« Les réformes ont une logique accidentelle » - Le Moniteur des Pharmacies n° 3068 du 21/02/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3068 du 21/02/2015
 
INTERVIEW
JEAN DE KERVASDOUÉ, ÉCONOMISTE DE LA SANTÉ, TITULAIRE DE LA CHAIRE D’ÉCONOMIE ET DE GESTION DES SERVICES DE SANTÉ DU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS

Enquête

Pourquoi faut-il réformer l’assurance maladie ?

La Sécurité sociale et l’assurance maladie doivent beaucoup à l’époque où ces systèmes ont été conçus, c’est-à-dire entre 1920 et 1930. Ainsi, la mise en place du ticket modérateur date de cette époque ; l’assurance maladie était alors vraiment une assurance et le partage des frais avec les assurés, la règle. Depuis, il n’y a pas eu de révolution majeure, même si progressivement les cotisations ont été calculées proportionnellement aux revenus. De même si notre système a la particularité de compter un nombre important de cliniques privées c’est parce qu’avant 1941 l’hôpital public était réservé aux indigents, aux militaires et aux accidentés du travail. Les bourgeois, petits ou grands, devaient pouvoir être soignés. Si le système de santé français est un des plus onéreux du monde c’est parce que nous avons beaucoup d’établissements hospitaliers (2 650), beaucoup d’hospitalisations (70 % de plus que les pays comparables), de nombreux médecins (surtout des spécialistes) et qui prescrivent beaucoup. Par ailleurs, nous avons un très condamnable recours à la dette, ce qui montre notre total manque de solidarité à l’égard des générations futures qui devront, elles, la payer. A cela s’ajoutent plusieurs phénomènes : la féminisation de la profession et l’installation tardive de tous les jeunes libéraux ; le développement de la médecine personnalisée et l’arrivée de la génomique ; la spécialisation croissante de toutes les professions de santé ; le flou dans la définition du rôle des médecins généralistes; les hésitations en matière de « réseaux » ou de « parcours » de soins ; le vieillissement de la génération du baby-boom qui, à partir de 2030, aura une incidence sur la dépendance…

Une remise à plat du système est donc impérative ?

Oui, par exemple, pour quoi ne pas fusionner les régimes de sécurité sociale, CNAMTS, MSA et RSA, puisque aujourd’hui tout le monde a les mêmes droits ? Quant aux relations conventionnelles entre l’Assurance maladie et les professionnels de santé libéraux, elles doivent aussi être profondément repensées. En outre, le système, notamment depuis la loi HPST de 2009, est trop centralisé, trop bureaucratique. Par ailleurs, peut-on encore éviter longtemps l’absence de contrôle a posteriori des prescriptions ? Des mesures sur le bon usage du médicament sont indispensables et cela passe par l’analyse des prescriptions, comme cela se fait aux Etats-Unis de manière systématique. Ainsi, il y a vingt ans déjà, j’avais proposé que le pharmacien cosigne les ordonnances de plus de 5 médicaments afin, notamment, de s’assurer qu’il n’y avait pas de dangereuses interactions. Il manque une vision, un projet sur le devenir de la médecine de ville : quelle place et quelle rémunération pour le généraliste ? Quel financement stable pour les réseaux de soins ? Quelle évolution pour les professions paramédicales ? Faut-il, notamment, à l’instar de beaucoup de pays, créer des « médecins assistants » ou des « infirmières spécialisées » avec un niveau d’étude de bac + 5 auxquelles on confierait un droit de prescrire sous la responsabilité du médecin auquel elles seraient attachées ? Quelle évolution de la rémunération de la pharmacie d’officine et des laboratoires d’analyses biologiques… ? Les questions ne manquent pas. Chacun prétend que demain sera comme hier, or tout le monde voit que l’on est dans une période de rupture.

Sommes-nous prêts en France à de tels changements ?

Les réformes ont une logique accidentelle, autrement dit les raisons de la réforme sont fortes, précises, connues, mais si elles n’ont pas lieu c’est parce que les institutions en place défendent leurs intérêts jusqu’à, pour elles, l’accident. Quel sera l’« accident » qui conduira à une réforme profonde de l’assurance maladie ? S’agira-t-il d’un changement politique, d’une remontée des taux d’intérêt ou de la mise sous tutelle de la France ? Personne ne le sait. Mais à ce moment-là, les idées seront nécessaires pour imaginer de nouvelles institutions.

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