HANDICAPS ET ATOUTS - Le Moniteur des Pharmacies n° 3035 du 07/06/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3035 du 07/06/2014
 
PETITES OFFICINES

Entreprise

Auteur(s) : Marie Luginsland

Dans une situation économique très critique, nombre de petites pharmacies souffrent. Leurs titulaires sont d’autant plus désemparés qu’ils disposent de peu de marge de manœuvre. Retour sur les faiblesses et les forces de ces petites structures.

Les petites officines n’ont pas le moral. Et pour cause. Selon « Le Cahier Fiducial du pharmacien » de 2013, leur excédent brut d’exploitation (EBE) a baissé d’un quart de point alors que celui de la pharmacie moyenne progressait de près de 0,75 % en 2012. Ces petites structures, dont le chiffre d’affaires est inférieur au million d’euros, sont souvent en état de survie. Sur les trois pharmacies qui disparaissent chaque semaine, 80 % sont des petites officines. Elles pâtissent d’abord d’un effet mécanique : le volume de chiffre d’affaires moins important qu’une officine de taille moyenne (1,5 M€) ne leur permet pas d’avoir une masse critique suffisante pour résister aux assauts subis par la profession.

Mais ce n’est pas le seul critère. Ces petites pharmacies composent 20 % de celles implantées dans les centres-villes.

Or, elles souffrent davantage de la crise que les autres. En effet, leur résultat net baisse de 0,37 %, alors que les pharmacies, toutes tailles confondues, enregistrent une hausse de 0,27 % selon les chiffres Fiducial. En outre, ces pharmacies de centre-ville doivent faire face à des charges d’exploitations en hausse. Entre 2011 et 2012, elles sont passées de 4,67 % à 4,81 % du chiffre d’affaires.

« Nous sommes de véritables bourreaux de travail »

Sur quels leviers d’action est-il possible d’agir ? Pas sur le loyer, qui représente un coût incompressible. « En milieu urbain, le loyer devient une charge que les petites officines ne peuvent plus absorber. Il plombe leur rentabilité », constate Alain Aubard, gérant du cabinet de transactions Planète Officine. Ce poste, qui représente 1,31 % du chiffre d’affaires, atteint un taux de 1,38 % dans les centres-villes, et peut monter jusqu’à 3 % dans certains hypercentres de grandes agglomérations. En ville, le coût élevé du mètre linéaire empêche le seuil de la rentabilité d’être franchi. En outre, la rotation de stock est généralement plus faible (45 jours contre 42 jours en moyenne) car la concurrence y est plus forte.

Pour compresser leurs frais, les titulaires des petites officines doivent donc s’attaquer à d’autres variables d’ajustement, comme les frais de personnel, qui atteignent en moyenne 10 % du chiffre d’affaires. Aussi, il n’est pas rare que, face à la baisse de leur activité, ces pharmacies, qui emploient en moyenne deux à trois salariés, s’en séparent. Souvent sans autre solution que de faire cavalier seul au comptoir.

Ces titulaires totalisent alors 60, voire 70 heures de travail hebdomadaires. Ils réceptionnent, déballent, servent les clients, et parfois même font le ménage. « Nous sommes de véritables bourreaux de travail », reconnaît Régine Bergeron, titulaire de la Pharmacie Bleue à Paris. Or, avec un EBE à 11,01 % (contre 12,19 % en moyenne), nombre de ces pharmaciens parviennent à peine à se rémunérer. Il en résulte un grand sentiment de solitude. Et d’impuissance.

« Dans une petite officine, il est impossible de rester inactif, sinon c’est la mort », affirme Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial Expertise. Facile à dire ? Sur le terrain, Régine Bergeron arguë qu’elle souhaiterait « développer des projets », mais avoue « ne pas en avoir les moyens ». Mettre en place les nouvelles missions, avec des entretiens pharmaceutiques, est un défi quotidien pour ces titulaires seuls aux manettes. Ils doivent sacrifier quelques mètres linéaires et, par conséquent, faire les bons choix de référencement. Car une immobilisation des stocks limitée est, en centre-ville, le nerf de la guerre, alors que le besoin en fond de roulement équivaut à 12,9 jours de chiffre d’affaires, contre 11 jours pour une pharmacie de centre commercial. « Leur superficie ne leur permet pas, comme dans les pharmacies rurales, de créer une nouvelle activité comme le maintien à domicile », remarque Alain Aubard. Avec un chiffre d’affaires moyen par salarié compris entre 302 et 313 k€ (contre 318 k€ pour une pharmacie moyenne), ces petites pharmacies se disent les premières victimes des pharmacies à bas prix implantées à la périphérie des villes. Philippe Cramer, installé depuis 23 ans à Moissy-Cramayel (Seine-et-Marne), voit son chiffre d’affaires de 500 k€ fondre depuis cinq ans depuis l’arrivée d’une pharmacie discount. « J’ai dû me séparer d’un salarié », se désole-t-il.

Spécialisation et conseil pour s’en sortir

Hélène Moutou, installée à Carcassonne (Aude), témoigne du même désarroi. Si elle parvient à maintenir son chiffre d’affaires à 500 k€ grâce au médicament, elle voit sa marge rétrécir comme peau de chagrin. « Nous vivons grâce à la vente de médicaments, essentiellement les génériques. La marge en parapharmacie, c’est terminé. Les pharmacies discount nous ont tout pris. Si on nous attaque sur le générique, nous sommes morts. »

Pourtant, il existe quelques leviers d’actions pour sortir la tête de l’eau. « Il suffit, parfois, de créer une signalétique différente, un espace plus accueillant ou encore de déplacer l’officine de quelques mètres (20 mètres suffisent parfois) pour l’implanter à un angle de rue ou à une station de métro ou de tram », conseille Philippe Becker.

Certains titulaires sont parvenus à transformer leur handicap de départ en avantage. La Pharmacie Casetta, située à Lille et aujourd’hui détenue par François Muller, en est un exemple. Avec ses cinq mètres de façade, elle a su prendre sa place entre deux pharmacies plus importantes. Comment ? A quelques pas de la gare, elle s’est spécialisée dans les médecines douces, l’homéopathie, les huiles essentielles et la phytothérapie. Et est ouverte de 7 heures 30 à 21 heures.

De même, Véronique Zaghroun, malgré un espace d’à peine 70 mètres carrés, s’est focalisée sur le conseil. « Je sélectionne quelques référencements en parapharmacie, mais la majeure partie de mon travail se fait au comptoir. Je constate que, depuis deux ans, les clients reviennent à l’officine pour se faire conseiller. En particulier, les moins de trente ans apprécient de pouvoir parler à leur pharmacien ! », raconte cette titulaire parisienne, installée près de la Bastille.

Sources chiffres : « Le Cahier Fiducial du pharmacien » 2013.

Attirer les jeunes diplômés

Autrefois considérées comme un premier tremplin pour de jeunes pharmaciens, les petites officines ne font plus recette. « Ils préfèrent s’installer en association dans des pharmacies plus importantes », note Philippe Becker. Résultat : nombre de titulaires de petites pharmacies se retrouvent, à l’âge de la retraite, avec une officine sur les bras. Dans les grosses agglomérations, les officines qui sont difficilement rentables ne trouvent pas d’acquéreurs. Une titulaire qui souhaite garder l’anonymat affirme que les seules offres qu’elle reçoit sont à 20 % de son chiffre d’affaires ! Pour Gilles Andrieu, président du cabinet de transactions Espace, c’est simplement une affaire de prix juste, et non de typologie d’officine : « Dans chaque nouvelle promotion, il se trouve des jeunes disposant de peu d’apport, mais prêts à s’installer dans une officine à taille humaine pour y apprendre le métier. C’est la seule solution pour maintenir le maillage. » La solution ? Que « les pouvoirs publics autorisent la possession de plusieurs licences afin que ces petites officines deviennent les satellites d’une plus grosse, avec, à leur tête, un adjoint », projette-t-il.

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