CONSEILS AUX VOYAGEURS - Le Moniteur des Pharmacies n° 3035 du 07/06/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3035 du 07/06/2014
 

Cahiers Formation du Moniteur

CONSEIL

VACCINS

« Je dois être vaccinée mais j’allaite »

Madame D. se présente avec son bébé de 4 mois.

– Je pars rendre visite à ma famille au Mali dans un mois. J’ai rendez-vous au centre de vaccination dans une semaine pour la fièvre jaune.

– Vous avez actuellement un tire-lait en location. Allaitez-vous toujours votre bébé ?

– Je ne lui donne que la tétée du matin et du soir.

– Après l’injection du vaccin antiamaril, vous ne devez pas allaiter votre enfant pendant 2 semaines. Vous devrez jeter votre lait mais vous pourrez reprendre l’allaitement ensuite.

Le premier point à aborder avec un candidat au voyage est la question des vaccins. La mise à jour de ses vaccinations selon le calendrier vaccinal classique est indispensable. Ensuite, les vaccins seront adaptés selon les obligations du pays visité et les conditions du séjour. La vaccination ne dispense pas des conseils de prévention primordiale : hygiène des mains, hygiène alimentaire, répulsifs antimoustiques…

FIÈVRE JAUNE

• Provoquée par le virus amaril, la fièvre jaune est transmise par les moustiques du genre Aedes. Elle est endémique dans les zones tropicales d’Afrique, d’Amérique centrale et du Sud.

• La vaccination est indispensable pour un séjour en zone endémique, dès l’âge de 9 mois. Elle est obligatoire dès l’âge de 6, 9 ou 12 mois pour certains pays (certificat de vaccination exigé).

• Le vaccin est un vaccin à virus vivant atténué : Stamaril, voie SC (ou IM), disponible uniquement en centre agréé de vaccination internationale (non pris en charge).

• Schéma vaccinal : une injection, au moins 10 jours avant le départ, protège pendant 10 ans. Un certificat international de vaccination est délivré.

• Effets indésirables : fièvre, réaction au point d’injection, nausées, vomissements, myalgies sont fréquents. Des cas exceptionnels d’encéphalite ou de défaillance multiviscérale ont été rapportés, notamment chez les plus de 60 ans ou les patients atteints d’une maladie du thymus.

• Contre-indications : nourrisson de moins de 6 mois, allergie aux protéines de l’œuf, aux protéines de poulet, intolérance au fructose, déficit immunitaire d’origine thérapeutique (corticoïdes, anticancéreux, radiothérapie), pathologique (ablation ou dysfonctionnement du thymus) ou dû à l’infection à VIH symptomatique.

• Précautions d’emploi : si le séjour ne peut être reporté, vaccination exceptionnelle des nourrissons de 6 à 9 mois et de la femme enceinte. La femme allaitant un enfant de moins de 6 mois doit suspendre l’allaitement pendant les 2 semaines après l’injection (passage dans le lait maternel). Un délai de 30 jours doit être respecté entre 2 vaccins vivants atténués.

INFECTIONS INVASIVES À MENINGOCOQUES

• Le méningocoque (Neisseria meningitidis) sévit en Afrique subsaharienne dans la « ceinture de la méningite » (du Sénégal à l’Ethiopie) au moment de la saison sèche, de novembre à juin. La plupart des infections invasives sont dues aux sérogroupes A, C, W135, Y.

• Il existe différents vaccins contre le méningocoque. Les vaccins tétravalents conjugués A,C,W135,Y (NR), Menvéo (dès 2 ans) et Nimenrix (dès 1 an) sont destinés :

– à tous les voyageurs à destination des pays de la « ceinture de la méningite? » à la saison sèche et de zones où se produisent des épidémies ;

– aux pèlerins se rendant à La Mecque (vaccination obligatoire) ;

– aux personnels de santé ou humanitaires dans la zone d’endémie, quelle que soit la saison.

Une dose IM est administrée au moins 10 jours avant le départ. La durée de protection n’est pas établie, mais elle est de 3 ans au moins.

• Le vaccin non conjugué A et C peut s’utiliser dès l’âge de 6 mois en cas d’épidémie due au sérogroupe A : vaccin méningococcique A + C polyosidique.

• Le vaccin conjugué monovalent C (Méningitec, Menjugatekit, Neisvac) est destiné à la vaccination des nourrissons dès 2 mois, selon les recommandations générales du calendrier vaccinal.

• Effets indésirables : réaction locale bénigne, fièvre (T > 38,5 °C).

FIÈVRE TYPHOÏDE

• Salmonella typhi et S. paratyphi sont les bactéries responsables de la fièvre typhoïde. La transmission est orofécale, par consommation d’eau ou d’aliments souillés.

• La vaccination est conseillée aux voyageurs des régions où l’hygiène est précaire (sous-continent indien…).

• Vaccins (NR) : Typhim et Typherix (monovalents) ou Tyavax (associé à l’hépatite A), injection IM. Ils sont disponibles à l’officine mais, en cas de rupture de stock, le vaccin est réservé aux centres de vaccination internationale.

• Schéma vaccinal : dès 2 ans (16 pour Tyavax), une dose au moins 15 jours avant le départ. Rappel tous les 3 ans.

• Effets indésirables : modérés et transitoires (réaction au site d’injection). Des cas isolés de réaction anaphylactique ont été rapportés.

• Précautions : le vaccin assure une protection de 50 à 65 %. Il ne se substitue pas aux mesures d’hygiène : lavage des mains, des aliments crus, contrôle de l’eau de boisson.

HÉPATITE A

• Le virus de l’hépatite A se transmet soit par les mains sales, soit par consommation d’eau ou d’aliments souillés. Même si elle n’a pas d’évolution chronique, l’hépatite A est responsable de formes fulminantes, létales dans 4 % des cas (chez les plus de 40 ans).

• Se vacciner est recommandé dès 1 an pour tout séjour dans un pays à hygiène précaire.

• Vaccins :

– monovalents, Havrix 1440 U et Avaxim 160 U (≥ 16 ans), Havrix 720 U et Avaxim 80 U (de 1 à 15 ans), voie IM. Ils sont remboursés pour les patients atteints de mucoviscidose ou d’hépatopathie ;

– associé à la fièvre typhoïde : Tyavax (≥ 16 ans) ;

– associé à l’hépatite B (NR) : Twinrix adulte (≥ 16 ans) et enfant (de 1 à 15 ans), voie IM.

• Schéma vaccinal :

– monovalents : une injection au moins 15 jours avant le départ, avec un rappel 6 à 12 mois plus tard. La protection dure 10 ans ;

– Tyavax : l’injection 15 jours avant le départ doit être suivie d’une dose contre l’hépatite A seule 6 à 12 mois après ;

– Twinrix : 3 doses à M0, M1, M6 avec un schéma accéléré possible (J0, J7, J21 avec un rappel 12 mois après la première dose).

• Effets indésirables : bénins (irritabilité, céphalées, fatigue, réaction au point d’injection).

HÉPATITE B

• L’hépatite B est fortement endémique en Afrique tropicale, Asie du Sud-Est et certains pays d’Amérique du Sud. Le risque est important dans tous les pays peu développés.

• Cible de vaccination : voyageurs réalisant des séjours fréquents ou prolongés en zone d’endémie.

• Vaccins : remboursés, injection IM.

– jusqu’à 15 ans : Engerix B10, Genhevac B et HBVaxPro 5 ;

– dès 16 ans : Engerix B20, Genhevac B et HBVaxPro 10.

• Schéma vaccinal : 3 injections à M0, M1 et M6. L’immunité n’est acquise qu’après la 3e dose. Un schéma accéléré en 21 jours est envisageable pour un départ immédiat (chez l’adulte).

• Effets indésirables : fatigue, irritabilité, fièvre et réaction au site d’injection sont fréquentes.

• Précautions : le voyageur doit éviter les situations à risque (tatouage, toxicomanie, relations sexuelles non protégées…).

ENCÉPHALITE JAPONAISE

• Transmise par des moustiques du genre Culex, l’encéphalite japonaise est une maladie virale qui s’étend du Pakistan et du sous-continent indien vers l’est de l’Asie, en passant par l’Indonésie et l’extrême nord de l’Australie. Les zones agricoles à eaux stagnantes (rizières) sont les plus touchées.

• Cibles de la vaccination : voyageurs se rendant à la saison des pluies en zone endémique, notamment près des rizières, pour pratiquer une activité extérieure (camping, randonnée, cyclisme…), quelle que soit ladurée du séjour.

• Vaccin : Ixiaro, injection IM, disponible en centre agréé de vaccination internationale (non pris en charge).

• Schéma vaccinal : 2 injections à J0 et J28, la dernière au plus tard 10 jours avant le départ. Un rappel 12 à 24 mois après est conseillé en cas d’exposition prolongée. Depuis le 1er février 2013, l’AMM est étendue aux enfants de plus de 2 mois. Avant 3 ans, le schéma vaccinal s’applique avec une demi-dose de vaccin.

• Effets indésirables : céphalées, myalgies, douleur et sensibilité au point d’injection apparaissent souvent mais de façon transitoire.

ENCÉPHALITE À TIQUES

• La zone d’endémie couvre l’Europe centrale, orientale et septentrionale, le nord de l’Asie jusqu’au nord du Japon. Le virus est transmis par morsure de tique, principalement en zone rurale ou boisée, du printemps à l’automne.

• La vaccination est conseillée aux voyageurs de ces régions pendant la période d’activité des tiques.

• Vaccins (NR) : Ticovac adulte (??16 ans), Ticovac enfant (1 à 15 ans) et Encépur (? 12 ans), voie IM.

• Schéma vaccinal : 3 injections puis rappel tous les 5 ans si besoin (3 ans pour les plus de 60 ans).

Ticovac : M0, entre M1 et M3 puis entre M5 et M12. Encépur : M0, entre M1 et M3 puis entre M9 et M12. La seconde dose doit être administrée au moins 2 semaines avant le départ. Un schéma accéléré est possible.

• Effets indésirables : douleur au site d’injection, céphalées, nausées, malaise et fatigue sont fréquentes. Chez l’enfant de moins de 3 ans, une fièvre (T > 38 °C) apparaît dans 28 % des cas.

• Contre-indication : hypersensibilité aux protéines d’œuf ou de poulet.

RAGE

• La rage est présente chez les mammifères (chien, chat, singe, renard, chauve-souris…), dans la plus grande partie du monde. Présent dans la salive, le virus se transmet par morsure, griffure ou léchage de peau lésée.

• La vaccination est recommandée en cas de séjour prolongé ou aventureux, et en situation d’isolement dans des zones à haut risque (Afrique, Amérique du Sud et Asie), en particulier chez les enfants en âge de marcher.

• Vaccins (NR) : Rabipur et Vaccin rabique Pasteur, voie IM.

• Schéma vaccinal : 3 injections à J0, J7, J21 ou J28.

• Précautions : en cas d’exposition avérée ou suspectée chez une personne vaccinée : 2 injections de rappel espacées de 3 jours, à faire systématiquement et le plus tôt possible.

DIARRHÉES DU VOYAGEUR

« Du lopéramide en cas de turista ? »

Madame L. veut faire le point sur sa pharmacie de voyage.

– Nous partons en Tunisie mon mari et moi. Il me reste du lopéramide pour la diarrhée d’une précédente gastroentérite. Puis-je le prendre en cas de turista ?

– Le lopéramide n’est pas conseillé en cas de turista. Ce médicament ralentit le transit et peut retenir les germes dans l’intestin. Je préfère vous conseiller un médicament comme Tiorfast ou Diarfix, plus adaptés.

La turista (diarrhée aiguë du voyageur) est la première pathologie des touristes se rendant dans un pays à niveau d’hygiène bas (1 voyageur sur 2). Souvent de courte durée (1 à 5 jours), elle entraîne une modification des activités dans 45 % des cas. Deux personnes sur dix se retrouvent alitées.

ÉTIOLOGIES

• La grande majorité des cas (80 à 90 %) sont dus à des bactéries, Escherichia coli entérotoxinogène étant la plus fréquente. On retrouve également Salmonella enterica non typhi, Shigella spp., Vibrio choleræ, Campylobacter spp., Yersinia enterocolitica, plus rares.

• L’origine est virale (rotavirus, norovirus…) dans environ 15% des infections.

• Les parasites (Giardia intestinalis, Cryptosporidium spp, Isospora belli, Cyclospora cayetanensis, Entamœba histolytica…) sont plutôt à l’origine d’une turista persistante après le retour à domicile.

• Des causes non infectieuses telles que le stress, le décalage horaire ou le changement d’alimentation sont possibles.

SYMPTÔMES

• La diarrhée se caractérise par plus de 3 selles non moulées en 24 heures. Elle s’accompagne d’au moins un autre signe : nausées, vomissements, douleurs abdominales, fièvre, selles glaireuses ou sanglantes.

• Elle débute 12 à 72 h après l’ingestion des aliments ou de l’eau contaminés. Le plus souvent aiguë et bénigne, elle peut parfois devenir grave chez les enfants, les personnes âgées ou fragilisées.

PRÉVENTION

Hygiène

• Première prévention efficace, le lavage régulier des mains est conseillé, notamment avant les repas et avant toute manipulation d’aliments et après le passage aux toilettes. En l’absence d’eau et de savon, un gel ou une solution hydroalcoolique peut être utilisé (attention au risque de photosensibilisation !).

Alimentation

Boissons

• Ne consommer que de l’eau en bouteille capsulée et éviter les glaçons.

• L’eau du robinet peut être rendue potable par ébullition (1 minute à gros bouillons) ou par filtration suivie d’une désinfection.

• Le lait doit être pasteurisé ou bouilli et la chaîne du froid assurée.

• Chez le nourrisson, privilégier l’allaitement au sein ou l’hygiène stricte des biberons.

Aliments solides

• Plus à risque que les boissons, les aliments solides doivent être choisis avec précaution :

– éviter la nourriture vendue dans la rue et les buffets froids des restaurants ;

– peler les fruits soi-même ;

– éviter de consommer des glaces, des sorbets, des crudités, des coquillages, des plats réchauffés ;

– bien cuire les œufs, la viande et le poisson (attention à la toxicité de certains poissons de mer !).

Prophylaxie médicamenteuse

• Aucun médicament n’est indiqué en prévention de la diarrhée du voyageur en dehors de situations particulières (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin) et après avis spécialisé.

QUAND CONSULTER ?

• Consulter systématiquement :

– chez l’enfant de moins de 2 ans (fort risque de déshydratation) ;

– en cas de fièvre, de selles glairosanglantes ;

– si la diarrhée dure depuis plus de 48 h ou persiste au retour ;

– en cas de vomissements incoercibles.

TRAITEMENT

Réhydratation

• Elle est indispensable et souvent suffisante pour compenser les pertes hydroélectrolytiques. Il faut boire abondamment des liquides salés et sucrés en alternance. En cas de vomissements, ils doivent être administrés en petites doses successives.

• Chez le nourrisson, les solutés de réhydratation (Adiaril, Picolite, Novalac Hydranova, Fanolyte, Viatol…) doivent être utilisés rapidement : un sachet dans 200 ml d’eau faiblement minéralisée. La réalimentation précoce assure ensuite un apport calorique. Le lait maternel est à privilégier, sinon préférer un lait sans lactose (Diargal, O-Lac…).

Traitement symptomatique

• Afin d’atténuer la diarrhée, le racécadotril (Tiorfast) est le médicament de première intention. Cet antisécrétoire intestinal est contre-indiqué en cas d’allaitement (immaturité du tube digestif fœtal). Posologie chez l’adulte : une gélule d’emblée puis une gélule au début de chaque repas.

• Le lopéramide est à réserver aux cas où l’accès aux sanitaires est difficile. En ralentissant le transit, il peut aggraver l’évolution clinique en empêchant l’élimination des agents pathogènes. Il est contre-indiqué chez l’enfant de moins de 2 ans, en cas de diarrhée glairosanglante et/ou associée à une fièvre importante, chez les patients souffrant d’entérocolite bactérienne due à une bactérie invasive. Posologie chez l’adulte :2 gélules d’emblée puis une gélule après chaque selle non moulée (max. 8/jour).

• Les pansements intestinaux et les antiseptiques intestinaux ne sont plus indiqués.

Antibiothérapie

• Dans les formes moyennes ou sévères (fièvre, sang dans les selles), le voyageur peut être amené à utiliser un antibiotique (prescrit à l’avance par le médecin).

• En dehors de l’Asie, les fluoroquinolones (ofloxacine et ciprofloxacine) sont indiquées chez l’adulte. Attention au risque de photosensibilisation !

• En Asie, l’azithromycine est recommandée en première intention, mais hors AMM, chez l’adulte et l’enfant en raison du niveau de résistance des bactéries aux autres antibiotiques.

• Chez l’enfant et l’adolescent, l’utilisation de ciprofloxacine doit être réservée pour des cas cliniques sévères compte tenu du risque de survenue d’arthropathies graves.

PRÉVENTION DU PALUDISME

« Je pars en vacances au Sénégal »

Madame M., la trentaine, vous demande conseil :

– Nous partons au Sénégal. Le médecin nous a prescrit un antipaludéen. Est-ce vraiment nécessaire car nous ne partons que 8 jours ?

– Le Sénégal est une zone où le paludisme est fortement présent. Le médicament prescrit par votre médecin est vraiment nécessaire, même si vous ne partez que 8 jours.

– Je pensais juste utiliser un spray antimoustique…

– Les répulsifs cutanés ne sont pas suffisants pour vous protéger. Il faut y associer une chimioprophylaxie.

IMPORTANCE DE LA PROPHYLAXIE

• Le paludisme, transmis par des moustiques anophèles, est très répandu en zone tropicale.

Touristes et voyageurs ont encore trop tendance à négliger cette affection parasitaire qui peut être très grave voire mortelle : chaque année on compte en France plus de 3?500 cas de paludisme d’importation et 10 à 20 décès.

• L’agent responsable est un parasite de l’espèce Plasmodium.

Les premiers signes (primo-invasion) sont non spécifiques (symptômes grippaux). Ils apparaissent environ 10 jours après la piqûre, et jusqu’à deux mois après. Survient ensuite une forte fièvre > 40 °C (accès palustre) qui est le résultat de la lyse des hématies. En l’absence de traitement, les accès palustres se renouvellent plusieurs fois de façon rythmée (rythme tierce de 48 h pour P. falciparum, vivax et ovale ; rythme quarte de 72 heures pour P. malariæ). Certaines formes de paludisme sont rémanentes. Les accès de fièvre peuvent donc revenir pendant plusieurs années.

• L’espèce la plus répandue est P. falciparum, responsable d’accès palustres graves, dits pernicieux, qui traduisent une atteinte cérébrale (neuropaludisme). Les accès se manifestent par une fièvre très élevée (41-42 °C), des troubles neurologiques importants (troubles de la conscience, convulsions, coma, signes de méningite) et divers signes généraux (anémie importante, hypoglycémie, troubles de la coagulation et hémorragies, atteinte du foie et des reins). L’absence d’un traitement rapide peut conduire au décès. Chez certains patients, l’accès pernicieux survient d’emblée sans qu’il n’y ait eu de phase de primo-invasion.

• Les antipaludéens sont efficaces contre tous les types de Plasmodium mais visent essentiellement à prévenir les risques d’infection à P. falciparum. Aucun moyen préventif n’assurant à lui seul une protection totale, il faut obligatoirement associer à la chimioprophylaxie une protection mécanique contre les piqûres de moustiques. L’efficacité résulte de l’accumulation des méthodes employées.

PROTECTION MÉCANIQUE

Répulsif cutané

• Les répulsifs cutanés sont composés d’une substance active qui éloigne les moustiques sans les tuer. Quatre molécules ont été reconnues par la réglementation européenne : le DEET (ou diéthyltoluamide), l’icaridine (ou picaridine ou KBR3023), l’IR3535 et le citriodiol (PMDRBO).

• Pour lutter contre l’anophèle, les répulsifs doivent être appliqués dès le coucher du soleil, sur toutes les parties découvertes du corps, visage compris (éviter les muqueuses buccales et oculaires, la peau lésée), ainsi que sur les parties pouvant être découvertes à l’occasion de mouvements. La durée de la protection varie de 2 à 5 heures en fonction de la concentration initiale du produit et de la température extérieure.

L’application doit être renouvelée après la baignade. Il est nécessaire de respecter un délai de 20 minutes après application de la crème solaire.

• Ces produits peuvent être toxiques s’ils sont ingérés. Par précaution, éviter l’application sur les mains, en particulier chez les jeunes enfants et les femmes enceintes. Respecter le nombre d’applications conseillées par le fabricant.

• Pour les enfants de moins de 30 mois, il est prudent de réserver les répulsifs cutanés uniquement dans les zones à risque de maladie grave. Préférer les moustiquaires imprégnées.

Moustiquaire

• La meilleure protection contre les piqûres de moustiques nocturnes est de dormir sous une moustiquaire imprégnée de perméthrine, à la fois insecticide et insectifuge. La moustiquaire simple ne suffit pas.

• Elle doit être en bon état (pas de déchirure) et utilisée correctement (soit bordée sous le matelas, soit touchant le sol). La durée d’efficacité du produit est de 6 à 8 mois, et jusqu’à 4 ans pour les « longues durées ».

Imprégnation des vêtements

• Le soir, les vêtements doivent être larges et couvrants (manches longues, pantalons et chaussures fermées).

• Ils peuvent être imprégnés d’insecticides (perméthrine) par pulvérisation ou par trempage. Ne pas oublier d’imprégner les chaussettes, les chaussures.

• En moyenne, l’imprégnation est efficace pendant deux mois et/ou résiste à 4 ou 5 lavages.

Mesures d’appoint

• La climatisation et la ventilation réduisent l’agressivité des moustiques en perturbant leur vol mais ne les empêchent pas de piquer.

• Un pulvérisateur ou un diffuseur électrique d’insecticide peuvent aussi être utilisés. Penser au kit d’adaptation de prises de courant à l’étranger !

• Les serpentins fumigènes doivent être utilisés à l’extérieur et de façon ponctuelle.

• Ces mesures ne sont pas suffisantes et doivent compléter l’utilisation de la moustiquaire et des insecticides.

Mise en garde

• La vitamine B1, l’homéopathie, les appareils à ultrasons ou encore les bracelets antimoustiques n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Quant aux huiles essentielles, leur protection ne dépasse pas 20 minutes.

CHIMIOPROPHYLAXIE

• Le choix dépend :

– du voyage : zones visitées, intensité de la transmission, conditions et durée du séjour ;

– du voyageur : âge et poids, antécédents de pathologies, interactions avec d’autres médicaments, intolérance précédente à un autre antipaludéen, grossesse en cours ou envisagée, capacité d’observance en fonction des modalités de prise et capacité financière du voyageur.

• Les antipaludéens sont délivrés sur prescription médicale : une consultation auprès du médecin traitant ou d’un centre de conseils aux voyageurs est nécessaire.

Classification des zones impaludées

• Les pays touchés par le paludisme sont classés en trois groupes, selon le degré de résistance du parasite P. falciparum à la chloroquine. A chacun de ces groupes est associé un traitement préventif spécifique :

– pays du groupe 1, zones sans chloroquinorésistance : la prophylaxie est basée sur la chloroquine (Nivaquine) ;

– pays du groupe 2, zones de chloroquinorésistance modérée : le choix porte sur l’association chloroquine-proguanil (soit Nivaquine + Paludrine, NR, soit Savarine, NR, association fixe) ou atovaquone-proguanil (Malarone, NR) ;

– pays du groupe 3, zones de chloroquinorésistance élevée ou de multirésistance : le traitement préventif repose sur la méfloquine (Lariam, NR) ou l’association atovaquone-proguanil (Malarone).

La doxycycline (Doxypalu, NR, Granudoxy Gé, Doxy Gé) est proposée en seconde intention.

• Pour connaître la zone du pays visité, se reporter au Bulletin épidémiologique hebdomadaire en cours : www.invs.sante.fr.

Rythme de prise

La chimioprophylaxie est :

– à prendre le jour de l’arrivée dans la zone à risque, sauf Lariam (méfloquine), à commencer au moins dix jours avant pour permettre d’apprécier la tolérance de 2 prises ;

– prise toujours à la même heure, de préférence au dîner (Malarone se prend avec une boisson lactée ou un repas riche en graisses) ;

– sous le schéma d’une prise par jour (sauf Lariam : une prise par semaine).

Effets indésirables et contre-indications

• Les effets indésirables de la chloroquine (Nivaquine, Savarine) sont très rares en chimioprophylaxie (éruption cutanée, prurit). Elle reste contre-indiquée en cas de rétinopathies.

• Paludrine peut provoquer une intolérance gastrique, qui disparaît au cours du traitement. Des réactions cutanées, une perte de cheveux, rarement des aphtes ou une stomatite, sont signalés.

• Aux doses de prophylaxie, les effets indésirables de Malarone sont d’intensité légère : céphalées, troubles digestifs, éruptions cutanées, prurit…

• L’apparition de troubles neurologiques sous Lariam (tristesse inexpliquée, céphalées, vertiges, troubles du sommeil, anxiété, syndrome dépressif, agitation, confusion mentale, idées suicidaires) conduit à l’interruption immédiate du traitement et à une consultation médicale. Lariam est contre-indiqué en cas d’antécédents de troubles neuropsychiatriques ou de convulsions.

• La doxycycline étant photosensibilisante, elle se prend le soir au dîner. Ne pas s’allonger dans la demi-heure qui suit la prise (risque d’œsophagite). Elle est contre-indiquée avant l’âge de 8 ans. Chez la femme enceinte, elle est déconseillée pendant le premier trimestre, contre-indiquée à partir du deuxième.

VIGILANCE AU RETOUR

• Le pharmacien doit être vigilant quant aux patients au retour d’un voyage en zone impaludée.

• Il doit insister sur l’obervance de la chimioprophylaxie, qui doit être poursuivie après la sortie de la zone d’endémie :

– 7 jours pour Malarone (la durée totale d’administration est limitée à 3 mois),

– 21 jours pour Lariam,

– 28 jours pour les autres antipaludéens.

• Il doit rappeler que les effets indésirables des traitements sont encore valables au retour.

• Toute fièvre au retour des tropiques, quels que soient les symptômes associés, doit être considérée a priori comme pouvant être d’origine palustre et nécessite une consultation d’urgence. Une demande d’antipyrétique au comptoir, même plusieurs semaines après le retour, doit alerter. Conseils aux voyageurs

RISQUES EN VOYAGE

« Monsieur D. part au Pérou dans 15 jours »

M. D présente une ordonnance : Diamox 1/2 comprimé matin et midi durant le séjour.

– Le médecin m’a dit de commencer le traitement contre le mal des montagnes la veille du départ.Puis-je attendre d’être sur place et ne le prendre seulement si ça ne va pas ?

– Diamox est efficace en prévention et l’action n’est pas immédiate. Quand le mal d’altitude est déclaré, la seule solution est de redescendre au plus vite. Commencez avant votre arrivée.

RISQUES LIÉS AU TRANSPORT

• Le transport aérien est un facteur de risque de thrombose veineuse.

Mesures de prévention

• Porter une contention élastique de classe II pour les personnes à risque (antécédent de thrombose veineuse, obésité, tabagisme, contraception œstroprogestative, grossesse…).

• S’hydrater régulièrement, bouger les jambes.

RISQUES LIÉS AUX ACTIVITÉS

Baignades

• Les méduses, certains poissons et les coraux exposent à des risques d’envenimation parfois mortelle.

• Les eaux douces sont des zones de transmission de parasitoses : leptospirose, bilharziose (deuxième endémie parasitaire après le paludisme).

Mesures de prévention

• Eviter les plages désertes et préférer les lieux de baignade surveillés.

• Ne pas se baigner dans les eaux sales ou stagnantes (étangs, barrages, berges).

Plongée sous-marine

• Les variations anormales de pressions peuvent entraîner des barotraumatismes : douleurs et troubles au niveau des oreilles, des sinus, des dents ou de l’intestin.

• A la remontée, l’accident de décompression est le plus redouté. Il est dû à la formation de bulles de gaz dans le sang entraînant des emboles gazeux à l’origine d’accidents ischémiques graves.

Mesures de prévention

• Respecter les contre-indications : épilepsie, troubles psychiatriques, asthme sévère (stade 3), BPCO, accident cardiovasculaire récent, HTA non contrôlée, pathologie cardiaque, infection en cours.

• Prendre un avis médical spécialisé préalable. Plonger avec des professionnels.

• Respecter scrupuleusement la durée et la profondeur des paliers, ainsi que la vitesse de remontée.

• Ne pas plonger 24 heures avant un voyage en avion ou un séjour en altitude (risque accru d’embolie gazeuse).

Séjour en altitude

• La baisse de pression partielle en oxygène de l’air entraîne une hypoxie à l’origine du mal aigu des montagnes : céphalées, nausées, anorexie, insomnie, œdèmes. Les symptômes apparaissent rapidement (4 à 12 heures après l’arrivée). Chez l’enfant, les signes sont plus insidieux : irritabilité, apathie. Ces troubles surviennent d’autant plus fréquemment que l’ascension est rapide.

• Deux complications graves sont à craindre : l’œdème pulmonaire et l’œdème cérébral de haute altitude.

Mesures de prévention

• Un avis médical spécialisé avant le départ est impératif pour les excursions au-delà de 2 500 m d’altitude. Eviter d’emmener les enfants de moins de 7 ans.

• L’ascension doit être progressive. L’acétazolamide (Diamox) ou la dexaméthasone (Dectancyl) peuvent aussi être prescrits à titre préventif.

• En cas de mal d’altitude, redescendre le plus vite possible à une altitude inférieure.

RISQUES LIÉS AU SOLEIL ET À LA CHALEUR

• Les radiations solaires sont très délétères pour la peau, à court terme (coup de soleil, allergies) comme à long terme (vieillissement, cancers cutanés).

• La surexposition au soleil ou la chaleur extrême peut conduire au coup de chaleur : hyperthermie, d’abord avec transpiration intense puis sèche, sans sudation, associée à un épuisement, des troubles de la conscience, une déshydratation. Le pronostic vital peut être engagé.

Mesures de prévention

• Utiliser régulièrement (toutes les 2 heures) et en quantité suffisante (2 mg/m2, soit l’équivalent de 6 cuillers à café pour un adulte de corpulence moyenne) un écran solaire adapté au phototype.

• S’exposer progressivement et éviter les heures les plus chaudes (entre 12 h et 16?h).

• Porter des vêtements couvrants, un chapeau et des lunettes de soleil (verres filtrants).

• Boire régulièrement, prendre des douches.

• En cas de coup de chaleur, se placer à l’ombre et pratiquer les mesures de refroidissement (asperger d’eau froide, ventiler).

RISQUES LIÉS AUX ANIMAUX ET PARASITES

Insectes piqueurs

• Les moustiques sont vecteurs de nombreuses pathologies parasitaires (filarioses) et virales (encéphalite japonaise, dengue, chikungunya…).

• D’autres insectes piqueurs (phlébotomes, mouches, punaises, poux, puces) ainsi que les tiques et les acariens transmettent des agents pathogènes (maladie du sommeil, rickettsioses…).

Mesures de prévention

• Utiliser des répulsifs cutanés adaptés et porter des vêtements couvrants imprégnés d’insecticides. Dormir sous une moustiquaire.

• Renforcer la protection lors des séjours en zone rurale.

• En cas de bivouac, ranger ses affaires dans un bidon en plastique étanche.

Animaux

• Attention aux animaux venimeux par contact (poisson-pierre, vive…) ou par ingestion (poisson-lune, fugu, certains poissons coralliens).

• En plus des blessures par morsures, griffures, les mammifères sont à l’origine de zoonoses (maladie des griffes du chat, salmonellose par les tortues, shigellose par les singes…).

• La rage peut être transmise par tous les mammifères : chiens, chats, chauve-souris, singes…

Mesures de prévention

• Ne pas toucher les animaux.

• Laver immédiatement à l’eau savonneuse toute morsure, griffure ou léchage sur une peau lésée ou une muqueuse.

Appliquer un antiseptique et consulter rapidement.

• Consulter en urgence en cas de troubles importants (fièvre, nausées, douleur vive, gonflement).

Parasites

• La chaleur, l’humidité, l’insalubrité favorisent le développement de réservoirs à parasites.

Mesures de prévention

• Ne pas marcher pieds nus sur les plages, ne pas s’allonger à même le sable (risque de larva migrans cutanée).

• Aucun contact cutané avec les eaux douces (risque de bilharziose).

• Porter des chaussures fermées sur les sols boueux ou humides (risque d’anguillulose, d’ankylostomose…).

• Eviter de faire sécher le linge dehors ou sur le sol (risque de myiase) ; sinon, le repasser des deux côtés. Conseils aux voyageurs

TROUSSE À PHARMACIE

« J’ai besoin de l’insuline dans l’avion »

Madame X., 36 ans, diabétique insulinodépendante, part en Afrique :

– J’ai 6 heures de vol, dois-je mettre mes stylos d’insuline dans un réfrigérateur à bord ?

– Non, l’insuline se conserve 1 mois à 25 °C. Mais, sur place, prévoyez une trousse isotherme avec pack réfrigérant. Au-delà de 35 °C, l’insuline ne se conserve pas plus de 72 heures.

Trois éléments fondamentaux doivent être pris en compte pour constituer la « trousse » : la durée du voyage, les conditions de séjour et l’existence d’un traitement de fond.

LES INDISPENSABLES

• Produits d’application locale : sérum physiologique, antiseptique, solution de lavage oculaire et collyre antiseptique, topique contre les hématomes (Arnican, Arnigel, Hémoclar).

• Gel hydroalcoolique.

• Antalgiques/antipyrétiques : paracétamol, ibuprofène, antispasmodiques (trimébutine, phloroglucinol).

• Produits de « confort » :

– mal des transports : antihistaminiques (diménhydrinate, diphénhydramine) ou homéopathie (Cocculus 5 CH, Tabacum 5 CH, Cocculine) ;

– piqûres : répulsifs adaptés, crèmes antiprurigineuses (crotamiton, isothipendyl), corticoïdes en cas de réaction très inflammatoire ;

– antiémétique (Vogalib), antiallergique (cétirizine, loratadine).

• Petit matériel : thermomètre, compresses stériles, gants, pansements, paire de ciseaux, éponges hémostatiques, bande cohésive, pince à écharde, couverture de survie…

SELON LA DESTINATION ET LES ACTIVITÉS

Séjours en pays tropicaux

• En cas de turista :

– antisécrétoires (Tiorfast, Diarfix). Un ralentisseur du transit (lopéramide) n’est donné qu’en seconde intention ;

– soluté de réhydratation orale pour les jeunes enfants.

• Désinfectants chimiques de l’eau, ou système de filtre individuel (Katadyn).

• Laxatifs (microlavements, laxatifs stimulants) et antiacides si troubles digestifs dus au changement d’alimentation et aux plats épicés.

• Répulsifs antimoustiques et antipaludéens (sur prescription).

• Antibiotiques uniquement en cas de séjour de longs avec une accessibilité aux soins difficile.

Séjours au soleil

• Crèmes solaires anti-UVB/UVA avec SPF adapté au phototype.

• Apaiser les coups de soleil : Biafine, hydrogels osmotiques.

Pour les séjours sportifs (trek, randonnée)

• Soulager les traumatismes musculaires et ligamentaires : crèmes décontracturantes, bandes de contention.

• Prévenir et traiter les ampoules : pansements hydrocolloïdes.

SELON LES BESOINS

• Médicaments de pathologies chroniques (HTA, diabète…), traitement de crise des maladies évoluant par poussées (migraine, asthme…), traitement de secours en cas d’allergie (corticoïdes, antihistaminiques, stylos d’adrénaline), contraceptifs oraux…

• Prévoir la prescription d’antibiotiques pour les voyageurs à risque (asthme, diabète, colopathie) : amoxicilline si infection respiratoire, quinolones en cas d’infections digestives et urinaires.

EN PRATIQUE

Avant le départ

• Prévoir au minimum 8 jours de plus de traitement de fond pour pallier une éventuelle prolongation de séjour.

• Choisir des formes et des conditionnements adaptés au voyage : formes perlinguales, unidoses. Eviter les formes liquides (encombrantes et lourdes) et les suppositoires (se conservent mal).

• Vérifier les dates de péremption et les conditions de conservation (prévoir un pack isotherme pour les médicaments « froids »).

En voyage

• Transporter les médicaments dans leur emballage d’origine et les garder en cabine. Etre muni de l’ordonnance et, pour les injectables, dont l’insuline, d’un certificat médical expliquant la nécessité du traitement.

• Tenir compte du décalage horaire pour la prise.

• Attention aux médicaments vendus sur place (nombreuses contrefaçons) !

L’INTERVIEW Dr Catherine Goujon, RESPONSABLE DU SERVICE DES VACCINATIONS ET MÉDECIN POUR LA SANTÉ EN VOYAGE AU CENTRE MÉDICAL DE L’INSTITUT PASTEUR (PARIS)

« Se protéger est essentiel »

Le Moniteur : A qui faut-il absolument déconseiller les voyages en zones à risque ?

Catherine Goujon : Les femmes enceintes, les enfants en bas âge et les immunodéprimés, qui sont des personnes fragiles. Si ce n’est pas possible, il faut surtout leur indiquer les moyens à mettre en œuvre pour se protéger.

Quelles sont les causes de consultation le plus fréquentes chez les voyageurs au retour de vacances à l’étranger ?

Principalement fièvre, troubles digestifs (diarrhée du voyageur), dermatoses et infections respiratoires. Les dermatoses sont souvent dues à des infections bactériennes cosmopolites (staphylocoque), plus rarement des parasitoses (Larva migrans, leishmaniose cutanée, tungose), ou sont non infectieuses (coup de soleil, réaction à une piqûre d’insecte, traumatisme). Les infections respiratoires sont elles aussi plus cosmopolites que tropicales : sinusites, otites, pharyngites, bronchites, d’origine bactérienne (pneumocoque, Legionella, bacille tuberculeux), virale (grippe, virus respiratoire syncytial), mycosique (Histoplasma), ou parasitaire (parasites en cours de migration).

A quelles plaintes doit-on être attentif chez un patient qui rentre de voyage ?

La fièvre en priorité.Si le voyageur revient d’une zone tropicale, le premier diagnostic à évoquer est le paludisme, qui représente une urgence médicale.

Combien de temps après le retour doit-on encore faire attention ?

Si la majorité des cas de paludisme à Plasmodium falciparum (responsable des formes graves) se produisent dans les 2 mois qui suivent le retour, 3 % environ sont encore observés après ce délai.

Concernant la chimioprophylaxie du paludisme, que conseiller à un voyageur lorsqu’il part plus de 3 mois ?

De prendre l’avis d’un médecin, dans une consultation de conseils aux voyageurs, car plusieurs éléments doivent être pris en compte : la destination, l’itinéraire suivi, les modalités d’hébergement sur place, la saison, les caractéristiques propres du voyageur… Il n’y a pas de formule standard. Dans tous les cas, des mesures efficaces de protection contre les piqûres de moustiques devront être mises en œuvre également.

L’essentiel à retenir

INFOS CLÉS

• Prévoir ses vaccinations à l’avance (certains schémas demandent plusieurs mois).

• La nécessité des vaccins dépend du pays visité et des conditions du séjour.

Et la grippe ?

• Il est recommandé aux personnes devant se faire vacciner contre la grippe saisonnière qui participent à un voyage, notamment en groupe ou sur un bateau de croisière, de le faire lorsque le voyage est effectué au début de la saison grippale du pays visité. Professionnels du tourisme (guides) et personnels navigants (avion, bateau) sont aussi concernés.

• Pour un voyage dans l’hémisphère Sud, un vaccin spécifique est disponible dans les pharmacies hospitalières, uniquement sous ATU nominative.

QU’AURIEZ-VOUS RÉPONDU ?

M. et Mme T viennent d’avoir un enfant. Ils projettent un voyage en Inde dans 4 mois, pour rendre visite à leur famille.

– Le pédiatre a conseillé un vaccin contre la gastro-entérite avant le voyage. Est-ce vraiment nécessaire ?

– Oui, le risque de contracter une gastro-entérite aiguë est importante pour votre enfant, surtout si petit. L’avantage de ce vaccin est qu’il n’est pas invasif : il s’agit d’une administration orale, en 2 ou 3 doses selon le vaccin.

Le pharmacien a-t-il raison ?

Oui. Depuis mai 2014, le HCSP recommande une vaccination contre la gastro-entérite aiguë à rotavirus, chez les nourrissons voyageurs âgés de 2 à 6 mois. Les parents doivent toutefois être informés sur les signes d’une invagination intestinale aiguë post-vaccinale (douleurs abdominales sévères, vomissements persistants, selles sanglantes, ballonnements et/ou forte fièvre), rare, mais nécessitant une prise en charge urgente.

INFOS CLÉS

• Bien se laver les mains (eau et savon ou gel hydroalcoolique) avant les repas et après le passage aux toilettes.

• Consommer de l’eau encapsulée, bouillie ou désinfectée (sans glaçons).

• Privilégier les aliments cuits et servis chauds.

Place des probiotiques dans la prévention de la turista

• Les probiotiques ont pour objectif d’assurer l’équilibre de la flore intestinale. Ils doivent être administrés à la dose quotidienne de 10 milliards de germes.

• Les rares études portant sur leur utilisation en prévention ou traitement d’une diarrhée du voyageur sont difficilement comparables : en effet, les souches utilisées varient, les doses et la durée du traitement fluctuent, la destination des voyageurs traités est différente. C’est pourquoi l’utilisation des probiotiques n’est pour l’instant pas recommandée dans la prévention de la turista. Aucun effet secondaire n’ayant été relevé à ce jour, il est possible de rassurer un patient qui souhaiterait l’utiliser dans un condiv de voyage.

QU’AURIEZ-VOUS RÉPONDU ?

M. K. prépare son voyage en Thaïlande.

– J’ai entendu parler d’un vaccin contre la turista. Est-il disponible ?

– Le vaccin Dukoral est disponible en pharmacie et sur ordonnance. En France, il est uniquement utilisé pour se protéger du choléra. D’autres pays l’utilisent dans la prévention de la turista mais l’efficacité est limitée.

Qu’en pensez-vous ?

Le pharmacien a raison. Environ un tiers des souches d’Escherichia coli entérotoxinogènes produisent une toxine proche de celle de Vibrio choleræ. La vaccination avec Dukoral n’offre qu’une protection très partielle et de durée relativement brève. C’est la raison pour laquelle l’Agence européenne du médicament n’a pas reconnu l’indication de diarrhée du voyageur.

INFOS CLÉS

• Aucun moyen préventif n’assure à lui seul une protection totale.

• Il est nécessaire d’observer simultanément une protection mécanique contre les piqûres de moustiques et une chimioprophylaxie adaptée à la zone impaludée.

• Toute fièvre au retour de voyage dans une zone impaludée nécessite une consultation d’urgence.

Testez-vous

Vrai ou faux ?

M. B. a longtemps vécu au Bénin et a eu le paludisme. Il est donc immunisé et n’a pas besoin d’une chimioprophylaxie pour son retour dans le pays.

INFOS CLÉS

• Un avis médical est indispensable avant une excursion en haute altitude ou une plongée sous-marine.

• En avion, conseiller le port d’une contention veineuse aux sujets à risque de thrombose.

• Tout contact cutané avec les animaux expose à des maladies.

Le chikungunya ou la maladie de « l’homme courbé »

• Le chikungunya est dû à un arbovirus transmis par Aedes albopictus ou moustique-tigre, présent dans les régions tropicales (Asie du Sud-Est, Antilles, océan Indien, Afrique), mais également sur le pourtour méditerranéen, ce qui pourrait permettre au virus d’atteindre l’Europe.

• Après une incubation de 4 à 7 jours une fièvre élevée apparaît brutalement (supérieure à 38,5 °C), accompagnée de maux de tête, courbatures, douleurs articulaires, principalement aux extrémités des membres, donnant au malade une attitude courbée caractéristique. Nausées et éruption cutanée sont parfois associées. Des formes neurologiques graves ont été décrites chez les personnes fragiles (sujets âgés, immunodéprimés).

• Le traitement est uniquement symptomatique : antalgiques, anti-inflammatoires. L’évolution est le plus souvent favorable mais les douleurs articulaires peuvent persister et devenir chroniques voire invalidantes.

• Contrairement à l’anophèle, l’aedes pique de jour avec une recrudescence d’activité le matin et en fin de journée. Se protéger contre les piqûres de moustique dans la journée constitue la meilleure prévention. On peut aussi ralentir leur reproduction en détruisant les gîtes larvaires (dessous de pots, gouttières).

Testez-vous

Vrai ou faux ?

Après une plongée, il faut attendre 12 heures avant de reprendre l’avion.

INFOS CLÉS

• La trousse permet de palier les petites urgences sans consulter.

• Prévoir un stock de traitement de fond supérieur à la durée du séjour.

• Eviter d’acheter des médicaments sur place dans les pays en voie de développement.

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