ANTICOAGULANTS ORAUX DIRECTS - Le Moniteur des Pharmacies n° 3066 du 07/02/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3066 du 07/02/2015
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

CAS N° 1 – EFFETS INDÉSIRABLES

Du sang dans les urines

Madame A., 64 ans, a constaté ce vendredi matin que ses urines étaient rouges. Elle a déjà fait des infections urinaires avec ce symptôme. N’ayant ni fièvre ni douleurs, elle vient acheter des gélules de busserole. « Je pars en weekend demain, j’irai chez le médecin dès lundi. » Madame A. en profite également pour faire renouveler son ordonnance habituelle : Eliquis (apixaban) 5 mg, 1 comprimé 2 fois par jour.

Le pharmacien doit-il satisfaire la demande de Mme A. ?

Non. La présence de sang dans les urines chez un patient traité par AOD doit alerter car il peut s’agir d’un événement hémorragique iatrogène grave.

ANALYSE DU CAS

• L’apixaban est un anticoagulant inhibiteur direct du facteur Xa. Comme tous les anticoagulants, il expose à un risque hémorragique. Des saignements mineurs (hématome, épistaxis, gingivorragie, hémorragie de la conjonctive oculaire…) et des hémorragies majeures (intracérébrale, gastro-intestinale, du tractus génito-urinaire, des voies pulmonaires…) ont été rapportés au cours des essais cliniques dont certaines pouvant menacer le pronostic vital.

• Les AOD peuvent entraîner des saignements visibles mais également des saignements occultes dont les signes peuvent être : fatigue inhabituelle, essoufflement anormal, pâleur, céphalées ne cédant pas aux traitements habituels, malaise inexpliqué…

• Il n’existe pas à ce jour de surveillance biologique validée des AOD. Aucun test de routine ne permet de mesurer l’activité anticoagulante des AOD au cours du traitement. La prise d’AOD perturbe les résultats de la plupart des tests de l’hémostase. Certains tests spécifiques selon l’AOD (anti-IIa, anti-Xa…) effectués uniquement dans des laboratoires spécialisés sont envisageables pour les situations d’urgence (saignements graves, actes invasifs urgents) ou en cas de suspicion de surdosage et d’inobservance majeure. Seule une surveillance clinique à la recherche de signes de saignement permet d’alerter sur une anticoagulation excessive.

• Aucun antidote spécifique des AOD n’est actuellement disponible.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à Mme A. que la présence de sang dans ses urines peut être due un effet indésirable du traitement anticoagulant.

• Etant donné le risque hémorragique et en l’absence de test de suivi, tout saignement associé à un traitement par AOD doit l’alerter. Mme A ne doit cependant pas arrêter son traitement sans avis médical.

• Le pharmacien propose d’appeler le médecin pour l’informer de la situation. Celui-ci demande à Mme A. de réaliser un ECBU, une NFS et un dosage de la créatininémie au laboratoire de biologie médicale et de venir le voir en fin de matinée.

CAS N° 2 – EFFETS INDÉSIRABLES

« J’ai des vertiges ! »

Suite à une embolie pulmonaire, Pierre V., 73 ans, est sous traitement anticoagulant. Sous Xarelto 20 mg 1 cp/j depuis 2 mois, il vient à la pharmacie pour renouveler sa prescription. Le pharmacien lui demande comment il va. « Je me sens en pleine forme, à part quelques vertiges le matin », explique-t-il. Le pharmacien lui propose de prendre sa tension artérielle. Le tensiomètre affiche 138/82 mmHg.

Que penser de ces vertiges ?

Les vertiges sont des effets indésirables fréquents de Xarelto. Ils peuvent également être le signe de saignements internes.

ANALYSE DU CAS

• Les vertiges sous rivaroxaban peuvent avoir différentes origines. Il peut s’agir d’un effet du rivaroxaban sur le système nerveux central ou du reflet d’un saignement interne dû à l’effet anticoagulant.

• La mesure de la tension artérielle permet de distinguer les deux étiologies. Une chute tensionnelle sévère est un argument en faveur d’un saignement interne. Elle est généralement associée à d’autres signes : tachycardie, pâleur, fatigue inhabituelle, maux de tête, sang dans les selles, crachats de sang…

• Pierre V. a une tension artérielle normale, il se sent en forme et les sensations vertigineuses décrites sont transitoires.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien interroge le patient sur son traitement afin d’exclure toute erreur de prise ou interaction médicamenteuse.

• En l’absence d’autres signes pouvant évoquer un saignement interne, le pharmacien explique à M. V. que ses vertiges sont probablement liés à un effet indésirable fréquent et sans gravité du Xarelto. S’ils persistent, M. V. doit le signaler à son médecin traitant.

• Par ailleurs, il incite M.V. à se lever doucement pour éviter les chutes et à ne pas conduire tant que les vertiges persistent.

CAS N° 3 – EFFETS INDÉSIRABLES

Un médicament qui « détraque »

Monsieur D., 68 ans, vient de débuter, il y a une semaine, un traitement par Pradaxa 150 mg, 1 gélule 2 fois par jour, pour la prévention des complications thrombotiques d’une fibrillation atriale. Aujourd’hui M. D. vient demander conseil à la pharmacie : « J’ai des diarrhées et je me sens nauséeux. C’est sûrement mon petit-fils que j’ai gardé il y a deux jours qui m’a transmis un virus », explique-t-il.

Que penser des troubles digestifs de M. D. ?

Dans le cas de M. D., il est possible que les troubles digestifs ne soit pas le signe d’une infection virale mais soient liés à la prise de Pradaxa.

ANALYSE DU CAS

• A la posologie indiquée dans la prévention des événements thromboemboliques chez les patients atteints de fibrillation auriculaire, les effets indésirables du dabigatran le plus fréquemment rapportés, en dehors des hémorragies gastro-intestinales, sont des douleurs abdominales, une dyspepsie, une diarrhée et des nausées.

Le dabigatran peut également être à l’origine d’ulcérations de l’œsophage, de l’estomac et de l’intestin. Pour limiter la survenue de ces effets, la prise de dabigatran avec un grand verre d’eau, au cours d’un repas est conseillée.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à M. D. qu’il est envisageable que ses troubles digestifs ne soient pas dus à une gastroentérite mais au Pradaxa. Il s’agit d’effets indésirables fréquents, bénins et généralement résolutifs. Ils peuvent être limités par la prise de Pradaxa au cours du repas. Pour limiter les risques d’ulcération gastrique, il est également conseillé de ne pas s’allonger juste après la prise.

• M. D. doit s’hydrater pour compenser les pertes hydriques dues aux diarrhées et peut éventuellement prendre ponctuellement du lopéramide.

• Si les troubles digestifs persistent ou s’intensifient, M. D. doit consulter son médecin.

CAS N° 4 – MÉSUSAGE

Du changement pour madame J.

Madame J., 73 ans, diabétique et en surpoids, est traitée depuis 6 mois par Coumadine (warfarine) 7 mg par jour, suite à une embolie pulmonaire. Son INR étant très mal équilibré, le médecin traitant a décidé de la passer sous Xarelto (rivaroxaban). Madame J. se présente avec sa nouvelle ordonnance : Xarelto 20 mg 1 comprimé par jour, à débuter dès que INR < 2,5. Elle semble perdue : « Dois-je continuer mon traitement habituel et dois-je prendre le nouveau médicament en plus quand le médecin me le dira ? »

Mme J. a-t-elle bien compris ?

Non. Elle doit impérativement arrêter Coumadine avant de débuter le traitement par Xarelto.

ANALYSE DU CAS

• Selon les recommandations de l’ANSM, les relais AVK-AOD ne doivent être envisagés qu’en cas de difficulté majeure à maintenir l’INR dans la zone thérapeutique ou lorsque le traitement est mal toléré.

• Les relais des anticoagulants oraux sont délicats puisqu’une protection continue adéquate doit être assurée pour éviter tout risque d’anticoagulation excessive (risque hémorragique) ou insuffisante (risque thrombotique).

• Compte tenu de leur longue durée d’action (3 à 5 jours pour la warfarine), le traitement par AVK devra toujours être stoppé au préalable pour limiter la synergie des effets anticoagulants et donc le risque hémorragique.

• L’AOD, d’action rapide (< 24 h), est débuté seulement le jour où une valeur spécifique de l’INR, dépendant de l’AOD et de l’indication, est atteinte.

• Le protocole de relais prescrit à Mme J. correspond aux recommandations mentionnées dans le résumé des caractéristiques du rivaroxaban pour cette indication.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à Mme J. qu’elle doit arrêter Coumadine dès aujourd’hui. La prise simultanée de Coumadine et Xarelto exposerait à un risque de saignement accru. Pour éviter toute erreur, le pharmacien propose à Mme J. de ramener sa boîte de Coumadine à l’officine.

• Le pharmacien rappelle à Mme J. qu’elle doit effectuer un dosage d’INR tous les jours.

• Mme J. devrait recevoir un appel du prescripteur dès que son INR aura atteint 2,5 pour lui indiquer qu’elle doit commencer à prendre Xarelto. En cas de doute, le pharmacien lui conseille de revenir à la pharmacie avec les résultats d’INR.

• Il convient d’informer la patiente des modalités de prise du rivaroxaban (heure fixe, au cours du repas, gestion de l’oubli…) et de lui rappeler que le risque hémorragique existe aussi avec ce médicament malgré l’absence de suivi biologique.

CAS N° 5 – MÉSUSAGE

« Un médicament trop dangereux »

Mme T., 76 ans, souffre d’une fibrillation atriale. Elle est traitée par Rythmol (propafénone) 300 mg 2 fois par jour et, pour prévenir le risque d’accident vasculaire cérébral et d’embolie systémique, par Pradaxa (dabigatran) 110 mg, 1 gélule matin et soir. Elle vient aujourd’hui renouveler son ordonnance mais ne souhaite pas prendre Pradaxa car sa voisine lui a dit que ce médicament était dangereux.

Que dire à Mme T. ?

L’absence d’anticoagulation l’exposerait à un fort risque de thrombose.

ANALYSE DU CAS

• Les AOD constituent une nouvelle génération d’anticoagulants. Contrairement aux AVK, connus depuis plus de 50 ans, leur utilisation et les risques associés doivent encore être précisés et font l’objet d’une surveillance étroite par l’ANSM.

• Les dernières études menées par l’Assurance maladie et l’ANSM ne montrent pas d’excès de risque hémorragique et thrombotique artériel chez les patients débutant un traitement par AOD versus AVK dans les 3 premiers mois de traitement.

• Les AOD ont une utilisation plus simple que les AVK avec une posologie fixe, pas de contrôle de la coagulation et pas d’interaction avec l’alimentation.

• Mais les AOD exposent au même risque hémorragique que les AVK et leur temps de demi-vie court rend leur activité plus sensible à l’oubli de prise. L’absence de suivi biologique de routine empêche l’évaluation de l’efficacité et de la sécurité du traitement.

• L’utilisation des AOD impose une pleine adhésion du patient.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien insiste sur l’importance de ne pas arrêter la prise de son AOD et rappelle les avantages et inconvénients du traitement.

• Il incite Mme T. à discuter avec son médecin de ses craintes et si nécessaire d’envisager avec lui un changement de traitement.

CAS N° 6 – MÉSUSAGE

Madame N. a les gencives qui saignent

Madame N., 48 ans, suit début le mois dernier un traitement anticoagulant par Pradaxa 150 mg, 1 gélule 2 fois/j, dans le cadre d’une fibrillation auriculaire. Aujourd’hui, elle se rend à la pharmacie pour renouveler son traitement. Elle demande au pharmacien si Pradaxa existe sous forme de sirop ou de gouttes car elle a beaucoup de mal à avaler les gélules. Elle est d’ailleurs parfois obligée de les ouvrir pour faciliter la prise. Le pharmacien fronce les sourcils.

Qu’est-ce qui préoccupe le pharmacien ?

Le fait d’ouvrir les gélules de Pradaxa peut augmenter l’absorption du médicament avec un risque de surdosage.

ANALYSE DU CAS

• Le dabigatran étexilate, contenu dans les gélules de Pradaxa, est une prodrogue. Il est converti en milieu acide en molécule active de dabigatran.

• La biodisponibilité orale de Pradaxa est de l’ordre de 6,5 %. Les études de pharmacocinétiques montrent que la biodisponibilité du produit augmente d’environ 75 % lorsque les gélules sont ouvertes. L’enveloppe des gélules créerait un environnement qui permettrait le contrôle de la dissolution des granules et de l’absorption du dabigatran.

• Il faut donc systématiquement donner comme instruction aux patients de ne pas ouvrir les gélules pour avaler les granules.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à Mme N. que le fait d’ouvrir les gélules de Pradaxa peut induire un surdosage et expose à un risque hémorragique accru.

• Il rappelle que les gélules de Pradaxa doivent être avalées entières, avec un verre d’eau.

• Le pharmacien prévient le médecin prescripteur pour qu’il évalue le risque hémorragique de la patiente et envisage un changement de traitement anticoagulant.

CAS N° 7 – MÉSUSAGE

Double dose

Madame H., 77 ans, a fait une embolie pulmonaire il y a un mois. Elle est depuis traitée par un anticoagulant oral direct, le rivaroxaban. Une boîte de Xarelto 20 mg lui a été délivrée il y a une semaine. Elle revient ce matin à l’officine : « Je n’aurai pas assez de Xarelto pour finir le mois. Vous n’avez pas dû me donner la quantité suffisante. » Le pharmacien, constatant dans le dossier pharmaceutique de madame H. qu’elle a bien reçu une boîte de 28 comprimés, comprend le problème.

Qu’a réalisé le pharmacien ?

Le pharmacien comprend que Mme H. prend 2 fois la dose de Xarelto prescrite à ce stade du traitement de l’embolie pulmonaire.

ANALYSE DU CAS

• Dans le traitement d’une embolie pulmonaire, le rivaroxaban est d’abord prescrit à la posologie de 30 mg par jour, soit 1 comprimé dosé à 15 mg 2 fois par jour pendant 21 jours. A partir du 22e jour, la posologie est réduite à 20 mg, soit un comprimé dosé à 20 mg par jour.

• Mme H. a fait une embolie pulmonaire il y a 4 semaines. Elle se trouve donc dans la deuxième phase du schéma thérapeutique. En continuant à prendre un comprimé de rivaroxaban matin et soir, Mme H. s’expose donc à un risque hémorragique majoré.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien rappelle à Mme H. que le dosage et le rythme de prise du Xarelto ont changé par rapport au début du traitement. Elle doit prendre un seul comprimé de Xarelto 20 mg par jour, au cours du repas.

• Il explique à Mme H. que la prise d’une dose trop importante de Xarelto l’expose à un risque accru de saignement. Les prochains jours, Mme H. devra être attentive à tout signe de saignement externe ou pouvant faire évoquer un saignement interne.

• Avec son accord, le pharmacien prévient le prescripteur.

CAS N° 8 – OBSERVANCE

Quand rattraper une prise de Xarelto ?

Ce lundi, monsieur F., 78 ans, se présente dès l’ouverture de la pharmacie à 10 h. Hier, en préparant son pilulier avec l’aide de sa fille, il s’est aperçu qu’il n’avait plus de Xarelto 20 mg. Il n’a donc pas pu prendre son comprimé qu’il prend habituellement tous les soirs à 20 h. Inquiet, il sollicite son pharmacien : « Pour rattraper la prise d’hier, dois-je prendre un comprimé maintenant ? »

Que répond le pharmacien ?

Non. M. F. doit attendre ce soir pour prendre un comprimé de Xarelto.

ANALYSE DU CAS

• En cas d’oubli, l’ANSM indique que la dose d’AOD oubliée peut être prise jusqu’à 6 heures après l’oubli pour un médicament en 2 prises par jour et jusqu’à 12 heures après l’oubli pour un traitement en 1 prise par jour.

• Si le délai est dépassé, le patient doit attendre l’heure de la prise suivante sans doubler la dose.

• Dans le cas de M. F., il s’est écoulé 14 heures par rapport à l’heure habituelle de prise. Il est donc trop tard pour rattraper l’oubli.

• Le RCP du Xarelto indique un cas particulier. Si l’oubli a lieu pendant la phase de traitement de Xarelto 15 mg à deux prises par jour (jours 1 à 21 du traitement), il est possible de prendre simultanément deux comprimés à 15 mg. Le patient doit ensuite poursuivre son traitement normalement dès le lendemain (15 mg 2 fois/j).

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à M. F. que le délai de rattrapage de la dose oubliée est dépassé. Il doit attendre l’heure de prise suivante sans doubler la dose.

• Le pharmacien renouvelle la prescription de M. F. et lui propose de noter sur un Post-it, qu’il pourra coller en évidence chez lui, la date du prochain renouvellement. Il incite M. F. à indiquer cet oubli de prise à son médecin.

PHARMACOLOGIE

UTILISATION DES AOD

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

Les anticoagulants oraux directs (AOD) sont disponibles en France depuis 2008. 4 % des Français reçoivent chaque année des anticoagulants et, fin 2013, 30 % des anticoagulants utilisés étaient des AOD. Les AOD sont utilisés dans des situations de thrombose ou de risque de thrombose. D’abord indiqués uniquement en prévention des événements thromboemboliques veineux suite à la pose d’une prothèse totale de hanche ou de genou, leurs indications se sont ensuite élargies à la fibrillation atriale associée à des facteurs de risque, à la thrombose veineuse profonde et l’embolie pulmonaire (et prochainement au syndrome coronaire aigu pour le rivaroxaban).

• En 2015, la HAS considère que, dans la prévention des AVC et des embolies systémiques chez les patients ayant une fibrillation atriale non valvulaire, les AOD représentent une alternative aux AVK, qui restent le traitement de référence. Les AOD devraient donc être réservés aux patients pour lesquels l’INR est difficile à maintenir dans la zone thérapeutique malgré une observance correcte, ou en cas de contre-indication, de mauvaise tolérance ou d’un refus des contraintes liées à la surveillance de l’INR. Dans la fibrillation atriale, Eliquis a le mieux démontré son intérêt en comparaison à la warfarine. Dans les autres indications, les AOD sont considérés comme traitement de première intention. Par ailleurs, les dernières études ont montré un risque accru de syndrome coronaire aigu avec Pradaxa, dont le SMR est désormais modéré (il reste important pour les autres AOD).

• Il n’est actuellement pas recommandé de remplacer un traitement AVK efficace et bien toléré par un AOD.

• Une évaluation de la fonction rénale, hépatique et un dosage de l’hémoglobine doivent être effectués avant l’initiation du traitement par AOD.

Comment agissent les AOD ?• On distingue deux familles d’AOD : – les inhibiteurs du facteur IIa : les « gatrans », – les inhibiteurs du facteur Xa : les « xabans ». • Le dabigatran est administré sous forme d’une prodrogue, le dabigatran étexilate, qui est convertie en dabigatran par hydrolyse, catalysée par une estérase dans le plasma et dans le foie. • Les AOD agissent plus rapidement (Cmax entre 2 et 4 h) que les AVK (délai de 36 à 72 h), et ne nécessitent généralement pas d’instaurer une anticoagulation par héparine en attendant leur pleine efficacité. • Avec une demi-vie plasmatique comprise entre 9 et 15 h, leur durée d’action est plus longue que celle des héparines mais beaucoup plus courte que celle des AVK.

SUIVI THÉRAPEUTIQUE

• La fonction rénale doit être évaluée au moins 1 fois par an. Un suivi plus étroit est préconisé pour les personnes de plus de 75 ans, de poids inférieur à 60 kg ou de clairance de la créatinine (ClCr) initiale faible.

• La fonction hépatique doit également être réévaluée régulièrement.

• Il n’existe pas de surveillance biologique de l’anticoagulation en routine lors d’un traitement par anticoagulants oraux directs. Cependant, pour les populations à risque (sujets âgés, insuffisants rénaux et hépatiques, polymédiqués) et dans certaines situations (surdosage, inobservance, chirurgie en urgence, hémorragies graves…), la mesure de l’activité l’anticoagulante des traitements peut être nécessaire. Les tests usuels (INR, TP, temps de céphaline activée…) ne sont pas utilisables, l’apixaban, le rivaroxaban et le dabigatran perturbant la plupart des résultats. Une mesure de l’activité anti-Xa pour le rivaroxaban et l’apixaban, et le temps de thrombine diluée pour le dabigatran sont réalisables uniquement dans des laboratoires de biologie médicale spécialisés.

MÉDICAMENTS DISPONIBLES

Inhibiteur direct de la thrombine (facteur IIa)

Dabigatran (Pradaxa)

Principaux effets indésirables

• Saignements : épistaxis, hémorragie cutanée, gastro-intestinale et du tractus urogénital (dont hématurie).

• Anémie, diminution de l’hémoglobinémie.

• Troubles gastro-intestinaux : douleurs abdominales, diarrhée, dyspepsie, nausées.

• Anomalie de la fonction hépatique.

• Syndrome coronaire aigu.

Interactions significatives

• Interactions communes aux AOD

– L’association à un autre anticoagulant entraîne une majoration du risque hémorragique. Elle est contre-indiquée sauf en cas de relais de traitement (RCP).

– L’association d’un AOD avec un antiagrégant plaquettaire ou un thrombolytique augmente théoriquement le risque hémorragique par addition d’effet. Si elle est nécessaire, leur association doit se faire avec prudence. Le Thesaurus de l’ANSM déconseille l’association d’un AOD avec l’aspirine à des doses antiagrégantes en cas d’antécédent d’ulcère gastroduodénal.

– La prise concomitante d’un AOD avec un AINS majore du risque de saignement. L’association est contre-indiquée avec l’aspirine à dose ≥ 1 g/prise ou ≥ 3 g/j et aux doses antalgiques ou antipyrétiques en cas d’antécédent d’ulcère gastroduodénal (Thesaurus, ANSM).

• Interactions spécifiques

– Les inhibiteurs de la glycoprotéine P (P-gp) majorent du risque hémorragique par augmentation des concentrations plasmatiques de dabigatran. Deux niveaux d’interactions : précaution d’emploi avec les inhibiteurs faibles à modérés tels que amiodarone, vérapamil, quinidine, ticagrélor, clarithromycine ; contre-indication avec les inhibiteurs puissants tels que kétoconazole par voie systémique, itraconazole, ciclosporine, tacrolimus (Thesaurus, ANSM) et dronédarone.

– Les inducteurs de la P-gp tels que la rifampicine, le millepertuis, la carbamazépine ou la phénytoïne doivent être évités : diminution des concentrations plasmatiques de dabigatran.

– Les médicaments suceptibles d’altérer la fonction rénale majorent le risque hémorragique (le dabigatran est éliminé à 85 % par le rein).

Contre-indications

• Insuffisance rénale sévère (ClCr < 30 ml/min).

• Insuffisance hépatique et maladie grave du foie.

• Saignement évolutif.

• Lésion ou maladie à risque de saignement majeur (ulcération gastro-intestinale en cours ou récente, varices œsophagiennes, intervention chirurgicale cérébrale, rachidienne ou ophtalmique récente…).

• Porteurs de prothèses valvulaires cardiaques.

Inhibiteurs du facteur Xa

Rivaroxaban (Xarelto)

Principaux effets indésirables

• Saignements : épistaxis, hématomes, hémorragie oculaire, gastro-intestinale (dont gingivorragie, rectorragie) et du tractus urogénital (dont hématurie et ménorragie), hémorragie postopératoire.

• Troubles gastro-intestinaux : douleurs, diarrhée, constipation, dyspepsie, nausées, vomissements.

• Vertiges, céphalées, hypotension, tachycardie.

• Anémie, élévation des transaminases.

• Troubles cutanés : éruption cutanée, prurit, œdème.

• Douleurs des extrémités, fièvre.

Interactions significatives

• Interactions communes : l’association avec des anticoagulants, antiplaquettaires et AINS augmente le risque hémorragique (voir p. 8).

• Interactions spécifiques

– Les inhibiteurs du CYP3A4 et de la P-gp tels que les antifongiques de type azolé (kétoconazole par voie systémique, itraconazole, voriconazole, posaconazole), les inhibiteurs de la protéase du VIH et dronédarone majorent le risque hémorragique. Leur utilisation avec du rivaroxaban n’est pas recommandée.

– Les inducteurs du CYP3A4 tels que rifampicine, phénytoïne, carbamazépine, phénobarbital, millepertuis diminuent des concentrations plasmatiques du rivaroxaban. Ces médicaments doivent être évités, à moins que le patient ne bénéficie d’une surveillance étroite des signes de thrombose.

Contre-indications

• Saignement évolutif.

• Atteinte hépatique associée à une coagulopathie et à un risque de saignement cliniquement significatif.

• Lésion ou maladie à risque de saignement majeur.

• Grossesse et allaitement.

Apixaban (Eliquis)

Principaux effets indésirables

• Saignements : épistaxis, hématomes, hémorragie oculaire, gastro-intestinale (dont gingivorragie, rectorragie) et du tractus urogénital (dont hématurie et ménorragie).

• Anémie.

• Nausées.

Interactions significatives

• Interactions communes aux AOD : l’association avec des anticoagulants, antiplaquettaires et AINS augmente le risque hémorragique (voir p. 8).

• Interactions spécifiques

– Inhibiteurs du CYP3A4 et de la P-gp tels que les antifongiques de type azolé (kétoconazole par voie systémique, itraconazole, voriconazole, posaconazole) et les inhibiteurs de la protéase du VIH : majoration du risque hémorragique. Leur utilisation n’est pas recommandée.

– Inducteurs du CYP3A4 tels que rifampicine, phénytoïne, carbamazépine, phénobarbital, millepertuis : diminution des concentrations plasmatique du rivaroxaban. Leur utilisation doit être évitée.

Contre-indications

• Saignement évolutif.

• Atteinte hépatique associée à une coagulopathie et à un risque de saignement cliniquement significatif.

• Lésion ou maladie à risque de saignement majeur.

Perspectives

• Xarelto 2,5 mg, dosage actuellement non commercialisé en France, a reçu une AMM européenne pour la prévention des événements cardiovasculaires suite à un syndrome coronarien aigu en association à un traitement antiplaquettaire standard (aspirine seule ou associée à du clopidogrel) à la posologie de 1 comprimé par 2 fois jour.

• Une demande d’AMM est en cours d’évaluation pour l’édoxaban, un inhibiteur du facteur Xa déjà commercialisé au Japon.

•  Un autre inhibiteur du facteur Xa, le bétrixaban est en phase de développement.

• La HAS prévoit de réévaluer l’ensemble des spécialités AOD en 2016.

CAS N° 9 – ERREUR DE POSOLOGIE

Mauvais choix

Bien connu de la pharmacie, M. U., 81 ans, vient aujourd’hui pour se faire délivrer une nouvelle ordonnance : Pradaxa 75 mg, 2 gélules 1 fois/jour. N’ayant pas souvenir que le patient ait des problèmes de genou ou de hanche, le pharmacien l’interroge : « Vous vous êtes fait opérer M.U. ? » Ce dernier semble étonné par la question : « Non ! Pourquoi ? J’ai juste le cœur qui ne bat pas bien ! » Le pharmacien s’inquiète.

Qu’est-ce qui préoccupe le pharmacien ?

Le dosage et la posologie de Pradaxa prescrits à M. U. ne correspondent pas à l’indication de fibrillation atriale.

ANALYSE DU CAS

• Pour chaque AOD, il existe des posologies et schémas d’administration différents en fonction de l’indication et du risque hémorragique individuel. Cette complexité dans le maniement des AOD peut être source d’erreur conduisant à des complications hémorragiques graves.

• La posologie prescrite à M. U., soit 150 mg par jour, correspond à l’indication de prévention des événements thromboemboliques veineux post-chirurgie de prothèse de genou ou de hanche chez les sujets à risque hémorragique.

• Dans la prévention des événements thromboemboliques associés à une fibrillation atriale, la posologie de Pradaxa est de 300 mg par jour, soit 150 mg deux fois par jour, ou 220 mg par jour en deux prises quotidiennes, pour les sujets à risque hémorragique.

• Compte tenu de son âge, M. U. est considéré comme un sujet à risque et doit donc bénéficier de la posologie réduite à 220 mg/j. A la posologie prescrite, M. U. s’expose a un risque de thrombose.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à M. U. que la posologie prescrite n’est pas adaptée à son cas.

• Le pharmacien contacte le prescripteur qui reconnaît s’être un peu perdu dans les différents schémas posologiques et indications.

• Après accord téléphonique du médecin, le pharmacien modifie l’ordonnance. Il explique le traitement à M. U., l’informe du risque hémorragique et des signes qui doivent l’alerter.

• Le pharmacien s’assure que M. U. dispose d’une carte de surveillance patient qu’il devra toujours avoir sur lui et lui fournit un carnet de suivi afin de noter les événements intercurrents à son traitement.

CAS N° 10 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Dosage à revoir

Depuis plusieurs années, l’angor de M. Y., 68 ans, est traité par vérapamil LP 240 mg et aténolol 100 mg. La semaine dernière, on lui a découvert une fibrillation atriale. Très angoissé par les prélèvements liés au dosage de l’INR, le médecin a préféré lui prescrire Pradaxa 150 mg, 1 gél. 2 fois par jour. Aujourd’hui, M. Y. vient à la pharmacie pour se faire délivrer ce nouveau médicament, ainsi que son ordonnance habituelle pour l’angor.

Ce traitement expose-t-il à une interaction ?

Oui. Le vérapamil est susceptible d’augmenter les concentrations plasmatiques du dabigatran.

ANALYSE DU CAS

• Le dabigatran est un substrat de la glycoprotéine P (P-gp), protéine de transport limitant le passage transmembranaire des médicaments substrats et augmentant leur élimination hépatique et rénale.

• L’administration concomitante d’un inhibiteur de la P-gp tel que le vérapamil risque d’augmenter les concentrations plasmatiques de dabigatran et donc son effet antithrombotique.

• D’après le Thesaurus des interactions médicamenteuses de l’ANSM, il est recommandé d’abaisser la posologie du dabigatran de 300 mg à 220 mg par jour, soit 1 gélule de 110 mg 2 fois par jour, en cas d’administration concomitante de dabigatran et de vérapamil.

• Dans le cas présent, la posologie de dabigatran prescrite n’est pas adaptée. M.Y. s’expose à un risque hémorragique accru.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien propose au patient de contacter le prescripteur qui confirme la diminution de posologie du traitement anticoagulant à 220 mg par jour.

• Une surveillance clinique étroite est recommandée lorsque le dabigatran est associé au vérapamil. Le pharmacien insiste donc auprès de M. Y. sur l’importance de repérer des éventuels signes de saignement et, en cas de survenue, de consulter rapidement son médecin traitant.

CAS N° 11 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Du millepertuis pour monsieur B. ?

Il y a quinze jours, madame B. est venue acheter deux boîtes de Mildac 600 mg comme tous les mois. Aujourd’hui, elle vient à nouveau acheter deux boîtes. Le pharmacien l’interroge sur ce nouvel achat. « Je n’en ai plus car mon mari en prend aussi depuis 2 semaines ! Avec ses problèmes de hanche, il ne peut plus aller à la chasse. Cela le mine ! », explique-t-elle. Depuis sa récente pose de prothèse de hanche, M. B., 68 ans, est traité par Eliquis 2,5 mg 1 comprimé 2 fois/jour.

Mildac est-il adapté pour M. B ?

Non, Mildac contient du millepertuis, puissant inducteur enzymatique susceptible de diminuer l’efficacité des AOD.

ANALYSE DU CAS

• Le millepertuis exerce un fort pouvoir inducteur des enzymes hépatiques du cytochrome P450 (CYP). Ce phénomène se met en place lentement (2 à 3 semaines). Il est par ailleurs inducteur de la glycoprotéine P (P-gp).

• L’apixaban et le rivaroxaban sont métabolisés par l’isoenzyme CYP3A4 et le dabigatran est un substrat de la glycoprotéine P.

• L’administration concomitante de millepertuis avec un AOD entraîne donc une baisse de la concentration plasmatique de l’AOD, augmentant le risque thrombotique.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à Mme B. que son mari doit arrêter de prendre Mildac car il peut diminuer l’efficacité de son traitement anticoagulant.

• Le pharmacien appelle le prescripteur pour l’informer de la situation. L’effet inducteur perdure pendant 2 à 3 semaines, au cours desquelles M. B. devra être très attentif aux signes pouvant évoquer une thrombose : douleur au niveau d’un membre, œdème dur et localisé, chaleur cutanée, fièvre modérée (38 °C).

• Le pharmacien rappelle que l’automédication doit être proscrite pour M. B. Il encourage une consultation pour une prise en charge adaptée de sa baisse de moral.

CAS N° 12 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Madame J. a les jambes lourdes

Madame J., 61 ans, est traitée pour une fibrillation atriale associée à une hypertension par amlodipine 5 mg et Pradaxa 150 mg. Aujourd’hui, elle vient à la pharmacie pour renouveler son ordonnance. Elle souhaite également acheter une boîte de Ginkor Fort gélule car elle a les jambes lourdes. La pharmacienne fronce les sourcils.

Qu’en pense le pharmacien ?

Ginkor Fort est à éviter chez les patients sous anticoagulant et hypertendus.

ANALYSE DU CAS

• Des données pharmacologiques rapportées par l’Agence européenne du médicament dans la monographie des feuilles de Ginkgo biloba L. montrent que cette plante aurait des propriétés antiagrégantes plaquettaires.

• Certaines plantes à visée circulatoire comme le petit houx et le mélilot contenant des coumarines, et certaines pommades ou huiles essentielles à base de gaulthérie notamment, contenant du salicylate de méthyle, peuvent également avoir un effet fluidifiant sanguin non négligeable.

• Mme J. étant traitée par dabigatran, la prise concomitante de Ginkgo biloba risque de potentialiser l’effet anticoagulant de l’AOD.

• Par ailleurs, Ginkor Fort contient de l’heptaminol, molécule cardiotonique susceptible d’augmenter la tension artérielle et non recommandée chez le sujet hypertendu.

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne explique à Mme J. qu’il vaut mieux éviter de prendre Ginkor Fort avec son traitement car il serait susceptible d’augmenter le risque de saignement et pourrait déséquilibrer son traitement antihypertenseur.

• La pharmacienne incite Mme J. à aller consulter son médecin pour écarter un risque de thrombose et envisager un traitement adapté.

CAS N° 13 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Mme X. a une migraine

Madame X., 62 ans, est venue passer la semaine chez sa fille qui se marie. Sur ses conseils, elle vient acheter Sédaspir car elle a une migraine qui débute et veut être en forme pour le mariage. Sans historique pour cette patiente, le pharmacien lui demande sa carte Vitale pour consulter son dossier pharmaceutique. Mme X. est traitée depuis 4 mois par Eliquis 5 mg.

Le pharmacien peut-il satisfaire la demande de Mme X. ?

Non. Sédaspir contient de la codéine, de la caféine et de l’aspirine (500 mg) susceptibles d’augmenter le risque de saignement lié à la prise d’Eliquis.

ANALYSE DU CAS

• Mme X., pourtant alertée sur les produits à éviter au cours de son traitement par AOD, n’a pas pensé que ce médicament pouvait contenir de l’aspirine.

• L’acide acétylsalicylique et de façon générale les AINS inhibent de façon irréversible les enzymes cyclo-oxygénases impliquées dans la synthèse de prostaglandines. Ce mécanisme d’action est à l’origine d’effets indésirables, notamment inhibition de l’agrégation plaquettaire et toxicité gastrique, susceptibles de provoquer une hémorragie digestive.

• L’utilisation concomitante d’un AOD et d’aspirine est déconseillée aux doses antalgiques ou antipyrétiques et contre-indiquée en cas d’antécédents d’ulcère gastroduodénal.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à Mme X. que Sédaspir contient de l’aspirine dont la prise, comme tous les AINS, est fortement déconseillée avec son traitement anticoagulant car elle expose à un risque de saignement accru.

• Il insiste auprès de Mme X. sur les dangers potentiels de l’automédication.

• Il lui conseille du paracétamol sans excéder la dose maximale recommandée.

CAS N° 14 – PROFILS PARTICULIERS

« J’ai rendez-vous chez le dentiste ! »

Monsieur J., 52 ans, a fait une thrombose veineuse profonde il y a deux mois. Suite à cet événement, un traitement par Xarelto, d’abord 15 mg 2 fois par jour puis 20 mg 1 fois par jour, lui a été prescrit. Prévenu des risques de saignement liés à son médicament, il vient se renseigner auprès de son pharmacien sur les précautions à prendre pour son rendez-vous chez le dentiste. « Je dois me faire arracher une dent ! J’ai oublié de préciser à la secrétaire que j’avais un traitement anticoagulant. Est-ce que je dois arrêter Xarelto avant le rendez-vous ? »

Que lui répondre ?

Il n’est pas nécessaire d’arrêter un AOD pour l’extraction d’une dent.

ANALYSE DU CAS

• Des précautions doivent être prises chez les patients traités par AOD devant subir un acte chirurgical ou invasif du fait du risque de saignement.

• La conduite à tenir est encore mal codifiée et dépend du risque hémorragique associé à l’acte. Une fenêtre thérapeutique est nécessaire pour tout acte susceptible de provoquer des saignements non facilement contrôlables. Des modalités d’arrêt provisoire du traitement par AOD avant un acte invasif ont été définies par l’Association européenne du rythme cardiaque (AERC, guide pratique, 2013). Si les actes considérés sans risque hémorragique ne nécessitent pas l’arrêt préalable du traitement par AOD, les actes à risque hémorragique modéré ou élevé nécessitent une fenêtre thérapeutique de 1 à 4 jours (voire 5 jours selon le Groupe d’intérêt en hémostase peropératoire) selon l’AOD et l’état de la fonction rénale.

• La plupart des soins dentaires simples, tels que l’extraction dentaire, ne présentent pas un risque de saignement suffisant pour justifier l’arrêt du traitement par AOD.

• Toutefois, il est préférable de réaliser l’acte à distance du pic plasmatique du médicament anticoagulant.

ATTITUDE À ADOPTER

• Il faut rassurer M. D. en lui expliquant que le soin dentaire qu’il va subir n’expose pas à un risque de saignement important. L’arrêt de Xarelto avant le rendez-vous n’est a priori pas nécessaire.

• Néanmoins, il serait judicieux de prévoir le rendez-vous à distance de la prise de Xarelto, c’est-à-dire le plus proche possible de la prise suivante.

• Le pharmacien rappelle à M. D. qu’il est primordial de prévenir son dentiste de la prise de rivaroxaban.

CAS N° 15 – PROFILS PARTICULIERS

Une insuffisance rénale imprévue

Mme R., 79 ans, est traitée par Pradaxa 110 mg 1 gélule 2 fois par jour pour une fibrillation atriale. Ce matin, elle vient à la pharmacie pour acheter Smecta et un antiémétique. « J’ai une gastro carabinée depuis 2 jours, je ne peux ni boire ni manger ! J’ai tellement été aux toilettes que j’ai du sang dans les selles ! », explique-t-elle. Le pharmacien s’interroge.

Que craint le pharmacien ?

Le pharmacien suspecte une hémorragie due à une augmentation de la concentration en dabigatran.

ANALYSE DU CAS

• La principale complication de la gastroentérite est la déshydratation. Chez le sujet âgé, une insuffisance rénale fonctionnelle survient facilement en cas de déshydratation.

• L’élinination du dabigatran se fait pour 85 % par voie rénale sous forme inchangée. C’est la raison pour laquelle une insuffisance rénale, même légère, constitue un facteur de risque de surdosage. L’apixaban et le rivaroxaban sont eux éliminés pour 25 à 30 % par voie rénale.

• Malgré l’adaptation posologique dont bénéficie Mme R., les reins, mal perfusés du fait de la déshydratation, n’arrivent plus à éliminer suffisamment le dabigatran. Les saignements digestifs de Mme R. pourraient être dus à un surdosage en dabigatran.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à Mme R. que le sang dans les selles peut être le signe d’un surdosage en Pradaxa et qu’il est probable que sa gastroentérite ait entraîné une déshydratation et donc une diminution de l’élimination de l’anticoagulant par le rein.

• Compte tenu de la situation et du risque hémorragique associé, le pharmacien appelle le médecin traitant. Celui-ci propose de recevoir Mme R. dans la matinée et lui demande de réaliser des analyses (clairance de la créatinine et NFS).

CAS N° 16 – PROFILS PARTICULIERS

Un projet de bébé pour Emma

Il y a un mois, suite à une thrombose veineuse profonde, Emma, 28 ans, prend Xarelto. Elle vient renouveler son ordonnance. Le pharmacien voit dans le dossier d’Emma qu’elle prenait Méliane avant sa thrombose veineuse profonde. « Le médecin m’a demandé d’arrêter ma pilule. Mais c’est tant mieux ! Mon mari et moi envisagions de toute façon d’avoir un enfant… » Le pharmacien s’alerte de ce qu’annonce Emma.

Qu’est-ce qui interpelle le pharmacien ?

Le rivaroxaban est contre-indiqué pendant la grossesse !

ANALYSE DU CAS

• La sécurité de l’utilisation du rivaroxaban chez la femme enceinte n’a pas été établie. Les études réalisées chez l’animal ont mis en évidence une toxicité du rivaroxaban sur la reproduction (complications hémorragiques). Une toxicité embryofœtale (fausse couche, retard de l’ossification…) et une incidence accrue des malformations courantes ainsi que des modifications placentaires ont été observées.

• Le risque potentiel de toxicité sur la reproduction, le risque potentiel de saignement et le passage de la barrière placentaire justifient une contre-indication de l’utilisation de rivaroxaban pendant la grossesse. De la même façon, en l’absence de données suffisantes, les femmes en âge de procréer doivent éviter toute grossesse au cours d’un traitement par dabigatran ou apixaban.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien explique à Emma que le traitement anticoagulant prescrit n’est pas compatible avec un projet de grossesse. Il lui recommande l’utilisation de préservatifs pendant toute la durée du traitement par Xarelto. Une fois le traitement fini, elle pourra discuter avec son médecin de son projet de grossesse.

Prévenir l’iatrogénie

Les questions à se poser lors de la délivrance d’un AOD

Analyse de la prescription

• La posologie est-elle correcte ?

– La dose et le nombre de prises sont différents selon l’indication.

– Pour une thrombose veineuse profonde ou une embolie pulmonaire, la posologie du rivaroxaban diminue à partir du 22e jour.

• Quel est le profil du patient ?

– Personne âgée : en fonction de l’indication, un âge supérieur à 75 ou 80 ans pour le dabigatran et l’apixaban impose une adaptation de posologie.

– Personne de faible poids : un poids ≤ 60 kg peut nécessiter une adaptation de posologie pour l’apixaban.

– Patient à risque d’insuffisance rénale : particulièrement pour le dabigatran, tout événement pouvant déstabiliser la fonction rénale doit alerter (toxicité rénale iatrogène, déshydratation…).

– Patient à risque de saignement majeur (ulcère gastro-intestinal actif ou récent, varices œsophagiennes…) : la prise d’AOD est contre-indiquée.

– Femme : le rivaroxaban est contre-indiqué pendant la grossesse et l’allaitement. L’utilisation du dabigatran et de l’apixaban est à éviter.

• Le patient prend-il d’autres médicaments ?

– Autre anticoagulant : leur utilisation avec un AOD est contre-indiquée, en dehors d’un relais de traitements (majoration du risque hémorragique).

– AINS : ils sont déconseillés avec un traitement AOD (majoration du risque hémorragique). L’aspirine est contre-indiquée pour des doses ≥ 1 g par prise ou 3 g/j et en cas d’antécédent d’ulcère gastroduodénal.

– Inhibiteurs et inducteurs de la P-gp : ils interagissent principalement avec le dabigatran. Les inhibiteurs de la P-gp (itraconazole, amiodarone, vérapamil, clarithromycine…) augmentent les concentrations plasmatiques tandis que les inducteurs (millepertuis, carbamazépine, rifampicine…) les diminuent.

– Inhibiteurs du CYP3A4 (kétoconazole, inhibiteur de la protéase du VIH…) : ils sont susceptibles de majorer le risque hémorragique du rivaroxaban et de l’apixaban.

– Millepertuis : comme tous les inducteurs enzymatiques, son utilisation avec les AOD expose à un risque thrombotique.

Prévention des risques

• Quels conseils donner ?

– Prendre l’AOD à heure fixe, de préférence au cours du repas.

– L’observance est impérative pour maintenir une action continue. Si nécessaire proposer des aides (pilulier, alarme..).

– Ne pas ouvrir les gélules de dabigatran.

– Aucun test d’hémostase de routine n’est requis.

– Le patient doit détenir une carte d’identifiant « patient sous traitement anticoagulant ».

– Le patient doit éviter l’automédication.

• Les risques de saignement :

– Le patient doit connaître les signes cliniques évocateurs d’une hémorragie interne : pâleur inhabituelle, fatigue importante, essoufflement anormal…

– un saignement sous AOD ne doit jamais être négligé et impose une évaluation médicale.

• En cas d’oubli :

Dans la majorité des cas, la dose peut être prise jusqu’à 6 h après l’oubli pour un médicament en 2 prises par jour et jusqu’à 12 h après l’oubli pour un médicament en 1 prise par jour.

Saignements sous AOD et surdosage

•  Les incidences des événements hémorragiques rapportés au cours d’essais cliniques sont comparables entre les AOD et la warfarine (AVK de référence). Les AOD semblent associés à un risque d’hémorragies intracrâniennes moins élevé et à un risque d’hémorragies gastro-intestinales plus élevé (sauf pour l’apixaban).

• Aucun antidote spécifique des AOD n’est actuellement disponible.

• A l’officine, la conduite à tenir dépend de la gravité du saignement :

– en cas de suspicion de surdosage ou de saignement mineur, orienter le patient vers le médecin prescripteur pour évaluer notamment la nécessité d’adapter le traitement anticoagulant ;

– en cas d’hémorragie majeure, dire au patient d’arrêter immédiatement le traitement par AOD et appeler le 15.

À RETENIR

Les vertiges sont des effets indésirables fréquents du Xarelto. Sans autres signes pouvant faire évoquer un saignement occulte, ils sont sans gravité.

À RETENIR

Les troubles digestifs sont un effet indésirable fréquent de Pradaxa. Pour limiter ces troubles, recommander la prise de la gélule pendant les repas.

À RETENIR

Le relais d’un AVK par un AOD impose que le traitement par AVK soit d’abord interrompu. Le rivaroxaban, en prévention des récidives d’embolies pulmonaires, peut débuter dès que l’INR a atteint 2,5.

Relais des anticoagulants

• HBPM (ou HNF) vers AOD

Le traitement par AOD doit être débuté à l’heure prévue pour l’administration de l’anticoagulant parentéral ou au moment de l’arrêt de ce dernier en cas d’administration continue.

• AOD vers HBPM (ou HNF)

Le passage d’un AOD à un anticoagulant par voie parentérale se fait à l’heure prévue de la prise de l’AOD.

Source : d’après l’ANSM, avril 2014

À RETENIR

La simplicité d’emploi des AOD ne doit par faire banaliser le traitement. Le patient doit être informé de l’importance vitale de l’observance.

À RETENIR

Les gélules de Pradaxa ne doivent jamais être ouvertes avant l’administration afin de limiter le risque de saignement lié à une biodisponibilité accrue.

À RETENIR

Dansle traitementde la thrombose veineuse profonde et des embolies pulmonaires, le dosage et la posologie du rivaroxaban diminuent à partir du 22e jour.

ATTENTION

Le plus souvent, en cas d’oubli d’un AOD, le comprimé oublié peut être pris dans les 12 heures suivant l’heure de prise habituelle pour un traitement en1 prise/j et dans les 6 heures pour un traitement à 2 prises par jour.

AOD ou AVK ?

• Avantages des AOD par rapport aux AVK :

– moins d’interactions médicamenteuses,

– pas d’interaction avec l’alimentation,

– délai d’action rapide,

– simplicité d’emploi : pas d’adaptation posologique en fonction de l’hémostase et absence de suivi biologique en routine.

• Inconvénients des AOD par rapport aux AVK :

– élimination rénale limitant leur utilisation,

– absence d’antidote en cas de surdosage,

– grande sensibilité à l’observance (demi-vie courte),

– risque de mésusage compte tenu des différents dosages et posologies selon l’indication,

– absence de suivi biologique de l’anticoagulation.

Antidotes

• Actuellement, aucun antidote n’est disponible.

• Des médicaments sont en phase de développement, dont une protéine recombinante analogue au facteur Xa (andexanet alfa) qui agirait comme un leurre pour le rivaroxaban et l’apixaban, et un fragment d’anticorps monoclonal humanisé (idarucizumab) capable de neutraliser le dabigatran.

• En cas d’urgence, des facteurs de coagulation non spécifiques (concentré de complexe prothrombinique), également utilisés en cas d’hémorragie grave sous AVK, sont administrés en milieu hospitalier.

ATTENTION

Les dosages et le nombre de prises quotidiennes des AOD diffèrent selon l’indication.

Carte patient/carnet de suivi

Dans le cadre des plans de gestion des risques mis en place au niveau européen, un guide de prescription et une carte de surveillance destinés aux professionnels de santé et aux patients ont été élaborés par les fabricants sur le risque de saignement associé aux traitements par anticoagulants oraux directs.

La carte de surveillance doit être remise à tous les patients sous anticoagulants oraux directs. Elle contient des messages clés sur les signes de saignements, l’importance de l’observance, la nécessité d’information des professionnels de santé de la prise d’un AOD. Il faut rappeler au patient de conserver cette carte toujours dans son porte-feuille. Fournie aux patients par les médecins, la carte de surveillance de certains AOD est également insérée dans le conditionnement des spécialités.

Par ailleurs, un carnet de suivi « Vous et votre nouveau traitement anticoagulant » est proposé par la Ligue française contre la maladie veineuse thromboembolique et le Groupe interdisciplinaire Trousseau sur les antithrombotiques. Il rappelle notamment les règles de bon usage des AOD, les signes de saignements, la conduite à tenir en cas d’oubli de prise… Un tableau permet de noter les incidents ou accidents survenus au cours du traitement ou la prise concomitante d’un autre médicament. Le carnet est disponible en téléchargement (www.live-mvte.org).

À RETENIR

Tous les inhibiteurs de la glycoprotéine P-gp peuvent modifier les concentrations plasmatiques du dabigatran et augmenter le risque hémorragique.

ATTENTION

Le millepertuis peut diminuer l’efficacité des AOD et augmenter le risque thrombogène.

ATTENTION

Chez les patients traités par AOD, certaines plantes (Ginkgo biloba, mélilot, petit houx…) possédant un effet fluidifiant sanguin sont à éviter.

À RETENIR

L’association d’un AOD avec de l’aspirine ou tout autre AINS augmente le risque de saignement.

À RETENIR

L’arrêt de l’AOD n’est en général pas nécessaire en prévision d’une extraction dentaire.

Conduite à tenir en cas de chirurgie programmée

• Pour les patients traités par AOD et devant subir une chirurgie, les mesures à prendre dépendent du geste chirurgical pratiqué et du risque hémorragique associé.

Pas de risque hémorragique

– Soins dentaires : extraction de 1 à 3 dents, chirurgie. parodontale, incision d’abcès, pose d’implants.

– Chirurgie de cataracte ou de glaucome.

– Chirurgie superficielle (petites incisions dermatologiques…).

– Endoscopie sans chirurgie.

→ Pas d’interruption de l’AOD. Programmer l’intervention à distance du pic plasmatique, soit environ 12 ou 24 heures après la dernière prise (en fonction du nombre de prises par jour) et reprise possible 6 heures après l’intervention.

Risque hémorragique faible

– Endoscopie avec biopsie.

– Biopsie vésicale ou prostatique.

– Exploration électrophysiologique ou cathéter de radiofréquence.

– Angiographie.

– Implantation de pacemaker ou de défibrillateur.

Risque hémorragique élevé

– Anesthésie péridurale, ponction lombaire.

– Chirurgie abdominale ou thoracique.

– Biopsie hépatique ou rénale.

– Chirurgie orthopédique lourde.

– Résection transurétrale de prostate.

→ Pour les chirurgies à risque hémorragique faible et élevé, arrêt de l’AOD entre 1 et 5 jours avant l’intervention en fonction de l’AOD et de la fonction rénale du patient.

• Pendant la fenêtre thérapeutique, le relais par traitement héparinique est fonction du risque thrombotique individuel :

– risque thrombotique standard : pas de relais ;

– risque thrombotique élevé : relais par HBPM (ou HNF) à dose curative, à commencer 1 à 2 jours après la dernière prise d’AOD selon la fonction rénale du patient et à poursuivre jusqu’à J - 1 de l’intervention.

• Après la chirurgie, le traitement par anticoagulant oral direct est repris dès que possible, en général 48 à 72 heures après l’acte si la situation clinique et biologique le permet.

À RETENIR

Le dabigatran étant principalement éliminé par voie urinaire, une insuffisance rénale, même légère, expose à un risque hémorragique accru.

ATTENTION

En l’absence de données scientifiques, un traitement par apixaban, dabigatran et rivaroxaban n’est pas recommandé pendant la grossesse.

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