La plate-forme et le fond - Le Moniteur des Pharmacies n° 3056 du 22/11/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3056 du 22/11/2014
 
VENTE EN LIGNE DE MÉDICAMENTS
DOCTIPHARMA

Entreprise

Auteur(s) : Stéphanie Bérard

Au début du mois, le site DoctiPharma s’est lancé dans la vente en ligne de médicaments. Mais l’activité de cette société, qui se présente comme un hébergeur, est-elle respectueuse de la réglementation ? Analyse.

L’annonce de l’ouverture de la vente en ligne de médicaments sur le site DoctiPharma, début novembre, a fait l’effet d’une bombe. Le site se présente comme une plate-forme permettant à chaque officine d’héberger son site de vente de médicaments. « Nous sommes simplement un prestataire technique de pharmacies physiques qui souhaitent se lancer dans l’e-commerce de médicaments, dans le strict respect de la réglementation. Les pharmacies que nous hébergeons ont leurs propres conditions générales de vente et nom de domaine », explique Stéphanie Barré, directrice générale de DoctiPharma.

Moyennant un abonnement mensuel de 99 euros et le reversement à DoctiPharma d’un pourcentage de 12 % des ventes réalisées sur le site, la solution peut être tentante pour un pharmacien qui veut se lancer dans la vente de médicaments en ligne. Une opportunité saisie par la Pharmacie Saint-Barthélemy, située à Marseille, qui est, pour le moment, la seule à vendre des médicaments sur le portail DoctiPharma. « Je suis passé par cette plate-forme après avoir essuyé deux refus de la part de l’ARS. Je voulais créer mon propre site de vente en ligne de médicaments, mais je ne disposais pas d’un serveur agréé pour les données de santé », raconte Léon Blanchet, le titulaire. Et pour cause : pour acquérir ce type de serveur, il « fallait investir au minimum 500?euros, alors que DoctiPharma dispose déjà de cet équipement ». Quand il a eu connaissance de la possibilité de vendre des médicaments en ligne via cette plate-forme, il n’a donc pas hésité une seconde. Et a obtenu, deux mois après, le fameux sésame de l’ARS. Depuis début novembre, la Pharmacie Saint-Barthélemy héberge donc son site Internet chez DoctiPharma. Le prestataire effectue les mises en ligne et actualise les données des médicaments vendus en ligne, le pharmacien se contentant d’expédier aux patients les médicaments vendus. La transaction est effectuée par DoctiPharma, qui reverse le montant des transactions une à deux fois par mois au pharmacien.

Sur le même modèle, la plateforme 1001pharmacies.com, qui a été sanctionné par la justice, justifiait juridiquement sa position par un contrat de mandat entre le client internaute et le site. La plate-forme se borne-t-elle simplement, quant à elle, à être une assistance technique comme elle le revendique ? Matthieu Blaesi, avocat au cabinet SCP Sapone-Blaesi, rappelle qu’un « site Internet qui vend des médicaments en ligne doit être considéré comme une extension d’une pharmacie physique ». L’avocat pointe du doigt quatre problématiques :

Le pharmacien est-il vraiment propriétaire de son site ?

L’architecture du site est la même et l’internaute n’a pas vraiment l’impression d’aller d’un site à un autre, mais d’être sur un seul et même site avec un catalogue unique de produits. « C’est confusant et risque de faire problème eu égard à l’exigence revendiquée par l’Ordre des pharmaciens d’être propriétaire de son site. » D’autant que, sur le nom de domaine, figure toujours le nom de DoctiPharma. Dans le tunnel d’achats et lors de la transaction, seul le nom de DoctiPharma apparaît.

L’indépendance du pharmacien n’est-elle pas compromise ?

La vente de médicaments par l’intermédiaire d’un commissionnement est interdite en vertu de l’article L. 5125-26 du Code de la santé publique. Donc, le principe d’un pourcentage versé à DoctiPharma sur les ventes effectuées par le pharmacien pourrait être contestable et mettre à mal l’article R. 4235-3 du Code de la santé publique selon lequel « le pharmacien doit veiller à préserver la liberté de son jugement professionnel dans l’exercice de ses fonctions ».

Un exercice illégal de la profession ?

Dans la mesure où « la transaction s’effectue entre l’internaute et DoctiPharma, on pourrait considérer que l’acte de vente s’effectue avec cette plate-forme et non avec le pharmacien. Cela pourrait être considéré comme de l’exercice illégal de la profession, avec la complicité du pharmacien ».

Il y a lieu également de s’interroger sur les autorisations délivrées par les ARS. « Pour le moment, il n’existe pas de contrôle a posteriori », précise Matthieu Blaesi. Pour Patrick Nesme, pharmacien concepteur du site IllicoPharma, « l’autorisation de l’ARS devrait être limitée dans la durée, de quatre à cinq ans par exemple. Et, pour éviter les disparités, il faudrait un cabinet certificateur désigné au plan national ». En tout état de cause, il existe, pour le moment, un vide juridique en l’absence de toute jurisprudence en la matière. L’Ordre des pharmaciens refuse pour le moment de s’exprimer sur le sujet.

Est-ce de la publicité mensongère ?

Sur le site DoctiPharma, l’internaute a la possibilité de se faire livrer ses médicaments ou d’aller les chercher au comptoir. « Dans la mesure où il n’y a qu’une seule pharmacie, installée à Marseille, autorisée à vendre des médicaments sur le site, un internaute qui n’habiterait pas à Marseille aurait des difficultés à aller retirer ses produits au comptoir. Il n’aurait donc pas d’autre choix que de choisir la livraison à domicile, payante », conclut Matthieu Blaesi.

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