LA PROFESSION CONTRE-ATTAQUE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3044 du 30/08/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3044 du 30/08/2014
 
RAPPORT DE L’IGF

L’événement

Auteur(s) : Loan Tranthimy

Malgré le départ d’Arnaud Montebourg, un projet de loi réformant les professions réglementées est annoncé par François Hollande à la rentrée. Si le sort de l’officine reste incertain, l’Ordre national et les trois syndicats de pharmaciens montent au front pour dénoncer le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) prônant la déréglementation de la pharmacie d’officine.

Chacun son métier. Nous, on ne vend pas des salades. » Cette réaction lâchée par un pharmacien ardennais, publiée dans L’union-L’Ardennais le 21 août, reflète l’inquiétude grandissante des confrères après les annonces fracassantes de l’ancien ministre de l’Economie en juillet. Arnaud Montebourg entendait s’appuyer sur le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les professions réglementées qui prévoit une série de réformes vertigineuse pour la pharmacie : ouverture du capital des officines à des investisseurs non pharmaciens, liberté d’installation ou encore levée du monopole officinal sur les médicaments à prescription médicale facultative (PMF). Pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, ces mesures devraient figurer dans le projet de loi sur la croissance et le pouvoir d’achat prévu en septembre conformément aux vœux de François Hollande.

Face aux accusations de l’IGF, l’Ordre national des pharmaciens puis les trois syndicats de pharmaciens (FSPF, USPO et UNPF) demandent au nouveau gouvernement de ne pas engager une réforme de l’officine sur la base d’un rapport « incomplet, obsolète », émaillé « d’erreurs et d’approximations », démontrant une méconnaissance de ce marché et du métier par cette institution. Chaque organisation professionnelle a apporté des arguments pour contrer les affirmations de l’IGF.

Contre-vérités sur les prix des médicaments

Pour justifier l’ouverture du monopole officinal sur les médicaments sans ordonnance, l’argument principal de l’IGF tourne autour de la pratique tarifaire des officines sur les médicaments à PMF. S’appuyant sur une enquête datant de 2005 de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF), elle estime que le prix des médicaments non remboursables a augmenté deux fois plus vite que le coût de la vie depuis 15 ans (+ 3 % par an en moyenne entre 1998 et 2011, contre + 1,65 % pour l’indice des prix à la consommation). Pour l’IGF, cette augmentation serait voulue par les officinaux afin de maintenir leur rentabilité face à la baisse des prix des médicaments remboursables.

Une thèse dénoncée par la profession. A commencer par l’Ordre qui s’interroge sur le sérieux des études de prix utilisées par l’IGF. Pour faire preuve du contraire, l’instance présidée par Isabelle Adenot cite une autre étude réalisée par Celtipharm sur un échantillon de 3 000 officines et 2 000 produits non remboursables. Elle montre que le prix des médicaments identiques entre 2009 et 2013 a augmenté moins vite (1 %) que l’inflation (1,6 %) et ce alors qu’en 2011 le taux de TVA de ces produits a augmenté de 1,5 %.

Autre argument soutenu par l’IGF : la vente des médicaments en grande surface ferait baisser les prix, permettant ainsi de rendre 400 millions d’euros de pouvoir d’achat aux Français.

Cette affirmation est infondée pour l’instance ordinale qui rappelle une étude comparative des prix réalisée en 2013 entre les différents réseaux de distribution (officine, parapharmacie et GMS). « Il résulte que le niveau de prix pratiqué est marché-dépendant : la présence de références en grande surface ne se concrétise pas par un prix plus faible. Au contraire, ce secteur pratique par exemple les prix les plus élevés sur les préservatifs, les laits infantiles et les lingettes bébés », indique l’Ordre.

Une analyse partagée par l’UNPF, qui enfonce le clou : « Non seulement la distribution des médicaments en GMS n’augmente pas le pouvoir d’achat des Français à long terme, mais elle pose aussi des problèmes de sécurité, de traçabilité et de santé publique », indique Michel Caillaud, président du syndicat.

Recommandations néfastes pour la santé publique

Car pour recommander la vente en grande surface des médicaments sans ordonnance, la mission soutient que « le rôle de conseil et de prévention joué par le pharmacien n’apparaît pas indispensable à la protection de la santé publique ». Cet argument met l’Ordre en colère. « En niant l’intérêt de ce rôle, l’IGF cherche à amoindrir le statut des médicaments à prescription facultative en le rapportant à un produit de consommation quelconque, ce qui montre une totale méconnaissance du sujet ». L’Ordre défend le savoir-faire du pharmacien et estime « qu’un pharmacien salarié d’une structure non pharmaceutique pourrait difficilement s’opposer aux instructions données par son employeur motivées par les considérations étrangères à la santé publique ». Il rappelle que l’usage inapproprié des médicaments provoque chaque année 12 000 décès et 120 000 hospitalisations. « Ces chiffres sont énormes et ne feraient qu’empirer si l’on autorise la vente des médicaments en grande surface. » Une nouvelle fois, la position de l’Ordre est partagée par les syndicats. Dans une note publié sur son site, l’USPO martèle que la santé n’est pas un bien de consommation courante. « Seuls les pharmaciens connaissent leurs patients, leurs traitements, leur parcours de santé », écrit le syndicat.

Plus de 6 000 emplois menacés dans les officines

L’IGF estime aussi que la brèche dans le monopole ne devrait avoir qu’un effet limité sur les marges des pharmaciens. Là encore, les syndicats sont unanimes pour rappeler la fragilité économique actuelle du réseau officinal. Dans sa réponse, la FSPF démontre que « les marges brutes des pharmaciens sur les médicaments remboursables ont diminué depuis 2005 en raison des lois de financement de sécurité sociale successives ». L’UNPF rappelle que « deux pharmacies sur trois ont des problèmes de trésorerie et une pharmacie ferme tous les trois mois ». « L’ouverture du monopole sera l’accélération du nombre de fermetures d’officine essentiellement dans les zones faiblement peuplées. Plus de 6 000 emplois seraient menacés par la remise en cause du monopole et viendraient gonfler les chiffres du chômage dont le taux atteint déjà 8 % en officine », explique l’UNPF.

Au-delà des critiques, les organisations professionnelles avancent des solutions pour améliorer la réglementation sans compromettre l’avenir officinal. La FSPF suggère notamment d’appliquer aux médicaments non remboursables la réglementation des médicaments remboursables, ce qui conduirait les pouvoirs publics à fixer leurs prix et leur marge. Elle demande aussi l’extension des missions des pharmaciens pour les soins de premier recours et la possibilité de modifier une prescription médicale d’un dispositif médical. L’UNPF met en avant « la légalisation des rétrocessions entre pharmaciens d’officine pour faire baisser les coûts pour les consommateurs ou encore des incitations favorisant les regroupements ». Le nouveau ministre de l’Economie sera-t-il sensible à ces arguments ? Peu importe, la profession promet une mobilisation à la rentrée.

Juin 2014

Arnaud montebourg annonce la réforme des professions réglementées.

Juillet 2014

Rapport de l’IGF, publié partiellement dans la presse.

Août 2014

François Hollande confirme la réforme.

Août 2014

L’ordre et la FSPF publient leur réponse

Les Pigeons pharmaciens lancent une « soirée verte » le 1er septembre

Alors que des initiatives de pharmaciens fleurissent sur le terrain (pétition, affichette comparative des prix…) pour informer les patients, le mouvement des Pigeons pharmaciens, né sur les réseaux sociaux, appelle les pharmaciens, les préparateurs et les étudiants à manifester leur détermination le 1er septembre dès 20 heures.

« Partout en France nos croix vertes resteront allumées toute la nuit. Des kilos de fluorescéine doivent colorer toutes les fontaines, jets d’eau, rivières, bras de mer, mares aux canards, égouts… », écrit l’association.

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