DEUX SIÈCLES DE SAVOIR-FAIRE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3060 du 13/12/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3060 du 13/12/2014
 
MARSEILLE

Reportage

Auteur(s) : Myriem Lahidely

Cyril Coulard est depuis octobre 2013 titulaire de l’herboristerie du Père Blaize, une institution marseillaise créée en 1815. S’appuyant sur une équipe de 14 pharmaciens, préparateurs et vendeurs, il continue à dépoussiérer l’image de l’herboristerie en faisant le pari d’un conseil exclusivement centré sur les plantes.

L’image éculée de la tisane, c’est fini depuis longtemps. » En prenant la succession de Martine Bonnabel-Blaize, l’arrière petite-fille de Toussaint Blaize, herboriste fondateur, Cyril Coulard voulait s’engager dans une pratique officinale alternative. « Dans cette vieille enseigne, je ne pouvais pas tomber mieux. Nous sommes aux quatre coins du monde et à 100 % en accord avec les principes de l’herboristerie », se félicite ce titulaire de 29 ans, qui se voyait d’abord travailler en laboratoire dans l’océan Indien, et qui revendique désormais son titre de pharmacien herboriste. « Les effets indésirables des médicaments allopathiques et les déremboursements contribuent à l’émergence d’une nouvelle philosophie de vie. De plus en plus de personnes cherchent à se soigner autrement. La phytothérapie est un complément idéal. Qui de plus compétent qu’un pharmacien pour conseiller des plantes ? » De surcroît dans un lieu qui leur est entièrement consacré.

La pharmacie-herboristerie du Père Blaize est habilitée à vendre tous les médicaments. Mais elle n’en détient quasiment aucun en stock. « Nous n’avons que 3 à 4 % de spécialités remboursées et seulement un quart de médicaments. Le reste concerne des préparations à visée médicale réalisées en l’absence de spécialité équivalent », explique Cyril Coulard. L’essentiel de l’activité est consacré ici au conseil en herboristerie pure, phytothérapie, aromathérapie, gemmothérapie, homéopathie. Des conseils les plus classiques à l’accompagnement de traitements chimiques lourds ou à effets indésirables multiples. « L’évolution des formes galéniques a permis de s’adapter à la vie active et de mettre au goût du jour tout le potentiel des plantes. Beaucoup de poudres et de nébulisats se retrouvent aujourd’hui dans des gélules et la forme tisane est remplacée par exemple par des ampoules de plantes », précise le pharmacien. Cinq millions de gélules, simples ou composées, sortent chaque année de son laboratoire.

7 % du chiffre d’affaires de l’herboristerie réalisé en ligne

Les clients reçoivent à la pharmacie-herboristerie des conseils qu’ils ne trouveraient pas forcément ailleurs. « Nous pouvons proposer, par exemple, des feuilles de framboisier comme antispasmodique utérin pour faciliter le dernier mois de grossesse à un coût minime, alors que les solutions allopathiques ont été supprimées. Nous conseillons aussi beaucoup le kudzu, une plante asiatique, dans le cas de bronchites chroniques et qui agit également sur les addictions. » Les tisanes du Père Blaize, elles, sont des classiques « maison » depuis des générations, la « Bien-être du foie » en tête. Les autres sont la tisane des Chanteurs, Tête légère, Jambes légères… « Nous les vendons comme complément alimentaire sans allégation, sinon il faudrait détenir une AMM allégée, dont le coût est de 200 000 euros par produit », stipule le titulaire.

« Au fur et à mesure de nos recherches sur une pathologie et de nos conseils, nous développons une base de connaissances dynamique accessible à toute l’équipe », pousuit-il. L’officine devrait bientôt être dotée d’un logiciel où chaque fiche consacrée à une pathologie, avec plantes, huiles essentielles et conseils associés sera enregistrée et consultable en un clic. « Il y a de plus en plus de plantes sur lesquelles nous avons de vraies données cliniques qui corroborent un savoir empirique accumulé depuis deux siècles. Rappelons que 60 % des médicaments proviennent du règne végétal. Les antitumoraux de pointe sont issus de l’if ou la pervenche de Madagascar, par exemple. » Ce travail colossal permet à l’équipe d’améliorer en permanence son information voire sa formation. « J’insiste, l’âme du Père Blaize, c’est la connaissance commune. On réfléchit ensemble, on croise différentes informations à partir de l’expérience empirique développée ici il y a deux cents ans. »

Lorsque Cyril Coulard a repris l’herboristerie, l’équipe comptait neuf personnes. Elle est aujourd’hui passée à quatorze, dont cinq pharmaciens, deux préparateurs, trois vendeuses conditionneuses et une expéditrice. Un effectif qui permet de répondre à une forte demande de conseil au comptoir, mais aussi par téléphone pendant les heures d’ouverture. Mais priorité est donnée au patient en boutique en cas d’affluence. Un service de conseil en ligne, par mail, est assuré à titre gracieux par des pharmaciens aux heures creuses de la journée. Par ailleurs, l’herboristerie a créé il y a sept ans un site de vente en ligne qui représente actuellement environ 7 % du chiffre d’affaires. « Internet nous envoie de nombreuses personnes avec des demandes particulières qu’il faut être en capacité de conseiller, voire de déconseiller. » Comme refuser par exemple de vendre de l’huile essentielle d’anis vert sans ordonnance, alors qu’on peut en trouver partout sur Internet.

Herboriste, un métier disparu et une demande croissante

Depuis la reprise de l’herboristerie en octobre 2013, Cyril Coulard et ses pharmaciens réalisent un important travail de veille réglementaire. « La complexité réglementaire est hallucinante. Nous sommes très contrôlés. Et nous souhaitons anticiper pour faire les choses au mieux, le pharmacien engageant sa responsabilité pénale, assure le titulaire. L’herboristerie se trouve dans un vide juridique, le diplôme a disparu. Il y a peu de formation, alors que de plus en plus de professionnels s’y intéressent. » Cet engouement des praticiens s’est traduit par la création à l’université d’Aix-Marseille d’un diplôme d’études supérieures interuniversitaire (DESIU) « Plantes médicinales, phytothérapie et aromathérapie ». Cyril Coulard y intervient, tout comme Martine Bonnabel-Blaize. Quarante personnes y étaient inscrites cette année, dont des pharmaciens et des médecins. « La phytothérapie n’est pas une médecine douce mais une vraie thérapeutique complémentaire de l’allopathie, avec des molécules bioactives à utiliser correctement. C’est une spécificité du pharmacien de bien les connaître », indique Evelyne Ollivier, responsable du laboratoire de pharmacognosie qui gère ce diplôme. De plus en plus sollicité par des stagiaires, futurs médecins et pharmaciens, le pharmacien-herboriste devra toutefois encore patienter un peu. Il faut trois ans d’expérience en tant que titulaire avant d’être autorisé à transmettre son savoir-faire… En attendant, il invite ses confrères à ne pas hésiter à prendre conseil auprès du Père Blaize pour développer cette activité.

L’AVIS DE L’ÉQUIPE

« Nous travaillons dans un univers passionnant et valorisant, qui ne nous limite pas au seul médicament. L’activité est diversifiée entre le comptoir, le préparatoire, le conditionnement, les expéditions et aussi le service de conseil en ligne. Les plantes offrent un champ très vaste, au-delà de la stricte application thérapeutique, vers les produits de soins plaisir, les mélanges d’huiles, les crèmes maison ou les formules anciennes qui ont fait leurs preuves. Le Père Blaize est une institution à Marseille. C’est un lieu traditionnel dans lequel on entre aussi parce qu’il est authentique et beau ! »

Si vous avez envie d’essayer

Les avantages

• Exercer différemment son métier et accroître ses connaissances sur le règne végétal.

• Chercher des solutions complémentaires ou alternatives à l’allopathie.

• Entretenir des relations singulières avec les patients.

Les inconvénients

• Le manque de formation.

• Une législation drastique pour le préparatoire, notamment pour les mélanges de tisanes.

• Les difficultés d’approvisionnement.

• Les pertes sur les plantes à faible écoulement.

Les conseils de Cyril Coulard

• Suivre une formation de qualité.

• Commencer par des gammes restreintes et maîtrisées.

• Se fournir auprès de laboratoires fiables et en mesure de certifier que les plantes soit conformes à la Pharmacopée européenne.

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