LES CONJONCTIVITES INFECTIEUSES - Le Moniteur des Pharmacies n° 3048 du 27/09/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3048 du 27/09/2014
 

Cahiers Formation du Moniteur

ORDONNANCE

ANALYSE D’ORDONNANCE

Une conjonctivite chez une adolescente porteuse de lentilles

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

Mélanie L., une adolescente de 15 ans.

Par quel médecin ?

L’ophtalmologiste qui suit Mélanie.

L’ordonnance est-elle conforme à la législation ?

Oui.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous de la patiente ?

Mélanie L. porte des lentilles souples depuis un peu moins d’un an.

Quel était le motif de consultation ?

La mère de Mélanie était venue demander conseil à la pharmacie hier matin car sa fille s’était réveillée avec les cils de l’œil droit collés. A l’interrogatoire, le pharmacien avait mis en évidence des signes de gravité : des sécrétions purulentes importantes ainsi qu’un œdème palpébral justifiant une consultation ophtalmique. Il avait téléphoné lui-même à l’ophtalmologiste de la jeune fille pour obtenir un rendez-vous rapidement, car Mélanie, porteuse de lentilles, est une patiente à risque d’infections sévères. Dans l’attente du rendez-vous obtenu pour le lendemain, le pharmacien avait conseillé le retrait des lentilles et des lavages oculaires avec des dosettes d’acide borique.

Vérification de l’historique patient

Il n’y a pas d’antécédents médicamenteux récents, hormis la délivrance de Jasminelle (éthinylestradiol/drospirénone) depuis 3 mois.

LA PRESCRIPTION EST-ELLE COHÉRENTE ?

Que comporte la prescription ?

• Dacudoses est une solution pour lavage ophtalmique à base d’acide borique et de borate de sodium présentée en dosettes.

• Le collyre à base de tobramycine est un aminoside local qui exerce un effet bactéricide en interférant sur la synthèse des protéines des cellules bactériennes.

Est-elle conforme aux référentiels ?

• Oui, en présence de signes de gravité (comme des sécrétions importantes, un œdème palpébral) et/ou s’il existe des facteurs de risque (comme le port de lentilles), les conjonctivites bactériennes doivent être traitées par un antibiotique local.

• Les aminosides font partie des antibiotiques locaux indiqués en première intention dans le traitement des affections superficielles de l’œil.

• Le plus souvent, l’antibiothérapie est probabiliste. Les prélèvements sont envisagés en cas d’échec au traitement ou de terrains particuliers comme l’immunodéprimé ou le nouveau-né.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Non.

Y a-t-il des contre-indications pour cette patiente ?

Non.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

• Oui, la posologie de tobramycine en collyre peut aller jusqu’à 1 goutte dans l’œil toutes les heures jusqu’à amélioration dans les infections les plus sévères. La durée du traitement peut varier de 5 à 15 jours.

• Les lavages oculaires avec les solutions au borate de sodium et à l’acide borique se pratiquent une à quatre fois par jour.

Y a-t-il des interactions ?

Non, mais un délai de 15 minutes est nécessaire entre le lavage oculaire et l’instillation du collyre, pour éviter une dilution de ce dernier.

La prescription pose-t-elle un problème particulier ?

Non.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

Non.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Utilisation des médicaments

• Dacudoses : après un lavage soigneux des mains, la solution oculaire est administrée de façon directe par jet, en retournant la dosette et en appuyant légèrement sur celle-ci. Il faut veiller à ne pas mettre en contact le flacon avec la surface de l’œil. L’excédent est essuyé avec une compresse stérile en non-tissé plutôt que du coton hydrophile qui peut laisser des fibres au niveau de l’œil. Une dosette ouverte doit être jetée après utilisation.

Après le lavage oculaire, attendre 15 minutes avant l’instillation du collyre.

• Tobramycine en collyre : après avoir tiré la paupière inférieure vers le bas (éventuellement à l’aide d’une compresse), le collyre est instillé dans le cul-de-sac conjonctival inférieur, sans toucher l’œil ni les cils, en regardant vers le haut. Fermer ensuite doucement l’œil pour répartir le collyre sur la surface du globe oculaire.

Le collyre doit être instillé uniquement dans l’œil droit et non dans l’œil sain afin de limiter toute contamination avec l’embout du collyre potentiellement souillé par les instillations dans l’œil atteint. (Réponse 2). Si toutefois l’œil gauche venait à s’infecter, le collyre à la tobramycine pourrait être utilisé à la même posologie que dans l’œil droit.

Quand commencer le traitement ?

Dès que possible.

Que faire en cas d’oubli ?

Insister sur la nécessité d’observer scrupuleusement le traitement afin de limiter le risque de résistance bactérienne. Toutefois, en cas d’oubli, le collyre sera instillé dès que possible après un lavage oculaire.

La patiente pourra-t-elle juger de l’efficacité du traitement ?

Oui, par la régression des symptômes en quelques jours. En cas de non-amélioration en dépit de la bonne observance du traitement, Mélanie devra reconsulter son ophtalmologiste en vue d’un prélèvement et d’une modification de l’antibiothérapie

Quels sont les principaux effets indésirables ?

• Tobramycine en collyre : démangeaisons, irritation et gonflement des paupières, érythème de la conjonctive. En raison de la présence de chlorure de benzalkonium, risque d’eczéma de contact et d’irritation.

• Dacudoses : gêne visuelle passagère après l’instillation et, plus rarement, irritation oculaire.

Quels sont ceux gérables à l’officine ?

• En cas d’irritation, rincer l’œil au sérum physiologique.

• En cas d’hypersensibilité (démangeaisons, irritation et gonflement des paupières, érythème de la conjonctive), le traitement doit être arrêté.

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

• En cas d’absence d’amélioration sous trois jours, il faudrait suspecter une éventuelle résistance à l’antibiothérapie et solliciter l’avis de l’ophtalmologiste.

• En cas d’apparition de photophobie, de baisse de la vision ou de douleur oculaire intense qui pourraient faire suspecter une kératite.

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

Mélanie, qui n’aime pas porter ses lunettes correctrices, demande au pharmacien si elle peut remettre ses lentilles puisqu’elle est désormais traitée par antibiotique.

• Le port de lentilles doit être interrompu jusqu’à guérison, non seulement en raison d’un risque d’une microabrasion de l’épithélium cornéen avec évolution possible vers un abcès de la cornée, mais aussi d’adsorption des ammoniums quaternaires contenus dans les solutions ophtalmiques (comme le chlorure de benzalkonium dans le collyre à la tobramycine) sur les lentilles souples (réponses 2 et 3). Les lentilles jetables doivent être jetées et les lentilles dures, désinfectées.

• De même, Mélanie doit éviter de se maquiller les yeux pendant le traitement et jeter ses cosmétiques oculaires utilisés juste avant la conjonctivite car ils ont pu être contaminés.

• Le pharmacien prodigue à Mélanie et à sa mère quelques règles d’hygiène pour éviter la transmission de la conjonctivite : se laver soigneusement les mains avant et après chaque soin, utiliser des mouchoirs jetables, ne pas se frotter les yeux (risque aussi d’aggraver l’inflammation), ne pas prêter le collyre à une tierce personne, ne pas partager son linge de toilette, le changer quotidiennement ainsi que les taies d’oreiller.

• Enfin, le pharmacien rappelle à la jeune fille que des lentilles mal entretenues peuvent être à l’origine d’infections ou d’irritation et lui réitère certains conseils :

- remplir chaque jour le boîtier d’une nouvelle dose de produit d’entretien, le changer tous les trois mois, respecter la date de péremption des produits d’entretien et le délai de conservation après ouverture ;

- bien se laver les mains et les sécher soigneusement avant de manipuler les lentilles, ne jamais les nettoyer à l’eau du robinet, bien respecter la durée de port et d’utilisation (propre à chaque type de lentilles) ;

- ne pas porter ses lentilles sous la douche, ni pour se baigner à la piscine ou en eau douce (risque de contamination amibienne) ;

- se maquiller après la pose des lentilles (en évitant le maquillage du bord interne des paupières) et se démaquiller après leur retrait ;

- ne pas essayer les lentilles cosmétiques d’une amie.

PATHOLOGIE

Les conjonctivites infectieuses en 5 questions

Très contagieuses, les conjonctivites infectieuses sont des inflammations de la muqueuse qui tapisse l’intérieur des paupières et la face antérieure du globe oculaire. Elles sont principalement d’origine bactérienne ou virale.

1 QUELS SONT LES SIGNES CLINIQUES ?

• Une conjonctivite infectieuse se manifeste par une rougeur diffuse de la conjonctive, le plus souvent initialement unilatérale puis bilatérale, du fait de la contagiosité. La douleur ne doit pas faire partie du tableau clinique, une gêne étant toutefois possible. En dehors d’un voile visuel provoqué par les sécrétions, l’acuité visuelle est conservée.

• La conjonctivite virale se caractérise par une rougeur et un larmoiement importants avec un écoulement séreux, un chémosis, parfois accompagné d’un œdème palpébral. La conjonctivite virale peut s’accompagner de signes généraux liés au virus en cause.

• La conjonctivite bactérienne se distingue de la conjonctivite virale par la nature des sécrétions, qui sont purulentes. L’accumulation du pus entraîne une agglutination des cils avec des paupières collées au réveil.

2 QUELS SONT LES PRINCIPAUX GERMES EN CAUSE ?

• Les adénovirus sont les virus les plus fréquemment impliqués. Cependant, de nombreux autres virus peuvent être responsables de conjonctivites : Herpesvirus simplex de type 1, virus varicelle-zona, virus d’Epstein-Barr, Herpesvirus humain, poxvirus (Molluscum contagiosum), entérovirus, papillomavirus, paramyxovirus (maladie de Newcastle), virus de la rougeole, des oreillons, de la grippe, de la fièvre jaune, de la dengue, de la rubéole, du VIH.

• Les bactéries le plus fréquemment responsables de conjonctivites chez l’adulte sont celles à Gram positif (staphylocoque doré, streptocoque bêtahémolytique et pneumocoque). Mais les porteurs de lentilles sont surtout contaminés par les bactéries à Gram négatif (entérobactéries, pseudomonas et Hæmophilus).

Chez l’enfant, les bactéries le plus souvent incriminées sont Hæmophilus influenzæ et Streptococcus pneumoniæ. Chez le nouveau-né, les infections à staphylocoques sont le plus fréquentes, une récidive devant faire rechercher une imperforation du canal lacrymal. Une contamination néonatale par Chlamydia trachomatis ou Neisseria gonorrhœæ est possible, pouvant exposer à des complications oculaires sévères.

• Les conjonctivites parasitaires et mycosiques sont exceptionnelles en France.

3 AVEC QUELLES PATHOLOGIES NE PAS CONFONDRE ?

• Une conjonctivite allergique : la rougeur conjonctivale est d’emblée bilatérale et associée à un prurit important ainsi qu’à un œdème palpébral. Une conjonctivite allergique présente un caractère saisonnier et est souvent associée à d’autres manifestations comme des éternuements, de l’asthme, de l’urticaire, de l’eczéma.

• Une conjonctivite irritative : la rougeur conjonctivale peut être uni- ou bilatérale et est généralement associée à des picotements et une fatigue oculaire.

• Une hémorragie sous-conjonctivale isolée : la rougeur conjonctivale est dans ce cas localisée. Une hémorragie sous-conjonctivale peut toutefois être associée aux conjonctivites virales dues aux entérovirus, mais d’autres signes confortent alors le diagnostic de conjonctivite virale.

• Une kératite, qui est une inflammation de la cornée se manifestant par une rougeur avec présence d’un cercle périkératique, une douleur intense et une baisse de l’acuité visuelle.

• Une uvéite antérieure, qui désigne une inflammation de l’iris et des corps ciliaires. Elle se caractérise par une rougeur oculaire avec cercle périkératique, une douleur, une photophobie et une baisse de l’acuité visuelle.

• Une crise de glaucome par fermeture de l’angle, qui survient brutalement et se manifeste par une rougeur avec présence d’un cercle périkératique, une douleur insupportable, une baisse de l’acuité visuelle, des céphalées et parfois des vomissements. La pression oculaire est élevée et le globe oculaire dur à la palpation.

• La sclérite ou l’épisclérite doivent être suspectées en cas de douleur importante localisée sans baisse de l’acuité visuelle.

4 COMMENT EST PORTÉ LE DIAGNOSTIC ?

• La plupart du temps, le diagnostic est posé par le généraliste ou le pédiatre. La consultation d’un ophtalmologiste est nécessaire dans certaines situations (récidive chez les nouveau-nés, port de lentilles). En revanche, une consultation ophtalmologique s’impose en urgence devant certains signes cliniques : présence d’un cercle périkératique, douleur, photophobie, baisse de l’acuité visuelle. De même une ulcération prenant la fluorescéine (pouvant faire suspecter une kératite ou la présence d’un corps étranger) ou une aréflexie pupillaire (évoquant une crise de glaucome) mises en évidence par un généraliste doit orienter vers un spécialiste.

• L’ophtalmologiste pose le diagnostic après observation via une lampe à fente qui met en évidence la rougeur conjonctivale (hyperhémie) diffuse, l’œdème conjonctival (chémosis) et l’absence de cercle périkératique.

• Le diagnostic de conjonctivite infectieuse est essentiellement clinique, la nature des lésions permettant d’affiner le diagnostic : papilles dans les conjonctivites bactériennes et allergiques, follicules dans les conjonctivites virales et à chlamydia, membranes et fausses membranes dans les conjonctivites à streptocoques, pneumocoque et diphtérie. D’autres éléments cliniques permettent également d’orienter vers le germe en cause : conjonctivite purulente associée à une kératite ponctuée superficielle (staphylocoque doré), conjonctivite au niveau des angles associée à des lésions cutanées (moraxella), conjonctivite chez l’enfant associée à une infection ORL (Hemophilus, streptocoque ou pneumocoque), présence d’un œdème conjonctival important (adénovirus ou conjonctivite allergique), d’hémorragie sous-conjonctivale (entérovirus ou Hæmophilus ægyptus)…

• Un prélèvement conjonctival avec examen direct, mise en culture et antibiogramme éventuel n’est recommandé dans les conjonctivites bactériennes qu’en cas d’échec thérapeutique ou de facteur de risque comme l’immunodéprimé ou le nouveau-né.

• Un examen virologique est rarement réalisé (suspicion d’infection à adénovirus avec signes atypiques afin d’éliminer une infection herpétique ou à chlamydia, conjonctivite herpétique pour confirmer le diagnostic et déterminer la souche virale).

5 QUELLE EST L’ÉVOLUTION ?

• L’évolution d’une conjonctivite infectieuse est généralement positive, mais est plus ou moins rapide selon le germe en cause : une conjonctivite bactérienne guérit généralement en 5 à 8 jours, plus rapidement en cas de traitement antibiotique. Il faut compter 2 à 6 semaines pour une conjonctivite virale.

• La principale complication des conjonctivites infectieuses est la kératite, qui peut avoir des conséquences sur l’acuité visuelle.

• Le trachome, qui sévit par endémie dans les pays où les conditions d’hygiène sont mauvaises, est une pathologie due à la répétition d’infections à Chlamydia trachomatis.

THÉRAPEUTIQUE

Comment traiter les conjonctivites infectieuses ?

Reposant avant tout sur le lavage oculaire, le traitement des conjonctivites infectieuses fait néanmoins appel dans certains cas à des topiques curatifs spécifiques, à savoir des antiviraux pour les conjonctivites herpétiques et des antibiotiques réservés aux formes graves de conjonctivites bactériennes ou à des patients présentant certains facteurs de risque.

THÉRAPEUTIQUE

Traitement des conjonctivites virales

Conjonctivites à adénovirus

• La guérison est spontanée et ne requiert pas de traitement curatif particulier. Mais des mesures d’hygiène strictes (se laver régulièrement les mains, éviter les contacts rapprochés, ne pas se frotter les yeux, utiliser des mouchoirs en papier jetables pour essuyer les larmoiements, utiliser un linge de toilette personnel, ne pas porter de lentilles de contact jusqu’à guérison) doivent être prises pour limiter la contagion. Le lavage pluriquotidien des yeux avec du sérum physiologique est la base du traitement symptomatique. Leur lubrification à l’aide de larmes artificielles limite l’irritation, notamment en cas de sécheresse oculaire. Des antiseptiques locaux peuvent être utilisés en complément.

• En cas de formes très inflammatoires, l’utilisation d’AINS locaux est possible. En cas de formes sévères de kératoconjonctivites à adénovirus, évoluant depuis 3 semaines, la corticothérapie peut être envisagée en cas de baisse de l’acuité visuelle mais requiert l’avis d’un ophtalmologiste (risque de dissémination virale).

Conjonctivites herpétiques

• Les conjonctivites herpétiques sont traitées par topiques antiviraux à base d’aciclovir, de trifluridine ou de ganciclovir. Les corticoïdes sont contre-indiqués à la phase aiguë car ils favorisent la réplication virale et retardent la cicatrisation. Les cicatrisants ne sont par ailleurs pas recommandés (compétition avec les antiviraux).

• Chez l’immunodéprimé, un traitement systémique d’aciclovir par voie orale doit être mis en place dès l’apparition des premiers symptômes.

Autres conjonctivites virales

• L’évolution de la conjonctivite de la varicelle est spontanément favorable en 1 à 2 semaines (néanmoins des lésions séquellaires sont possibles).

• En cas de zona ophtalmique, le traitement précoce systémique par valaciclovir permet de limiter la durée et l’extension de la maladie ainsi que les éventuelles complications oculaires.

Traitement des conjonctivites bactériennes

Le traitement des conjonctivites bactériennes comprend avant tout un lavage au sérum physiologique associé à un antiseptique. Le recours aux antibiotiques ne doit pas être systématique en raison du risque d’émergence de résistance bactérienne. Aussi convient-il de distinguer les formes graves de conjonctivites bactériennes des formes non graves (voir tableau page 6).

Conjonctivites non graves et sans facteurs de risque

Les recommandations de l’ANSM (juillet 2004) préconisent, outre les mesures d’hygiène strictes, un lavage au sérum physiologique associé à un antiseptique. Un agent mouillant peut être utilisé à la demande.

Conjonctivites graves et/ou avec facteurs de risque

En présence de critère (s) de gravité et/ou de facteurs de risque de gravité, une consultation d’ophtalmologie est recommandée et un traitement antibiotique doit être prescrit. Ce traitement, probabiliste, est choisi en fonction du profil du patient.

• Chez l’adulte, il peut s’agir en première intention d’un macrolide (azithromycine), d’aminosides, de cyclines, d’acide fusidique ou de la rifamycine. En revanche, les fluoroquinolones et les associations d’antibiotiques sont réservées aux conjonctivites bactériennes sévères ou en deuxième intention.

• Chez l’enfant et le nourrisson, la rifamycine, la bacitracine ou l’azithromycine seront privilégiées, les bactéries les plus fréquentes étant les streptocoques et Hemophilus influenzæ. En cas de signes systémiques (otite, conjonctivite), une antibiothérapie orale sera envisagée (amoxicilline + acide clavulanique pendant 10 jours). Chez le nourrisson, une conjonctivite récidivante fera suspecter une imperforation des voies lacrymales. Dans ce cas, un traitement antibiotique local avec massage du sac lacrymal sera instauré. En cas de résistance, un sondage des voies lacrymales sera envisagé.

Cas particuliers

• En cas d’infection bactérienne très inflammatoire, il est éventuellement possible de recourir à un collyre ou une pommade ophtalmique associant antibiotiques et corticoïdes. Mais un examen ophtalmique préalable et une prescription par un ophtalmologiste sont nécessaires afin d’éviter un possible risque d’aggravation par les corticoïdes de certaines infections oculaires (risque d’infection herpétique).

• En cas d’infection par chlamydia, une conjonctivite à inclusion peut se développer. Chez l’adulte, en l’absence d’atteinte extraoculaire, cette pathologie requiert un traitement topique de 6 à 8 semaines par azithromycine collyre ou rifamycine (en deuxième intention). En cas d’atteinte extraoculaire (notamment génitale), un traitement systémique (par azithromycine ou cyclines) sera nécessaire.

• Chez le nouveau-né (< 1 mois), l’antibiothérapie est systématique en cas de conjonctivite bactérienne. Les principaux germes en cause sont Neisseria gonorrhœæ et Chlamydia trachomatis liés à des transmissions maternelles pendant l’accouchement ou Staphylococcus aureus et Streptococcus liés à des infections nosocomiales. Le traitement repose sur des antibiotiques locaux associés - dans le cas des conjonctivites à gonocoques ou à chlamydia - à une antibiothérapie générale. L’antibioprophylaxie conjonctivale néonatale vis-à-vis de Neisseria gonorrhœæ et de Chlamydia trachomatis n’est pas recommandée en systématique sauf en cas d’antécédents ou de facteurs de risque d’infections sexuellement transmissibles chez les parents. Un collyre à base de rifamycine devra alors être administré à la naissance du nouveau-né, à raison de une goutte dans chaque œil.

TRAITEMENTS

Les solutions de lavage oculaire

L’administration d’une solution de lavage oculaire (en flacon multidose ou dosette unidose) se fait par jet direct ou avec une œillère, soigneusement rincée après utilisation. Les solutions de lavage oculaire contiennent du chlorure de sodium, de l’acide borique ou de l’acide salicylique.

• Le sérum physiologique est une solution stérile de chlorure de sodium (NaCl) isotonique dilué à 0,9 %, de composition très proche des larmes.

Parfaitement toléré, il peut être utilisé quotidiennement chez le nourrisson, l’enfant et l’adulte.

• L’acide borique et l’acide salicylique permettent de soulager l’irritation liée à la conjonctivite. Isotoniques aux larmes et bien tolérés, ils ont une action décongestionnante et légèrement antiseptique.

Néanmoins, certaines réactions d’irritation oculaire peuvent s’observer.

Les collyres antiseptiques

Les principaux collyres antiseptiques utilisés dans les conjonctivites bactériennes, bénignes, sans facteurs de risque et éventuellement dans les conjonctivites à adénovirus, sont des ammoniums quaternaires ou des amidines.

• Les ammoniums quaternaires (céthexonium, cétylpyridinium…) ont un spectre large (sauf Pseudomonas).

• Les amidines (hexamidine, picloxydine…) possèdent des propriétés bactériostatiques ainsi que, parfois, bactéricides, antifongiques et antiamibiennes.

• La durée de traitement est idéalement de 6 à 7 jours et ne doit pas excéder 10 jours.

• Les effets indésirables possibles sont des réactions allergiques locales ou une irritation liées aux différents produits et la sélection de germes résistants en cas de traitement prolongé. De plus, les collyres à base d’ammoniums quaternaires sont incompatibles avec le port de lentilles de contact souples hydrophiles (risque d’altération des lentilles).

• Les collyres antiseptiques associés à un vasoconstricteur (Visiodose, Isodril…) ne sont pas recommandés en raison du risque de glaucome par fermeture de l’angle.

Les antiviraux locaux

Les antiherpétiques possèdent une action inhibitrice sélective de l’ADN-polymérase virale. Le traitement doit être instauré le plus tôt possible. L’amélioration des symptômes peut s’observer dès le premier jour.

• L’aciclovir est utilisé, en traitement des kératoconjonctivites herpétiques, sous forme de pommade ophtalmique 5 fois par jour à intervalle de 3 heures (dans le cul-de-sac sous-conjonctival en partant de la commissure interne de l’œil). Le traitement, poursuivi pendant 3 jours après la cicatrisation, dure de 5 à 10 jours.

• La trifluridine est employée sous forme de collyre dans les kératoconjonctivites herpétiques et instillée toutes les 2 heures pendant la poussée herpétique (jusqu’à réépithélialisation cornéenne complète) puis 5 fois par jour pendant 7 jours. Dans tous les cas, il est recommandé de ne pas dépasser 9 instillations par jour et 21 jours de traitement.

• Le ganciclovir, disponible en gel ophtalmique, est indiqué uniquement dans les kératites herpétiques aiguës superficielles à raison de une goutte 5 fois/jour jusqu’à guérison puis 3 fois/jour pendant 7 jours.

• Les effets indésirables des antiherpétiques sont de rares douleurs transitoires après l’application (sensations de brûlure et de picotements), ainsi qu’un risque de kératite ponctuée superficielle (petites ulcérations disséminées de la cornée). Des cas d’urticaire et d’œdème de Quincke ont également été rapportés avec la pommade ophtalmique d’aciclovir.

Les antibiotiques locaux

• Les collyres et les pommades ophtalmiques antibiotiques ont une action antibactérienne de surface du fait de la faible résorption intraoculaire par la cornée. Les antibiotiques locaux vont réduire la durée des symptômes et aussi la contagiosité, même si à 8 jours leur effet n’est pas significativement supérieur à celui d’un placebo. En pratique, ils sont souvent prescrits chez les nourrissons pour limiter la contagiosité dans les collectivités.

• Si les collyres sont plus aisés à administrer, leur élimination est rapide. L’intérêt des pommades ophtalmiques est de permettre un contact prolongé du principe actif avec les tissus oculaires (effet rémanent) et d’apporter une certaine protection mécanique (effet pansement). Elles peuvent toutefois troubler la vision. Ainsi, il est possible d’utiliser un collyre le jour éventuellement associé à une pommade la nuit. Par ailleurs, certaines études ont montré l’intérêt des pommades en pédiatrie (elles provoqueraient moins de clignements ou de larmoiements que les collyres, ce qui éviterait la dilution du produit).

• Si la monothérapie est préférable dans le traitement des conjonctivites bactériennes, des associations d’antibiotiques peuvent être réalisées pour accroître l’activité ou élargir le spectre dans les formes sévères de l’adulte, chez l’immunodéprimé ou en cas d’infection nosocomiale.

• L’utilisation d’antibiotiques locaux peut provoquer transitoirement des sensations de brûlures ou une hyperhémie conjonctivale. Des réactions allergiques locales sont également possibles.

• La sélection de souches bactériennes résistantes reste un des inconvénients principaux de leur utilisation. Elle est favorisée par des concentrations insuffisantes d’antibiotiques. Aussi est-il important d’insister auprès du patient sur la nécessité d’instillations répétées. Selon le collyre ou la pommade ophtalmique, les modalités d’utilisation varient de 2 à 8 applications par jour. La durée optimale du traitement est de 6 à 7 jours, sans dépasser une à deux semaines au maximum en fonction des topiques.

Antibiotiques de 1re intention

• La rifamycine est active sur les staphylocoques, les streptocoques, Hemophilus et les mycobactéries. Du fait de son spectre d’activité, elle sera privilégiée chez l’enfant de par son action sur les streptocoques et Hæmophilus influenzæ. Elle est bien tolérée mais colore irréversiblement les lentilles de contact souples en orange.

• La bacitracine, efficace sur les bactéries à Gram positif (dont Streptococcus pyogenes), est également davantage utilisée chez l’enfant.

• L’acide fusidique est uniquement efficace sur les cocci à Gram positif, surtout les staphylocoques.

• Les aminosides (néomycine, tobramycine) possèdent un large spectre et sont particulièrement actifs sur les cocci Gram positif (sauf les streptocoques) et les aérobies à Gram négatif. La néomycine est un aminoside particulièrement allergisant. Les topiques aminosides sont à éviter par prudence au cours de la grossesse du fait des effets indésirables oto- et néphrotoxiques décrits avec les formes systémiques.

• Les macrolides (azithromycine), efficaces sur les bactéries Gram positif, ont une bonne pénétration tissulaire et permettent ainsi un traitement plus court (3 jours).

• Les tétracyclines (chlortétracycline), efficaces en intracellulaire, ont un large spectre (sauf entérobactéries et quelques streptocoques). La chlortétracycline est à éviter chez l’enfant en dessous de 8 ans (risque de dyschromie dentaire). De même, son utilisation est à éviter chez la femme enceinte à partir du deuxième trimestre de la grossesse et chez la femme allaitante (risque d’anomalie du bourgeon dentaire ou de dyschromie).

Antibiotiques de 2e intention

• Les fluoroquinolones (ciprofloxacine, norfloxacine, ofloxacine), de par leur large spectre, doivent être réservées aux formes sévères de conjonctivites bactériennes. Bien tolérées, elles posent le problème de l’émergence de résistances.

• Les associations fixes d’antibiotiques (polymyxine B + néomycine) sont également réservées aux cas sévères ou aux traitements de 2e intention. La polymyxine B est efficace sur les bactéries à Gram négatif.

Association antibiotiques-corticoïdes

Les corticoïdes sont rarement indiqués dans les conjonctivites bactériennes. Les associations fixes d’antibiotiques et de corticoïdes locaux (Tobradex, Chibro-Cadron, Maxidrol, Frakidex, Ster-Dex…) sont réservées aux infections bactériennes avec composante inflammatoire marquée. Dans tous les cas, leur prescription relève d’un avis spécialisé afin d’éviter un possible risque d’aggravation de l’infection par le corticoïde.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Emilie, maman de Manon (7 mois)

« Un matin, j’ai retrouvé Manon, qui avait 2 mois, avec les yeux complètement collés par des sécrétions oculaires. J’ai les ai aussitôt nettoyés car j’ai eu peur qu’elle panique. Ensuite, je l’ai emmenée chez la pédiatre qui a diagnostiqué une conjonctivite bactérienne. Ce fut la première d’une longue série. En effet, dans les jours qui suivaient chaque arrêt des nombreux collyres antibiotiques que la pédiatre prescrivait à ma fille, l’infection récidivait. La pédiatre a supposé que les infections étaient liées à une imperforation du canal lacrymal et m’a conseillé de masser le creux de l’œil de ma fille. Finalement, quand Manon a eu 5 mois, la pédiatre nous a orientés vers un ophtalmologiste pour pratiquer un sondage du canal lacrymal. C’est un acte très impressionnant ! Deux sondages ont été nécessaires pour traiter définitivement cette imperforation. »

LA CONJONCTIVITE VUE PAR LES PATIENTS

• Une conjonctivite infectieuse se traduit le plus souvent par un épisode aigu isolé associé à une répercussion relativement modérée : œil rouge, démangeaisons, écoulement clair ou purulent, éventuellement à l’origine de paupières collées le matin.

• Un arrêt de travail peut être justifié en cas de kératite associée en raison d’une baisse d’acuité visuelle et d’une photophobie gênant, entre autres, la conduite.

En cas de conjonctivite virale (souvent à adénovirus), un arrêt de travail peut être recommandé, par exemple pour les professionnels en contact avec des enfants du fait du risque de contamination et d’épidémie.

À DIRE AUX PATIENTS

A propos de la pathologie

• Certaines conjonctivites d’allure infectieuse peuvent être prises en charge à l’officine : les conjonctivites à adénovirus et les conjonctivites bactériennes en l’absence de signes de gravité ou de facteurs de risque de gravité. Dans ces cas, le traitement associe lavages oculaires et collyre antiseptique (privilégier les unidoses). En l’absence d’amélioration sous quelques jours, une consultation médicale s’impose.

• En présence de sécrétions purulentes importantes, une consultation médicale est nécessaire en vue d’une prescription de collyre antibiotique.

• Une consultation chez un ophtalmologiste est nécessaire en cas de facteurs de risque (immunodépression, diabète mal équilibré, pathologie locale sous-jacente, greffe de cornée, chirurgie oculaire récente, corticothérapie locale, port de lentilles de contact…).

• Une consultation ophtalmologique s’impose en urgence en présence de certains signes de gravité (œdème palpébral, douleur, photophobie, baisse de l’acuité visuelle même modérée), une complication comme la kératite bactérienne, pouvant mettre en jeu le pronostic visuel, étant à craindre.

• Chez l’enfant, une conjonctivite bactérienne doit faire rechercher une otite (à Hæmophilus influenzæ), souvent peu fébrile et peu douloureuse.

• Chez le nourrisson, l’obstruction des voies lacrymales peut être à l’origine de conjonctivite à répétition par blocage de l’écoulement des sécrétions oculaires. Cette anomalie, fréquente, disparaît souvent spontanément avant l’âge de trois mois. Parfois, un sondage des voies lacrymales est nécessaire.

A propos du traitement

• Ne jamais utiliser de collyre à base de corticoïdes sans avis médical (risque d’aggravation des lésions de l’œil).

• Certaines règles sont à respecter lors de l’instillation du collyre : aménager un moment de calme, se laver soigneusement les mains, pratiquer le lavage oculaire avant l’instillation et retirer les sécrétions avec une compresse imbibée de solution de lavage, tirer la paupière inférieure vers le bas (éventuellement à l’aide d’une compresse), regarder vers le haut, instiller une goutte de collyre dans le cul-de-sac conjonctival sans toucher l’œil ni les cils, fermer l’œil doucement. Respecter un délai de 15 minutes entre deux collyres. Ne pas conserver le collyre après ouverture au-delà de la date figurant sur la notice. Jeter les unidoses après utilisation. Ne pas partager les collyres au sein d’une même famille.

• Pour éviter la résistance aux antibiotiques des bactéries, respecter le schéma thérapeutique en termes de fréquence d’instillation et de durée de traitement.

• Prévenir les patients (ou les parents) que les collyres à base de rifamycine sont colorés en orange.

• De même, informer les patients que les pommades ophtalmiques peuvent brouiller la vision jusqu’à 20 minutes après l’application.

A propos des mesures hygiéniques

• Le matin, en présence de croûtes au niveau des yeux, les retirer à l’aide d’une compresse imbibée de solution de lavage.

• Eviter de frotter les yeux au risque d’aggraver l’inflammation et surtout de contaminer l’entourage.

• Tant que les sécrétions persistent, respecter des règles d’hygiène pour éviter la transmission de la conjonctivite : lavage des mains avant et après chaque soin, utilisation de mouchoirs jetables, changement quotidien des taies d’oreiller et du linge de toilette à ne pas partager, au même titre que les cosmétiques et soins oculaires, nettoyer les poignées de porte ou tout objet pouvant être contaminé. Ne pas fréquenter les piscines pendant une conjonctivite afin de limiter la contagion et l’irritation.

• Il peut être nécessaire de jeter le maquillage pour les yeux utilisé juste avant la conjonctivite en raison du risque de contamination.

• En cas de port de lentilles, les retirer jusqu’à la complète guérison. Les jeter si elles sont jetables ; les désinfecter en cas de lentilles dures.

PRÉVENTION

• Les lentilles peuvent être source d’infections si elles sont mal entretenues : se laver les mains et les sécher soigneusement avant de manipuler des lentilles, nettoyer régulièrement le boîtier de lentilles avec la solution d’entretien, le changer fréquemment, ne pas porter de lentilles sous la douche, à la piscine, dans un jacuzzi ou lors de baignade en eau douce (rivière, lac…), ne jamais nettoyer des lentilles avec l’eau du robinet ou de l’eau minérale, respecter strictement les temps de portage et les délais de renouvellement (propres à chaque type de lentilles), se maquiller après la pose des lentilles de contact et se démaquiller après leur retrait.

• Eviter le maquillage au niveau du bord interne des paupières.

Ne pas échanger de lentilles cosmétiques avec une autre personne.

• Ne pas réutiliser le maquillage oculaire utilisé juste avant une conjonctivite et qui a pu être souillé.

Délivreriez-vous ces ordonnances ?

ORDONNANCE 1 : OUI. Il n’y a pas d’incompatibilités entre le collyre analogue de prostaglandines prescrit pour le glaucome et celui à base d’azithromycine ou la solution de lavage. En revanche, la patiente doit respecter un intervalle de 15 à 20 minutes entre les deux collyres ou la solution de lavage, Azyter devant être le dernier produit instillé en raison de la présence d’un excipient huileux pouvant limiter l’action des collyres administrés après.

ORDONNANCE 2 : NON. Auréomycine contient une tétracycline, qui expose le fœtus au risque de coloration des dents de lait. En conséquence, son administration à partir du deuxième trimestre de la grossesse est à éviter. Il convient d’appeler le médecin et de lui suggérer de remplacer Auréomycine par une autre pommade ophtalmique, à base de rifamycine par exemple.

MÉMO-DÉLIVRANCE

Si l’ordonnance ne comporte qu’un antiseptique et une solution de lavage, en dépit de sécrétions purulentes, le patient a-t-il compris pourquoi ?

• Même en cas de conjonctivite bactérienne, la prescription d’antibiotiques n’est pas systématique afin d’éviter l’émergence de résistance. Par ailleurs, les antiseptiques sont suffisants pour prévenir une surinfection bactérienne de conjonctivite virale.

• En revanche, en présence de signes ou de facteurs de risque de gravité, une antibiothérapie locale s’impose.

L’ordonnance comporte-t-elle un topique anti-inflammatoire ?

• Les corticoïdes sont contre-indiqués dans les conjonctivites herpétiques.

• L’utilisation d’AINS ou de corticoïdes locaux est possible dans les formes très inflammatoires de conjonctivites à adénovirus. De même, ce n’est que dans les formes très inflammatoires de conjonctivites bactériennes qu’un corticoïde peut être prescrit. Dans tous les cas, cette prescription relève d’un avis ophtalmologiste (risque d’aggravation de l’infection).

Si l’ordonnance comporte un antibiotique ou un antiviral, la patiente est-elle enceinte ou allaitante ?

• Femme enceinte : les topiques à base de cyclines sont à éviter à partir du 2e trimestre (risque d’anomalie du bourgeon dentaire) ainsi que ceux à base d’aminosides (risque d’oto- et de néphrotoxicité fœtale). Les topiques à base de ganciclovir sont déconseillés.

• Femme allaitante : les topiques à base de cyclines sont à éviter, ceux à base de fluoroquinolones sont contre-indiqués (risque arthrotendineux). Les topiques à base de ganciclovir sont déconseillés.

Si le patient est un enfant, le choix de la molécule est-il pertinent ?

Du fait de leur spectre d’activité, la rifamycine et la bacitracine sont privilégiées en cas de conjonctivite bactérienne.

La chlortétracycline est à éviter en dessous de 8 ans (risque de dyschromie dentaire). Le ganciclovir n’est pas recommandé chez l’enfant.

Le patient porte-t-il des lentilles de contact ?

Retirer les lentilles jusqu’à guérison complète, rappeler au patient que des lentilles mal entretenues sont sources d’infection (ne pas les nettoyer à l’eau du robinet, ne pas les porter à la piscine ou sous la douche, se maquiller après la pose de lentilles et se démaquiller après leur retrait).

Le patient sait-il comment administrer les collyres ?

Attendre 15 minutes entre le lavage et l’instillation d’un collyre. Ne pas toucher le globe oculaire avec l’embout. Jeter les unidoses après usage. Respecter la durée de conservation des multidoses après ouverture (15 jours le plus souvent).

Le patient sait-il comment éviter la contagion ?

Ne pas se frotter les yeux, se laver régulièrement les mains, éviter les contacts rapprochés, utiliser un linge de toilette personnel et le changer régulièrement, ne pas se maquiller les yeux pendant le traitement.

LE CAS : Mélanie L., 15 ans, porteuse de lentilles souples, souffre d’une conjonctivite de l’œil droit. Présentant des sécrétions purulentes importantes et un œdème palpébral, elle a consulté son ophtalmologiste en urgence sur les conseils du pharmacien. Accompagnée de sa mère, elle présente aujourd’hui l’ordonnance suivante.

Que lui a dit le médecin ?

Vous avez une conjonctivite bactérienne. Il est important de continuer les lavages oculaires conseillés par votre pharmacien. Je vous prescris en plus un collyre antibiotique car les sécrétions sont importantes. Il faudra l’instiller quatre fois par jour.

Demande de la mère de Mélanie

Lorsque le pharmacien revient avec la boîte de tobramycine et la dépose sur le comptoir, Mme L. reconnaît aussitôt le collyre :

« Il me semblait bien que ce nom me rappelait quelque chose ! En fait, Gabriel, le petit frère de Mélanie, a été traité il y a deux semaines par ce collyre. C’était le pédiatre qui le lui avait prescrit. Il en reste et je l’ai gardé. Mélanie peut-elle le réutiliser ?

Non, un collyre ouvert depuis plus de 15 jours est périmé. De plus, l'embout a pu être contaminé. Jetez-le et utilisez ce nouveau flacon. »

Qu’en pensez-vous

Faut-il instiller le collyre dans les deux yeux ?

1) Oui, pour prévenir toute contamination dans l’autre œil.

2) Non, pour éviter de contaminer l’autre œil.

Qu’en pensez-vous

Mélanie peut-elle remettre ses lentilles ?

1) Oui, à condition de ne pas remettre ses lentilles souillées.

2) Non, et ce jusqu’à guérison de l’infection et vérification de l’état de la cornée.

3) Non, s’il s’agit de lentilles souples hydrophiles, les conservateurs du collyre à la tobramycine étant susceptibles de s’adsorber sur ce type de lentilles.

EN CHIFFRES

• Chez l’enfant, 50 à 80 % des conjonctivites infectieuses sont d’origine bactérienne : 45 à 60 % de contamination par Hæmophilus influenzæ, 20 à 30 % par Streptococcus pneumoniæ, 8 à 20 % par Staphylococcus aureus et 5 à 10 % par Moraxella catarrhalis.

• Chez l’adulte, les conjonctivites virales sont en revanche plus fréquentes que les conjonctivites bactériennes.

• La conjonctivite néonatale concerne 1 à 2 % des nouveau-nés dans les pays industrialisés et jusqu’à 12 % dans les pays en voie de développement.

Physiopathologie des conjonctivites infectieuses

• La conjonctive, riche en vaisseaux sanguins et lymphatiques, est constituée par la conjonctive palpébrale, en regard de la paupière, la conjonctive bulbaire, en regard du globe oculaire, et le cul-de-sac conjonctival, qui fait la jonction entre la conjonctive palpébrale et la conjonctive bulbaire. La conjonctive participe, avec les paupières etl’appareil lacrymal, à la protection du globe oculaire.

• Les bactéries et les virus contaminent l’œil par contact direct avec des mains sales ou des lentilles souillées ou via le nasopharynx. Chez le nouveau-né, la contamination est surtout néonatale, lors de l’accouchement.

• L’inflammation entraîne la formation de papilles et de follicules, retrouvés en proportions différentes selon l’étiologie de la conjonctivite.

CE QUI A CHANGÉ

APPARU

• De nouvelles recommandations de l'ANSM concernant la « prophylaxie des infections conjonctivales du nouveau-né » ont été publiées en 2011.

• Suite à de nouvelles études, le collyre à base d'azithromycine (Azyter) peut, depuis octobre 2013, être utilisé dès la naissance chez les enfants entre 0 et 2 ans.

DISPARU

Gentalline (gentamycine) collyre : n'est plus commercialisé depuis le 23 décembre 2013.

VIGILANCE !!!

Les topiques oculaires à base de fluoroquinolones sont contre-indiqués en cas d’allaitement en raison d’un risque arthrotendineux pour l’enfant allaité.

POINT DE VUE
Dr Jean-François Korobelnik, chef du service d’ophtalmologie du CHU de Bordeaux, président de la Société française d’ophtalmologie

« L’antibioprophylaxie ne se justifie pas »

Quand une consultation ophtalmologique est-elle indispensable en cas de conjonctivite infectieuse ?

Les deux principaux critères de gravité imposant une consultation spécialisée sont la présence importante de sécrétions sales - évocatrices d’une conjonctivite bactérienne grave ou d’une surinfection bactérienne d’une conjonctivite virale ou allergique - et une douleur. Une conjonctivite « gratte », mais n’est normalement pas douloureuse. La douleur fait suspecter une kératite, nécessitant rapidement un avis compétent. Mais ce ne sont pas les cas les plus fréquents. La conjonctivite la plus fréquente [chez l’adulte, NdlR] est celle à adénovirus, habituellement sans gravité. Puis, en termes de fréquence, viennent la conjonctivite allergique et, loin derrière, les conjonctivites bactériennes spontanées ou compliquant d’autres conjonctivites.

Que pensez-vous des prescriptions de collyres antibiotiques chez les enfants pour limiter la contagiosité en collectivités ?

Tout d’abord, la contagiosité n’est pas la même en fonction de l’origine virale ou bactérienne. En cas de conjonctivite virale, qui est très contagieuse, une prescription d’antibiotiques n’a aucun sens ! Ils sont inactifs sur l’adénovirus, ne raccourcissent donc pas la durée d’évolution de la maladie et ne réduisent pas la contagiosité. Il faut surtout insister sur les mesures d’hygiène strictes (se laver les mains, ne pas se toucher les yeux, éviter de toucher les poignées de porte…).

Ces collyres ne doivent pas non plus être utilisés comme « parapluie » pour prévenir une surinfection bactérienne. C’est trop fort, les collyres antiseptiques suffisent. La conjonctivite bactérienne est beaucoup moins contagieuse, mais l’antibiothérapie se justifie pour réduire les symptômes. Sur une conjonctivite bactérienne de l’enfant, on a tendance à être plus interventionniste et actif et à donner, pour l’améliorer rapidement, davantage de topiques antibiotiques que chez l’adulte.

QUESTION DE PATIENTS

« Mon enfant est exclu de la crèche pour une conjonctivite. Est-ce normal ? »

Selon le « Guide des conduites à tenir en cas de maladie transmissible dans une collectivité d’enfants » du ministère des Affaires sociales et de la Santé, la conjonctivite n'impose pas une éviction. Il précise néanmoins que « la fréquentation de la collectivité à la phase aiguë de la maladie infectieuse, n’est pas souhaitable ». Ainsi, le règlement de certaines crèches peut prévoir l’éviction de l’enfant, en particulier s’il n’y a pas eu de consultation médicale et qu’aucun traitement adapté n’a été mis en œuvre.

INTERNET

www.ameli.fr

Sur le site de l’Assurance maladie, l’onglet « conjonctivite » destiné au grand public explique avec des mots simples ce qu’est une conjonctivite et rappelle les situations imposant une consultation médicale, les conseils pour éviter la transmission et les conseils hygiéniques destinés aux porteurs de lentilles.

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