UNE ANNÉE À L’ARRACHÉ - Le Moniteur des Pharmacies n° 3058 du 06/12/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3058 du 06/12/2014
 

Économie

Auteur(s) : FRANÇOIS POUZAUD

Dans un contexte économique et politique extrêmement tendu et mouvementé, 2014 a été une année de transition particulièrement éprouvante pour l’officine. La profession s’apprête, normalement le 1er janvier prochain, à prendre le virage de la nouvelle rémunération. Pour repartir sur de meilleures bases ?

Nous y sommes presque. Bientôt, 50 % de rémunération du pharmacien basculera dans le système des honoraires de dispensation pour chaque boîte de médicament remboursable vendue. Faut-il s’en réjouir ou, au contraire, craindre le pire ? Aujourd’hui encore, cette question taraude les esprits tant la mise en place des futurs honoraires de dispensation a été une pomme de discorde entre les trois syndicats d’officines qui défendent chacun des positions très respectables. Mais la lenteur pour aboutir à un accord sur la nouvelle rémunération illustre aussi la difficulté à s’intégrer dans une nouvelle logique qui n’est plus basée sur l’augmentation des volumes prescrits.

Reste qu’il est urgent de passer à autre chose. La baisse d’activité, qualifiée d’historique en 2013, s’est amplifiée en 2014. Tous les indicateurs économiques montrent que le mal est chronique et s’aggrave. Le marché pharmaceutique est en déflation pour la quatrième année consécutive et cela semble loin d’être terminé ! Et pour cause : le solde négatif du régime général de la Sécurité sociale se monte à 9,9 Md€ dont 6,1 Md€ pour la branche maladie (données à juin 2014). Tant que cette situation perdurera, les baisses de prix seront éternellement reproductibles.

UN MODÈLE À BOUT DE SOUFFLE

Dans ce condiv déflationniste récurrent, le réseau officinal devient d’une extrême fragilité. En effet, la dernière enquête économique de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) fait ressortir des disparités de plus en plus importantes entre les officines : les plus nombreuses plongent, alors qu’une minorité, cependant toujours plus faible d’année en année, trouve encore des marges de développement du chiffre d’affaires. Elle montre aussi que la rentabilité des officines est plus que jamais liée aux plans de rigueur budgétaire et à la politique sur les génériques sur laquelle les pharmaciens ont, une nouvelle fois, pu s’appuyer pour maintenir leurs revenus en 2013.

Le modèle économique de l’officine est en fin de cycle et la situation des officines en 2014 est jugée catastrophique par Philippe Besset, vice-président de la FSPF : « 2014 est une année perdue pour l’officine, la convention pharmaceutique signée en 2012 a permis de sauver l’économie de l’officine en 2012 et 2013, mais, avec le blocage des négociations, il n’y a plus eu aucune compensation cette année. »

Illustration avec les grands conditionnements. La modification de la rémunération sur les conditionnements trimestriels conjuguée avec l’engagement des pharmaciens d’atteindre l’objectif fixé dans la convention a fait passer la perte de marge potentielle liée aux grands formats sous la barre des 40 M€ en juillet 2013 pour l’ensemble du réseau officinal. Mais, depuis, elle est remontée à 45 M€ en juillet dernier. « La réduction de pertes de marge liée au changement de rémunération sur les grands conditionnements a atteint son maximum il y a un an, les pertes s’accentuent car les volumes de vente des boîtes trimestrielles augmentent », explique Philippe Besset. Le niveau de pénétration des grands conditionnements est actuellement de 82 %.

Les prochains effets « amortisseurs » de la convention, avec la mise en place des honoraires de dispensation permettant de détacher pour partie la rémunération du pharmacien des baisses de prix, ne seront efficients qu’à partir du 1er janvier 2015.

« Dans un condiv de baisses permanentes des prix et des volumes, la négociation avec les pouvoirs publics doit aussi être permanente, estime Philippe Besset. Pour chaque négociation, il faut fixer un terme sinon, en l’absence d’accord, le temps joue contre l’officine. Selon lui, la nouvelle rémunération, si elle avait été mise en place au 1er janvier 2014, aurait permis de ramener la perte de marge pour le réseau officinal, estimée par la FSPF à 180 M€ à la fin de l’année, à 140 M€. « Les honoraires ont un effet protecteur de l’ordre de 20 % par rapport aux effets des baisses de prix sur la marge », précise-t-il.

Cependant, la sévérité du PLFSS pour 2015 va conduire les syndicats à entrer rapidement dans la deuxième phase de négociation pour aller aussi vite que possible vers les honoraires à l’ordonnance qui est la seule façon de déconnecter la rémunération du pharmacien à la fois des prix et des volumes.

30 SEPTEMBRE : UNE JOURNÉE HISTORIQUE !

Depuis juillet, les attaques ont fusé, comme pour affaiblir un peu plus le réseau des croix vertes. Un vent de déréglementation souffle sur l’officine. Mais les pharmaciens font de la résistance. Le 30 septembre 2014, ils se sont massivement mobilisés pour défendre leurs valeurs professionnelles et préserver le trépied sur lequel repose l’organisation de la pharmacie (monopole, capital et propriété du fonds, règles d’installation). Avec succès, puisque les impératifs de santé publique largement défendus et scandés dans les cortèges ont fini par prévaloir sur les enjeux économiques de la croissance, du pouvoir d’achat et la financiarisation du secteur. Et, par chance, on apprenait le 15 octobre que la réforme concernant les pharmaciens basculait dans la future loi de santé. Mais, bien que le dossier retombe dans l’escarcelle de Marisol Touraine, le statu quo sera difficilement possible…

Il n’en demeure pas moins que l’évolution du mode de rémunération en 2015 est une mutation majeure ; il sera en effet compliqué d’avancer sur les autres réformes qui seront décidées et de faire bouger plusieurs lignes en même temps tant que cette première réforme n’est pas stabilisée.

AVIS D’EXPERTS

Philippe Gaertner, président de la FSPF

« Le fait majeur de 2014 est sans conteste la signature le 21 mai avec l’Assurance maladie de l’avenant qui va nous conduire au changement de rémunération. L’instauration à partir du 1er janvier 2015 d’honoraires à la boîte atténuera les effets négatifs des décisions du PLFSS. Il fallait gravir cette première marche compte tenu de l’équilibre économique fragile des officines. Maintenant, il faut continuer à aller dans ce sens et, en premier lieu, mettre en place l’observatoire de la rémunération pour regarder ce qui se passe sur le terrain. La réforme des professions réglementées est le second fait marquant. Le pire a pu être évité en rebasculant le dispositif dans la future loi de santé. Mais pour préserver les trois piliers de notre profession, il nous faudra rester mobilisés jusqu’au dernier amendement. »

Gilles Bonnefond, président de l’USPO

« La profession est passée à côté d’une véritable modification de son mode de rémunération et elle va le payer très cher. Ceux qui ont signé l’avenant sur les honoraires à la boîte portent une lourde responsabilité en acceptant un plan d’économies sur le médicament de 3,5 Md€ sans aucune garantie d’enveloppe pluriannuelle pour le réseau. La profession entre dans un tunnel pour trois ans.

Le tsunami provoqué par messieurs Montebourg et Macron s’est conclu par une superbe journée de manifestation le 30 septembre dernier, qui a permis aux gouvernants de prendre conscience de l’exaspération de la profession. Je ne remercierai jamais assez tous les confrères qui se sont mobilisés. Grâce à eux, un coup d’arrêt a été porté à cette logique de déréglementation. »

Jean-Luc Fournival, président de l’UNPF

« La profession est à un tournant majeur comme le montre l’actualité sur la dernière partie de l’année. Elle a su montrer sa très grande force face aux attaques. L’ampleur considérable de la mobilisation (90 % des pharmaciens ont répondu au mot d’ordre de fermeture) nous donne la légitimité à poursuivre le combat en 2015 car rien n’est joué. Avant toute modification de l’exercice officinal, l’évolution de la rémunération du pharmacien doit rester une priorité. Il faut entamer rapidement une négociation sur les honoraires à l’acte car le modèle des honoraires à la boîte qui lie la rémunération au volume de médicaments délivrés est inapproprié, contre-productif et délétère pour l’économie de l’officine. »

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