Selincro - Le Moniteur des Pharmacies n° 3049 du 04/10/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3049 du 04/10/2014
 

Nouveaux produits

PRESCRIPTION

Auteur(s) : Anne-Laure Pépin

Apparenté à la naltrexone, le nalméfène (Selincro) est un antagoniste des récepteurs aux opioïdes prescrit dans la prise en charge de l’alcoolodépendance, en association à un suivi psychosocial continu. Nouvelle option thérapeutique, ce traitement « à la demande » vise à diminuer la consommation d’alcool sans forcément viser l’abstinence immédiate.

Indication

- Selincro est indiqué pour réduire la consommation d’alcool chez les patients adultes présentant une dépendance à l’alcool avec une consommation à risque élevé (6 verres standard pour les hommes et 4 verres standard pour les femmes), sans syndrome physique de sevrage, et qui ne nécessitent pas de sevrage immédiat. Ce traitement doit être associé à un suivi psychosocial continu basé sur l’observance thérapeutique et la réduction de la consommation d’alcool.

- Selincro n’est pas destiné aux patients dont l’objectif thérapeutique est une abstinence immédiate, la réduction de la consommation d’alcool étant un objectif intermédiaire vers l’abstinence.

Mode d’action

Le nalméfène est un modulateur du système opioïde. In vitro, ce ligand sélectif des récepteurs opioïdes présente une activité antagoniste des récepteurs mu et delta, et agoniste partielle des récepteurs kappa. In vivo la consommation d’alcool serait réduite par modulation des fonctions corticomésolimbiques.

Posologie

- Le traitement doit être initié uniquement chez les patients pour lesquels une consommation d’alcool à risque élevé persiste deux semaines après l’évaluation initiale par le prescripteur.

- La dose maximale est de un comprimé de nalméfène par jour, pendant ou en dehors des repas. Selincro doit être pris dès que le patient en ressent le besoin, de préférence 1 à 2 heures avant le moment où une consommation d’alcool est anticipée. Si le patient a commencé à boire de l’alcool avant la prise de Selincro, il devra prendre un comprimé dès que possible. La prise simultanée d’alcool et de Selincro n’empêche pas les conséquences d’une intoxication aiguë à l’alcool.

Contre-indications

Le nalméfène est contre-indiqué en cas d’hypersensibilité à l’un des composants (présence de lactose), de traitement concomitant d’analgésiques opioïdes, d’antécédents récents de dépendance aux opioïdes, de syndrome de sevrage aigu à l’alcool ou aux opioïdes, et de consommation récente d’opioïdes. Selincro ne doit pas être administré en cas d’insuffisance hépatique ou rénale sévère.

Grossesse et allaitement

- L’utilisation du nalméfène n’est pas recommandée chez la femme enceinte.

- En ce qui concerne l’allaitement, il est nécessaire d’évaluer le bénéfice de l’allaitement pour l’enfant et du traitement par nalméfène pour la mère afin de décider s’il est préférable d’arrêter l’allaitement, de suspendre ou de ne pas instaurer le traitement.

Effets indésirables

Les effets secondaires les plus fréquemment rapportés sont des nausées, sensations vertigineuses, insomnies et céphalées, survenant souvent à l’initiation du traitement et de courte durée. Des états confusionnels et plus rarement des hallucinations ont également pu être observés.

Interactions médicamenteuses

- L’association, sur le long terme, à des médicaments puissants inhibiteurs du cytochrome UGT2B7 (diclofénac, fluconazole, acétate de médroxyprogestérone, acide méclofénamique…) peut significativement augmenter l’exposition au nalméfène.

- L’administration concomitante d’un inducteur de l’UGT (dexaméthasone, phénobarbital, rifampicine, oméprazole…) peut diminuer la concentration plasmatique de nalméfène.

- L’efficacité des agonistes opioïdes (certains médicaments contre la toux et le rhume, certains antidiarrhéiques, analgésiques opioïdes) peut être minorée par la prise de nalméfène.

- Les comprimés ne doivent pas être divisés ou écrasés car le nalméfène peut provoquer une réaction cutanée lorsqu’il se trouve en contact direct avec la peau.

- Ce traitement doit être signalé aux professionnels de santé en cas de nécessité d’utilisation d’opioïdes (lors de la programmation d’une intervention chirurgicale, de consultation pour un rhume ou une toux par exemple).

L’ALCOOLODÉPENDANCE

Qu’est-ce que l’alcoolodépendance ?

L’alcoolodépendance est une pathologie chronique et récidivante qui s’installe progressivement. On distingue la dépendance physique, ou pharmacologique, qui se caractérise par l’apparition d’un syndrome de manqu e en cas de sevrage brutal, et la dépendance psychologique, ou comportementale, qui se traduit par un désir compulsif à boire de l’alcool. Le syndrome de manque met le plus souvent en évidence des troubles psychiques (anxiété, confusion, irritabilité, troubles du sommeil…), neurovégétatifs (sueurs, tremblements, crampes, hypertension artérielle…) et digestifs (nausées et vomissements).

Quelles sont les complications de l’alcoolodépendance ?

Les troubles relationnels, sociaux et professionnels sont fréquents. L’alcool entraîne également des complications à court terme, avec notamment des accidents de la route, et des complications à long terme avec des atteintes au niveau hépatique (cirrhose, stéatose), pancréatique (pancréatite), cardiovasculaire (hypertension artérielle, troubles du rythme cardiaque, accident vasculaire cérébral), neurologique (encéphalopathie alcoolique, neuropathies périphériques…). Une consommation excessive d’alcool est également un facteur de risque de développement de cancers des voies aérodigestives supérieures, du foie, du sein ou colorectal. Le syndrome d’alcoolisation fœtale, qui concerne 0,5 à 3 cas pour 1 000 naissances en France, se caractérise par une malformation du crâne et du visage, un retard de croissance et des troubles comportementaux et cognitifs.

Qui est concerné ?

On considère que le nombre de personnes alcoolodépendantes est d’environ 1,5 million en France, avec quelque trois hommes pour une femme. Un certain nombre de facteurs de risque de dépendance ont été identifiés : personnalité, exposition à l’alcool pendant l’adolescence, environnement et facteurs génétiques.

Delphine Guilloux

FICHE TECHNIQUE

Nalméfène 18 mg pour un comprimé pelliculé blanc, ovale et biconvexe.

 →Boîte de 14 comprimés, liste I, 50,67 €, remb. SS à 30 %, AMM: 34009 274 434 8 0.

Lündbeck : 01 79 41 29 00

L’AVIS DE LA HAS

- Service médical rendu modéré.

- Amélioration du service médical rendu mineure (ASMR IV) par rapport à une prise en charge psychosociale seule.

- Population cible estimée à 280 000 patients.

L’AVIS DU PHARMACOLOGUE Denis Richard, hôpital Laborit (Poitiers)

Nalméfène : nouveau paradigme pour la prise en charge de l’alcoolodépendance

L’évaluation de l’efficacité et de la tolérance du nalméfène (Selincro) repose sur trois essais de phase III multicentriques, contrôlés, randomisés, en double aveugle nalméfène vs placebo (+ suivi psychosocial) réalisés chez des patients alcoolodépendants suivis en ambulatoire, sans désintoxication préalable :

- deux essais à court terme (6 mois) : ESENSE* 1 (604patients) et ESENSE 2 (718 patients) ;

- un essai à long terme (1 an) : SENSE** (675 patients).

Ces essais valident l’efficacité du nalméfène (18 mg/j) sur la réduction du nombre de jours de forte consommation par mois et la consommation totale d’alcool exprimée en g/jour.

L’analyse dans les sous-groupes de patients chez lesquels le risque de consommation d’alcool restait élevé ou très élevé (homme : > 60 g/j ; femme : > 40 g/j) entre la visite de sélection et la visite de randomisation montre un bénéfice significativement plus important en faveur du nalméfène dans les deux critères principaux de jugement :

- s’agissant du nombre de jours de forte consommation par mois, la différence nalméfène vs placebo est de - 3,7 dans ESENSE 1, de - 2,7 dans ESENSE 2 et de - 3,6 dans l’étude sur un an,

- s’agissant de la consommation totale d’alcool, la différence est respectivement de - 18,3, - 10,3 et - 17,3 pour les études ESENSE 1, ESENSE 2 et SENSE.

Selincro ouvre un paradigme nouveau dans la prise en charge du patient alcoolodépendant à risque élevé : celui d’un traitement permettant, en réduisant la consommation, de réduire parallèlement les dommages somatiques, psychiques et sociaux associés à la consommation d’alcool, tout en étant moins coercitif que ne le serait une abstinence totale.

* ESENSE : Efficacy and Safety of Nalmefene Studies in Europe.

** SENSE : Safety and Efficacy of Nalmefene Study in Europe.

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