DOIT-ON DAVANTAGE S’EN MÉFIER ? - Le Moniteur des Pharmacies n° 3079 du 09/05/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3079 du 09/05/2015
 
PROGRAMME D’AVANTAGES

Entreprise

Auteur(s) : Anne-Hélène Collin

CLIENT MYSTÈRE

Le groupement Univers Pharmacie a lancé plusieurs programmes d’avantages, accessibles à toutes les pharmacies. Lors du salon PharmagoraPlus, en mars dernier « Le Moniteur » a joué au client mystère pour en savoir plus.

Je vous offre les armes de la grande distribution pour que vous puissiez faire jeu égal » : voici comment Univers Pharmacie me présente sa carte Premium. Carte de fidélité ? « Non, carte d’avantages », se défend le groupement. Pourtant, je pourrais ne pas y voir de différence avec le principe d’une carte de fidélité : remises immédiates, remises anniversaire, testings de produits, offres de laboratoires partenaires, y compris la prise en charge des honoraires de dispensation des médicaments remboursables achetés sans ordonnance. Même principe pour la carte « Mes avantages PARA », qui offre des coupons de 5 € sur la para et organise des journées « Happy Days » où les points sont doublés. « Et ne vous inquiétez pas, tout est bien légal et autorisé », me répètera-t-on plusieurs fois au cours de la démonstration à PharmagoraPlus. Pourquoi ? Tout simplement parce que le procédé d’Univers Pharmacie permet de contourner les règles de déontologie.

Des messages publicitaires personnalisés

La « carte d’avantages » d’Univers Pharmacie n’est pas adossée à une seule officine puisque le « patient-client », comme il est nommé, peut bénéficier desdits avantages dans toutes les pharmacies adhérentes aux programmes, contraintes de suivre les promotions. Dans ces conditions, un pharmacien doit donc faire les remises imposées à un « patient-client » qui n’a jamais acheté chez lui ?… Un peu gêné, Univers Pharmacie botte en touche : « Oui, mais en pratique le client viendra toujours dans la pharmacie où il a pris sa carte, il ne pensera pas aller ailleurs. » Ne serait-ce pas de la fidélité, finalement ? Surtout si le « patient-client » paie 25 euros chaque année pour sa carte Premium : « Le prix de vente de la carte Premium permet de dégager des bénéfices qui pourront amortir l’investissement sur les remises. »

Et de me distraire en m’orientant vers les chiffres avantageux de la carte Premium : augmentation conséquente de la fréquentation du point de vente et du panier moyen.

En envoyant mailings et SMS informant des ristournes, ce sont ces gestionnaires de cartes qui sollicitent le « patient-client », et non le pharmacien. « Grâce à ce programme, je gère vos promos, vos campagnes et votre communication. » Moyennant rémunération, mais « vous pouvez bénéficier de réductions sur les droits d’entrée et les cotisations importantes si vous adhérez au groupement Univers Pharmacie ».

En échange ? Les « cartes d’avantages » enregistrent les historiques d’achats de chaque client (à ce stade, le terme patient devient inutile). Pour former un fichier de données dont pourraient, un jour, profiter les « laboratoires-partenaires » ? « Mais ne vous inquiétez pas, tout est légal et autorisé. »…

Mypharm présente son programme comme un label consommateur de la pharmacie

Parmi les programmes avantages proposés aux officines, celui de Mypharm se veut « éthique ». Mathias Raimbault, pharmacien et fondateur de la société, est conscient que la défense du monopole implique le respect de règles de déontologie. Son programme d’avantages a « pour but de faire marcher la pharmacie sur ses deux jambes : la vente et le conseil à haute valeur ajoutée ». Ce programme fonctionne comme un label consommateur : le titulaire participant s’engage à suivre une démarche qualité en respectant un cahier des charges (accueil, formation des équipes conseil pharmaceutique…) afin d’être labellisé Mypharm, « comme pour le label gîte de France ». Néanmoins, « il ne se verra imposer aucune politique de prix. Il n’est contraint qu’à la réalisation d’un nombre minimal d’événements et d’opérations commerciales dans l’année mettant en avant notamment sa compétence ». L’absence d’une politique de prix commune a pour conséquence de créer une concurrence entre les membres du réseau, classique dans les labels qualité. « Elle ne doit pas faire peur aux pharmaciens, rassure le fondateur, car les officines participantes respecteront les mêmes règles du jeu. »

Le patient consommateur cumule des points lors de chaque visite et à chaque achat. Ces points lui permettent de bénéficier de bons cadeaux sur la parapharmacie ou de service de santé, par exemple un entretien de conseil pour réaliser un pilulier ou l’accompagnement lors d’un dépistage. Le respect de cette relation de confiance implique la non-commercialisation des données personnelles collectées.

Mathias Raimbault souligne qu’il a pris contact à plusieurs reprises avec l’Ordre lors de l’élaboration du programme, regrettant de n’avoir eu aucune réponse claire de sa part. Face à cette situation, il considère que « son programme, calqué sur le mécanisme des cartes des laboratoires, toléré par l’Ordre, l’absence d’action de promotion directe réalisée par le pharmacien et l’aspect éthique du programme protègent ce dernier d’une éventuelle sanction ».

Anne-Charlotte Navarro

REPÈRES

• Carte « Mes avantages PARA » ou Premium

– Frais d’adhésion : 1 000 € HT

– Gestion : 199 €/mois

• My Pharm

– Frais d’adhésion : aucun

– Gestion : 149 €/mois.

3 QUESTIONS À

MATTHIEU BLAESI, AVOCAT SPECIALISÉ EN DROIT OFFICINAL AU CABINET SCP SAPONE-BLAESI

En quoi ces programmes d’avantages se distinguent des cartes proposées par les laboratoires ?

La carte de fidélité d’un laboratoire place le pharmacien dans un rôle d’intermédiaire. Il met à disposition la carte, et éventuellement, s’occupe des démarches pour obtenir les avantages. Ici, la philosophie est différente. Le pharmacien conclut avec un prestataire extérieur un contrat pour que ce dernier réalise pour lui des opérations de communication et de fidélisation qui lui sont interdites. Dans cette situation, le pharmacien est plus qu’un intermédiaire.

Ces programmes pourraient-ils justifier des poursuites devant l’Ordre des pharmaciens ?

Le Code de la santé publique dispose que l’Ordre des pharmaciens ne peut poursuivre que des pharmaciens. Or, ces sociétés n’ont pas la qualité de pharmacien. L’Ordre ne pourra pas, a priori, les poursuivre sur le fondement du code de déontologie. En revanche, des poursuites devant les juridictions nationales pourraient être envisagées.

Le pharmacien souscrivant à ce programme s’expose-t-il à des recours ?

Oui, puisqu’il lui est interdit de mettre en œuvre des outils de fidélisation et de sollicitation de clientèle selon le Code de déontologie. Il n’est pas certain que l’Ordre se contente de la présence d’un contrat entre le pharmacien et son prestataire pour valider ce type de pratiques. Cependant, les poursuites judiciaires nécessitent la preuve des faits par des éléments objectifs (contrats, témoignages, constats, etc.). Or, certains programmes ne communiquent pas sur les officines participantes.

Propos recueillis par Anne-Charlotte Navarro

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