Elle dispense à l’unité des antibiotiques - Le Moniteur des Pharmacies n° 3074 du 04/04/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3074 du 04/04/2015
 
CHÂTENAY-MALABRY HAUTS-DE-SEINE

Reportage

Auteur(s) : Matthieu Vandendriessche

L’expérimentation sur la dispensation des antibiotiques à l’unité a débuté il y a 4 mois dans la pharmacie de Béatrice Clairaz, à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine). C’est son équipe qui s’est chargée de mettre en application au comptoir cette disposition très controverséeau sein de la profession.

La pratique va-t-elle s’imposer dans les officines françaises ces prochaines années ? Pour le savoir, il fallait dans un premier temps l’expérimenter, cette dispensation des médicaments à l’unité, en faisant d’abord le choix de certains antibiotiques. Cette disposition de la loi de financement de la Sécurité sociale votée en 2013 est remise sur le tapis par Marisol Touraine, ministre de la Santé, au plus fort de la grogne de la profession à l’automne 2014. Sa simple évocation fait grincer les dents d’une majorité de pharmaciens, au point que l’on peine à trouver les cent officines nécessaires à cette expérimentation orchestrée avec le concours de l’INSERM* dans les 4 régions sélectionnées.

La Pharmacie des Verts Coteaux, à Châtenay-Malabry, est l’une des candidates. Sa titulaire, Béatrice Clairaz, a déposé son dossier à la date limite, quelques jours seulement avant de participer à la manifestation historique du 30 septembre. Exit les idées reçues ! « Pour avancer, il faut tester. Sinon, on campe sur des positions », estime cette élue de l’URPS-pharmaciens d’Ile-de-France. Ce qui la rassure : on peut quitter l’expérimentation à tout moment si on le souhaite. Selon la titulaire, son officine a d’abord été retenue parce qu’elle dispose d’un système informatique apte à facturer des médicaments à l’unité, et non plus seulement à la boîte. « On a aussi tenu compte de la typologie, de la localisation et du chiffre d’affaires des pharmacies. » Cette expérimentation lancée dans son officine fin novembre, c’est son équipe qui la porte. « Ils sont habitués à ce que je les implique », indique la titulaire.

Ce sont Yaëlle, adjointe, et Samantha, préparatrice, qui sont responsables de la mise en place et du suivi de l’expérimentation. Au préalable, les deux jeunes femmes ont assisté à une soirée d’information organisée par l’agence régionale de santé d’Ile-de-France. En back-office, elles ont commencé par afficher la liste des antibiotiques concernés et par stocker les boîtes sur une étagère à part. Pourtant couramment prescrite, l’amoxicilline en est exclue. « Le choix des molécules n’a pas été effectué pour des raisons économiques mais en fonction des problématiques d’antibiorésistance », considère la titulaire.

A chacune son champ d’action. Samantha s’assure de la bonne tenue de l’étagère : « Sur la boîte entamée, il faut indiquer la date d’ouverture et le nombre de comprimés restants. Je fais en sorte que l’équipe respecte cela. Mon rôle est aussi de vérifier régulièrement les stocks. » Pour sa part, Yaëlle s’occupe de la gestion – un peu fastidieuse – des documents fournis pour mener l’expérimentation. Cela consiste, en routine, en un relevé des patients intégrés dans l’expérimentation et un formulaire de consentement à leur soumettre. « Nous leur expliquons que, de manière spécifique à notre pharmacie, nous pouvons délivrer le nombre exact de comprimés pour la durée de leur traitement. Ils sont libres d’accepter. Et s’ils le souhaitent, ils peuvent retirer leur consentement à tout moment », insiste Béatrice Clairaz. La plupart des patients répondent positivement à cette proposition. « Les refus se comptent sur les doigts d’une main. Ils sont justifiés par l’intention de réutiliser ce qu’il restera du traitement », rapporte Samantha.

L’expérimentation comprend une étude qualitative en deux phases portant sur une période de 15 jours à 3 semaines chacune. L’officine est alors chargée d’adresser chaque soir à l’INSERM deux types de document. D’une part, un registre comportant les indications relatives au patient : sexe, année de naissance, médicament prescrit, durée de traitement, etc. Une partie détachable conservée à l’officine met en regard le nom, le prénom et le numéro de Sécurité sociale avec un numéro d’anonymat. Ce registre répertorie les patients qui se sont présentés à l’officine, qu’ils aient ou non accepté d’intégrer l’expérimentation. La raison du refus doit si possible être motivée. En parallèle, une fiche de contact avec nom, numéro de téléphone et code d’identification est transmise à une cellule d’enquêteurs de l’INSERM chargée d’appeler un à un les patients, pendant une vingtaine de minutes, au terme de leur traitement. Un patient refusant la délivrance à l’unité peut cependant répondre à ce questionnaire sur les pratiques au domicile (observance, recyclage des médicaments restants, etc.). De leur côté, les membres de l’équipe ont également été interrogés au tout début de l’expérimentation et le seront à nouveau à la fin, en octobre prochain. Des questions assez générales, témoigne Yaëlle, évaluant une perception a priori de la dispensation à l’unité : son aspect chronophage, son intérêt économique, sa généralisation potentielle. Un autoquestionnaire se destine en parallèle à s’enquérir de la satisfaction au travail du personnel de l’officine.

Passées les modalités, l’ordonnance est préparée dans le back-office. Cela commence tout bonnement par le comptage des comprimés. Les blisters sont découpés à la main ou au ciseau. « Tout cela s’apparente finalement à la préparation des doses à administrer et à la dispensation des stupéfiants », estime Béatrice Clairaz.

La contrainte majeure du déconditionnement est la traçabilité. « On s’assure que la boîte entamée comporte le même numéro de lot que celle qui permet de faire le complément », pointe Samantha. La notice doit systématiquement être ajoutée. Une prescription qui n’aboutit pas à la délivrance d’au moins une boîte, cela n’est jamais arrivé. Dans le cas contraire, il faudrait photocopier la notice. Retour au comptoir. « J’explique et je recalcule devant le patient », décompose la préparatrice. Puis médicaments et notice sont glissés dans un sachet en papier sur lequel est agrafé le ticket Vital. En plus des mentions d’usage y figure le numéro de lot des boîtes.

Côté facturation et commande, correspondance est faite par le logiciel entre le nombre de boîtes délivrées et la quantité à l’unité. La facturation s’effectue au prorata des comprimés vendus. Au final, indique Yaëlle, « cela ne prend que quelques minutes en plus. On s’y fait très vite. »

La participation à l’expérimentation est dédommagée à hdiv de 1 500 euros au maximum selon le volume des délivrances. L’officine a touché le forfait de base de 500 euros à la fin de l’année dernière. Concernant la caisse, « il y a eu des rejets de dossiers mais c’est traité normalement et nous sommes payés rapidement ». Béatrice Clairaz considère qu’il faudrait créer un acte pour cette préparation et le rémunérer sous forme d’honoraires. « Aujourd’hui, c’est du bricolage. Si cela devait être fait à plus grande échelle, il faudrait un local mieux approprié. » Afin de ne pas influencer les résultats, qui devraient être rendus publics en février prochain, l’expérimentation est tenue confidentielle. Les médecins du secteur n’en sont pas informés, ils ne doivent pas modifier leurs habitudes de prescription. Pourtant, il est admis qu’en se calant sur les recommandations et les conditionnements existants, la dispensation à l’unité n’aurait pas d’utilité. Si elle devait être généralisée, les laboratoires devraient jouer le jeu, affirme la titulaire. « Pourraient-ils nous permettre de moins déconditionner en proposant des médicaments à l’unité dans de grands sachets ? »

Certains laboratoires de génériques s’y emploient dès à présent. Il faudra aussi certainement réfléchir à une autre organisation pour l’équipe. Des ajustements qui ne manqueront pas d’être discutés au terme de cette expérimentation, une fois connus ses résultats, au début de l’année prochaine.

* Institut national de la santé et de la recherche médicale.

Béatrice Clairaz en 3 dates

1965 Naissance. 1992 Diplôme de la faculté de pharmacie de Paris XI. 1998 Installation à Châtenay-Malabry.

Le point de vue de l’équipe

La Pharmacie des Verts Coteaux emploie trois adjointes, deux préparatrices, un étudiant de 6e année et un apprenti. Yaëlle, adjointe et Samantha, préparatrice, sont en charge de la mise en œuvre de l’expérimentation. Au comptoir, il faut expliquer la démarche. Pour Sophie, adjointe, « le temps d’explication, cela dépend du nombre de personnes qui attendent derrière ! ». Les refus sont rares. « Vouloir conserver des comprimés pour une prochaine fois, les clients finissent par reconnaître que cela ne sert à rien. » Pierre-Yves, étudiant de 6e année, n’est pas autorisé à participer à l’expérimentation. Ce qui l’arrange bien car « ça évite de s’occuper de la paperasserie ». Pour lui, la dispensation à l’unité ne donne pas vraiment l’impression d’un traitement personnalisé. Cependant, « elle s’applique bien aux antibiotiques, pour lesquels la durée de traitement est fixée et moins pour un antalgique à la demande ».

La dispensation à l’unité

Les avantages

• Une précision de délivrance susceptible d’améliorer l’observance.

• L’adhésion majoritaire des patients.

• Une dynamique d’équipe autour d’un projet de santé publique.

Les difficultés

• Une gestion des blisters fastidieuse voire impossible avec un approvisionnement par automate.

• La nécessaire adaptation de l’équipe officinale et de son organisation.

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