LES DÉFIS DE L’AU-DELÀ - Le Moniteur des Pharmacies n° 3069 du 28/02/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3069 du 28/02/2015
 
FIN DE VIE

L’événement

Auteur(s) : Chloé Devis

La proposition de loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie qui sera débattue en mars comporte des enjeux significatifs pour les pharmaciens, qu’il s’agisse de l’information du public sur les directives anticipées ou de leur implication dans les réseaux de soins palliatifs. Il sera nécessaire de clarifier le rôle de la profession et de l’accompagner. Au-delà du comptoir.

Comme en témoignent les vives polémiques autour de récentes affaires, les efforts successifs du législateur ces dernières années pour encadrer les circonstances de la fin de vie ne se sont pas montrés à la hdiv d’attentes complexes sur le plan médical, éthique et sociétal. Un certain nombre d’études pointent la méconnaissance globale de ces divs et leur très inégale application. C’est la raison d’être de la proposition de loi élaborée par les députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP) qui doit être examinée en mars prochain à l’Assemblée nationale, après avoir franchi le 18 février dernier le cap de sa commission des Affaires sociales. Le nouveau div vise au plus large consensus en renforçant les droits du patient en fin de vie.

Face au constat d’une très faible mise en œuvre des soins palliatifs à domicile, Alain Claeys et Jean Leonetti plaident en premier lieu pour un développement des réseaux de prise en charge accompagné d’une « nécessaire » formation des médecins. Ils entendent également rendre contraignantes les directives anticipées prévues par la loi sur les droits des malades de 2002 et censées permettre à tout individu de faire connaître les souhaits relatifs aux conditions de sa fin de vie dans le cas où celui-ci se retrouverait hors d’état de les exprimer le moment venu.

Aujourd’hui ces dispositions sont non seulement mal connues et difficiles à formuler, mais, surtout, elles sont transmises à titre purement consultatif aux équipes soignantes. La nouvelle loi conserverait toutefois aux médecins la possibilité d’un refus motivé collégialement d’appliquer ces directives lorsqu’elle s’avèrent « manifestement inappropriées ». Elle proposerait également qu’elles soient rédigées selon un cadre prédéfini et avec le soutien d’un médecin, recueillies dans un dispositif centralisé et signalées via la carte Vitale.

« Aborder ces questions au comptoir me paraît diffficile »

Le projet Claeys-Leonetti réaffirme également en le précisant le rôle défini par la loi de 2002 de la « personne de confiance », celle-ci étant appelée à « porter témoignage de ce qu’est la volonté de la personne concernée ou des souhaits qu’elle a pu exprimer ». L’autre droit essentiel accordé au patient concerne la sédation profonde en phase avancée ou terminale, « même lorsqu’elle peut avoir comme effet d’abréger la vie ». Ces « droits nouveaux », insistent les divs de la proposition de loi, « ne peuvent être effectifs sans l’engagement fort des professionnels de santé dans l’exercice de leur responsabilité à l’égard des patients ». Parmi eux, « le pharmacien peut intervenir dans la sensibilisation à la rédaction des directives anticipées et la désignation de la personne de confiance », estime Guy Vaganay, pharmacien et président du réseau Palliadôm, dans le Puy-de-Dôme. « Cependant, aborder ces questions au comptoir me paraît difficile tant le tabou lié à la fin de vie reste présent. »

Certaines initiatives se font cependant déjà jour. « Plusieurs officines de notre secteur réfléchissent actuellement à la création d’un espace de parole pour recevoir les patients concernés par la fin de vie », fait savoir Jean-Jacques Chever, médecin et coordinateur du réseau de soins palliatifs de Béziers (Hérault). Pour Daniel Carré, secrétaire général du CISS (Collectif Interassociatif sur la santé), à l’origine de six amendements concernant le nouveau projet de loi, « les officines pourraient s’organiser pour devenir des points de première information dont la vocation serait d’orienter les patients vers les bons interlocuteurs locaux ».

« Des demandes face auquelles j’étais démuni »

Vis-à-vis de la prise en charge à domicile des patients, qu’ils soient chroniques ou en fin de vie, les pharmaciens ont des responsabilités encadrées par la loi, en termes d’adaptation de l’équipement et du traitement médical. Mais leur intégration dans les réseaux de soins palliatifs reste problématique : « Ils restent en retrait, faute de temps et de moyens, et ne viennent guère au domicile que pour livrer », constate Guy Vaganay.

De son côté, Jean-Michel Pomies, pharmacien, à la tête du réseau Relience en Haute-Garonne, se bat pour que ses confrères soient inclus dans le « noyau de proximité » constitué autour du patient. « En étant impliqué dès la réunion d’inclusion, le pharmacien a connaissance du diagnostic et du projet d’accompagnement et peut anticiper les besoins, tout en étant lui-même en mesure d’apporter des informations précieuses pour la qualité de la prise en charge sur le patient et son entourage, voire sur les antécédents familiaux ». Certes, « il faut pouvoir dégager du temps sans défraiement en contrepartie, et assumer cet engagement sur le plan psychologique, reconnaît Jean-Michel Pomies. Reste que c’est très valorisant pour le métier, et qu’on peut y trouver un intérêt économique en fournissant non seulement le traitement mais aussi le matériel médical. » Et de rappeler l’apport essentiel des réseaux de soins palliatifs aux professionnels de santé, pharmaciens compris : « Avant l’existence du réseau, j’ai été confronté à des demandes d’euthanasie de la part de patients que je livrais à domicile, face auxquelles je me retrouvais complètement démuni. Cela n’arrive plus dès lors qu’une équipe pluridisciplinaire peut se mobiliser à mes côtés. »

Deux ingrédients restent indispensables, « la concertation entre les professionnels de santé », souligne Jean-Jacques Chever, mais aussi leur « hypercompétence », estime Jean-Philippe Delsart, président de l’Association française des pharmaciens catholiques. Celui-ci en appelle à des « formations spécifiques pour développer l’expertise du pharmacien en matière de prise en charge de la douleur », mais aussi à des « formations transversales, qui permettent de croiser les regards et les préoccupations des uns et des autres ». C’est le cas des sessions mises en place par certains réseaux comme celui de Béziers. Preuve que les lignes bougent, au sein même de l’Institut de formation pharmacie santé, à Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes), une formation d’accompagnant en fin de vie a été mise en place il y a un peu plus d’un an.

REPÈRES

• La loi du 9 juin 1999 vise à garantir le droit d’accès aux soins palliatifs au sein des institutions sanitaires ou médico-sociales, comme à domicile.

• La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé prévoit que les décisions soient prises par le patient et ouvre ainsi un droit de refus de l’acharnement thérapeutique.

• La loi du 22 avril 2005, dite « loi Leonetti », relative à la fin de vie, affirme l’interdiction de l’obstination déraisonnable en matière de traitement des malades et renforce les devoirs des médecins en matière d’information et d’écoute des patients.

INTERVIEW
CATHERINE LEMORTON, PHARMACIENNE, DÉPUTÉE PS, PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

« Les pharmaciens seront impliqués »

Les pharmaciens peuvent-ils se sentir concernés par le projet de loi Claeys-Leonetti ?

Ce div tel qu’il est énonce avant tout des principes et ne cible pas les pharmaciens. Cependant, il insiste sur le fait que tous les professionnels de santé auront un rôle à jouer en matière d’information sur les droits du patient en fin de vie. A ce titre, les pharmaciens seront impliqués, comme c’est déjà le cas pour d’autres sujets de santé publique.

Qu’est-ce qui fonde la légitimité du pharmacien pour évoquer ces questions ?

L’officine représente la porte d’entrée la plus facile à franchir dans le système de soins, et le pharmacien est peut-être le professionnel de santé qui a la vision la plus globale du patient. Il est donc bien placé pour informer de l’existence des directives anticipées, relayer une campagne d’affichage sur le sujet… Mais il faudra un décret pour définir son rôle, le type de message qu’il peut faire passer et dans quelles conditions.

Qu’en est-il de son rôle dans les réseaux de soins palliatifs appelés à se renforcer ?

La prise en charge des patients à domicile est un terrain sur lequel la profession peut avancer, dès lors que les pouvoirs publics lui en donnent les moyens, et à condition aussi que les autres professionnels de santé lui fassent place.

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