triptans et dérivés ergotés sont contre-indiqués.

• Patients asthmatiques ou souffrant de BPCO : le propranolol est contre-indiqué (métoprolol contre-indiqué dans les formes sévères).

• Patients parkinsoniens : la flunarizine est contre-indiquée.

• Patients ayant un adénome de prostate : la flunarizine et l’amitriptyline sont contre-indiquées.

• Patients allergiques aux sulfamides : il existe un risque d’allergie croisée avec la plupart des triptans.

Y a-t-il des interactions ?

• L’association de triptans aux IMAO est contre-indiquée (ou déconseillée en fonction du triptan).

• Les dérivés ergotés sont contre-indiqués avec les triptans et les puissants inhibiteurs de CYP450.

• Les antiépileptiques le sont avec le millepertuis.

Le patient sait-il comment prendre le traitement ?

• Traitement de crise : il doit être pris le plus précocement possible (mais ne pas prendre de triptans ou de dérivés ergotés pendant l’aura). Prendre en première intention l’AINS, garder le triptan en secours. En cas d’inefficacité de l’AINS sur 3 crises, le triptan sera pris d’emblée.

• Traitement de fond : il doit être pris quotidiennement. La durée du traitement continu ne doit pas excéder 6 mois pour le méthysergide et la flunarizine.

Le patient connaît-il les principaux effets indésirables ?

• Du traitement de crise : prévenir le patient d’un possible « effet triptan » (oppression thoracique, pesanteur de la tête…).

• Du traitement de fond : risque d’hypotension, de fatigue, de cauchemars et d’hypoglycémie sous bêtabloquants (attention aux diabétiques !), de prise de poids et de somnolence avec de nombreux traitements (attention à l’alcool et à la conduite automobile !).

Quels conseils complémentaires donner ?

• Repérer et éviter les facteurs déclenchants.

• Tenir un agenda de crise.

• Pendant la crise, appliquer du froid sur le crâne et se reposer au calme.

• Orienter vers un médecin en cas de nécessité de prise du traitement de crise plus de 2 fois par semaine (suspecter un abus médicamenteux et envisager un traitement de fond).

• Attendre 2 ou 3 mois pour apprécier l’efficacité d’un traitement de fond.

LE CAS : Mme R., diabétique âgée de 25 ans, souffre de crises migraineuses sans aura depuis son adolescence. Jusqu’à maintenant, elle était bien soulagée par du paracétamol. Mais, ces derniers temps, les crises se sont intensifiées en sévérité et en fréquence. Sur les conseils du pharmacien, Mme R. a décidé de consulter son généraliste et présente aujourd’hui une nouvelle l’ordonnance.

Qu’en pensez-vous

Pour traiter la crise de migraine la stratégie thérapeutique de première intention consiste à :

1) Prendre un triptan d’emblée

2) Prendre un AINS et éventuellement un triptan 2 heures après si la crise n’est pas soulagée par l’AINS

3) Prendre l’AINS et le triptan de manière simultanée

Qu’en pensez-vous

Cette ordonnance peut-elle être délivrée à Mme R. ?

1) Non, car le bêtabloquant interagit avec son traitement insulinique

2) Oui

3) Oui, en respectant certaines précautions

EN CHIFFRES

• 17 à 21 % des adultes de 18 à 65 ans en France, dont la moitié des cas sont une migraine probable.

• Touche trois femmes pour un homme.

• 20 % des migraines sont précédées d’une aura.

• 90 % des auras sont visuelles.

• Retentissement socioprofessionnel important dans 1 cas sur 4.

• Durée d’une crise inférieure à 6 h chez la moitié des migraineux, et supérieure à 48 h chez 10 %.

La migraine de l’enfant

La migraine concerne 3 à 10 % des enfants, sans prédominance féminine ou masculine avant la puberté. Les crises durent généralement moins longtemps que chez l’adulte et débutent fréquemment par une pâleur inaugurale. Elles se caractérisent le plus souvent par une localisation bilatérale et par la présence de troubles digestifs au premier plan. L’étiologie étant plus difficile à trouver que chez l’adulte, la neuro-imagerie est plus largement utilisée chez l’enfant.

Physiopathologie de la migraine

• La céphalée migraineuse est provoquée par l’activation du système trigéminovasculaire (voir page 11). Ce dernier est constitué par les nerfs trijumeaux innervant les méninges et les vaisseaux intracrâniens. L’activation de ce système entraîne la libération dans l’espace périvasculaire de la dure-mère de neuropeptides dont la substance P et le peptide relié au gène de la calcitonine (CGRP), ce qui est à l’origine de 2 mécanismes : une vasodilatation et une extravasation des protéines plasmatiques. L’extravasation est responsable d’une inflammation.

• En outre, le rôle de la sérotonine dans la physiopathologie de la migraine est démontré. La fixation de ce neurotransmetteur au niveau des récepteurs 5HT2 et 5HT7 entraîne une vasodilatation via des mécanismes différents : production de monoxyde d’azote après fixation au niveau des récepteurs 5HT2 et relaxation des fibres musculaires lisses après fixation au niveau des récepteurs 5HT7.

Si la crise céphalalgique est caractérisée par une vasodilatation, l’aura est quant à elle déclenchée par une vasoconstriction (la sérotonine étant aussi responsable de vasoconstriction).

• L’aura serait provoquée par une dépolarisation neuronale entraînant une dépression corticale.

• Concernant la répétition des crises, le mécanisme reste imprécis mais reposerait sur une prédisposition génétique.

CE QUI A CHANGÉ

APPARU

• Le méthysergide est depuis le 24 mars 2015 sur la liste I des substances vénéneuses (liste II auparavant).

DISPARUS

• Suspension d’AMM et retrait du marché des spécialités orales à base de dihydroergotamine utilisées dans le traitement de fond de la migraine (Ikaran, Séglor, Tamik, Dihydroergotamine Amdipharm) du fait de survenue de fibrose et d’ergotisme : novembre 2013.

• Suspension d’AMM et retrait du marché de la solution injectable de Dihydroergotamine Amdipharm, utilisée en traitement de crise, pour les mêmes raisons : janvier 2014.

• Arrêt de commercialisation de Vidora (indoramine) du fait d’un rapport bénéfice/risque défavorable : juin 2013.

VIGILANCE !!!

Certaines contre-indications aux antimigraineux doivent être connues du pharmacien, en plus de celles propres aux AINS :

• Triptans : antécédents de pathologie cardiaque ischémique, HTA sévère ou non contrôlée, antécédents d’AVC ou d’AIT, syndrome de Raynaud, insuffisance rénale sévère (élétriptan, naratriptan et rizatriptan).

• Dérivés ergotés : insuffisance coronarienne, HTA sévère ou mal contrôlée, affection vasculaire oblitérante, syndrome de Raynaud, artérite temporale, infection sévère, insuffisance rénale sévère, grossesse, allaitement. Pour le méthysergide : antécédents iatrogènes de fibrose ou pathologies obstructives des voies urinaires hautes.

• Bêtabloquants : bloc auriculoventriculaire et insuffisance cardiaque non contrôlée, bradycardie, hypotension, maladie de Raynaud, BPCO et asthme (dans leurs formes sévères pour métoprolol, cardiosélectif, et quelles que soient leurs formes pour propranolol, non cardiosélectif).

• Topiramate : grossesse, absence de contraception chez la femme.

• Pizotifène : glaucome par fermeture de l’angle, troubles urétroprostatiques.

• Flunarizine : maladie de Parkinson, antécédents de symptômes extrapyramidaux ou de syndrome dépressif.

POINT DE VUE
Dr Michel Lantéri-Minet, chef de service du département de l’évaluation de la douleur du CHU de Nice

« Il faut sensibiliser le patient aux situations de préabus »

Quels rôles le pharmacien peut-il jouer dans la migraine ?

Tout d’abord un rôle de dépistage : il faut savoir que 80 % des migraineux ne voient comme seul professionnel de santé que le pharmacien !

Des demandes récurrentes d’antalgiques pour céphalées doivent faire suspecter une migraine. Au comptoir, trois questions simples peuvent être posées : « Avez-vous une photophobie, des nausées et vomissements, du mal à assumer vos activités ? » Si le patient répond au moins deux fois « oui », il y a plus de 90 % de risque qu’il soit migraineux. Par ailleurs, le pharmacien, en conseil, doit privilégier l’ibuprofène (hors contre-indication), qui est plus efficace pour la migraine que le paracétamol. Et le pharmacien peut participer à la prévention de l’abus médicamenteux. Si le patient prend son traitement de crise plus de deux jours par semaine, c’est une situation de préabus, qui doit faire orienter vers un médecin pour discuter d’un traitement de fond. Enfin, le pharmacien peut être amené à réexpliquer au patient son ordonnance et le bon usage des médicaments. Il est important de savoir qu’en cas d’efficacité insuffisante des triptans, la co-utilisation AINS/triptans est possible sur avis médical.

Comment traiter les céphalées chroniques ?

La première chose à faire est de suspecter un abus médicamenteux et de sevrer le patient. Mais des études récentes ont montré qu’après le sevrage, les céphalées chroniques réapparaissaient chez la moitié des patients et n’étaient donc pas, dans ce cas, réellement induites par l’abus de médicaments, mais avaient provoqué ce dernier.

Une prise en charge par un traitement de fond adapté est alors justifiée. Actuellement, c’est le topiramate qui montre la meilleure efficacité dans ce type de céphalées.

QUESTION DE PATIENTS

J’ai une migraine sans aura. Suis-je plus à risque de développer un AVC ?

La migraine sans aura n’est pas un facteur de risque vasculaire contrairement à la migraine avec aura, qui augmente le risque neurovasculaire chez les femmes. Ce risque est d’autant plus élevé qu’il existe d’autres facteurs tels que le tabac et les contraceptifs œstroprogestatifs. Ainsi, en cas de migraine avec aura, il faut privilégier les progestatifs seuls, alors que la migraine sans aura ne contre-indique pas les œstroprogestatifs.

QUESTION DE PATIENTS

Je viens d’apprendre que je suis enceinte. J’ai eu une crise une semaine avant de le savoir et j’avais pris un triptan : quels sont les risques ?

Toutes les données attestent de l’absence d’effet délétère d’un triptan pris au tout début de grossesse. Il faut donc rassurer la patiente et l’orienter vers son médecin pour discuter de la stratégie thérapeutique. En revanche, il faut lui rappeler que la prise d’AINS est à proscrire en automédication et sera absolument contre-indiquée à partir du 5e mois révolu de grossesse.

INTERNET

http://sfemc.fr

Le site de la Société française d’études des migraines et céphalées propose des informations destinées au patient sur la pathologie (facteurs déclenchants, traitement…) ainsi que des outils téléchargeables pour préparer une consultation: agenda (et méthode pour le remplir), questionnaire sur l’incidence des maux de tête sur la vie quotidienne…

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