S’IL SUFFISAIT D’UN CLIC… - Le Moniteur des Pharmacies n° 3056 du 22/11/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3056 du 22/11/2014
 
VENTE EN LIGNE DE MÉDICAMENTS

Entreprise

Auteur(s) : Chloé Devis

Les Français ne semblent à ce jour guère convaincus de l’intérêt d’acheter leur OTC en ligne. Pourtant, de plus en plus d’acteurs misent sur le développement de ce marché encore tout neuf et soumis à des turbulences réglementaires. Etat des lieux.

Accouchée au forceps, sous pression de l’Europe, l’autorisation accordée aux pharmaciens français de vendre en ligne des médicaments sans ordonnance, début 2013, n’a pas donné lieu à une ruée sur la Toile des intéressés et des consommateurs eux-mêmes. Au point que le récent rapport sur les professions réglementées remis par le député Richard Ferrand préconise des assouplissements réglementaires pouvant aller jusqu’à l’arrivée de « pure players »(1) sur le marché. En octobre 2014, sur près de 24 000 officines françaises, la part d’entre elles disposant de l’agrément nécessaire pour la vente de médicaments reste inférieure à 1 % et, surtout, les sites concernés sont loin d’être tous opérationnels. Côté patients, une étude publiée en mai dernier par les étudiants du master marketing et santé de l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris) indique que seulement 3 % des sondés sont déjà passés à l’acte, 16 % s’étant déjà rendus sur un site spécialisé. « Toutes les conditions ne sont pas réunies à l’heure actuelle pour assurer le succès de la vente en ligne de médicaments », conclut l’étude. La FEVAD (Fédération e-commerce et vente à distance) indiquait dans une enquête sur les perspectives de l’e-commerce en 2014 que 12 % des internautes qui n’avaient pas acheté de médicaments en ligne en 2013 étaient prêts à le faire cette année.

Des freins politiques et technico-économiques

Les raisons de cette frilosité ? Pour certains, elles sont à chercher du côté de ceux-là même qui ont donné leur aval à la vente en ligne, tout en l’encadrant rigoureusement via l’arrêté des bonnes pratiques publié en mai 2013 (voir le cas de Doctipharma en page 36). « L’Etat a fixé énormément de barrières techniques qui se répercutent sur l’expérience de l’utilisateur. Ensuite, il n’a pas joué le jeu de la communication auprès du grand public sur cette nouvelle manière d’acheter des médicaments », déplore Yves Bottin-Putnikovic, directeur général du prestataire spécialisé iTekpharma. L’Ordre lui-même, qui met à disposition la liste des pharmacies en ligne agréées, n’a cessé de rappeler ses réserves sur le sujet, tout comme les syndicats professionnels en écho aux craintes d’une grande partie des officinaux : « Les suspicions autour du manque de sécurité, des risques liés à la contrefaçon ont été largement relayés médiatiquement et ont alimenté la méfiance des consommateurs », note Dominique(2), titulaire convertie à l’e-commerce dès 2010, qui s’est retrouvée en butte à l’ire de ses confrères et à des démêlés judiciaires malgré la mise en conformité de son site. Dominique est loin d’être la seule, à commencer par Philippe Lailler, le pionnier de la vente en ligne de produits de santé en France avec son site PharmaGDD. Ce climat désespère Bertrand Veau, titulaire de la Pharmacie Veau à Tournus (Saône-et-Loire), qui a lancé son site en juillet 2013, dès la publication de l’arrêté des bonnes pratiques : « N’en déplaise à nos confrères, c’est bel et bien l’Europe qui a libéralisé le commerce de médicaments sur Internet, et si nous, pharmaciens français, ne nous positionnons pas sur ce marché, ce sont les autres pays qui vont le récupérer sans les mêmes garanties de conseil et de sécurité », plaide-t-il.

Mais au vu de la couverture officinale française, les besoins sont-ils criants ? Zones rurales moins bien loties, impossibilité de se déplacer, recherche de produits spécifiques, de discrétion, volonté de gagner du temps ou de ne pas dépendre d’horaires d’ouverture sont autant d’arguments qui reviennent dans la bouche des pharmaciens ayant pignon sur le web. Sans oublier la possibilité de dépasser les frontières : « 30 % de mes clients sont à l’étranger, parmi lesquels des expatriés qui ne trouvent pas ce qu’ils veulent dans leur pays d’installation », souligne Bertrand Veau. De fait, les « e-pharmaciens » ne regrettent rien. « Notre chiffre d’affaires en ligne, supérieur à un million d’euros, est en train de dépasser celui de l’officine. Les médicaments représentent aujourd’hui 60 % de cette activité », annonce Dominique.

Bertrand Veau affiche quant à lui « des objectifs initiaux largement dépassés avec plusieurs dizaines de commandes par jour en moyenne et une croissance à deux chiffres tous les mois ». Pharmanco, le site adossé à la Grande Pharmacie des sports à Paris, revendiquait de son côté, au terme d’une année d’activité, cent commandes quotidiennes en moyenne. Chez Univers Pharmacie, qui a développé une plateforme adossée à l’officine-pilote du réseau à Colmar, « sept produits vendus sur dix sont des médicaments et le taux de réachat est bien meilleur qu’au début », fait savoir Maxime Lestienne, responsable réseau. Tous ces acteurs ont les yeux rivés sur l’évolution de nos voisins européens, où le taux de digitalisation du médicament atteint 8 à 10 % dans certains pays.

Investir en conséquence ou jouer collectif

La voie serait-elle donc toute tracée pour les futurs conquérants de l’Internet ? Rien n’est moins sûr aux yeux de Vincent Marco, dirigeant de l’agence ACSWebSanté. « L’e-commerce est un métier à part entière et la rentabilité est loin d’être acquise au vu des engagements financiers nécessaires : l’abonnement obligatoire à un hébergeur sécurisé de données de santé revient à lui seul à près de 300 euros par mois, rappelle-t-il. En termes de management, des collaborateurs habitués au comptoir ne seront pas forcément partants pour préparer des commandes ou encore répondre à des mails… » De surcroît, « le référencement sur les moteurs de recherche, source de visibilité, s’avère problématique pour les nouveaux entrants ». Autrement dit, « l’aventure n’est pas faite pour tout le monde : si l’on n’est pas une grosse officine, avec les reins solides, mieux vaut s’abstenir, sauf à jouer sur une vraie différenciation », estime l’expert.

Dominique, quant à elle, a vu la vente en ligne comme une alternative à l’extension de son officine, qui n’était physiquement pas réalisable. Elle a mis à contribution mari et fils, embauché des préparatrices, investi en stock, et… accepté de rogner sur ses marges pour baisser ses prix et « amorcer la pompe ». Bertrand Veau, de son côté, a investi 20 000 euros et six mois de travail dans la conception de son site, mais il a également recruté quatre personnes à temps plein. Gage essentiel de la confiance des internautes, la qualité du service est à ce prix. « Notre taux d’erreur est très bas grâce à un triple contrôle des commandes », précise le pharmacien. Dominique insiste pour sa part sur la vigilance de son équipe vis-à-vis des dérives concernant les produits « sensibles ». Univers Pharmacie a de son côté fait évoluer l’ergonomie de son interface pour s’adapter à l’âge moyen de ses utilisateurs, entre 45 et 55 ans. Chez Pharmanco, le choix a été fait de se démarquer avec une plateforme vidéo de conseil en direct. Aux officines qui ne sont pas en mesure de consentir les efforts nécessaires, reste la solution controversée du référencement sur une plate-forme.

(1) Entreprises œuvrant uniquement sur Internet.

(2) Le prénom a été changé.

Les beaux jours du « click and collect »

La possibilité de récupérer dans une officine une commande passée par Internet séduit un nombre croissant de consommateurs qui gagnent ainsi du temps tout en gardant un contact physique avec une équipe officinale. « C’est un outil très efficace de la relation client qui peut générer 40 à 50 commandes par jour et déclencher des achats supplémentaires au moment du retrait », fait valoir Yves Bottin-Putnikovic, fondateur d’iTek Pharma. « Cette formule apporte de nouveaux clients à nos pharmacies qui constituent autant de points relais », se félicite Maxime Lestienne, chef de projet chez Univers Pharmacie. Environ 15 % des acheteurs sur le site du réseau optent pour le « click and collect ». « Certains reviennent ensuite faire directement leurs emplettes dans leur pharmacie relais. »La boucle est bouclée.

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