NOURRISSONS ET ENFANTS - Le Moniteur des Pharmacies n° 3047 du 20/09/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3047 du 20/09/2014
 

Cahiers Formation du Moniteur

Iatrogénie

CAS N° 1 – MÉSUSAGES

Des concentrations différentes

Chloé, 18 mois, a la varicelle. Pour calmer ses démangeaisons, le pédiatre lui a prescrit Théralène sirop, 5 ml 2 fois/j. Lorsque le pharmacien délivre le sirop, la maman de Chloé reconnaît la boîte et lui indique qu’elle en a déjà un flacon à la maison. Bien que de plus petite contenance, il sera suffisant pour le traitement. Le pharmacien reste perplexe.

Qu’est-ce qui préoccupe le pharmacien ?

Il n’existe qu’un seul conditionnement de Théralène sirop. La maman de Chloé confond donc avec la solution buvable !

ANALYSE DU CAS

• L’alimémazine se présente sous deux formes liquides : le sirop dosé à 0,05 % et la solution buvable en gouttes dosée à 4 %. La solution buvable est 80 fois plus dosée que le sirop.

• Plusieurs cas de surdosages liés à la confusion entre le sirop et la solution buvable ont été rapportés chez l’enfant, à l’origine d’effets indésirables graves : somnolence, vertige, tachycardie, perte de connaissance, convulsion…

• Pour éviter toute erreur d’administration, la posologie doit être exprimée en gouttes pour la solution buvable (pipette doseuse graduée en gouttes) et en millilitres pour le sirop (gobelet doseur gradué en ml). Elle ne doit en aucun cas être formulée en cuillères.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à la maman de Chloé que le flacon dont elle dispose est beaucoup plus concentré que le sirop : 5 ml de Théralène sirop correspondent à 2,5 gouttes de Théralène solution buvable. La pipette de la solution buvable est inadaptée à cette posologie (1 graduation équivaut à 5 gouttes).

• Il insiste sur l’importance d’utiliser Théralène prescrit et encourage la maman de Chloé à ramener son flacon de Théralène solution buvable à la pharmacie pour éviter toute confusion.

CAS N° 2 – MÉSUSAGES

Gare au surdosage d’Emla !

Karine A., 4 ans, a rendez-vous chez le dermatologue pour un curetage de molluscums sur la cuisse. Ce matin, Mme A. présente au pharmacien l’ordonnance de sa fille comportant 2 tubes d’Emla à appliquer sur les molluscums, 1 heure avant la consultation. Ayant remarqué l’apparition de nouveaux molluscums dans le dos de sa fille, elle demande au pharmacien de lui avancer 2 autres tubes d’Emla.

Le pharmacien peut-il satisfaire la demande ?

Non, la délivrance de 4 tubes d’Emla expose Karine à un risque de surdosage et d’effets indésirables systémiques.

ANALYSE DU CAS

• La posologie et la durée maximales d’application d’Emla (lidocaïne/prilocaïne) varient en fonction de l’âge. Entre 1 et 5 ans, la dose maximale est de 10 g (soit 2 tubes) répartie sur 100 cm2 de peau, pendant au moins 1 heure (pour une pénétration suffisante) et au maximum 5 heures (au-delà, l’efficacité décroît).

• Outre le risque d’effets indésirables locaux (brûlure, œdème, pâleur), Emla peut induire une méthémoglobinémie (conversion de l’hémoglobine en méthémoglobine, incapable de fixer l’oxygène). Des cas graves avec cyanose accompagnée de convulsions ont été décrits lors de mésusages.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien recommande à Mme A. d’appliquer Emla en couche épaisse sur les molluscums au moins 1 heure avant la consultation et de recouvrir la crème avec les pansements occlusifs fournis avec celle-ci (2 pansements couvrant 5 cm x 6 cm de peau).

• Si nécessaire, le pharmacien proposera en complément d’autres pansements occlusifs.

• Si cette dose d’Emla est insuffisante pour recouvrir l’ensemble des molluscums, ils seront retirés au cours d’une prochaine consultation.

CAS N° 3 – MÉSUSAGES

« Puis-je simplifier la posologie ? »

Augustin, 5 ans, doit réaliser un fond d’œil. Aujourd’hui, son père se rend à la pharmacie pour la délivrance de l’ordonnance de l’ophtalmologiste, comprenant Skiacol (cyclopentolate) : 1 heure avant le rendez-vous, 1 goutte dans les 2 yeux, à renouveler 10 minutes après. Pour simplifier l’administration, il demande au pharmacien s’il peut mettre d’emblée 2 gouttes de collyre dans chaque œil.

Ce schéma posologique peut-il être validé ?

Non, l’intervalle entre les deux instillations de Skiacol doit être respecté en raison du risque de survenue d’effets indésirables potentiellement graves chez l’enfant.

ANALYSE DU CAS

• Le cyclopentolate est un collyre atropinique utilisé en ophtalmologie pour obtenir une mydriase (dilatation de la pupille) par paralysie du sphincter irien.

• Lors de l’administration d’un collyre, seule une faible proportion atteint la chambre antérieure de l’œil pour une action locale. Le reste (90 % du volume de la goutte) atteint la circulation générale via le canal lacrymonasal et peut être responsable d’effets indésirables systémiques.

• Les propriétés anticholinergiques du cyclopentolate sont à l’origine de nombreux effets indésirables : tachycardie, réduction des sécrétions (salivaires, bronchiques, lacrymales…), constipation, troubles neurologiques à forte dose (agitation, désorientation, hallucination…).

• Dans les situations les plus graves, ils peuvent conduire au décès par état de mal épileptique.

• Les enfants sont plus sensibles aux effets centraux de l’atropine et de ses dérivés que les adultes. Les troubles neuropsychiatriques sont plus fréquents et plus sévères chez les enfants de moins de 8 ans. Rares mais graves, les troubles digestifs (occlusion, distension abdominale, iléus) surviennent surtout chez le nouveau-né.

ATTITUDE À ADOPTER

• En raison du risque de toxicité systémique en cas de surdosage, le pharmacien rappelle au père d’Augustin la nécessité de respecter la posologie et l’intervalle de temps entre les instillations.

• Il conseille d’appuyer sur l’angle interne de l’œil pendant 1minute après l’instillation pour éviter le passage systémique.

• L’administration ne doit jamais être doublée, sauf si la première goutte n’a absolument pas atteint l’œil.

• Le pharmacien lui explique également que le collyre peut provoquer une photophobie, une vision floue et une mauvaise appréciation des distances.

• Il convient de surveiller Augustin dans les 30 minutes qui suivent l’administration du collyre afin de repérer des signes d’effets indésirables systémiques et d’éviter tout risque de chute.

CAS N° 4 – MÉSUSAGES

Une pipette doseuse introuvable

Depuis hier, le fils de M. P., 4 ans, a de la fièvre malgré la prise de Doliprane. Joint par téléphone, le pédiatre lui conseille d’alterner Doliprane avec Advilmed (1 dose-poids/6 h) en attendant la consultation. Dans son armoire à pharmacie, M. P. retrouve un flacon d’Advilmed sans pipette doseuse. Il téléphone à la pharmacie pour savoir s’il peut utiliser la pipette du Doliprane pour administrer Advilmed.

Est-ce une bonne idée ?

Non ! Les dispositifs doseurs fournis avec chaque spécialité ne sont pas interchangeables.

ANALYSE DU CAS

• Advilmed 20 mg/ml et Doliprane 2,4 % sont commercialisés avec une pipette doseuse graduée en kg qui délivre respectivement 7,5 mg d’ibuprofène par kg et 15 mg de paracétamol par kg.

• En utilisant la pipette de Doliprane pour Advilmed on administrerait à l’enfant 12,5 mg d’ibuprofène par kg, soit 50 mg/kg/j alors que les doses maximales recommandées sont de 20 à 30 mg/kg/j.

• Le risque de surdosage est majeur avec survenue de troubles digestifs (nausée, vomissement, épigastralgie, ulcère gastroduodénal, hématémèse…).

Dans des cas plus sévères, une insuffisance rénale avec une oligurie, une acidose métabolique ou un coma peuvent survenir.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien explique à M. P. que l’utilisation de la pipette doseuse de Doliprane pour administrer Advilmed expose à un surdosage, potentiellement grave, en ibuprofène. Il lui recommande de racheter un flacon d’Advilmed et de toujours veiller à conserver les flacons avec leurs dispositifs doseurs respectifs.

CAS N° 5 – MÉSUSAGES

Gaviscon : avant ou après le biberon ?

Leslie, 3 mois, est traitée par Gaviscon pour un reflux gastro-œsophagien. Sa maman se présente à la pharmacie et demande si son médecin n’a pas fait d’erreur sur l’ordonnance : il a indiqué de donner Gaviscon avant le biberon alors que la notice du médicament recommande de le faire après.

S’agit-il d’une erreur ?

Non, car il est plus efficace d’administrer Gaviscon avant un repas lacté chez le nourrisson.

ANALYSE DU CAS

• Gaviscon contient de l’alginate et du bicarbonate de sodium. Au contact de l’acidité gastrique, il forme un gel visqueux qui flotte au-dessus du contenu gastrique et s’oppose au reflux en constituant une barrière physique. Ces propriétés justifient l’administration postprandiale recommandée dans le résumé des caractéristiques de Gaviscon.

• Cependant, des études ont démontré que le lait neutralise rapidement l’acidité gastrique, s’opposant ainsi à la formation de la barrière antireflux. Gaviscon se mélange alors au bol alimentaire et est éliminé avec lui.

• Administré avant le repas, Gaviscon s’épaissit avant que n’arrive le lait, qui traversera ensuite la masse gélatineuse. Le mode d’action de l’alginate n’est donc pas altéré.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien rassure la maman de Leslie et lui confirme que pour une efficacité optimale, Gaviscon doit être administré avant les repas tant que l’alimentation lactée est exclusive.

• Il lui rappelle l’importance de maintenir son enfant en position assise ou semi-assise pendant et après le biberon afin de prévenir le reflux et de bénéficier au mieux de l’effet « radeau » de Gaviscon.

CAS N° 6 – MÉSUSAGES

Orelox et angine

Suite à un test de diagnostic rapide des angines à streptocoque A positif, une antibiothérapie par Orelox (1 dose-kg, 2 fois/j pendant 5 jours) a été prescrite à Jules, 9 ans. Lors de la délivrance, sa maman précise au pharmacien qu’il n’est pas nécessaire de reporter la posologie d’Orelox sur la boîte. Elle a l’habitude des antibiotiques : Jules pèse 30 kg, il suffit de lui administrer une dose de 30 kg 2 fois/j.

La maman de Jules a-t-elle raison ?

Non, Jules doit recevoir une dose de 25 kg 2 fois par jour pendant 5 jours.

ANALYSE DU CAS

• Le cefpodoxime est un antibiotique de la classe des céphalosporines de 3e génération indiqué dans le traitement des angines documentées à streptocoque A bêtahémolytique, des otites moyennes aiguës, des sinusites et des infections respiratoires basses.

• Chez l’enfant, la posologie moyenne de la suspension buvable dosée à 40 mg/5 ml est de 8 mg/kg/j, ce qui correspond à une dose-poids 2 fois/j.

• Au-delà de 25 kg, la posologie de cefpodoxime est fonction de l’indication :

– dans l’angine, la dose de 200 mg/j ne doit pas être dépassée (soit 1 cp, 2 fois/j ou une dose de 25 kg, 2 fois/j) ;

– dans les autres indications, la dose de 400 mg/j ne doit pas être dépassée (soit 2 cp, 2 fois/j ou une dose de 50 kg, 2 fois/j) ;

• A partir de 6 ans et de 25 kg, le comprimé à 100 mg peut être utilisé (1 dose de 25 kg = 100 mg).

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à la maman de Jules qu’au-delà de 25 kg la posologie d’Orelox est limitée à 200 mg/j dans le traitement de l’angine.

• Jules, 30 kg, doit donc recevoir une dose de 25 kg matin et soir au cours du repas, et ce pendant 5 jours.

CAS N° 7 – MÉSUSAGES

Lucas a failli s’étouffer !

Ce matin Lucas, 1 mois, a fait une fausse route suite à l’administration d’Uvestérol D (ergocalciférol). Lorsque sa mère se rend à la pharmacie pour acheter une boîte de lait 1er âge, elle explique au préparateur qu’elle redoute la prochaine administration d’Uvestérol D et lui demande si le traitement doit être poursuivi.

Que penser de cet incident ?

La survenue de fausse route suite à l’administration d’Uvestérol (D et ADEC) doit faire suspecter un non-respect des modalités d’administration. En effet, la maman de Lucas confie au préparateur qu’elle le lui administre après le bain lorsqu’il est calme sur la table à langer.

ANALYSE DU CAS

• Plusieurs cas de fausse route à l’origine de malaise vagal (pâleur, bradycardie, pause respiratoire…) ont été notifiés suite à l’administration d’Uvestérol chez le nourrisson.

• Une administration trop rapide du produit, le volume de la solution, sa viscosité et la présence d’huile de ricin constituent de potentiels facteurs de risque de fausse route.

ATTITUDE À ADOPTER

Le préparateur explique à la maman de Lucas que cet incident est lié à une mauvaise administration et lui rappelle les différentes étapes à respecter* :

– administrer Uvestérol avant le biberon ou la tétée ;

– installer l’enfant éveillé en position semi-assise au creux du bras ;

– introduire environ 1cm de la pipette (fournie avec Uvestérol) dans la bouche et la placer contre l’intérieur de la joue ;

– laisser téter l’enfant ou s’il ne tète pas appuyer lentement sur le piston de la pipette pour que le produit s’écoule goutte à goutte ;

– ne pas allonger l’enfant immédiatement après l’administration.

CAS N° 8 – MÉSUSAGES

Mention « enfant » : vigilance

Jean, 4 ans, a une rhinopharyngite accompagnée d’une toux sèche qui l’empêche de dormir. Après une nuit difficile, son père se rend à la pharmacie et demande conseil à la préparatrice : il a acheté la semaine dernière un flacon d’Humex Toux Sèche Enfant (dextrométhorphane) pour son fils aîné âgé de 7 ans et il souhaite savoir s’il peut en donner à Jean pour calmer ses quintes de toux nocturnes.

Ce sirop est-il indiqué pour Jean ?

Non. Bien que comportant la mention « enfant », ce sirop ne doit pas être administré à Jean.

ANALYSE DU CAS

• La mention « enfant » présente sur de nombreuses spécialités pédiatriques ne fait pas toujours référence à une même tranche d’âge : le sirop Néo-Codion Enfant (codéine) est réservé aux enfants de plus de 30 mois alors que le sirop Bronchokod Enfant (carbocistéine) peut être donné dès 2 ans ; les sirops Clarix Toux Sèche Enfant (pentoxyvérine) et Humex Toux Sèche Enfant (dextrométhorphane) sont destinés aux enfants à partir de 6 ans.

• Afin d’éviter la survenue d’accidents iatrogènes, une vigilance toute particulière doit être portée à ces médicaments.

ATTITUDE À ADOPTER

• La préparatrice explique au père de Jean que le sirop Humex Toux Sèche Enfant est réservé aux enfants de plus de 6 ans, elle lui recommande de toujours bien lire la notice des médicaments car les mentions portées sur le conditionnement manquent parfois de précision.

• Elle conseille du sirop Toplexil (oxomémazine), 5 ml au coucher. Outre ses propriétés antitussives, son effet sédatif favorisera l’endormissement.

CAS N° 9 – MÉSUSAGES

Corticophobie

Mathilde, 2 ans, présente une poussée d’eczéma. Ce matin, Mme R., sa maman, se rend à la pharmacie pour acheter une crème émolliente pour sa fille. Elle explique à la préparatrice qu’elle souhaite éviter d’avoir recours une nouvelle fois à la crème Tridésonit (désonide) prescrite par son pédiatre, qu’elle trouve « dangereuse ».

L’inquiétude de Mme R. est-elle justifiée ?

Non. Les effets indésirables des dermocorticoïdes sont rares si leurs modalités d’utilisation sont bien respectées.

ANALYSE DU CAS

• Mme R. redoute les effets indésirables locaux (atrophie cutanée, télangiectasie…) et systémiques (insuffisance surrénale, retard de croissance…) décrits pour les dermocorticoïdes.

• Ils sont liés à la puissance de la molécule, à la durée du traitement, à la surface traitée, à l’intégrité de la peau et à l’âge de l’enfant. Rares, ils surviennent suite à un traitement prolongé à forte dose.

• Les dermocorticoïdes constituent le traitement de référence des poussées de dermatite atopique, mais la crainte d’effets indésirables est un obstacle à l’observance du traitement.

• Ils doivent être appliqués quotidiennement, dès les premiers symptômes jusqu’à disparition des lésions afin de limiter la durée des poussées et le risque de complications (surinfection notamment).

ATTITUDE À ADOPTER

• La préparatrice rassure Mme R. : aux doses prescrites dans l’eczéma, les dermocorticoïdes présentent une grande sécurité d’utilisation.

• Elle lui recommande de débuter dès maintenant le traitement par Tridésonit pour soulager rapidement Mathilde et lui rappelle les règles d’utilisation (quantité appliquée, rythme d’application).

En complément, l’application quotidienne d’une crème émolliente permet de réduire la sécheresse cutanée et doit être poursuivie en dehors des poussées afin de prévenir les récidives.

PHARMACOLOGIE

IATROGÉNIE EN PÉDIATRIE

Particularités pharmacologiques

• La population pédiatrique (du nouveau-né à l’adolescent) présente un large spectre de situations physiologiques, reflet des phénomènes de croissance et de maturité des organes qui jalonnent cette période.

• Les particularités pharmacocinétiques de cette population doivent être prises en compte lors de la prescription médicamenteuse afin d’adapter la posologie (dose unitaire et intervalle de prise).

Particularités pharmacocinétiques

Absorption

• Chez le nouveau-né et le nourrisson, on observe une hypochlorhydrie gastrique résultant de l’immaturité des cellules de la muqueuse de l’estomac et d’une alimentation lactée exclusive. Ainsi, l’absorption des médicaments administrés par voie orale (paracétamol, carbamazépine…) est en général diminuée par rapport à l’adulte.

• En revanche, l’absorption cutanée est plus importante que chez l’adulte en raison du rapport surface cutanée/masse corporelle élevé et de l’immaturité du tissu cutané (peau plus perméable et plus à risque de lésions). Le risque de survenue d’effets systémiques ne doit donc pas être négligé : observation d’hypothyroïdies après applications répétées d’antiseptiques iodés (Bétadine contre-indiquée chez le nouveau-né < 1 mois), de comas éthyliques suite à l’application de pansements alcoolisés…

• Chez le nourrisson et l’enfant, la vigilance s’impose lors de l’utilisation de la voie nasale et oculaire : ces voies peuvent être responsables d’une absorption massive à l’origine d’une toxicité systémique.

• La survenue d’effets indésirables cardiovasculaires et neurologiques suite à l’administration de vasoconstricteurs par voie nasale chez l’enfant a conduit l’ANSM à contre-indiquer ces spécialités chez l’enfant de moins de 15 ans.

• De même, suite aux effets systémiques (tachycardie, convulsions) observés lors de l’utilisation de collyres mydriatiques, l’ANSM a effectué auprès des professionnels de santé un rappel concernant l’utilisation de ces collyres en pédiatrie.

Distribution

• Chez le nouveau-né, la fraction libre du médicament (c’est-à-dire la fraction active) est souvent plus élevée que chez l’adulte en raison de la plus faible concentration d’albumine et de la présence d’albumine fœtale de plus faible affinité pour les médicaments. Ainsi, il convient d’être particulièrement prudent lors de la prescription de médicaments fortement liés aux protéines plasmatiques (sulfamide, ceftriaxone) en période néonatale en raison du risque de surdosage et d’ictère nucléaire (par déplacement de la bilirubine liée à l’albumine). La liaison aux protéines plasmatiques se normalise au cours de la première année de vie.

• La taille des compartiments hydriques et adipeux chez l’enfant n’est pas identique à celle de l’adulte et influe sur le volume de distribution de certains médicaments. L’eau totale de l’organisme du nouveau-né représente 80 % du poids du corps (versus 55-60 % chez l’adulte). La graisse représente 15 % du poids du corps d’un nouveau-né, augmente jusqu’à 25 % vers 1 an pour diminuer à 18 % vers 10 ans.

• La perméabilité de la barrière hématoencéphalique justifie la sensibilité particulière du système nerveux central du nourrisson, avec un risque accru de toxicité neurologique et de convulsions.

Métabolisme

• L’immaturité des réactions des différentes phases du métabolisme diminue la clairance hépatique et allonge la demi-vie de nombreux médicaments (paracétamol, diazépam, phénytoïne…).

• Cependant, certaines voies métaboliques, telles que la sulfoconjugaison, sont matures dès la naissance, ce qui explique la différence de métabolisation d’une même substance entre l’adulte et le nourrisson : à défaut de glucuronoconjugaison, le paracétamol est majoritairement éliminé par sulfoconjugaison chez le nourrisson.

• Après les premiers mois de vie, le métabolisme hépatique augmente progressivement chez le nourrisson.

Elimination

• L’immaturité de la fonction rénale entraîne un allongement de la demi-vie d’élimination des médicaments à l’origine d’un risque de toxicité, notamment pour les médicaments à marge thérapeutique étroite (aminosides, antiépileptiques…).

• Chez le nouveau-né, la filtration glomérulaire est réduite (30 % des capacités adultes) et rejoint progressivement les valeurs adultes au cours des premières semaines de vie.

Particularités pharmacodynamiques

• La réponse aux médicaments peut être très différente chez l’enfant en raison d’une immaturité des organes cibles. Elle est liée soit à une variation du nombre de récepteurs, soit à une altération du couplage récepteur-effecteur.

• Certains effets indésirables sont spécifiques de l’enfant, liés notamment aux phénomènes de maturation et de croissance : trouble de la croissance sous corticothérapie prolongée, coloration de l’émail des dents sous cyclines…

Prescriptions hors AMM

• De nombreux médicaments sont prescrits aux enfants en dehors des conditions de leur autorisation de mise sur le marché (AMM), c’est-à-dire dans une indication, une posologie, un mode d’administration ou un âge différent de celui prévus par l’AMM. Une étude réalisée en médecine ambulatoire a montré que 42 % des enfants étaient exposés à au moins un médicament prescrit hors AMM.

• La prescription hors AMM est parfois inéluctable en raison d’un arsenal thérapeutique souvent restreint dans certaines pathologies pédiatriques (aucun IPP ne possède d’AMM avant l’âge d’un an), mais elle représente un facteur de risque de survenue d’effets indésirables. Dans une étude anglaise, 30 % des médicaments en cause dans un effet indésirable étaient utilisés hors AMM.

• L’utilisation de médicaments hors AMM expose à de nombreux risques d’erreurs : de posologie, lors de la préparation de la dose à administrer, imprécision de dose en raison d’une forme galénique et/ou d’un dispositif d’administration inadapté…

• Selon l’ANSM, la prescription de médicaments en dehors de l’AMM est possible en l’absence d’alternatives médicamenteuses appropriées (autres médicaments bénéficiant d’une AMM ou d’une ATU) après évaluation favorable du rapport bénéfice/risque. En cas d’effet indésirable, le prescripteur doit pouvoir justifier du bénéfice « attendu » du médicament prescrit hors AMM à partir des données scientifiques.

Conditionnement des médicaments pédiatriques

Le conditionnement de nombreux médicaments pédiatriques peut être source d’erreurs et de mésusage à l’origine d’accidents iatrogènes.

Packaging et étiquetage

• Le conditionnement fantaisiste des médicaments OTC (couleur, graphisme…) confère au médicament un aspect attrayant éveillant la curiosité des plus jeunes.

• Les mentions portées sur les conditionnements sont parfois trompeuses : selon les spécialités, la mention « enfant » ne fait pas toujours référence à la même tranche d’âge.

Dispositifs doseurs

• Certains dispositifs doseurs sont complexes et constituent des pièges : le dispositif doseur de la suspension buvable de Rifadine (rifampicine) se présente sous la forme d’une cuillère double. Dotée d’un manche à 2 embouts (une cuillère de 2,5 et de 5 ml), elle peut être à l’origine d’un surdosage ou d’un sous-dosage si le mauvais embout est utilisé.

• Les pipettes doseuses graduées en kilogramme sont très répandues en pédiatrie mais certaines sont graduées en milligramme (Alfatil, Codenfan…) : la posologie des solutions buvables doit donc être scrupuleusement contrôlée afin de s’assurer qu’elle concorde avec le dispositif doseur fourni.

• Les dispositifs d’administration ne sont pas toujours fournis avec les formes buvables. Dans ce cas, le recours aux cuillères domestiques est à éviter en raison de leur contenance variable : l’utilisation d’une seringue graduée pour administration orale est à privilégier.

Conditionnements primaires

• Les médicaments présentant une sécurité enfant (flacon avec bouchon sécurité, plaquettes fermées par un film sécurité) sont encore trop peu nombreux : par exemple, le bain de bouche Eludril est dénué de bouchon sécurité malgré un titre alcoolique élevé (42,8 % ).

• Les unidoses (ou dosettes) sont des conditionnements primaires très répandus en pédiatrie et leurs confusions exposent à des risques d’erreur de produits et de voie d’administration. Des crises convulsives ont été observées suite à l’instillation nasale de chlorhexidine à la place de sérum physiologique.

CAS N° 10 – CONTRE-INDICATIONS

Gabriel a une toux grasse

Samedi matin Mme D., maman de Gabriel, 11 mois, se rend à la pharmacie pour acheter un flacon de carbocistéine pour son fils. Elle explique à Martin, étudiant en pharmacie, que, depuis hier, son enfant tousse gras et son nez est encombré. L’hiver dernier, le pédiatre avait prescrit ce sirop à sa fille aînée alors âgée de 4 ans et cela l’avait bien soulagée. Martin se rend auprès du pharmacien pour valider la demande de Mme D.

La demande de Mme D. peut-elle être satisfaite ?

Non, la carbocistéine est contre-indiquée chez le nourrisson de moins de 2 ans.

ANALYSE DU CAS

• La toux est un symptôme fréquent chez le nourrisson, le plus souvent lié à une infection virale des voies respiratoires (rhinopharyngite, bronchite). Elle constitue un réflexe naturel nécessaire au drainage des voies respiratoires.

• On estime que les jeunes enfants en bonne santé font par an environ 7 à 10 épisodes d’infection des voies aériennes supérieures associée à une toux, dus à une grande sensibilité des nourrissons aux agressions respiratoires exogènes (infections et polluants atmosphériques).

• En fluidifiant les sécrétions bronchiques, les mucolytiques et les mucofluidifiants facilitent l’expectoration. Cependant, la survenue d’encombrement respiratoire et d’aggravation de bronchiolite aiguë chez le nourrisson a conduit l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) à contre- indiquer ces médicaments chez les nourrissons de moins de 2 ans.

• En effet, la toux du nourrisson est moins efficace que celle des adultes, favorisant ainsi l’accumulation des sécrétions bronchiques. En diminuant la viscosité du mucus, ces médicaments contribuent à l’aggravation de l’encombrement bronchique.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à Mme D. que l’administration d’un sirop contre la toux n’est pas recommandée. Après avoir éliminé les signes de gravité nécessitant une consultation (gêne respiratoire, difficulté à s’alimenter, fièvre persistante…), il lui propose du sérum physiologique afin de drainer les sécrétions nasales et d’éviter leur accumulation au niveau bronchique.

• Il conseille également de surélever légèrement la tête et le thorax de Gabriel durant le sommeil, et de lui donner à boire régulièrement.

• Si la toux se prolonge plus de sept jours sans amélioration, un avis médical est nécessaire.

CAS N° 11 – CONTRE-INDICATIONS

Du Trophirès pour Paul ?

Paul, 4 ans, souffre d’une épilepsie partielle stabilisée par un traitement par Micropakine (valproate de sodium). Cet après-midi, Mme L. vient renouveler l’ordonnance de son fils et demande au pharmacien une boîte de suppositoires Trophirès Enfant : c’est sa nourrice qui les lui a conseillés pour Paul, qui commence à tousser.

Trophirès Enfant peut-il être délivré ?

Non, ces suppositoires ne doivent pas être administrés à Paul en raison de son épilepsie.

ANALYSE DU CAS

Indiqués dans le traitement d’appoint des affections bronchiques, les suppositoires contenant des dérivés terpéniques (camphre, cinéole, niaouli, citral, menthol, huiles essentielles de pin, d’eucalyptus, de térébenthine…) sont contre-indiqués chez le nourrisson de moins de 30 mois et les enfants ayant des antécédents de convulsions fébriles ou d’épilepsie.

• La survenue de complications neurologiques (convulsions, somnolence, agitation), en particulier chez l’enfant et le nourrisson, a conduit à cette restriction d’indication.

• L’abaissement du seuil épileptogène provoqué par les terpènes et l’immaturité du système nerveux central expliquent ces effets indésirables.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à Mme L. que les suppositoires Trophirès ne peuvent être utilisés chez son fils au risque de favoriser la survenue de crises d’épilepsie.

• Il lui conseille en première intention de laver les fosses nasales de Paul avec du sérum physiologique afin de limiter l’encombrement bronchique et lui recommande d’éviter l’automédication : certains sprays nasaux (Euvanol, Humex spray nasal…) ou produits pour application cutanée (Vicks Vaporub…) contiennent également des terpènes.

CAS N° 12 – CONTRE-INDICATIONS

Sandra a un muguet

Suite à l’apparition de taches blanchâtres sur la face interne des joues de Sandra, 4 mois, Mme J. a consulté son médecin, qui a diagnostiqué un muguet. Ce matin, elle apporte au pharmacien l’ordonnance de Sandra comprenant Daktarin gel buccal (miconazole), 1 cuillère-mesure 4 fois par jour pendant 10 jours.

La prescription de Daktarin pose-t-elle problème ?

Oui, l’âge de Sandra contre-indique son administration.

ANALYSE DU CAS

• Le traitement des candidoses buccales telles que le muguet repose sur la prescription d’un antifongique local : miconazole (Daktarin), amphotéricine B (Fungizone) ou nystatine (Mycostatine).

• Présenté sous forme de gel buccal, Daktarin est contre-indiqué avant l’âge de 6 mois en raison du risque de fausse route lié à sa consistance. Cette restriction fait suite à l’enregistrement de cas de suffocation, de cyanose, d’obstruction des voies aériennes et d’apnée, en particulier chez les nourrissons de moins de 6 mois pour qui le réflexe de déglutition est encore immature.

• En revanche, Fungizone et Mycostatine sous forme de suspension buvable peuvent être utilisées dès la naissance.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien appelle le médecin et l’informe de la contre-indication de Daktarin chez le nourrisson de moins de 6 mois. Le médecin décide de remplacer Daktarin par Mycostatine suspension buvable à la posologie de 5 ml, 4 fois par jour pendant 10 jours.

• Après avoir expliqué à Mme J. les raisons de cette nouvelle prescription, il lui recommande d’utiliser Mycostatine en badigeonnage sur les lésions buccales, à distance des repas.

CAS N° 13 – CONTRE-INDICATIONS

AINS et varicelle

Victor, âgé de 16 mois, a la varicelle. La veille, sa maman s’est présentée à la pharmacie pour la délivrance de l’ordonnance du pédiatre comprenant : Doliprane (1 dose-poids en cas de fièvre), Diaseptyl (désinfection locale des lésions, 2 fois par jour) et Primalan (1 cuillère-mesure, 2 fois par jour). Elle souhaite aujourd’hui acheter un flacon d’Advilmed : il paraît que c’est plus efficace que Doliprane !

Advilmed peut-il être délivré ?

Non, tous les AINS indiqués chez l’enfant doivent être évités au cours de la varicelle.

ANALYSE DU CAS

• La varicelle est une affection virale habituellement bénigne. Elle correspond à la primo-infection de l’organisme par le virus varicelle-zona. Les éruptions de vésicules très prurigineuses surviennent par poussées et s’accompagnent parfois d’une fièvre modérée.

• L’administration d’AINS est déconseillée au cours de la varicelle en raison de la majoration du risque de surinfections cutanées (fasciite nécrosante, abcès, pyodermite gangréneuse…). Ce surrisque serait dû à l’inhibition de l’activité de phagocytose des polynucléaires. Le retard au diagnostic du fait de l’effet anti-inflammatoire des AINS agit dans le même sens.

• Le rôle des AINS reste toutefois discuté : la varicelle peut en effet conduire à ces mêmes complications infectieuses cutanées et des tissus mous. Cependant, la gravité des cas notifiés impose la plus grande prudence.

• Par ailleurs, l’aspirine est contre-indiquée en cas de varicelle car elle favorise un syndrome de Reye, pathologie rare mais potentiellement grave associant une atteinte neurologique et hépatique.

• Le risque de complications infectieuses cutanées graves n’a pas été observé après la prise de paracétamol.

ATTITUDE À ADOPTER

• Après avoir expliqué à la maman de Victor les risques liés à l’utilisation d’AINS en cas de varicelle, le pharmacien lui recommande de suivre la prescription du pédiatre et d’administrer un dose-poids de paracétamol toutes les 6 heures en cas de fièvre.

• Il lui rappelle également que la persistance de la fièvre ou une fièvre élevée doit conduire à une consultation (suspicion d’une surinfection bactérienne pulmonaire).

CAS N° 14 – CONTRE-INDICATIONs

Une mauvaise initiative

Mme G., accompagnée de son fils Johan âgé de 10 ans, se rend à la pharmacie pour le renouvellement de sa pilule. Elle en profite pour demander une boîte de Dolirhume (paracétamol/pseudo-éphédrine). Interrogée par le pharmacien, elle précise que c’est pour son fils : son nez est tellement bouché qu’il n’arrive plus à respirer !

Est-ce une bonne idée ?

Non, tous les vasoconstricteurs par voie orale ou nasale sont contre-indiqués chez l’enfant de moins de 15 ans.

ANALYSE DU CAS

• Les médicaments décongestionnants contenant un vasoconstricteur sympathomimétique (pseudo-éphédrine, oxymétazoline, naphtazoline, tuaminoheptane…) exposent à des effets indésirables cardiovasculaires (hypertension artérielle, tachycardie, AVC, infarctus…) et neuropsychiques (convulsion, céphalée…).

• La survenue de cas graves parfois mortels, suite à l’administration de vasoconstricteur par voie orale et nasale, ainsi que la plus grande sensibilité des enfants aux effets indésirables de ces médicaments justifient leur contre-indication chez les moins de 15 ans.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à Mme G. que Dolirhume, bien que disponible sans ordonnance, n’est pas dénué d’effets indésirables potentiellement graves et ne doit pas être utilisé chez l’enfant de moins de 15 ans.

• Il recommande à Johan de se laver le nez plusieurs fois par jour avec de l’eau de mer hypertonique permettant d’humidifier la muqueuse nasale et de désobstruer le nez par effet osmotique.

• La persistance du rhume au-delà de une semaine, des douleurs à l’oreille ou une fièvre persistant plus de 3 jours nécessiteront une consultation médicale.

CAS N° 15 – INTERACTION MÉDICAMENTEUSE

Pas de patch anesthésique pour Tom

Lorsque Mme A., tout juste sortie de la maternité, se présente à la pharmacie pour la délivrance du vaccin BCG de son fils Tom, elle s’étonne que l’ordonnance ne comprenne pas de patch anesthésique. Pourtant le pédiatre en a toujours prescrit à ses aînés lors d’une vaccination.

S’agit-il d’un oubli de la part du médecin ?

Non, l’utilisation préalable d’anesthésiques locaux avant l’injection du vaccin BCG (bacille de Calmette et Guérin) n’est pas recommandée.

ANALYSE DU CAS

• Emlapatch, pansement anesthésique à base de lidocaïne et de prilocaïne, est fréquemment utilisé afin de réduire les douleurs liées à la piqûre et à l’injection d’un produit.

• Les anesthésiques locaux possèdent des propriétés bactéricides et bactériostatiques davantage marquées pour la lidocaïne et la prilocaïne. Ces effets expliquent les faibles taux de surinfection après anesthésie locorégionale. Elles justifient également les recommandations émises dans le RCP d’Emlapatch : cet anesthésique ne doit pas être utilisé préalablement à l’injection intradermique d’un vaccin vivant tel que le BCG.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien explique à Mme A. que le BCG est toujours réalisé sans anesthésie locale préalable en raison du risque d’inactivation du vaccin lié aux propriétés antibactériennes des anesthésiques.

• En vue de réduire la douleur, il lui recommande de donner le sein à son enfant ou de lui administrer une solution sucrée (1 à 2 ml de glucose 30 % ) lors de la vaccination.

CAS N° 16 – PROFIL PARTICULIER

Bastien est allergique à l’œuf

Bastien, 4 ans, est traité pour un asthme persistant modéré par Flixotide 50 µg. Cette année, l’Assurance maladie lui a adressé un bon pour la délivrance gratuite du vaccin contre la grippe saisonnière. Le pharmacien a délivré Vaxigrip à Mme D., sa maman, qui s’est présentée munie du bon de prise en charge. Deux jours plus tard, elle revient avec la notice du Vaxigrip et explique au pharmacien que son fils ne peut recevoir le vaccin car il est allergique à l’œuf.

Qu’a lu Mme D. dans la notice du Vaxigrip ?

Le RCP du Vaxigrip précise qu’une hypersensibilité à l’œuf est une contre-indication à ce vaccin.

ANALYSE DU CAS

• Cultivé sur des œufs embryonnés de poule, le vaccin contre la grippe contient des protéines d’œuf, en quantité très faible (< 1 µg/dose).

Les accidents allergiques suite à l’administration de ce vaccin sont exceptionnels chez les patients allergiques à l’œuf.

• Les études s’accordent à dire que la vaccination antigrippale des patients présentant des réactions allergiques minimes à l’œuf (type urticaire) est possible sans restriction.

• Chez les patients ayant présenté une réaction anaphylactique à l’œuf, les recommandations divergent : l’Académie américaine d’allergie, d’asthmologie et d’immunologie indique la possibilité de réaliser la vaccination antigrippale en 2 doses (10 % de la dose puis la totalité restante 30 minutes après), tandis que le Comité technique des vaccinations français considère, lui, la réaction anaphylactique à l’œuf comme une contre-indication.

ATTITUDE À ADOPTER

• Le pharmacien appelle le pédiatre. Celui-ci confirme que Bastien n’a pas d’antécédent de réaction anaphylactique : la vaccination antigrippale peut donc être réalisée.

• Le pharmacien rassure alors la maman de Bastien et lui rappelle l’intérêt du vaccin contre la grippe chez le patient asthmatique.

Prévenir l’iatrogénie

Démarche à suivre lors d’une dispensation pour un nourrisson ou un enfant

Analyse de la prescription

• Les posologies sont-elles correctes ?

– Tenir compte de l’âge et du poids de l’enfant. Si ces informations ne figurent pas sur l’ordonnance, il est indispensable de les demander aux parents ou au médecin.

– Vérifier que la présentation « enfant », si elle existe, a bien été prescrite.

– S’assurer que la posologie est conforme à l’indication : celle de cefpodoxime est de 200 mg/jour en cas d’angine et de 400 mg/j dans les autres cas.

– Vérifier la concordance entre la posologie prescrite et le dispositif doseur : une seringue graduée en kg impose une prescription en dose-poids.

• La forme galénique est-elle adaptée ?

– Les gélules et comprimés sont contre-indiqués avant l’âge de 6 ans (risque de fausse route).

– En cas de nécessité, vérifier que les comprimés peuvent être broyés et les gélules ouvertes.

Y a-t-il des contre-indications ?

– Liées à l’âge : les vasoconstricteurs décongestionnants sont contre-indiqués chez l’enfant de moins de 15 ans en raison du risque cardiovasculaire et neurologique, l’immaturité du réflexe de toux et le risque d’encombrement bronchique contre-indiquent les mucolytiques avant l’âge de 2 ans…

– Liées au profil pathologique : les suppositoires à base de dérivés terpéniques sont contre-indiqués chez l’enfant épileptique ou ayant des antécédents de convulsions fébriles, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et l’aspirine ne doivent pas être administrés en cas de varicelle…

– Liées à la forme galénique : le gel buccal de miconazole est contre-indiqué avant l’âge de 6 mois en raison du risque de fausse route.

• L’ordonnance comprend-elle des médicaments ayant fait l’objet d’un mésusage ?

– Collyres atropiniques : insister sur la nécessité de respecter la posologie et l’intervalle de temps entre les instillations.

– Emla crème : contrôler et rappeler la posologie (quantité et surface d’application) et la durée d’application.

– Uvestérol : administration lente en position semi-assise, ne pas allonger l’enfant immédiatement après l’administration.

Prévention des risques

• Sensibiliser les parents aux risques liés à l’automédication : l’avis du médecin ou du pharmacien est indispensable avant l’administration de tout médicament chez l’enfant.

• Rappeler la nécessité de conserver les pipettes doseuses avec les flacons dans l’emballage d’origine : elles ne sont pas interchangeables.

• Vigilance particulière vis-à-vis de la mention « enfant » qui, selon les spécialités, ne fait pas toujours référence à la même tranche d’âge.

• S’assurer de la bonne compréhension de la posologie (dose, intervalle entre les prises, horaire par rapport aux repas).

• Renseigner les parents sur les modalités de reconstitution des formes buvables, la conservation après reconstitution et l’utilisation des dispositifs doseurs.

• Les médicaments doivent être conservés dans une armoire fermée à clé. Ils ne doivent jamais être laissés à la portée des enfants, y compris les patchs usagés (substituts nicotiniques, antalgiques…).

* Des fiches conseil rappelant les modalités d’administration d’Uvestérol D et ADEC sont disponibles sur le site de l’ANSM.

ATTENTION

Ne pas confondre Théralène sirop et Théralène solution buvable : la solution est 80 fois plus dosée que le sirop.

À RETENIR

En raison du risque de méthémo-globinémie potentiellement grave, la posologie d’Emla crème doit être rigoureusement respectée.

ATTENTION

Le passage systémique d’un collyre peut être à l’origine d’effets indésirables parfois graves, surtout chez l’enfant.

Administration de collyre chez l’enfant

• Avant toute manipulation, se laver les mains.

• Placer l’enfant en position allongée ou assise (tête en arrière), maintenir l’œil ouvert entre le pouce et l’index et instiller une goutte de collyre.

• Si l’enfant maintient fermement son œil fermé, instiller la goutte dans le coin interne de l’œil : une fois l’œil ouvert, la goutte atteint l’œil.

• L’embout du flacon ne doit pas entrer en contact avec l’œil ou les paupières pour éviter tout risque de contamination du flacon.

• Après instillation du collyre, appuyer sur l’angle interne de l’œil pendant une minute afin d’obturer le canal lacrymal et de limiter le passage systémique du produit.

• Essuyer la joue de l’enfant si le collyre s’y écoule pour éviter son ingestion et son passage transcutané (notamment chez le nourrisson).

• En cas d’administration de plusieurs collyres, respecter un intervalle de 10 minutes entre chaque instillation.

• Si collyre et pommade doivent être instillés, terminer par le produit le plus visqueux.

• Préférer les unidoses aux flacons multidoses. Dépourvues de conservateurs, elles limitent la survenue d’irritation et de sécheresse oculaire (altération du film lacrymal…).

• Les collyres (avant ou après ouverture) doivent être maintenus hors de la portée des enfants afin de prévenir tout risque d’ingestion accidentelle potentiellement grave : l’ingestion d’un flacon d’atropine 1 %, soit 10mg d’atropine, peut être fatale chez un enfant.

ATTENTION

Chaque dispositif d’administration est spécifique du médicament avec lequel il est délivré. Toute permutation expose à un risque de sous- ou surdosage.

À RETENIR

Chez les nourrissons nourris exclusivement au lait, il est préférable d’administrer Gaviscon avant le biberon ou la tétée.

À RETENIR

Dans l’angine, la posologie maximale de cefpodoxime est de 200 mg/j, soit 1 dose de 25 kg 2 fois/j.

ATTENTION

Afin de limiter le risque de malaise et de fausse route, les modalités d’administration d’Uvestérol doivent être rigoureusement respectées.

ATTENTION

Toujours vérifier à quelle tranche d’âge correspond la mention « enfant » sur les médicaments pédiatriques.

À RETENIR

La corticophobie peut être à l’origine d’une mauvaise observance du traitement et d’un échec thérapeutique.

Réglementation relative aux médicaments pédiatriques

Parce que les enfants ne sont pas des adultes en miniature, de multiples initiatives ont abouti en 2006 au règlement européen sur les médicaments pédiatriques. Il vise à améliorer la santé des enfants en Europe en facilitant la recherche, le développement et la mise sur le marché de médicaments pédiatriques. Les principales mesures :

– élaboration d’un plan d’investigation pédiatrique (PIP) pour tout nouveau médicament afin de fournir des données sur la qualité, la sécurité et l’efficacité du médicament dans les différentes catégories d’âge pédiatrique, ainsi que les adaptations envisagées de sa formulation. ;

– mise en place d’un système de récompense (sous la forme de prolongation de la durée du brevet) pour les firmes pharmaceutiques s’engageant à développer des médicaments pédiatriques ;

– création d’un nouveau type d’AMM, une PUMA (autorisation de mise sur le marché en vue d’un usage pédiatrique), accordée aux médicaments déjà autorisés mais n’étant plus couverts par des droits de brevet ;

– création d’un comité pédiatrique à l’Agence européenne du médicament ayant pour mission l’évaluation et l’approbation des PIP ;

– développement d’un réseau européen de recherche en pédiatrie afin de faciliter la conduite d’études cliniques de qualité ;

– création d’une base européenne des essais cliniques incluant les essais en pédiatrie (EUDRACT).

Intoxications accidentelles

Pendant leurs premières années, les enfants, guidés par leur curiosité, touchent et mettent à la bouche tous les objets à leur portée (y compris les médicaments !). Parmi les accidents de la vie courante, les intoxications médicamenteuses représentent 38 % des intoxications accidentelles, touchant majoritairement les enfants de 1 à 4 ans avec pour principales substances ingérées les analgésiques, les sédatifs et les psychotropes.

Bien que l’amélioration du goût des médicaments soit nécessaire pour favoriser l’observance chez le jeune enfant, elle constitue un facteur de risque d’intoxication accidentelle : assimilation de la poudre de Fumafer (goût cacaoté) avec de la poudre chocolatée…

De même, la vigilance est de mise avec les dispositifs transdermiques. Une fois utilisés, ces derniers renferment encore des substances actives et ne doivent pas traîner négligemment. Ainsi, des troubles digestifs et neuropsychiatriques suite à l’ingestion de patchs nicotiniques et un décès suite à l’absorption d’un patch de fentanyl ont été notifiés chez l’enfant.

Affiche disponible auprès de l’INPES, www.inpes.sante.fr

À RETENIR

En raison du risque de surencombrement bronchique, les mucolytiques et mucofluidifiants sont contre-indiqués chez les nourrissons de moins de 2 ans.

Prise en charge de la toux chez le nourrisson de moins de 2 ans

• Tous les médicaments indiqués dans la prise en charge de la toux sont contre-indiqués chez les nourrissons de moins de 2 ans en raison d’une efficacité non démontrée et de nombreux effets indésirables.

• Les mucolytiques (acétylcystéine, carbocistéine), les mucofluidifiants (benzoate de méglumine) et Hélicidine exposent à un risque d’aggravation des troubles respiratoires (majoration de l’encombrement bronchique, aggravation de bronchiolite aiguë…).

• Les antitussifs antihistaminiques H1 (prométhazine, alimémazine, oxomémazine, chlorphéniramine, pimétixène) sont à l’origine de sédation et d’effets atropiniques. Ils ont parfois été associés à des troubles neuropsychiques (convulsions notamment).

• Les antitussifs centraux opiacés (codéine, dextrométhorphane, pholcodine) entraînent une dépression respiratoire.

• Les suppositoires à base de terpènes sont également contre-indiqués en raison du risque potentiel de convulsions.

• Un sirop au statut de dispositif médical (Petit Drill Toux sèche) est indiqué pour soulager l’irritation due à la toux sèche chez l’enfant de 3 mois à 6 ans.

• La prise en charge de la toux repose sur des mesures simples destinées à améliorer le confort du nourrisson :

– lavage du nez au sérum physiologique plusieurs fois par jour ;

– hydratation suffisante ;

– maintien d’une atmosphère fraîche dans la chambre (19-20 °C) et aération régulière ;

– éviction des facteurs ambiants irritants (tabac, poussière…).

• Dans la majorité des cas, la toux disparaît en 10 à 14 jours. La persistance de la toux plus d’une semaine sans amélioration et de la fièvre plus de 3 jours, des difficultés à respirer ou à s’alimenter ou l’apparition d’autres symptômes (vomissements, éruption…) imposent une consultation médicale.

À RETENIR

En raison de leur propriété épileptogène, les suppositoires à base de terpènes sont contre-indiqués chez l’enfant ayant des antécédents de convulsions fébriles ou d’épilepsie.

À RETENIR

En raison du risque de fausse route lié à la forme gel, Daktarin est réservé aux nourrissons de plus de 6 mois.

À RETENIR

Les AINS sont déconseillés en cas de varicelle en raison du risque de complications infectieuses cutanées graves.

Prise en charge de la fièvre chez l’enfant

• La fièvre est définie par une élévation de la température centrale (rectale) au-dessus de 38 °C. Réponse de l’organisme aux infections, elle nécessite une attention particulière chez les nourrissons de moins de 3 mois car elle témoigne souvent d’une infection bactérienne dans cette population pédiatrique.

• La fièvre est un symptôme le plus souvent bénin dont il convient de rechercher la cause. Dans 2 à 5 % des cas, elle peut s’accompagner de convulsions jusqu’à l’âge de 5 ans (incidence maximale entre 18 et 24 mois).

• Une température > 38,5 °C justifie la mise en place d’un traitement. L’objectif de la prise en charge repose sur l’amélioration du confort de l’enfant et non la recherche de l’apyrexie.

• Quatre molécules disposent d’une AMM pour le traitement de la fièvre chez l’enfant : le paracétamol, l’ibuprofène, le kétoprofène et l’aspirine. Elles possèdent une même efficacité mais diffèrent par leur profil de tolérance.

• Le traitement est initié par une monothérapie en privilégiant le paracétamol car il présente la meilleure balance bénéfice/risque (allergie et thrombopénie exceptionnelles).

• Utilisés en 2e intention, les AINS et l’aspirine présentent des effets indésirables communs : hémorragie digestive, insuffisance rénale aiguë et allongement du temps de saignement.

• L’ibuprofène ne doit pas être utilisé en cas de varicelle en raison du risque de complications infectieuses cutanées et l’aspirine est à éviter dans un condiv d’infection virale (grippe, varicelle…) en raison du risque de syndrome de Reye.

• Une bithérapie antipyrétique (paracétamol et AINS ou aspirine) n’est justifiée que si la fièvre est mal tolérée malgré un traitement bien conduit pendant au moins 24 heures.

• En complément du traitement médicamenteux, il convient de ne pas trop couvrir l’enfant, de l’hydrater régulièrement et d’aérer la pièce. Souvent source d’inconfort, les bains tièdes (2 °C en dessous de la température corporelle) ne sont plus recommandés sauf si l’enfant apprécie.

À RETENIR

Tous les vasoconstricteurs à visée décongestion-nante sont contre-indiqués chez les moins de 15 ans en raison d’effets indésirables graves parfois mortels.

À RETENIR

L’anesthésie locale est déconseillée avant l’administration d’un vaccin vivant tel que le BCG en raison du risque potentiel d’inactivation.

À RETENIR

En pratique, les contre-indications formelles à la vaccination chez les personnes allergiques sont très rares. Le plus souvent, l’intérêt du vaccin surpasse le risque mineur lié à l’allergie.

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