LA QUESTION DU FINANCEMENT - Le Moniteur des Pharmacies n° 3056 du 22/11/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3056 du 22/11/2014
 
MÉDICAMENTS INNOVANTS

L’événement

Auteur(s) : Loan Tranthimy

Dans les prochaines années, des traitements innovants et coûteux vont arriver sur le marché. Tout comme les autres pays européens, la France devra relever le défi : réussir à financer ces innovations thérapeutiques sans mettre en péril la Sécurité sociale.

L’alerte ne date pas d’hier. Dès juillet, la France a convaincu quatorze pays de l’Union européenne de réfléchir ensemble sur le problème de coût d’un médicament qui fait exploser les dépenses de santé. En ligne de mire du gouvernement français : Sovaldi (sofosbuvir), commercialisé par le laboratoire américain Gilead contre l’hépatite C. Ce traitement innovant, efficace (90 % de guérisons en traitement combiné contre 50 % pour les traitements précédents), est facturé 56 000 euros la cure de trois mois dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU). Même si le prix final de ce médicament est en cours de négociation avec le Comité économique des produits de santé (CEPS), l’assurance maladie a déjà déboursé depuis le début de l’année 600 millions d’euros.

Pour le moment, seuls les patients aux stades sévères de la maladie, ayant développé une cirrhose (stade F4) ou atteint le stade de fibrose hépatique sévère (stade F3) sont traités, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé. Mais même en ne soignant que 10 000 à 15 000 patients en 2014 sur 200 000 patients potentiels, la Sécurité sociale devra débourser près de 1 milliard d’euros, soit plus de 4 % du budget médicaments en France. Une facture bien trop salée pour elle, contrainte de limiter ses dépenses de santé. Interrogée par les sénateurs lors du vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2015, Marisol Touraine, ministre de la Santé, a été claire : « Tous les patients ayant besoin d’accéder à une innovation thérapeutique doivent pouvoir en bénéficier. Toutefois, dès lors que l’on fixe cette règle, on doit naturellement se donner les moyens de mener une politique soutenable sur le plan financier. » Jusqu’à présent, le financement de l’innovation se fait grâce aux économies via les baisses de prix et le développement des génériques. Cette stratégie de diminution des prix des médicaments, de nouveau reconduite par le gouvernement dans le PLFSS 2015, semble difficile à maintenir sur le long terme alors que ces prix sont déjà inférieurs de 30 % à ceux pratiqués en Allemagne. Par ailleurs, « l’effet modérateur de la mise sur le marché des génériques va s’atténuer », prévient l’Assurance maladie dans ses propositions pour 2015. Alors que faire ?

Une contribution spécifique demandée aux laboratoires

Face aux inquiétudes, le gouvernement dégaine un nouveau mécanisme introduit dans l’article 3 du PLFSS pour encadrer les dépenses liées au traitement de l’hépatite C. Ainsi rétroactivement pour 2014, lorsque le coût de l’ensemble des dépenses des traitements dépasse 450 millions d’euros, les laboratoires devront reverser à la Sécurité sociale une partie du chiffre d’affaires qu’ils auront réalisé au-delà de ce plafond. En 2015, cette contribution sera prélevée à partir de 700 millions d’euros. En cours d’adoption par le Parlement, ce système de régulation des dépenses présente des effets « incertains » pour les associations de patients. Christian Saout, du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), le qualifie de « gesticulation ». Pour l’ex-président du collectif, l’objectif est de « faire pression » sur les laboratoires pour les inciter à baisser leurs prétentions dans le cadre des négociations sur les prix des médicaments. Mais ce système ne règle pas la question de la restriction de l’accès aux soins car le prix affiché sera toujours très élevé. Lors d’un colloque organisé au ministère de la Santé le 4 novembre, les associations de patients ont réclamé la mise en place d’un autre mécanisme : la « licence d’office ». Cette arme consiste à autoriser un tiers à fabriquer le produit breveté sans le consentement du titulaire du brevet. Mais le gouvernement ne semble pas pour le moment prendre cette voie. Marisol Touraine a en effet écarté un amendement déposé dans ce sens lors de la discussion du PLFSS au Sénat.

Maîtriser les prescriptions des médecins

Pour financer l’innovation, le gouvernement mise aussi sur un autre levier : agir sur les volumes des médicaments. Il s’agirait alors d’intervenir sur les prescriptions, les médecins français étant réputés prescrire en plus grande proportion des médicaments plus récents et plus chers. Concernant l’hépatite C, un arrêté paru au Journal officiel le 30 octobre prévoit que l’initiation du traitement est désormais subordonnée à la tenue, dans les pôles de référence hépatites, d’une réunion de concertation pluridisciplinaire. Cette mesure est aussitôt dénoncée par le Syndicat national des médecins spécialistes de l’appareil digestif. « Le message est clair. On ne fait pas confiance aux médecins. Cette obligation technocratique est coupée de la réalité et subordonnée non pas à la qualité mais au problème du coût du traitement, coût qui a été défini par le ministère de la Santé », déplore Thierry Helbert, président du syndicat.

Mais l’optimisation des prescriptions devra dépasser largement le cadre de l’hépatite C. Dans ses propositions pour 2015, l’Assurance maladie suggère de nouvelles pistes en ville comme à l’hôpital (analyses des prescriptions contenant des associations contre-indiquées, contrôle des médecins ayant un fort taux de mentions « non substituable », mise sous accord préalable de la rosuvastatine…).

Une réforme structurelle du financement

Ces mesures de régulation restent insuffisantes aux yeux des acteurs de santé qui réclament une réforme plus globale du système de financement. Le CISS demande la modification du processus de fixation de prix jugé « opaque ». Quant à Jean-Yves Fagon, vice-président du CEPS, il s’est plutôt positionné en faveur d’une révision du mode de financement des thérapeutiques médicamenteuses. « Je reste dubitatif sur le fait que l’on fixe le prix de boîtes de médicaments. Il va falloir qu’on pose sur la table le sujet de ce qu’on paie. Un parcours de santé ? Une stratégie thérapeutique ? Un médicament ? », questionne-t-il lors du colloque au ministère de la Santé.

De son côté, Eric Basilhac, directeur des affaires économiques et internationales du Leem, estime que l’arrivée des traitements innovants doit inciter l’Etat à réformer entièrement le système de financement. « En restant sur un projet de loi de financement annuel, on est toujours sur l’expédient budgétaire, c’est-à-dire les baisses de prix », dit-il. Des propositions sur le « juste » prix des médicaments seront élaborées dans le cadre de l’accord-cadre triennal par le Leem. En attendant, le représentant de l’organisation des industriels souligne que « pour financer les innovations de manière durable, il faut parvenir à mesurer l’impact des futurs traitements en termes de coût (prix et volume) mais aussi en termes d’organisation des soins, de gains de productivité et d’économies engendrées par ces nouveaux médicaments ». Cette piste sera-t-elle suivie par les pouvoirs publics ?

Lire aussi l’article sur l’hépatite C « Des progrès fulgurants » en page 18.

PLFSS 2015 : le vote définitif le 1er décembre

Réunis en commission mixte paritaire le 18 novembre, les six députés et les six sénateurs ne sont pas parvenus à un div commun. Il faut dire que les sénateurs ont largement remanié le div adopté par les députés. Belle bagarre en perspective lors du vote définitif, notamment sur la possibilité ou non de la substitution des médicaments inhalés.

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