UNE PROCÉDURE EN TROIS ÉTAPES - Le Moniteur des Pharmacies n° 3066 du 07/02/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3066 du 07/02/2015
 
LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE

Entreprise

Auteur(s) : Fabienne Rizos-Vignal

Marges en berne, trésorerie sous tension, chiffre d’affaires qui dévisse… Quand les indicateurs économiques sont dans le rouge, le chef d’entreprise est amené à prendre des décisions lourdes. Alléger la masse salariale fait partie des mesures de sauvetage.

Face aux difficultés que traversent les officines, certains titulaires doivent se résoudre à envisager un licenciement économique. Cette procédure ne doit pas s’improviser, il faut respecter des règles définies par la loi.

Peser les difficultés économiques

Contrairement au licenciement personnel, c’est l’emploi qui est visé et non le salarié ou la façon dont il exécute son travail. Est qualifié d’économique le licenciement résultant « d’une suppression ou d’une transformation d’emploi consécutives notamment à des difficultés économiques ». C’est ce que nous apprend l’article L. 1233-3 du Code du travail, lequel ne précise pas à partir de quel moment les difficultés économiques deviennent suffisamment critiques pour justifier une mesure de licenciement. D’après la jurisprudence, les difficultés économiques doivent être « importantes et durables ». Par exemple, une baisse constante des résultats entraînant un déficit d’exploitation, des pertes financières conséquentes ou une crise économique du marché sur lequel se trouve l’entreprise. Faut-il pour autant attendre d’être dans une situation désespérée pour agir ? Non, répond la Cour de cassation qui étend le périmètre du licenciement économique à « la réorganisation de l’entreprise nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité ». Cela signifie concrètement que l’employeur peut anticiper des difficultés économiques et prendre la décision de restructurer l’entreprise avant d’être dans le rouge. Chaque situation doit être appréciée au cas par cas au regard d’éléments comptables objectifs. L’employeur ne peut se retrancher derrière n’importe quel prédiv économique. Des coûts de fonctionnement trop élevés ou le poids trop lourd de la rémunération d’un salarié dans les charges de l’entreprise, en l’absence de difficultés financières avérées, ne sont pas des raisons valables.

Déterminer l’ordre des licenciements

Même si le licenciement ne concerne qu’une personne, l’employeur doit établir un ordre en fonction de critères légaux tels que l’ancienneté, la charge de famille, les qualités professionnelles. Ces différents critères peuvent être pondérés entre eux selon l’importance que l’employeur souhaite leur accorder, à condition de ne pas donner un caractère déterminant à un seul d’entre eux. Le principe selon lequel « le dernier embauché est le premier parti » n’est donc pas systématique. De plus, les salariés à temps partiel ne doivent pas être mis sur la sellette avant les salariés à temps plein. Dans tous les cas, l’employeur n’est pas tenu de justifier son choix auprès de son équipe. En revanche, le salarié licencié pourra demander après son départ la communication des critères ayant conduit à sa désignation.

Appliquer la procédure

Elle se joue en trois actes et démarre avec la convocation du salarié à un entretien préalable. Ce premier courrier (lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge) doit clairement indiquer qu’une mesure de licenciement est envisagée, sans pour autant faire état d’une décision arrêtée. Acte 2 : au cours de l’entretien, l’employeur expose les motifs qui le conduisent à mettre en œuvre le licenciement, faute d’avoir trouvé une solution de reclassement (voir encadré p. 36). Acte 3 : la notification du licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception matérialise la rupture. Sa rédaction est déterminante. L’employeur ne peut se contenter d’écrire un lapidaire « Je vous licencie pour motif économique ». Il doit exposer dans la lettre son analyse économique : en quoi la suppression du poste va-t-elle participer au redressement de l’entreprise ? La référence à une réduction des effectifs ou à la nécessité de restructurer le personnel pour réduire les charges est insuffisante. Il faut faire apparaître que l’emploi du salarié est directement impacté. à défaut, le licenciement risque d’être jugé, devant les prud’hommes, sans cause réelle et sérieuse.

Eviter les dommages collatéraux

Le licenciement d’un salarié a des répercussions sur le reste de l’équipe. « L’insécurité n’est pas un facteur de motivation », met en garde Marie-Hélène Gauthey, dirigeante d’Atoopharm. En se sentant en danger, les autres salariés risquent de se désinvestir. Pour éviter une démobilisation collective, Marie-Hélène Gauthey conseille aux titulaires de communiquer : « Il faut donner du sens et expliquer les difficultés économiques qui ont conduit au licenciement. L’erreur serait de ne rien dire et de laisser infuser un sentiment d’inquiétude. Il est, au contraire, nécessaire de faire de la pédagogie en étant transparent sur les chiffres et en expliquant la structure de coûts de l’entreprise. »

Sur cette base, l’employeur actionnera ensuite trois leviers. Le premier consiste à fixer des objectifs. Par exemple, augmenter le panier moyen, soigner la qualité de l’accueil, améliorer le conseil associé. Le deuxième levier est celui de l’accompagnement. Par exemple, en travaillant avec l’équipe sur des cas de comptoir. Enfin, le troisième levier est celui de la reconnaissance. « Quand des efforts sont réalisés, le chef d’entreprise doit les reconnaître et les souligner. Les remarques positives et constructives redonnent confiance », conclut Marie-Hélène Gauthey.

Rechercher des solutions de reclassement

Avant tout licenciement pour motif économique, l’employeur est tenu de rechercher des possibilités de reclassement et de les proposer au salarié concerné. Les offres de reclassement doivent être personnalisées, orientées sur les postes correspondant aux compétences du salarié, et écrites. Le non-respect de cette obligation a pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, même si la cause économique est bien réelle !

AVIS D’EXPERT
Olivier Delétoille,
EXPERT-COMPTABLE, CABINET ADEQUA

En cas de difficultés économiques, faut-il automatiquement réduire la masse salariale ?

« L’un des réflexes naturels en période de crise est d’essayer de compresser les charges et notamment les frais de personnel. C’est parfois une erreur, les difficultés n’étant pas forcément liées au poids de la masse salariale. Il ne faut pas oublier que, dans des métiers essentiellement immatériels, la valeur ajoutée apportée aux patients provient de l’équipe avec ses compétences et sa disponibilité. Supprimer un poste pourrait conduire à une insatisfaction de la clientèle, une baisse de chiffres et de marge, etc. Il ne faut donc pas avoir une approche uniquement comptable. Néanmoins il est évident que certaines pharmacies sont en sureffectif. Soit parce que les titulaires ne travaillent pas assez, soit qu’ils sont mal organisés, soit qu’ils n’ont jamais osé s’attaquer au problème. Quand on ne peut pas profiter de l’occasion qu’offre un sureffectif pour développer des idées, compétences et services, se séparer d’un collaborateur est un acte de management vital. Mais par nature, peu de personnes sont enclines à s’engager dans la nouveauté. C’est donc au titulaire d’insuffler le mouvement. »

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