COMMENT TRAVAILLER EN FAMILLE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3074 du 04/04/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3074 du 04/04/2015
 
MANAGEMENT

Entreprise

Auteur(s) : Fabienne Rizos-Vignal

Dans la famille « pharmacien », je demande le père, la fille, le mari… Quand l’entreprise devient une affaire de famille, est-ce si simple de travailler ensemble ? Comment réussir cette cohabitation ? Plusieurs pharmaciens nous font partager leurs expériences.

Il n’est pas rare de voir des officines dirigées de père en fils ou même entre époux. L’affaire n’est pas simple et, surtout, peut être vécue de multiples manières.

1 Faire ses gammes ailleurs

C’est ce qu’a choisi Catherine, fille de pharmaciens. Plutôt que d’être immédiatement intronisée à la fin de ses études dans la pharmacie de son père, elle a préféré s’exercer à la pratique officinale dans un autre environnement. Paris plutôt que la province, et une patronne plutôt que l’autorité paternelle. « Cette première expérience m’a permis de me confronter à la réalité du métier en terrain neutre, et de vérifier si cela me plaisait vraiment. » Ses preuves accomplies et le cap de la trentaine franchi, la jeune femme organise en quelques semaines son retour dans sa ville natale, Annecy (Haute-Savoie). « J’ai prévenu mon père que je rentrais et il m’a embauchée comme adjointe. Ce contrat a duré huit ans, puis j’ai racheté la pharmacie. Tout s’est fait naturellement et progressivement sans plan de reprise écrit à l’avance, d’autant que je n’étais pas pressée. »

2 Changer sans tout bousculer

Le jour où Catherine a déménagé la gondole qui était à la même place depuis des années, elle a vite compris qu’elle n’allait pas dépoussiérer les vieilles habitudes du jour au lendemain. Sans un mot, son père a méticuleusement repositionné le présentoir. Dont acte ! « J’ai par la suite renoncé à certains changements ou alors je les ai mis en place en douceur. Ce fut le cas de l’évolution informatique de la pharmacie. » A Cluses (Haute-Savoie), Véronique, qui a débuté à 25 ans dans la pharmacie paternelle, partage en partie ce constat. « Ce n’est pas si simple d’arriver avec sa jeunesse et son élan. Le parent est un modérateur qui a l’avantage de la maturité. Mais l’expérience ne se transmet pas, elle se fait », souligne la jeune femme, sans pour autant renier la chance de cette association qui a pris fin avec le décès de son père. Sa sœur Armelle, également pharmacienne, fait alors le choix d’abandonner son poste dans l’industrie pour la rejoindre aux commandes de l’officine familiale. Le nouveau binôme prend rapidement ses marques face à l’urgence de la situation, et opère quelques changements. « De mon expérience dans l’industrie, j’ai apporté une organisation managériale structurée, par exemple des feuilles de demande de congés pour le personnel. Au niveau pharmaceutique, nous avons entrepris une démarche qualité et obtenu la certification ISO 9001 », explique Armelle, qui a injecté de la modernité avec le soutien de Véronique. « Ces changements ont sans doute déclenché ou accéléré des départs. L’équipe a partiellement été renouvelée au cours de cette période », concèdent les jeunes femmes, qui ont maintenu leur cap avec la volonté commune de dynamiser leur entreprise.

3 Partager un projet, mais aussi ses contraintes

Avec son mari, Marie-France, installée à Viviers-du-Lac (Savoie), forme une véritable équipe. Parce que leur vie de famille devenait compliquée à gérer avec deux enfants en bas âge, Olivier a quitté son poste de chef d’équipe aux trois huit dans une usine pour s’impliquer dans la pharmacie de sa femme. « Il me décharge et me permet de me concentrer sur ce que je dois faire », explique la titulaire, qui a embauché son mari à un poste devenu essentiel. Sans être exhaustive, la liste de ses missions comprend la comptabilité, les courriers administratifs, la livraison des médicaments (la pharmacie est en zone rurale), la maintenance et la logistique du matériel de MAD, les dépannages en tous genres pour changer une ampoule, réparer une fuite… « Et, en plus, il est à la sortie de l’école pour récupérer les enfants. » Plutôt qu’une association hasardeuse avec des risques de conflits, la titulaire se réjouit de travailler en totale confiance avec son mari (« Cette équation est sans conteste bénéfique pour l’entreprise et pour notre harmonie familiale »). Olivier confirme : « La pharmacie est un élément de notre projet de vie commun, nous avons trouvé un équilibre. Même si certains amis ne comprennent pas mon choix professionnel, je l’assume, je suis détaché des jugements extérieurs. » La confiance est également le ciment qui scelle l’association de Véronique et Armelle: « Nous n’avons pas besoin d’un pacte d’associés. Notre fonctionnement est intuitif, nous savons que nous allons dans la même direction. »

4 Jouer la carte de la complémentarité

A chacun son périmètre de responsabilités et de missions. A Viviers-du-Lac, Olivier ne prend pas la place d’un patron bis : « En tant que salarié et non pharmacien, je ne donne jamais de directives aux autres collaborateurs, quel que soit le sujet. » Pour Armelle et Véronique, associées chacune à 50 %, la répartition s’est faite naturellement, par affinités de compétences. La première supervise les facturations, l’EHPAD et les entretiens individuels. La seconde prend la main sur les achats et la gestion des salaires. « Chacune prend librement les décisions qui lui incombent et en informe l’autre. Si le sujet est vraiment important, on en discute ensemble mais sans jamais imposer à l’autre son point de vue », souligne Armelle.

Leurs différences constituent un atout. Les faiblesses de l’une sont compensées par les qualités de l’autre. « Je n’aime pas les procédures papier, avec lesquelles Armelle est à l’aise. Et inversement dans d’autres domaines », précise Véronique. Cette bipolarité n’est toutefois pas exclusive, « on a des préférences, mais nous veillons à rester polyvalentes ».

A Annecy, Catherine peut encore compter sur l’implication de son père, qui n’a jamais vraiment lâché l’affaire : « Il tient encore à jour toutes les écritures comptables et s’occupe des factures. Quand je m’absente, il est présent et garde un œil attentif sur la bonne marche de la pharmacie ». Pour la titulaire, « ce n’est que du bénéfice ! ».

5 Scinder la vie personnelle

Pour ne pas envahir la vie familiale, les problèmes liés au travail restent au travail. Marie-France, présente six jours sur sept à la pharmacie applique ce principe : « A la maison, on déconnecte. On s’impose cette règle et on s’y tient. » Armelle et Véronique s’emploient aussi à préserver deux espaces distincts : « La pharmacie n’est pas au centre de la vie familiale. Et, surtout, nous ne faisons jamais intervenir nos conjoints dans les décisions professionnelles qui nous concernent ». Il y a donc une bonne distance à maintenir, en particulier avec les « pièces rapportées. » Même ligne de conduite chez Catherine: « Mon mari est avocat, je pourrais le solliciter à certains moments, mais je préfère ne pas le mêler. » Une sage attitude pour éviter un mélange des genres qui ne ferait pas bon ménage.

Que dit le droit ?

L’époux ou le partenaire pacsé qui participe de façon régulière à l’activité de son conjoint doit opter pour l’un des statuts suivants : conjoint collaborateur, salarié ou associé. Ce choix doit se faire au regard de la structure d’exercice, du temps consacré par le conjoint et des règles de déontologie.

Outre le conjoint, les autres membres de la famille peuvent participer à l’activité de l’entreprise dans le cadre d’un contrat de travail, comme l’a confirmé la jurisprudence, ou en raison de la détention de parts dans le capital social. Toutefois, le fonctionnement de la famille conduit parfois des membres à participer bénévolement à l’activité. L’URSSAF tolère cette pratique à condition que l’aide soit occasionnelle, spontanée et réalisée en dehors de toute rémunération et contrainte.

Anne-Charlotte Navarro

LE CHIFFRE

85 % des entreprises françaises (tous secteurs confondus) sont familiales. Un tiers d’entre elles le restent. Les autre sont revendues ou disparaissent.

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