LE PHARMACIEN, CET OUBLIÉ - Le Moniteur des Pharmacies n° 3076 du 18/04/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3076 du 18/04/2015
 
LOI DE SANTÉ

L’événement

Auteur(s) : Loan Tranthimy

Même si le pharmacien fait partie incontestablement de l’équipe de soins primaires évoquée dans la loi de santé, son rôle n’est pas explicitement reconnu par le texte. Au grand dam des syndicats de pharmaciens qui demandent à la ministre de la Santé de rectifier le tir lors du passage du texte au Sénat.

Après deux semaines de discussions à l’Assemblée nationale, les députés ont finalement adopté le projet de loi relatif à la « modernisation de notre système de santé » le 14 avril, sans difficulté. Ce div, largement remanié après les vives protestations des médecins, est différent de la version initiale déposée le 15 octobre 2014, notamment sur l’un des trois axes vantés par la stratégie nationale de santé, dénommé la « révolution du premier recours ». L’objectif recherché de la loi est d’offrir aux Français une prise en charge simple, décloisonnée et coordonnée des professionnels de santé pour éviter les complications et les hospitalisations inutiles. Pour ce faire, le div définit l’équipe de soins primaires de premier recours, crée les communautés territoriales de santé, composées de professionnels de santé regroupés sous la forme d’une ou plusieurs équipes de soins primaires, et relance le dossier médical partagé pour l’échange des informations.

Au moment où se profilent la pénurie médicale et l’augmentation de la charge de travail du médecin, le partage de tâches entre les membres de l’équipe n’est pas clairement défini dans la loi. Pis, les intentions énoncées dans la stratégie nationale de santé, telles que la complémentarité entre professionnels, n’y figurent plus. A l’exception du médecin traitant, le projet de loi reste en effet flou sur le rôle du pharmacien dans la coordination. Exemples : l’article 12 définit l’équipe de soins primaires, de façon générale, comme « un ensemble de professionnels de santé constitué autour des médecins généralistes de premier recours, choisissant d’assurer leurs activités de soins de premiers recours sur la base d’un projet de santé ». Idem pour la composition de la communauté professionnelle territoriale. Le div mentionne simplement « des professionnels de santé regroupés, le cas échéant, sous la forme d’une ou de plusieurs équipes de soins primaires, d’acteurs assurant des soins de premier ou de second recours ».

Lors du débat devant les députés, Bernadette Laclais, députée PS de Savoie et rapporteuse du projet de loi, a indiqué que le terme « professionnels de santé » est suffisamment large « pour couvrir notamment les personnels de PMI ». « Si l’on commence à énumérer certains professionnels, on s’interrogera immanquablement sur ceux qui ne figurent pas sur la liste », a même ajouté la ministre de la Santé Marisol Touraine. Soit !

L’interprofessionnalité de facto remise en question

Cette imprécision voulue par le gouvernement n’est pas du goût des syndicats de pharmaciens, déjà très agacés par la suppression de l’autorisation de vaccination à l’officine prévue dans le div initial. « Nous avions demandé que plusieurs choses soient précisées dans ce div. Mais cela n’a pas été le souhait des médecins, qui ont décidé de tout piloter, affirme Philippe Gaertner, président de la FSPF. Le div actuel ne correspond pas à celui dont nous avions besoin pour atteindre les objectifs annoncés dans la stratégie nationale de santé. L’interprofessionnalité a-t-elle encore des raisons d’exister ? »

L’USPO est aussi en colère. Le syndicat présidé par Gilles Bonnefond rappelle que les pharmaciens d’officine occupent une place stratégique dans le parcours des patients : « Pourquoi ne pas les mettre aux côtés des médecins et des infirmiers, les trois principaux acteurs de l’équipe de soins de proximité ? Nous avons énervé médecins et infirmiers en voulant imposer la vaccination à l’officine, alors aujourd’hui ils sont tous contre nous. »

L’UNPF non plus ne se réjouit pas du recentrage de la loi sur les médecins. « Il y a cinq ou six ans, l’Etat a voulu mettre en place les substituts nicotiniques. Il a utilisé les compétences du pharmacien et enclenché un système vertueux. Or, aujourd’hui, on se retrouve avec un div où le pharmacien a disparu alors que c’est le seul qui voit passer 4 millions de patients par jour, tempête Jean-Luc Fournival, président de l’UNPF. La moindre des choses pour un ministre est de citer les médecins, les pharmaciens, les spécialistes. Cela aurait eu un effet bénéfique pour la population officinale. » Le syndicaliste considère que si la coordination doit être faite par le médecin, « elle devra se faire de façon égalitaire, logique et dans l’intérêt du patient. Or, on est loin aujourd’hui de l’interprofessionnalité ».

« Le temps joue en la faveur du pharmacien »

Directeur des programmes pédagogiques à l’institut Kamedis et économiste de la santé, Stéphane Billon regrette lui aussi que le pharmacien ne soit pas du tout mentionné dans cette organisation du premier recours. Pour autant, il estime que ce professionnel pourra réaffirmer sa position et son rôle, notamment dans l’écriture du projet de santé que devra formaliser l’équipe de soins primaires à l’agence régionale de santé. « Le pharmacien doit proposer sa participation à l’écriture de ce projet tout en veillant à rester dans son cœur de métier, c’est-à-dire le spécialiste du médicament, et ne pas dépasser ce rôle », conseille-t-il.

Pour ce spécialiste, les missions que pourront remplir les pharmaciens ne manquent pas, comme informer le médecin et les autres professionnels de la consommation des médicaments et des biens de santé des patients ou encore mettre en place un système de suivi des patients sur la consommation des médicaments. « Le temps joue en la faveur du pharmacien. C’est pourquoi il doit dès aujourd’hui développer ses compétences en éducation du patient en se formant, estime l’économiste de la santé. Au-delà des entretiens pharmaceutiques AVK ou asthme, il devra se positionner sur toutes les pathologies chroniques. A terme, le pharmacien pourra être rémunéré pour cela. Ceux qui commencent à s’y intéresser seront ceux qui auront une large latitude à se faire comprendre par les agences régionales de santé et les autres professionnels de santé. »

Ces mots rassurants convaincront-ils les pharmaciens à s’engager sur le terrain ? Rendez-vous – très bientôt ? – devant le Sénat…

Cinq évolutions à venir

Outre des mesures sur la prévention (lire page 12), cinq dispositions vont modifier l’exercice officinal :

• Le maillage par ordonnance

Comme prévu, des mesures prises par ordonnance vont assouplir certaines règles applicables aujourd’hui au transfert et au regroupement des officines dans les territoires fragiles.

• Le DPC, une obligation triennale

Le développement professionnel continu (DPC) devient une obligation triennale. Le div prévoit qu’un décret va fixer les conditions de contrôle du respect par les professionnels de santé de leur obligation.

• Les règles de détention du capital des officines assouplies

Le div supprime l’obligation pour les pharmaciens titulaires exerçant en société de détenir directement 5 % du capital. L’adjoint exerçant à titre exclusif son activité dans une officine exploitée par une SEL peut détenir, directement ou par l’intermédiaire d’une SPF-PL, une fraction du capital de cette SEL jusqu’à 10 %. Dans ce cas, il peut conserver son statut de salarié.

• Une base légale pour la vente en ligne

Un nouvel arrêté de bonnes pratiques de dispensation des médicaments en ligne devra être publié pour remplacer le div annulé en mars 2015 par le Conseil d’Etat.

• Une liste de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur créée pour lutter contre les ruptures de stock.

Un décret pris après avis de l’ANSM doit préciser les critères permettant d’identifier ces médicaments. Les classes thérapeutiques concernées seront fixées par arrêté.

REPÈRES

Septembre 2013

Présentation de la stratégie nationale de santé.

Octobre 2014

Le projet de loi de santé est dévoilé.

Mars 2015

Suppression par la commission des Affaires sociales de l’article 32 autorisant la vaccination en officine.

Avril 2015

Adoption du div par l’Assemblée nationale.

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