« Le pharmacien, une vigie auprès de la personne âgée »

Pourquoi le pharmacien est-il pour vous un acteur clé du parcours de soins des personnes âgées ?

Il est central. Dans l’expérimentation Paerpa (Parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie, déployé dans 9 territoires pilotes), le pharmacien a une place évidente dans le trio de la coordination clinique de proximité, aux côtés du médecin traitant et de l’infirmière. Les personnes âgées incluses dans Paerpa ont plus de 75 ans, plusieurs pathologies dans 82 % des cas, sont en ALD dans 57 % des cas; un tiers d’entre elles ont été hospitalisées dans l’année. Elles ont donc plusieurs médecins prescripteurs et sont prises en charge par de multiples intervenants : infirmiers libéraux, services d’aide à domicile, réseaux, hospitalisation à domicile, etc. Mais la plupart n’ont souvent qu’un seul pharmacien.

Quel est son rôle spécifique, au-delà de la délivrance du médicament ?

C’est une vigie. En tant que spécialiste du médicament, il est bien sûr très qualifié pour prévenir ou repérer une mauvaise observance, des interactions, des effets secondaires, des difficultés de prise, etc. Il est aussi l’un des premiers témoins de l’apparition de troubles cognitifs et thymiques, de la dégradation de l’état général de la personne, ou encore de son isolement. Souvent les personnes âgées n’ont pas de balance à leur domicile : elles peuvent mesurer leur poids et leur tension à l’officine. Le pharmacien est aussi une ressource pour aider la personne âgée à s’orienter dans le système de soins, par exemple à trouver un nouveau médecin traitant à la suite d’un départ en retraite du leur. Bien sûr, il va falloir formaliser ce repérage par le pharmacien : comment va-t-il informer le médecin et l’infirmier de la coordination clinique de proximité ? Nous sommes en train de mettre au point des échanges par messagerie sécurisée.

Les pharmaciens sont-ils prêts à investir ce rôle nouveau ?

Dans les réunions auxquelles je participe partout en France, ils ne sont pas toujours présents. La plupart sont bienveillants, intéressés, mais ils travaillent beaucoup, n’ont pas le temps de réfléchir à ces nouvelles pratiques, manquent parfois d’un espace de confidentialité. Ils doutent souvent de la possibilité d’échanger avec les médecins. Et ils doutent souvent de la possibilité d’échanger avec les praticiens en général. Les relations entre les médecins et les pharmaciens peuvent être cordiales, à partir du moment où elles sont harmonieuses. Il faut imaginer des formations pluriprofessionnelles. Chacun doit mesurer le changement de paradigme qui est à l’œuvre. Le pharmacien doit embarquer. Il y a là une opportunité.