GARD : UN PÔLE DE SANTÉ FAIT SURFACE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3064 du 24/01/2015 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3064 du 24/01/2015
 

Reportage

Auteur(s) : Myriem Lahidely

Dans un bassin minier des Cévennes en pleine désertification médicale, Brigitte Bouzige, pharmacienne aux Salles-du-Gardon, est parvenue à fédérer une quarantaine d’acteurs de santé autour d’un projet de pôle pluriprofessionnel. Objectif : une prise en charge globale et coordonnée des patients, dans leur environnement, pour leur offrir plus de chances de réussir leur parcours de soin.

La pharmacie reste le poste avancé du premier recours. Un relais de santé partout, en particulier là où il n’y a plus de médecins. » Sur cette certitude, Brigitte Bouzige, titulaire aux Salles-du-Gardon (Gard), a initié la création d’un pôle de santé pluriprofessionnel, qui va au-delà du simple regroupement de professionnels. Il a vu le jour sur le secteur cévenol qui couvre Les Salles du Gardon et La Grand-Combe. Dans ce bassin minier de 15 000 habitants, qui compte quatre pharmacies libérales, en plus d’une minière, et une pléthore d’infirmiers, la proportion de médecins est très en deçà du besoin. « Sur six généralistes, deux médecins partent à la retraite sans être remplacés, et deux autres dans un cabinet de trois généralistes, sont proches du départ. Cette raréfaction devient très préoccupante », constate Marie-Laure Pons, médecin généraliste et secrétaire générale du pôle. Et les remplaçants sont difficiles à trouver. La pharmacienne, vice-présidente de l’USPO (Union des syndicats de pharmaciens d’officine) et ancienne présidente du groupement Giphar, est depuis trois ans vice-présidente de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS). « L’exercice pluriprofessionnel est une nécessité absolue, beaucoup plus efficient et tellement plus bénéfique pour l’accompagnement du patient », considère-t-elle.

Pour présenter son projet de pôle de santé, l’officinale a convié les professionnels de son secteur, en premier lieu ses confrères pharmaciens. A la première réunion, une cinquantaine d’acteurs de santé qui ne se connaissaient pas se sont déplacés. Un peu moins, forcément, à la seconde, « mais les liens étaient noués avec les médecins, les kinés, etc. », assure Brigitte Bouzige. Marie-Laure Pons se réjouit : « Auparavant, nous travaillions les uns à côté des autres. Nous nous sentions très isolés et la charge de travail va crescendo. Désormais, il y a moins de réticences et les informations circulent beaucoup plus facilement du fait que nous nous connaissons. »

Quand l’Association des professionnels de santé du bassin des Cévennes (APSBC) a vu le jour, en mai 2013, 37 professionnels y ont aussitôt adhéré. Parmi eux, les quatre titulaires des deux communes, trois généralistes, plusieurs infirmières, deux cabinets de kinésithérapie, un orthophoniste, deux psychothérapeutes, un podologue, et aussi une auxiliaire de vie. « Ces auxiliaires sont importants car ils sont présents à domicile parfois deux fois par jour et nous délivrent des informations. Ils voient les assiettes pleines ou vides, les médicaments pas pris, le désarroi, la malpropreté, l‘abandon ou la solitude », relève la pharmacienne. Il n’y a pas encore de spécialistes ni de dentistes, mais l’association compte en faire venir.

Le pôle ainsi constitué devait ensuite reposer sur un projet de santé établi pour son environnement, condition sine qua non pour être agréé par l’agence régionale de santé (ARS). La population cible comprend ici les personnes fragilisées, mal prises en charge, avec risque d’hospitalisation important. « L’ARS cherche à disposer de plans d’action médicale qui correspondent à des besoins locaux », rappelle Brigitte Bouzige. Eu égard notamment aux écueils tels que les sorties d’hospitalisation, qui doivent être envisagées très en amont. « Des médecins ne sont pas avertis des entrées de leurs patients et ne disposent du compte rendu de leur sortie d’hôpital que quinze jours plus tard », illustre-t-elle. Sitôt créée, l’association a rencontré la direction de l’hôpital d’Alès, « auquel le fonctionnement actuel pose aussi un problème », afin de lui faire part de son projet. « Les patients seront porteurs de fiches de liaison établies avec les différents services de médecine de l’hôpital, situé à sept kilomètres », indique la titulaire. Pour elle, la vocation de pôle pluriprofessionnel validé par l’ARS repose avant tout sur la coordination. « C’est elle qui va permettre de trouver les bonnes personnes au bon moment pour la prise en charge d’un patient. »

Tous les membres de l’association se sont engagés à se former

Pour démarrer le projet et « se roder », l’association a identifié les patients à suivre selon les critères suivants : personnes âgées ou non, poly-pathologiques, en situation précaire au plan social, économique et médical. Une première liste de 15 personnes sur les 32 déjà repérées est alors établie. « Lors d’une réunion, nous avions échangé des informations que nous n’avions pas de manière individuelle. C’est une base pour prendre en charge les personnes de façon efficace. » C’est aussi un gain de temps pour le patient, qui se voit mieux considéré, en même temps qu’un gain d’argent pour la caisse d’assurance maladie. Le patient a le libre choix des intervenants. « Nous sommes les professionnels du patient, pas l’inverse. Si ce dernier n’a pas d’infirmier ou de kiné, nous sommes à même de lui proposer une liste. »

Pour étudier les dossiers, évaluer les progressions réalisées, les membres de l’APSBC ont choisi de se retrouver tous les deux mois sous la houlette d’un coordinateur dans une salle prêtée par une collectivité. Chacun muni de ses dossiers « patients ». L’association s’est par ailleurs dotée d’une boîte aux lettres virtuelle sécurisée afin que chaque membre ait accès au dossier ouvert en ligne pour chaque patient et puisse communiquer avec ses collègues.

Pour mener à bien leur mission, avant même de se lancer, les membres de l’APSBC se sont engagés à se former. Dix-huit personnes (infirmières, auxiliaires de vie, psychothérapeute, pharmaciens…) ont suivi une session sur l’éducation thérapeutique du patient (ETP) avec cas pratiques. Cette formation a réuni deux groupes, à raison de 5 journées de 8heures pour chaque groupe. Une demande d’autorisation pour pratiquer l’ETP a été déposée à l’ARS. « Les pharmaciens ont été les premiers à s’engager, s’appuyant sur la mise en place de la loi HPST. » Plus globalement, d’autres formations s’effectuent au fur et à mesure que les besoins sont identifiés. Une première a eu lieu sur la sécurité des réseaux informatiques concernant la boîte aux lettres électronique. Et suite à un désaccord sur le type de pansement à utiliser sur plaies et escarres, deux formations de deux heures ont été dispensées par une spécialiste alésienne. La prise en charge des addictions constitue un autre volet qu’il s’avère indispensable de développer dans ce bassin des Cévennes.

« Nous allons élargir notre activité à d’autres problématiques au fur et à mesure et adapter nos formations à la demande. » L’APSBC prépare un mémento sur les étapes à suivre pour constituer une telle structure à l’attention des confrères intéressés. Ce document fera l’objet d’un atelier lors du congrès de la Fédération française des maisons et pôles de santé les 20 et 21 mars prochain à Saint-Malo. « Nous entamons un nouvel exercice qui nous fait passer d’une économie bâtie sur le médicament à une économie de service. Ce n’est plus l’arlésienne ! », se réjouit l’alésienne Brigitte Bouzige qui négocie actuellement les conditions de la rémunération de cette interprofessionnalité.

Brigitte Bouzige en quatres dates

1979 Doctorat d’Etat àMontpellier-I.

1986 Installation aux Salles-du- Gardon (Gard).

2008-2011 Présidente du groupement Giphar

Mai 2013 Présidente de l’Association des professionnels de santé du bassin des Cévennes (APSBC).

Si vous avez envie d’essayer

Les avantages

• Un accompagnement optimisé du patient.

• Des échanges immédiats entre professionnels de santé et facilités avec les autres pharmaciens.

• Un projet motivant pour tous les professionnels.

• Le fait de pouvoir aller plus loin à plusieurs.

• Un travail collaboratif gratifiant pour l’équipe officinale.

• Des formations prises en charge par Actalians.

• Le principe d’une rémunération acté.

Les inconvénients

• Les pharmaciens sont encore peu préparés à ce type d’exercice.

• La difficulté à mobiliser les professionnels par manque d’informations.

• La nécessité d’une aptitude au changement.

• Une activité qui prend du temps, à commencer par la formation.

• Une rémunération à « aller chercher » avec des dossiers conséquents.

Les conseils de Brigitte Bouzige

• Commencer progressivement pour ne pas se noyer dans le projet.

• Ne pas craindre de réunir tous les professionnels de santé en soirée pour discuter d’une nouvelle organisation.

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !