LES AINS - Le Moniteur des Pharmacies n° 3056 du 22/11/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3056 du 22/11/2014
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

CAS N° 1 – EFFETS INDÉSIRABLES

Une ordonnance incomplète

Restée très sportive, Mme B., 73 ans, a l’habitude de faire de la randonnée une fois par semaine. Cela fait quelque temps qu’elle se plaint d’une douleur au genou droit, qui la gêne dans ses mouvements quotidiens. Le paracétamol s’étant révélé insuffisant pour la soulager, elle a dû annuler sa dernière sortie avec ses amies et s’est résignée à consulter son médecin traitant. Ce samedi matin, elle présente à Pierre-Antoine, le jeune étudiant en pharmacie, une ordonnance de naproxène 550 mg (1 cp 2 fois/j) qsp 7 jours. Lorsque Pierre-Antoine vient faire contrôler sa dispensation par le pharmacien, ce dernier fronce les sourcils…

Pierre-Antoine a-t-il fait une erreur ?

Non, mais la prescription semble incomplète car, compte tenu de son âge, Mme B. peut être plus sensible aux effets indésirables digestifs des AINS.

ANALYSE DU CAS

• Les AINS peuvent être responsables de troubles digestifs à type d’épigastralgies, de nausées et vomissements, de troubles du transit ou d’œsophagite et plus exceptionnellement d’ulcères et de perforations gastro-intestinales voire d’hémorragies potentiellement fatales.

• Ces effets indésirables des AINS s’expliquent par leur mode d’action. L’inhibition de la cyclo-oxygénase cox-1 par les AINS et la diminution de synthèse des prostaglandines E1 induisent une diminution de production du mucus et d’ions HCO3- au niveau gastrique, ainsi qu’une augmentation de la perméabilité de la muqueuse digestive, favorisant son agression par le contenu luminal (voir p. 7). Cette agression provoque une sécrétion de cytokines et un recrutement de polynucléaires neutrophiles, à l’origine d’une inflammation voire d’ulcérations de la muqueuse digestive.

• Le risque de survenue d’effets indésirables digestifs graves augmente avec la dose utilisée chez les patients présentant des antécédents d’ulcère, ainsi que chez la personne âgée. Chez ces patients, l’utilisation d’AINS doit donc être très prudente.

• Chez les sujets âgés et, en dehors de certains rhumatismes inflammatoires aigus ou chroniques, le recours à un AINS ne sera envisagé qu’après échec du paracétamol. Le traitement doit être débuté à la posologie la plus faible possible et une protection gastrique par inhibiteurs de la pompe à protons – à demi-dose : ésoméprazole 20 mg/j, lansoprazole 15 mg/j, pantoprazole 20 mg/j et oméprazole à pleine dose, 20 mg/j) – ou par un analogue de prostaglandines E1. Le misoprostol (1/2 à 1 cp à 200 µg, 4 fois par jour) doit être envisagée chez le patient de plus de 65 ans.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien téléphone au médecin pour lui suggérer l’ajout d’un protecteur gastrique. Par ailleurs, il insiste auprès de Mme B. sur l’importance de bien prendre le naproxène au cours du petit déjeuner et du dîner, avec un volume suffisant de boisson pour éviter l’adhésion des comprimés à la paroi œsophagienne.

• La survenue d’épigastralgies ou d’autres symptômes digestifs imposerait l’arrêt du traitement.

CAS N° 2 – EFFETS INDÉSIRABLE

Christophe a une rage de dents

Ce vendredi soir, veille d’un grand week-end, Christophe, la trentaine, semble visiblement mal en point. Il explique qu’il a très mal à une dent et demande un bain de bouche antiseptique, ainsi que Toprec (kétoprofène), conseillé par une collègue qui lui a affirmé qu’il pouvait s’en procurer sans ordonnance.

Faut-il accéder à la demande de Christophe ?

Non, en cas d’infection sous-jacente, les AINS exposent au risque d’extension du processus septique.

ANALYSE DU CAS

• Une infection dentaire peut évoluer en une cellulite cervicofaciale. Il s’agit d’une infection profonde, s’étendant aux tissus cellulograisseux et musculaires de la face, voire aux tissus des voies aérodigestives supérieures. Cette infection, potentiellement fatale, peut survenir chez des patients jeunes, en bonne santé.

• La prise d’AINS en l’absence de couverture antibiotique est un facteur de risque de cellulite grave. En effet, les AINS diminuant la douleur, ils peuvent masquer les signes d’évolution péjorative de l’abcès dentaire. Ils sont également susceptibles de favoriser l’infection en altérant la fonction des polynucléaires neutrophiles.

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne déconseille l’achat de Toprec et, après s’être assurée que Christophe ne présente pas de contre-indications, préconise une association de paracétamol et de codéine.

• Elle insiste sur le fait qu’une consultation chez son dentiste reste impérative malgré le soulagement de la douleur. Si celui-ci ne peut pas le recevoir rapidement, la pharmacienne orientera Christophe vers son médecin traitant en vue d’une prescription d’antibiotiques.

CAS N° 3 – EFFETS INDÉSIRABLES

Anouch a du sang dans les selles

Anouch G., 4 ans (18 kg), est suivie en milieu hospitalier pour une maladie génétique inflammatoire chronique traitée par colchicine. Elle a été récemment hospitalisée pour une arthrite du coude gauche. Le diagnostic d’arthrite septique ayant été écarté, Anouch a pu rentrer chez elle avant-hier, avec un traitement par Voltarène (diclofénac) 25 mg, 1 suppositoire matin et soir, 5 jours au maximum. Aujourd’hui, très inquiète, Mme G., signale que les selles d’Anouch sont « comme recouvertes de sang ».

Que faut-il en penser ?

Après avoir exclu une interaction entre colchicine et diclofénac, la pharmacienne suspecte une rectorragie liée à l’AINS.

ANALYSE DU CAS

• La toxicité digestive des AINS peut s’exercer au niveau de l’intestin grêle, du côlon et du rectum. Les complications intestinales représenteraient 10 à 40 % des atteintes digestives sévères liées aux AINS. Le contact direct de l’AINS avec la muqueuse intestinale est un facteur favorisant. Ainsi, les atteintes rectales s’observent surtout avec des traitements par suppositoires.

• Le plus souvent, l’intolérance rectale se traduit par une réaction inflammatoire minime, mais des lésions plus sévères à type d’ulcérations ou de rectites hémorragiques peuvent s’observer. Des perforations, voire des fistules rectovaginales ont même été décrites lors de traitements prolongés.

• La toxicité colique est majorée par les formes orales à libération prolongée.

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne préconise l’arrêt de l’AINS et une consultation chez le pédiatre.

• Celui-ci confirme l’arrêt du diclofénac et prescrit du paracétamol oral et une coproculture afin d’exclure toute étiologie infectieuse et une NFS pour rechercher une éventuelle anémie. Si les saignements persistent, une rectoscopie serait à envisager.

CAS N° 4 – EFFETS INDÉSIRABLES

« Pourquoi pas l’antalgique de la télé ? »

En début de semaine, Henriette avait présenté une ordonnance de famciclovir 500 mg, et paracétamol/codéine 500 mg/30 mg pour son mari qui souffre d’un zona intercostal. Aujourd’hui, elle pose sur le comptoir une boîte d’ibuprofène prise dans le rayon libre accès. Elle explique au pharmacien que son époux souffre encore beaucoup en dépit de l’antalgique prescrit par le médecin et lui demande ce qu’il pense de cet antalgique dont elle a vu une publicité à la télévision.

Que lui répondre ?

Il est préférable de ne pas utiliser d’ibuprofène en cas d’infection par le virus varicelle-zona (VZV).

ANALYSE DU CAS

• Les AINS peuvent aggraver certaines infections de la peau et des tissus mous.

• En effet, d’après des rapports de pharmacovigilance, les AINS sont susceptibles, en cas d’infection par le VZV, de favoriser la survenue de complications infectieuses à type d’impétigo, d’abcès sous-cutanés et de dermohypodermites (érysipèle, cellulite…) voire d’une fasciite nécrosante (surinfection invasive à streptocoque ou staphylocoque).

• Depuis juillet 2004, l’ANSM considère que les AINS ne sont pas recommandés pour traiter la fièvre et la douleur de l’enfant atteint de varicelle.

• Ces données françaises ont été confortées en 2005 par une étude britannique portant sur des enfants varicelleux et des adultes atteints de zona, traités par AINS (l’ibuprofène dans 90 % des cas), qui concluait que le risque d’atteintes cutanées graves en cas de varicelle et de zona était respectivement 5 et 1,6 fois plus élevé après la prise d’AINS.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien déconseille l’achat d’ibuprofène en expliquant qu’il peut compliquer les lésions du zona.

• Il recommande une nouvelle consultation médicale et suggère, en attendant, l’application de compresses fraîches et humides sur les vésicules.

CAS N° 5 – EFFETS INDÉSIRABLES

Madame L. doit annuler son rendez-vous

Mme L. présente une ordonnance de kétoprofène gel en tube doseur, uneapplication de 3 doses sur le genou droit matin et soir qsp 5 jours. Le médecin l’a prévenue qu’elle ne devait pas s’exposer au soleil pendant le traitement. « Cela tombe bien ! J’avais programmé un rendez-vous chez l’esthéticienne pour une séance d’UV dans une semaine, mon traitement sera fini ! », glisse Mme L.

Mme L. peut-elle maintenir ce rendez-vous ?

Non ! Le risque de manifestations de photosensibilisation potentiellement graves persiste pendant les deux semaines qui suivent l’arrêt du traitement par gel de kétoprofène.

ANALYSE DU CAS

• A la suite de notifications de plusieurs réactions de photosensibilisation, l’Afssaps (devenue ANSM) a décidé, en janvier 2010, de suspendre l’AMM des gels de kétoprofène. Cependant, l’EMA a estimé que le rapport bénéfice/risque de ces spécialités restait favorable et elles ont donc été réintroduites sur le marché en novembre 2010.

• L’ANSM rappelle que leur dispensation doit être assortie de conseils de prévention du risque iatrogène.

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne explique à Mme L. que la zone traitée ne doit pas être exposée aux UV solaires (même en cas de soleil voilé) ou artificiels jusqu’à deux semaines après l’arrêt du traitement.

• Il est préférable de ne pas protéger la zone traitée du soleil par un pansement (risque d’occlusion favorisant la toxicité cutanée) et de ne pas y appliquer d’autres produits dermatologiques (risque d’allergie croisée avec l’octocrylène contenu dans les écrans solaires et les produits cosmétiques).

• Toute réaction cutanée nécessiterait l’interruption immédiate du traitement.

CAS N° 6 – EFFETS INDÉSIRABLES

L’asthme de madame H. s’aggrave

Mme H., 34 ans, est une patiente asthmatique traitée par Flixotide 250 µg et Serevent Diskus 50 µg. Souffrant de lombalgie, son médecin traitant lui a prescrit en début de semaine naproxène 550 mg (1 cp matin et soir), paracétamol 1 g (1 cp, 3 fois/j) qsp 7 jours et une ceinture de soutien lombaire. Elle vient aujourd’hui acheter en dépannage un flacon de Ventoline : « En ce moment, cela ne va vraiment pas, j’ai le nez qui coule et je tousse beaucoup la nuit, j’ai d’ailleurs eu recours plusieurs fois à la Ventoline ces derniers jours », se lamente Mme H.

Que faut-il en penser ?

Le pharmacien se demande si cette récente aggravation d’asthme n’est pas liée à la prise d’AINS.

ANALYSE DU CAS

• Les AINS sont, avec les bêtalactamines, les médicaments les plus fréquemment impliqués dans la survenue de manifestations d’hypersensibilité. Il peut s’agir de réactions immédiates ou retardées.

• Les réactions d’hypersensibilité immédiates surviennent dans les heures suivant l’administration. Deux mécanismes physiopathologiques peuvent être en cause. D’une part, il peut s’agir de réactions immunoallergiques médiées par IgE, survenant habituellement dans l’heure suivant la prise et se manifestant sous forme d’urticaire, d’angio-œdème, de bronchospasme voire de choc anaphylactique. D’autre part, il peut s’agir de manifestations d’intolérance, non pas allergiques, mais dites pharmacologiques, c’est-à-dire liées au mode d’action des AINS. En effet, l’inhibition de la cox-1 promeut la métabolisation de l’acide arachidonique par la lipo-oxygénase et la synthèse de leucotriènes (voir p. 7). Chez un sujet prédisposé, l’excès de leucotriènes peut entraîner des manifestations cutanées (urticaire, angio-œdème) et/ou respiratoires (rhinorrhée, obstruction nasale, bronchospasme). Les facteurs prédisposants sont l’âge (30-40 ans), le sexe féminin, l’asthme et une polypose nasale.

• Les réactions d’hypersensibilité retardées surviennent plus de 24 heures après l’instauration du traitement et sont majoritairement d’origine immunoallergiques, médiées par les lymphocytes T. Il s’agit de manifestations cutanées (éruption maculopapuleuse, dermatite de contact), voire de toxidermies graves associées à des signes généraux et des atteintes viscérales comme les syndromes de Lyell et Stevens-Johnson.

• L’hypersensibilité d’origine allergique, liée à la structure chimique d’un AINS donné, peut être croisée avec d’autres AINS du même groupe chimique. L’intolérance, liée à la pharmacodynamie des AINS, est quant à elle susceptible d’être croisée avec tous les AINS non sélectifs.

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne interroge Mme H. pour savoir si elle n’a pas pris en automédication un médicament qui pourrait exacerber son asthme (antitussif…). Mme H. affirme n’avoir pris que les médicaments qui lui ont été prescrits.

• Le pharmacien lui suggère alors que l’aggravation de son asthme peut être liée à son traitement AINS. Elle l’enjoint à consulter rapidement un médecin et préconise en attendant l’arrêt immédiat du naproxène.

• Quelques jours plus tard, Mme H. revient à la pharmacie : une consultation ORL suggérée par le généraliste a mis en évidence une polypose nasale et le diagnostic de syndrome de Widal a été confirmé. Le médecin a expliqué à Mme H. que les AINS lui étaient dorénavant contre-indiqués.

• La pharmacienne enregistre la contre-indication dans l’historique informatique de madame H.

CAS N° 7 – EFFETS INDÉSIRABLES

« De mon temps, c’est ce qu’on donnait ! »

Mme V. garde son petit-fils Nino, 18 mois, pour quelques jours. Hier, elle a consulté son généraliste car Nino avait de la fièvre. Le médecin a diagnostiqué une grippe et a prescrit du paracétamol en suspension buvable (1 dose de 11 kg, 4 fois/j). Aujourd’hui, Nino a encore 39°C au réveil et Mme V. revient à la pharmacie pour acheter de l’aspirine : « C’est ce que je donnais à ma fille quand elle était malade ! ».

Est-ce une bonne idée ?

Non, l’aspirine est à proscrire chez les enfants atteints de virose.

ANALYSE DU CAS

• Chez l’enfant et l’adolescent atteints de virose, un lien a été observé entre l’utilisation d’aspirine et la survenue d’un syndrome de Reye. La cause n’est pas connue. Potentiellement létal, ce syndrome associe une atteinte hépatique (vomissements profus, hépatomégalie et élévations des transaminases) et une encéphalopathie avec altération de l’état de conscience. Il peut se déclarer 24 heures à 2 semaines après l’infection virale (grippe, varicelle, voire plus rarement gastroentérite).

• C’est pourquoi le paracétamol (15 mg/kg/prise toutes les 6 heures) est à privilégier comme antipyrétique de première intention, car il allie efficacité et innocuité, a fortiori dans un condiv de virose. Par ailleurs, aucune étude n’a pu démontrer l’intérêt d’une alternance ou d’une association d’antipyrétiques.

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne explique à Mme V. que l’utilisation d’aspirine en cas de virose est déconseillée pour son petit-fils en raison d’effets indésirables rares mais graves.

• Elle rappelle aussi les conseils pratiques en cas de fièvre : éviter de trop couvrir Nino, ne pas surchauffer sa chambre (18-20 °C) et lui proposer fréquemment à boire. En revanche, les bains tièdes qui furent longtemps conseillés sont aujourd’hui remis en cause (risque de majorer l’inconfort de l’enfant).

CAS N° 8 – EFFETS INDÉSIRABLES

Un ECBU stérile

Souffrant de spondylarthrite ankylosante, Mme P., 32 ans, prend régulièrement de l’acide tiaprofénique 200 mg (3 cp/j) en période de poussées douloureuses. Hier, elle a consulté son généraliste car elle souffre d’impériosités mictionnelles et a remarqué du sang dans ses urines. Un ECBU a été prescrit. Ce soir, intriguée par ses résultats d’analyse, elle sollicite l’avis de la pharmacienne : une hématurie et une leucocyturie sont mises en évidence, mais l’ECBU est stérile.

Comment interpréter ces résultats ?

Les résultats d’un ECBU (examen cytobactériologique des urines) peuvent faire suspecter une cystite iatrogène.

ANALYSE DU CAS

• Des troubles urinaires à type de cystalgie, dysurie ou pollakiurie, une cystite non infectieuse, voire une hématurie ont été décrits sous acide tiaprofénique (voir le RCP).

Ces troubles sont réversibles à l’arrêt du traitement, mais des cas graves ont été rapportés lorsqu’il a été poursuivi.

• Selon plusieurs études britanniques et australiennes, ces effets indésirables urinaires paraissent plus fréquents avec l’acide tiaprofénique qu’avec les autres AINS et certains cas graves ont nécessité des cystoplasties (reconstruction de la vessie) et des urétérostomies. Ainsi, le Committee on Safety of Medicine (Royaume-Uni) recommande de cesser immédiatement le traitement en cas d’apparition de symptômes urinaires.

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne évoque avec madame P. la possibilité que sa cystite puisse être liée à la prise d’acide tiaprofénique et lui recommande de l’arrêter. Elle lui conseille de contacter son médecin généraliste pour évoquer cette hypothèse et changer d’AINS.

PHARMACOLOGIE

UTILISATION DES AINS

Représentant actuellement 4,5 % de la consommation médicamenteuse des pays industrialisés, et consommés par environ 20 millions d’utilisateurs dans le monde, les AINS font partie des médicaments les plus prescrits. En France, ils représentent l’une des classes médicamenteuses les plus largement utilisées sans prescription. Or, cette classe est fortement impliquée dans la survenue d’accidents iatrogènes, en particulier chez les personnes âgées, liés à ses nombreux effets indésirables et interactions médicamenteuses.

Propriétés pharmacologiques

• Les AINS sont :

– anti-inflammatoires,

– antalgiques,

– antipyrétiques,

– antiagrégants plaquettaires.

• L’action anti-inflammatoire des AINS requiert généralement des posologies plus élevées que celles nécessaires dans la douleur et la fièvre.

Indications

Chaque AINS a des indications propres, dont :

– rhumatologie : poussées congestives d’arthrose, douleurs rachidiennes et radiculaires, goutte, rhumatismes inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante)…

– traumatologie : contusions, entorses, tendinites, traitement des douleurs et œdèmes posttraumatiques

– douleurs ORL et stomatologiques,

– dysménorrhées,

– douleurs urologiques : crises de colique néphrétique,

– douleurs d’origine cancéreuse,

– traitement symptomatique de la fièvre.

LES AINS

• Les AINS constituent une classe très hétérogène sur le plan chimique (salicylés, fénamates, indoliques, arylcarboxyliques, oxicams, coxibs…) qui regroupe l’ensemble des médicaments inhibiteurs de la synthèse des prostaglandines.

• Selon leur sélectivité et leur affinité pour les cox, on distingue 3 types d’inhibiteurs :

– les anti-cox-1 sélectifs : notamment l’aspirine à faible dose, qui inhibe irréversiblement la cox-1 et dont l’effet antiagrégant persiste 7 à 10 jours. Cette sélectivité disparaît avec les augmentations de doses. Les fortes doses sont donc utilisées comme anti-inflammatoire ;

– les inhibiteurs non sélectifs ou AINS « classiques ». En fonction du ratio de leur puissance inhibitrice sur les cox-1 et 2, certains sont considérés comme anti-cox-1 « préférentiels » (flurbiprofène, indométacine, piroxicam…), d’autres comme anti-cox-2 « préférentiels » (méloxicam, diclofénac…).

– les anti-cox-2 sélectifs ou coxibs.

Principaux effets indésirables

Troubles digestifs

• La toxicité digestive peut se manifester par une dyspepsie, des nausées et des vomissements, des diarrhées, une œsophagite, des gastralgies, voire des ulcérations gastroduodénales, une ano-/recto-/sigmoïdite (voie rectale surtout), une perforation digestive, une hématémèse, des mélénas ou des rectorragies.

• Ces effets secondaires s’expliquent par le mode d’action des AINS (inhibition de cox-1 et diminution de synthèse des prostaglandines E1), ils ne sont donc pas liés uniquement à un mode d’administration par voie orale, mais se rencontrent également avec une administration rectale et injectable.

• Le risque digestif est environ deux fois plus faible avec les coxibs mais n’est pas nul.

• La survenue de douleurs digestives sous AINS est mal corrélée à la gravité des complications et, inversement, des complications graves peuvent survenir en l’absence de signes cliniques annonciateurs (notamment chez la personne âgée).

• Les facteurs de risque d’effets indésirables digestifs graves sont surtout : une posologie élevée d’AINS et/ou un traitement prolongé, un âge > 65 ans, un antécédent d’ulcère gastroduodénal ou d’hémorragie digestive, un traitement concomitant d’un antiagrégant plaquettaire, d’un anticoagulant ou d’un corticoïde.

Manifestations d’hypersensibilité

Elles sont l’expression d’une véritable allergie (croisée entre molécules du même groupe chimique) ou d’une intolérance pharmacologique (dont le syndrome de Widal est la forme la plus caractéristique) et peuvent se manifester par une symptomatologie variée : réactions cutanées (éruptions cutanées, urticaire, eczéma, voire toxidermies bulleuses de type Lyell ou Stevens-Johnson dont le risque est plus élevé sous oxicams), manifestations respiratoires (bronchospasme ou crise d’asthme), manifestations générales (œdème de Quincke, choc anaphylactique). En cas d’intolérance pharmacologique (liée au mode d’action), il peut y avoir des réactions croisées entre AINS sans parenté chimique.

Atteintes rénales

• Les AINS sont néphrotoxiques et sont à l’origine d’environ un tiers des insuffisances rénales aiguës iatrogènes. La diminution de synthèse des prostaglandines provoque une vasoconstriction de l’artère rénale et donc une perfusion rénale moindre, ce qui explique une diminution du débit de filtration glomérulaire, avec un risque d’hyperkaliémie.

• Le risque d’insuffisance rénale aiguë sous AINS est potentialisé chez les patients âgés, déshydratés, insuffisants rénaux chroniques, suivant un régime hyposodé (comme les insuffisants cardiaques), ou encore suivant un traitement par diurétiques, IEC ou ARA II.

Complications cardiovasculaires

• La diminution de synthèse de prostaglandines vasodilatatrices peut aggraver une hypertension artérielle. Par ailleurs, les AINS peuvent réduire l’effet des antihypertenseurs. Il semblerait que l’effet antagoniste soit plus marqué sur les bêtabloquants. Ils peuvent aussi être à l’origine d’une rétention hydrosodée et d’une décompensation de cardiopathie.

• Du fait de leur absence d’effet antiagrégant, les coxibs augmentent le risque thrombotique et comportent un surrisque de complications cardiologiques.

Effets neurosensoriels

Les AINS peuvent induire des bourdonnements d’oreille, des céphalées, des vertiges et des étourdissements, voire des troubles visuels. Ces effets indésirables (plus fréquents avec les indoliques) justifient la présence d’un pictogramme sur les conditionnements mettant en garde sur les risques liés à la conduite automobile.

Aggravation d’infections

• Les AINS peuvent masquer les signes d’une infection, altérer la réponse immunitaire et favoriser les complications infectieuses de la peau et des tissus mous : surinfections cutanées, fasciites nécrosantes, cellulite cervicofaciale… Des cas d’aggravation d’infections dentaires, de varicelle, de pneumopathies et d’infections ORL chez des patients traités par AINS ont été rapportés.

• En cas d’atteintes virales (varicelle et épisode grippal), l’aspirine est significativement liée à la survenue d’un syndrome de Reye (encéphalopathie et stéatose hépatique), principalement chez l’enfant et l’adolescent.

Principales contre-indications

Les AINS sont contre-indiqués en cas :

– d’antécédent de manifestation allergique ou d’hypersensibilité (y compris l’asthme) déclenchée par la prise d’AINS ou d’aspirine ;

– d’ulcère gastroduodénal évolutif et antécédents d’hémorragie ou de perforation digestive liées à un AINS ;

– d’insuffisance hépatique sévère ;

– d’insuffisance rénale sévère ;

– d’insuffisance cardiaque sévère (dès le stade 2 pour les coxibs et le diclofénac) ;

– de grossesse : à partir du troisième trimestre pour les AINS non sélectifs (risque d’atteintes rénale et cardio-pulmonaire fœtales et inhibition des contractions utérines rendant difficile l’accouchement) et pendant toute la grossesse pour les coxibs. Aux doses antiagrégantes, il est possible d’utiliser l’aspirine quel que soit le terme de la grossesse (prévention de l’éclampsie) ;

– cardiopathie ischémique, artériopathie périphérique et antécédent d’AVC pour les coxibs

Principales interactions

• Avec les anticoagulants : l’association est déconseillée en raison d’une augmentation du risque hémorragique. Néanmoins, l’interaction AINS/héparines aux doses préventives chez le patient jeune n’est classée qu’en association à prendre en compte.

• Avec les antiagrégants plaquettaires : l’association est à prendre en compte (il faut tenir compte d’un risque majoré de saignements par addition d’effets).

• Avec l’aspirine aux doses antalgiques ou avec un autre AINS : l’association est déconseillée en raison d’une augmentation du risque digestif et hémorragique.

• Avec le lithium : l’association est déconseillée en raison d’un risque de surdosage en lithium (interaction par compétition d’élimination, les AINS et le lithium étant éliminés majoritairement par voie rénale, et le lithium étant, en outre, à marge thérapeutique étroite).

• Avec le méthotrexate : risque de majoration de la toxicité hématologique du méthotrexate du fait d’une diminution de la clairance rénale du méthotrexate par les AINS. L’interaction est déconseillée lorsque le méthotrexate est administré à des doses supérieures à 20 mg/semaine selon le « Thesaurus » de l’ANSM (15 mg/semaine dans certains RCP) et en association nécessitant des précautions d’emploi (avec surveillance de la NFS) lorsqu’il est administré à dose moindre.

• Avec les corticoïdes : l’association est à prendre en compte (majoration du risque digestif).

• Avec les inhibiteurs de recapture de la sérotonine (IRS) : l’association est à prendre en compte (augmentation du risque hémorragique).

CAS N° 9 – CONTRE-INDICATIONS

« Ça m’a soulagée avant ma grossesse »

Léa, 18 ans, est enceinte de 6 mois. Elle souffre depuis quelques jours de lombalgie. En attendant son prochain rendez-vous chez le gynécologue, dans 3 jours, elle décide d’utiliser des produits de sa pharmacie familiale. Elle arrive à la pharmacie avec une boîte d’Advil : « Je crois que c’est un bon médicament contre les douleurs qui m’avait bien soulagée avant ma grossesse. Je peux en prendre ? »

Léa peut-elle prendre Advil ?

Non, Advil, qui contient de l’ibuprofène, lui est contre-indiqué.

ANALYSE DU CAS

• L’utilisation chronique ou ponctuelle d’AINS, même sous forme locale, est formellement contre-indiquée dès le début du 6e mois de grossesse (24 semaines d’aménorrhée). Les AINS peuvent provoquer une toxicité fœtale cardiaque (constriction du canal artériel, risque d’hypertension artérielle pulmonaire et d’insuffisance cardiaque) et/ou rénale (oligoamnios voire insuffisance rénale) parfois irréversible. Au 3e trimestre de la grossesse, les AINS exposent aussi la mère et l’enfant à un risque d’allongement du temps de saignement.

• Jusqu’au début du 6e mois de grossesse, la prise d’AINS, même ponctuelle, est à éviter selon le CRAT. Ils augmenteraient le risque d’avortements spontanés au premier trimestre. L’appareil cardiopulmonaire et la fonction rénale du fœtus, mis en place dès l’organogenèse, peuvent être touchés. L’utilisation d’AINS ne doit être envisagée que si nécessaire. Les coxibs sont contre-indiqués dès le début de la grossesse car ils sont tératogènes.

ATTITUDE À ADOPTER

• Expliquer à Léa qu’Advil contient un anti-inflammatoire contre-indiqué pendant la grossesse.

• Conseiller du paracétamol, antalgique à privilégier chez la femme enceinte.

CAS N° 10 – CONTRE-INDICATIONS

Monsieur A. a fait un infarctus

Il y a quelques jours, M. A. a été hospitalisé pour une violente douleur thoracique. Rien ne semblait prédisposer ce patient de 68 ans, traité par du célécoxib pour des douleurs de coxarthrose, à faire un infarctus. Aujourd’hui, son épouse vient chercher son traitement : Efient 10 mg (1 cp/j), Kardégic 75 mg (1 sachet/j), aténolol 50 mg (1 cp/j), périndopril 5 mg (1 cp/j) et atorvastatine 20 mg (1 cp/j). Elle souhaite aussi le renouvellement du célécoxib.

Peut-on délivrer le célécoxib ?

Non ! Ce médicament est désormais contre-indiqué à M.A.

ANALYSE DU CAS

• L’agrégation plaquettaire dépend d’un équilibre entre la prostacycline (vasodilatatrice et antiagrégante) produite par les cellules endothéliales sous l’effet de la cox-2 et le thromboxane A2 (proagrégant) synthétisé par les plaquettes sous l’influence de la cox-1.

• Les coxibs, en inhibant sélectivement les cox-2, ont un effet prothrombotique.

• Depuis 2005, les coxibs sont contre-indiqués en cas de cardiopathie ischémique, d’artériopathie périphérique, d’antécédent d’AVC ou d’accident ischémique transitoire.

• Les AINS non sélectifs ne sont pas proagrégants. Ils peuvent néanmoins majorer aussi le risque d’accidents cardiovasculaires en augmentant la pression diastolique de 3,5 à 5 mmHg. Or, une augmentation de la pression artérielle diastolique de 5 mmHg est associée à une majoration du risque d’infarctus de 15 % et d’AVC de 30 à 40 %.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien téléphone au rhumatologue. Ce dernier préfère ne pas remplacer le célécoxib par un autre AINS qui interagirait avec les antiagrégants et l’IEC. Il faxe une ordonnance d’Ixprim (paracétamol et tramadol) et demande à revoir M. A. en consultation.

CAS N° 11 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Monsieur S. a trop marché à Londres

M. S., 74 ans, est un patient diabétique hypertendu, traité depuis plusieurs années par metformine, Exforge (amlodipine et valsartan) et Esidrex (hydrochlorothiazide). Très dynamique, il profite de sa retraite pour voyager. Il revient d’ailleurs d’un séjour à Londres et vient chercher le renouvellement de ses différents traitements. Il explique aussi à la pharmacienne qu’à force de marcher dans la capitale anglaise, il souffre de douleurs aux genoux. Il s’est procuré de l’ibuprofène dans un drugstore londonien. Mais sa boîte est finie et il souhaiterait en acheter une autre.

Est-ce une bonne idée ?

Non, la prise d’AINS (a fortiori en traitement prolongé) doit être évitée en automédication chez ce patient compte tenu de son âge et de ses traitements.

ANALYSE DU CAS

• Les AINS peuvent induire chez les personnes âgées une insuffisance rénale fonctionnelle.

• L’inhibition de la cox-2 entraîne une diminution de synthèse des prostaglandines rénales vasodilatatrices. Les AINS provoquent donc une diminution de la perfusion sanguine rénale, du débit de filtration glomérulaire et de l’élimination hydrosodée. Ils favorisent une hyperkaliémie, en particulier en cas de traitement concomitant de médicaments hyperkaliémiants comme les IEC, les ARA-II et la spironolactone, ou en cas de diabète. Les AINS sont responsables d’un tiers des insuffisances rénales aiguës iatrogènes. Cette insuffisance rénale, survenant quelques jours après instauration de l’AINS, peut être asymptomatique.

• Par ailleurs, l’association d’un AINS aux diurétiques, IEC ou ARA II est classée en interaction nécessitant des précautions d’emploi. Le risque d’insuffisance rénale aiguë est majoré et l’effet des antihypertenseurs est réduit (la vasoconstriction induite par l’inhibition des cox et la rétention hydrosodée liée aux AINS contribuent à augmenter la tension artérielle). Le patient doit être correctement hydraté et sa fonction rénale surveillée. L’association AINS/IEC est la cause la plus fréquente d’insuffisance rénale aiguë.

• En outre, il faut tenir compte du traitement antidiabétique de M. S. En effet, en cas d’ altération de la fonction rénale, la metformine s’accumule dans l’organisme et peut induire une acidose lactique, potentiellement létale, se manifestant par des crampes, une forte asthénie, des troubles digestifs, une dyspnée et éventuellement un coma.

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne déconseille l’achat d’ibuprofène.

• Elle oriente M. S. vers son médecin traitant pour évaluer ses douleurs et mettre en œuvre une thérapeutique adaptée, mais aussi pour contrôler sa tension artérielle, sa fonction rénale et son ionogramme sanguin.

• En attendant, la pharmacienne conseille du paracétamol.

CAS N° 12 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

« Pour en avoir sous la main »

Daniel, 44 ans, présente depuis peu un état d’agitation inhabituel et tient des discours grandiloquents. Le psychiatre qu’il a consulté a décidé de ne pas l’hospitaliser et lui a prescrit Téralithe 250 mg (lithium) 3 cp/j et Témesta 2,5 mg (lorazépam) 1 cp/j. Daniel en profite pour prendre son renouvellement de Profémigr (kétoprofène), prescrit par son généraliste pour des crises de migraine. Le pharmacien s’interroge sur cette dernière prescription.

Qu’est-ce qui préoccupe le pharmacien ?

Il a décelé une interaction entre le lithium et le kétoprofène.

ANALYSE DU CAS

• Le lithium est un thymorégulateur à élimination rénale majoritaire et à marge thérapeutique étroite. Les risques de surdosage sont nombreux.

• De nombreux médicaments sont susceptibles d’augmenter la lithémie. Les AINS étant également à élimination rénale majoritaire, ils diminuent l’excrétion urinaire du lithium (interaction par compétition d’élimination).

• L’association des AINS au lithium est donc déconseillée. Si elle ne peut être évitée, elle nécessite une surveillance stricte de la lithémie.

ATTITUDE À ADOPTER

• Daniel confie ne pas avoir parlé de son traitement antimigraineux au psychiatre car il ne pensait pas que cela avait de l’importance, ne s’agissant que d’un médicament pris occasionnellement.

• Le pharmacien explique à Daniel que Profémigr peut favoriser un surdosage de Téralithe et qu’il est préférable de ne plus en prendre désormais, ni d’ibuprofène en cas de fièvre ou de douleur.

• Le pharmacien demande à Daniel l’autorisation de téléphoner à son généraliste pour l’informer de l’initiation d’un traitement par lithium et reconsidérer le traitement de la migraine.

CAS N° 13 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Mme T. souffre de polyarthrite rhumatoïde

Une polyarthrite rhumatoïde vient d’être diagnostiquée à Mme T., 35 ans. Elle présente à Sandra, jeune préparatrice, une ordonnance de méthotrexate 2,5 mg (4 cp, 1 fois par semaine), Speciafoldine 5 mg (2 cp, 48 h après le méthotrexate), Chrono-Indocid (indométacine) 75 mg (1 gél./j en période douloureuse) et paracétamol 1 g (jusqu’à 4 cp/j). Le logiciel détecte une interaction entre le méthotrexate et Chrono-Indocid. Sandra va trouver la pharmacienne.

L’ordonnance peut-elle être délivrée ?

Le niveau de l’interaction dépend des doses de méthotrexate.

ANALYSE DU CAS

• Le méthotrexate est un agent antifolique aux propriétés anti-inflammatoires et immunosuppressives qui expose principalement à des effets indésirables digestifs, hématotoxiques, hépatotoxiques et pulmonaires. Son élimination est essentiellement urinaire par filtration glomérulaire. Les AINS diminuent la clairance rénale du méthotrexate et majorent sa toxicité, notamment hématologique.

• Lorsque le méthotrexate est utilisé à des doses supérieures à 20 mg/semaine (« Thesaurus » de l’ANSM), son association aux AINS est déconseillée (contre-indiquée avec l’aspirine). Lorsque le méthotrexate est utilisé à faible dose, l’interaction est classée en association nécessitant des précautions d’emploi (NFS hebdomadaire).

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne explique à Sandra que compte tenu des doses de méthotrexate de Mme T. (10 mg/semaine), la dispensation de l’ordonnance est possible. La pharmacienne s’assure que Mme T. a une ordonnance d’analyses biologiques pour contrôler son hémogramme.

• Enfin, la survenue de signes cliniques évocateurs de leucopénie (fièvre, maux de gorge, toux) imposerait une consultation médicale rapide.

CAS N° 14 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

« Aucun risque avec des pastilles ! »

M. O., 62 ans, vient chercher son renouvellement d’aténolol 100 mg et Préviscan 20 mg. Il pose sur le comptoir une boîte de pastilles Strefen prise dans le rayon libre accès. Il explique à la pharmacienne que, depuis hier soir, il a mal à la gorge, mais qu’ayant déjà été ce matin faire contrôler son INR il n’a pas envie d’aller voir un médecin : « J’ai vu assez de blouses blanches aujourd’hui ! De toute façon, avec des pastilles je ne risque rien ! »

M. O. a-t-il raison ?

Non, les pastilles qu’il a choisies interagissent avec son traitement.

ANALYSE DU CAS

• Les comprimés à sucer Strefen contiennent du flurbiprofène, un AINS. Or, l’association d’un AVK et d’un AINS expose à un risque hémorragique accru. Les AINS agressent la muqueuse gastroduodénale et peuvent provoquer des lésions digestives, davantage susceptibles de saigner sous traitement anticoagulant oral. Par ailleurs l’effet antiagrégant plaquettaire des AINS induit des effets indésirables de type saignement qui s’additionnent à ceux des anticoagulants.

• L’association d’un anticoagulant oral et d’un AINS est donc déconseillée et, dans le cas où elle ne peut être évitée, elle impose une surveillance clinique et biologique étroite. Elle est contre-indiquée avec de l’aspirine utilisée aux doses anti-inflammatoires.

ATTITUDE À ADOPTER

• La pharmacienne explique à M.O. que Strefen contient un AINS déconseillé chez les patients sous AVK.

• Elle conseille des pastilles antiseptiques contenant un anesthésique local.

• Elle rappelle à M.O. que si de la fièvre apparaissait dans les jours à venir, il pourrait prendre du paracétamol, mais pas d’aspirine ni d’ibuprofène. Une consultation médicale serait alors préférable, un épisode infectieux étant susceptible de perturber l’INR.

CAS N° 15 – INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Rhume et rhumatisme

Mme F. demande une boîte de Rhinureflex. « Décidément, en ce moment, cela ne va pas fort ! », soupire Mme F., en soulignant qu’elle était déjà venue en début de semaine chercher Celebrex (célécoxib) prescrit par son rhumatologue pour une poussée d’arthrose. Fabien, l’étudiant en pharmacie, s’interroge.

Qu’est-ce qui préoccupe Fabien ?

Fabien s’interroge sur la possibilité d’associer un AINS non sélectif (l’ibuprofène contenu dans Rhinureflex) à un inhibiteur sélectif de cox-2 (le célécoxib). Il a retenu de ses cours que les coxibs étaient moins responsables d’effets indésirables digestifs que les AINS non sélectifs et n’altéraient pas la synthèse de thromboxane A2.

ANALYSE DU CAS

• Le schéma attribuant à la seule cox-1 la synthèse des prostaglandines physiologiques protectrices de la muqueuse digestive est en réalité réducteur. Il est aujourd’hui établi que la cox-2 pourrait également être impliquée dans les processus cicatriciels de la muqueuse digestive.

• Ainsi, bien que la toxicité digestive des coxibs soit réduite de 50 % par rapport aux AINS non sélectifs, elle n’est pas nulle. Le RCP de célécoxib met d’ailleurs en garde contre la possible survenue de complications gastro-intestinales graves, en particulier en cas d’association à un autre AINS (association déconseillée selon le « Thesaurus » de l’ANSM).

ATTITUDE À ADOPTER

Il faut déconseiller Rhinureflex (d’autant que le risque d’accident thromboembolique lié au célécoxib peut être majoré par la pseudo-éphédrine vasoconstrictrice) et préconiser une association d’anti-H1 et de paracétamol.

CAS N° 16 – PROFILS PARTICULIERS

DIU et AINS

Depuis qu’elle s’est fait poser un dispositif intra-utérin (DIU) au cuivre il y a 2 mois, Sylvie, 41 ans, se plaint de menstruations plus abondantes et de dysménorrhées. Elle a consulté son généraliste qui lui a prescrit Ponstyl 250 mg (acide méfénamique, 2 gélules 3 fois/jour pendant les 3 premiers jours des règles). En lisant la notice, Sylvie s’étonne car elle avait entendu dire que les AINS interagissaient avec les DIU.

Les AINS diminuent-ils l’efficacité des DIU ?

Contrairement à une idée reçue, les AINS n’interagissent pas avec les DIU.

ANALYSE DU CAS

• L’hypothèse selon laquelle les AINS réduiraient l’efficacité des DIU au cuivre, en diminuant l’inflammation locale, est démentie depuis 2007 par une étude de l’INSERM.

• Le mécanisme d’action principal des DIU au cuivre repose davantage sur l’effet cytotoxique du cuivre que sur l’inflammation endométriale. Ainsi, même si les RCP de certains DIU au cuivre mentionnent encore les traitements anti-inflammatoires au long cours comme contre-indications relatives, ils précisent que « l’utilisation d’AINS en traitement court, par exemple pour traiter une dysménorrhée, ne semble pas influencer l’efficacité contraceptive des DIU ».

• Une méta-analyse américaine de 2012 confirme effectivement l’intérêt des AINS, qui diminuent la synthèse des prostaglandines endométriales, pour contrôler les saignements abondants liés aux DIU au cuivre (lesquels sont attribués au relargage excessif de prostaglandines dans l’utérus en présence de cuivre).

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien rassure Sylvie : la prise ponctuelle d’AINS est tout à fait compatible avec son mode de contraception et les AINS sont dorénavant justement utilisés pour améliorer les ménorragies liées aux DIU au cuivre.

CAS N° 17 – CONTRE INDICATION

Monsieur D. est insuffisant cardiaque

M. D., 61 ans, a été diagnostiqué insuffisant cardiaque il y a six mois. Il suit actuellement un traitement par furosémide 40 mg/j, lisinopril 20 mg/j et bisoprolol 10 mg/j. Souffrant d’un abcès dentaire, il a consulté un dentiste qui lui a prescrit : spiramycine/métronidazole 1 cp 2 fois/j pendant 5 jours et acide tiaprofénique 200 mg, 1 cp 3 fois/j pendant 3 jours. Le pharmacien se demande si la prescription d’acide tiaprofénique chez ce patient est bien opportune.

Qu’est-ce qui préoccupe le pharmacien ?

La prise d’AINS peut favoriser une décompensation de l’insuffisance cardiaque.

ANALYSE DU CAS

• L’insuffisance cardiaque est à l’origine d’une hypoperfusion rénale. Dans cette situation, le maintien de la perfusion glomérulaire dépend surtout de l’effet vasodilatateur des prostaglandines.

• La prise d’AINS, en inhibant la synthèse des prostaglandines, peut alors provoquer une altération de la fonction rénale et une rétention hydrosodée favorisant l’apparition d’œdèmes. Or, ces dernières participent à l’évolution péjorative de l’insuffisance cardiaque et exposent au risque de décompensation.

• Chez l’insuffisant cardiaque léger ou modéré, la prescription d’AINS doit prendre en compte le risque d’aggravation de l’insuffisance cardiaque. Tout signe de décompensation (prise de poids rapide, œdèmes des chevilles, dyspnée de décubitus) impose l’arrêt de l’AINS. En cas d’insuffisance cardiaque sévère, les AINS sont contre-indiqués.

ATTITUDE À ADOPTER

• Avec l’accord de M. D., le pharmacien téléphone à son cardiologue pour lui demander son avis. Le cardiologue estime plus prudent de ne pas délivrer l’anti-inflammatoire.

• Le pharmacien conseille alors à M. D. une association de paracétamol et de codéine.

Prévenir l’iatrogénie

Les questions à se poser lors de la délivrance d’un AINS

Quel est le profil du patient ?

• Femme enceinte : les AINS sont contre-indiqués au-delà du 5e mois de grossesse révolu et les coxibs pendant toute la grossesse.

• Patient souffrant d’ulcère gastroduodénal évolutif : les AINS sont contre-indiqués.

• Insuffisant cardiaque : les AINS exposent au risque de décompensation. En cas d’insuffisance cardiaque sévère, les AINS sont contre-indiqués.

• Patient souffrant de pathologie (ou d’antécédents) ischémique (s) : les coxibs sont contre-indiqués.

• Patient ayant une pathologie infectieuse : les AINS sont susceptibles de masquer les premiers signes d’infections et ainsi d’aggraver le pronostic de certaines infections (varicelle, zona, pneumopathies, infections ORL…). En cas d’abcès dentaire, ne pas utiliser d’AINS sans couverture antibiotique (risque de cellulite cervicofaciale). Chez l’enfant atteint de virose, l’aspirine est à proscrire (risque de syndrome de Reye).

• Patient asthmatique : en cas d’asthme associé à une polypose nasale, il a un risque plus élevé de manifestations d’hypersensibilité aux AINS et notamment de bronchospasme.

Un protecteur gastrique a-t-il été prescrit ?

Une protection gastrique doit être coprescrite chez le sujet de plus de 65 ans, le patient ayant des antécédents d’ulcère gastroduodénal et le patient traité par antiagrégant, anticoagulant ou corticoïdes.

Le patient a-t-il déjà pris un AINS et l’a-t-il bien toléré ?

• En cas d’antécédents de saignements ou de perforations digestives survenus sous AINS : les AINS sont contre-indiqués.

• En cas d’antécédents de manifestations d’hypersensibilité : risque d’allergie croisée entre tous les AINS si l’hypersensibilité relève d’une intolérance pharmacologique. Risque d’allergie croisée avec d’autres AINS du même groupe chimique s’il s’agit d’une hypersensibilité immunoallergique.

Le patient prend-il d’autres médicaments ?

• AINS : l’association (y compris aux doses antalgiques/antipyrétiques et les coxibs) est déconseillée (majoration du risque ulcérogène et hémorragique).

• Anticoagulant : les AINS sont déconseillés (augmentation du risque hémorragique).

• Lithium : les AINS sont déconseillés (augmentation de la lithémie).

• Méthotrexate utilisé à dose supérieure à 20 mg/semaine, les AINS sont déconseillés et l’aspirine contre-indiquée (augmentation de la toxicité hématologique).

• Traitement antihypertenseur : les AINS peuvent réduire l’efficacité des anti-HTA. En association aux diurétiques, IEC ou ARA-II, ils exposent à un risque d’insuffisance rénale fonctionnelle (bonne hydratation du patient, surveillance de la pression artérielle et de la fonction rénale).

Quels conseils donner ?

• Prendre les AINS oraux au cours d’un repas.

• Ne pas s’exposer au soleil durant un traitement par voie cutanée (jusqu’à 15 jours après l’arrêt pour les gels de kétoprofène).

• Respecter les durées de traitements prescrites. Ne pas réutiliser un AINS sans avis médical.

• Arrêter le traitement en cas de survenue de symptômes digestifs, de rash cutané ou d’autres manifestations d’hypersensibilité ou de signes d’aggravation de pathologie cardiovasculaire.

À RETENIR

En raison d’un risque accru de mauvaise tolérance digestive, une protection gastrique par IPP ou misoprostol doit être envisagée chez le patient de plus de 65 ans.

ATTENTION

Les AINS exposent au risque d’extension d’un processus septique. En particulier en cas d’infection dentaire non traitée par antibiothérapie, ils favorisent la survenue d’une cellulite cervicofaciale grave.

À RETENIR

La toxicité digestive des AINS n’est pas limitée à l’estomac, mais concerne aussi l’intestin. Les suppositoires d’AINS peuvent induire des rectites hémorragiques, imposant l’arrêt du traitement.

À RETENIR

Les AINS sont à proscrire pour traiter la douleur et la fièvre liées à une infection par virus varicelle-zona car ils peuvent aggraver les lésions cutanées.

À RETENIR

L’exposition aux UV solaires ou artificiels est à proscrire pendant toute la durée de traitement par gel de kétoprofène et jusqu’à deux semaines après son arrêt.

À RETENIR

Les AINS peuvent être responsables de manifestations d’hypersensibilité immuno-allergiques et de manifestations d’intolérance pharmacologique, à type d’éruptions cutanées, d’angio-œdème ou d’asthme, imposant l’arrêt du traitement.

ATTENTION

L’aspirine est à proscrire en cas de virose en raison du risque de syndrome de Reye (atteinte hépatique et cérébrale potentiellement létale).

À RETENIR

Sous acide tiaprofénique, des signes de cystite et une hématurie associée à un ECBU stérile doivent faire suspecter une origine iatrogène, qui impose l’arrêt du traitement.

Bon usage des AINS

• Les AINS doivent être utilisés à la dose minimale efficace, pendant la durée la plus courte possible.

• Il faut informer le patient des risques liés à leur utilisation et conseiller l’administration des AINS oraux au cours d’un repas.

• La survenue de symptômes digestifs, de rash cutané ou d’autres manifestations d’hypersensibilité ou de signes évocateurs d’aggravation d’une pathologie cardiovasculaire impose l’arrêt du traitement.

Utilisation des AINS chez le patient âgé

• L’utilisation des AINS doit être très prudente chez la personne âgée en raison d’un risque accru d’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle, d’un risque d’interaction lié à une polymédication et d’un risque majoré d’effets digestifs graves. Une protection gastrique est justifiée chez ce patient.

• En dehors de certains rhumatismes, le recours à un AINS chez la personne âgée ne sera envisagé qu’après l’échec du paracétamol.

• Il convient de privilégier chez la personne âgée des AINS à demi-vie courte (< 6 heures) comme l’acide niflumique, l’acide tiaprofénique, l’ibuprofène, le kétoprofène, le flurbiprofène et le diclofénac.

ATTENTION

Les AINS sont fœtotoxiques et sont contre-indiqués à partir du 6e mois de grossesse. Leur utilisation, même ponctuelle, doit être évitée pendant les 5 premiers mois.

ATTENTION

Du fait d’un surrisque cardiovasculaire lié à un effet prothrombotique, les inhibiteurs sélectifs de la cox-2 sont contre-indiqués en cas de pathologie ischémique.

À RETENIR

L’utilisation d’AINS en automédication est déconseillée chez les patients présentant un risque d’insuffisance rénale fonctionnelle (sujets âgés ou traités par diurétiques, IEC ou ARA-II). Chez ces patients, la prescription d’AINS nécessite une surveillance biologique de la fonction rénale.

Insuffisance rénale iatrogène

• Certains médicaments peuvent induire une insuffisance rénale fonctionnelle, consécutive à un défaut de perfusion glomérulaire : les AINS, les diurétiques, les IEC, les ARA II ou l’aliskirène.

• Les médicaments peuvent aussi être à l’origine d’insuffisance rénale organique, par toxicité tubulaire (aminosides, dérivés du platine, produits de contraste iodés, ciclosporine, tacrolimus, méthotrexate à forte dose, lithium, amphotéricine B IV, sels d’or, D-pénicillamine, interférons…) ou par néphropathie interstitielle immunoallergique (AINS, bêtalactamines, fluindione…).

ATTENTION

L’association d’un AINS au lithium est déconseillée en raison d’un risque d’augmentation de la lithémie.

À RETENIR

L’association d’un AINS au méthotrexate > 20 mg/semaine est déconseillée en raison d’un risque majoré d’hématotoxicité. Si le méthotrexate est utilisé à faible dose, son association à un AINS requiert une surveillance de la NFS.

ATTENTION

L’association d’un AINS (y compris sous forme de comprimés à sucer) aux anticoagulants oraux est déconseillée en raison d’une majoration du risque hémorragique, en particulier digestif.

À RETENIR

L’utilisation concomitante de deux AINS, y compris inhibiteurs sélectifs de cox-2, est déconseillée en raison d’une majoration du risque ulcérogène et digestif.

À RETENIR

La suspicion d’interaction entre AINS et DIU au cuivre est aujourd’hui démentie. Les AINS peuvent d’ailleurs être prescrits pour améliorer les ménorragies et dysménorrhées liées au DIU.

ATTENTION

Les AINS exposent au risque de décompensation d’une insuffisance cardiaque liée à une altération de la fonction rénale et à une rétention hydrosodée.

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