LA GREFFE RÉNALE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3031 du 10/05/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3031 du 10/05/2014
 

Cahiers Formation du Moniteur

ORDONNANCE

ANALYSE D’ORDONNANCE

Mme C. est toujours anémiée

RÉCEPTION DE L’ORDONNANCE

Pour qui ?

Mme C., 35 ans, greffée rénale.

Par quel médecin ?

Dr H., néphrologue hospitalier.

Les ordonnances sont-elles conformes à la législation ?

Oui. Advagraf et Myfortic sont soumis à prescription initiale hospitalière valable 6 mois. Aranesp est un médicament d’exception soumis à prescription hospitalière annuelle.

QUEL EST LE CONdiv DE L’ORDONNANCE ?

Que savez-vous de la patiente ?

Mme C. a souffert, il y a plus de 10 ans, d’une insuffisance rénale chronique secondaire à une pyélonéphrite récidivante. Elle a été prise en charge en hémodialyse durant 2 ans avant d’être greffée il y a 8 mois.

Quel était le motif de la consultation ?

Il s’agit d’une visite de suivi posttransplantation.

Que lui a dit le médecin ?

Hormis la persistance d’une anémie liée à l’intervention chirurgicale et à la reprise progressive de la fonction rénale, ses autres examens sont satisfaisants (créatininémie, ionogramme, taux sanguin des immunosuppresseurs…). Le médecin ajoute des injections d’érythropoïétine à son traitement habituel.

Vérification de l’historique patient

Mme C. est sous Advagraf, Myfortic, Solupred, Triatec, Rocaltrol et Tardyferon depuis sa sortie de l’hôpital. Le dossier pharmaceutique mentionne également la délivrance de Bactrim et de Cerazette.

LES PRESCRIPTIONS SONT-ELLES COHERENTES ?

Que comportent les prescriptions ?

• Une trithérapie immunosuppressive composée de :

Advagraf (tacrolimus) : macrolide immunosuppresseur inhibiteur de la calcineurine ;

Myfortic (mycophénolate sodique) : immunosuppresseur par inhibition de la synthèse des nucléotides à base de guanine ;

Solupred (prednisolone) : glucocorticoïde diminuant la réponse immunitaire.

• Triatec 5 mg (ramipril) : inhibiteur de l’enzyme de conversion. Cet antihypertenseur néphroprotecteur est utilisé en prévention des complications cardiovasculaires.

• Rocaltrol (calcitriol) : dérivé actif de la vitamine D3 utilisé pour prévenir ou traiter une ostéodystrophie rénale.

• Tardyferon (sulfate ferreux) : indiqué dans le traitement curatif de l’anémie par carence martiale.

• Aranesp (darbépoétine alfa) : érythropoïétine humaine recombinante à demi-vie longue agissant sur les précurseurs érythroblastiques.

Sont-elles conformes à la stratégie thérapeutique de référence ?

Oui, la prescription a pour but de prévenir le rejet du greffon et de prévenir les complications.

Y a-t-il des médicaments à marge thérapeutique étroite ?

Oui, le tacrolimus. Sa concentration sanguine doit être contrôlée de manière rapprochée au cours des premiers mois postgreffe, puis une fois par mois à partir du 6e mois et tous les 4 mois après la première année.

Y a-t-il des contre-indications ?

Non. Mme C. n’est pas enceinte (contre-indication pour Myfortic et Triatec) et n’allaite pas (contre-indication pour Myfortic et Advagraf). L’effet tératogène de Myfortic impose une contraception pendant le traitement et jusqu’à 6 semaines suivant son arrêt. Le pharmacien vérifie la délivrance régulière d’un contraceptif (Cerazette) pour cette patiente.

Les posologies sont-elles cohérentes ?

Oui.

• La posologie d’Advagraf est adaptée selon les taux plasmatiques. Mme C. reçoit actuellement 0,17 mg/kg/j. Le pharmacien rappelle à la patiente de prendre les 10 mg d’Advagraf 1 heure avant ou 2 heures après le repas, en une seule prise. Elle se fera le matin afin de pouvoir déterminer en laboratoire la concentration résiduelle juste avant la prise et adapter ainsi la dose (réponse 3).

• La posologie de Myfortic est de 720 mg deux fois par jour, pendant ou en dehors du repas au choix mais s’y conformer ensuite.

• La posologie de la prednisolone est de 5 à 15 mg/j en entretien en une prise le matin.

• Triatec peut être prescrit à la posologie de 1,25 à 10 mg/j, en une prise quotidienne en prévention de l’hypertension artérielle.

• Rocaltrol est débuté à 2 gélules en 1 ou 2 prises par jour, soit 0,5 µg, puis ajusté selon la calcémie et la phosphatémie jusqu’à 2 µg/jour.

• En curatif, la posologie de fer ferreux peut aller jusqu’à 200 mg /jour.

• Aranesp est injecté à la dose de 30 µg/semaine qui correspond à la posologie recommandée (0,45 µg/kg/semaine). La dose est ensuite adaptée jusqu’à obtenir un taux d’hémoglobine de 10 à 12 g/dl.

Y a-t-il des interactions ?

Non.

Les prescriptions posent-elles un problème particulier ?

Non.

Le traitement nécessite-t-il une surveillance particulière ?

Oui. La prise de Myfortic impose de surveiller l’apparition d’une neutropénie ou d’une anémie par une numération-formule sanguine mensuelle.

La prise de corticoïdes au long cours nécessite un suivi de la pression artérielle, du poids, de la kaliémie, de la créatininémie et de la glycémie. Sous Aranesp, une surveillance de la pression artérielle, de la kaliémie, du fer sérique, de l’hémogramme et une numération des réticulocytes sont recommandées.

QUELS CONSEILS DE PRISE DONNER ?

Concernant Aranesp

Il s’agit de la première délivrance.

Utilisation du médicament

Aranesp 30 µg est présenté en seringue préremplie pour administration sous-cutanée (ou IV). Les seringues sont à conserver au réfrigérateur. La patiente devra être formée à l’utilisation du dispositif d’injection (Sureclick). La première injection, prévue 2 jours plus tard, sera faite par une infirmière.

Que faire en cas d’oubli ?

Préciser à Mme C. qu’en cas d’oubli, elle devra contacter son médecin pour convenir de la date de la prochaine injection.

La patiente pourra-t-elle juger de l’efficacité du traitement ?

Mme C. s’apercevra de la normalisation de son taux d’hémoglobine au prochain contrôle de la numération-formule sanguine.

Quels sont les effets indésirables gérables à l’officine ?

• Un syndrome pseudo-grippal disparaissant généralement de manière spontanée.

• Des douleurs au point d’injection sont possibles. Conseiller de laisser la solution atteindre la température ambiante.

Quels signes nécessiteraient d’appeler le médecin ?

Mme C. contrôlant sa pression artérielle à domicile, le pharmacien lui conseille de signaler au néphrologue des valeurs anormalement élevées car une hypertension artérielle dose-dépendante peut apparaître. Plus rarement, une encéphalopathie hypertensive grave est annoncée par des céphalées violentes et un état confusionnel. Rash cutané ou œdème palpébral sont des réactions allergiques imposant l’arrêt du traitement.

Concernant les autres médicaments

Le pharmacien vérifie que Mme C. supporte bien son traitement.

Effets indésirables

Les principaux effets indésirables qui peuvent être détectés sont :

• toux sèche, flush, angio-œdème (ramipril) ;

• neurotoxicité à type de tremblements, céphalées, vertiges, troubles visuels… (tacrolimus) ;

• diarrhée et ulcère (mycophénolate mofétil) ;

• noircissement des selles, constipation, nausées et douleurs abdominales (fer ferreux)

Suivi biologique

Madame C. effectue tous les mois le suivi biologique recommandé dans le cadre de sa greffe et de son traitement.

Observance

Mme C. dit rencontrer parfois des difficultés pour prendre son traitement de façon régulière et se souvenir des médicaments à prendre aux différents moments de la journée. Pour l’aider, elle demande au pharmacien un pilulier.

Le pharmacien alerte la patiente sur le fait que Solupred orodispersible et Advagraf ne peuvent être déconditionnés car très sensibles à l’humidité (réponse 2). Par ailleurs, il faut limiter les risques d’altération des comprimés gastrorésistants de Myfortic afin d’éviter tout contact direct avec le produit tératogène.

Les blisters peuvent être découpés. Les comprimés sous blister sont rangés dans un pilulier de taille adaptée.

Le pharmacien remet à la patiente un plan de prise et lui conseille de programmer une alarme pour la prise de ses traitements.

Madame C. s’inquiète de l’absence de Bactrim sur son ordonnance.

Signes d’alerte

Certains événements exigent de contacter le médecin en urgence :

- fièvre, non expliquée par une pathologie banale ou persistante (plus de 48 h),

- diminution de la diurèse, œdème des membres inférieurs,

- tension ou douleur au niveau du transplant,

- événement justifiant une modification majeure du traitement (vomissements empêchant la prise, effet indésirable grave…).

Tout problème récurrent d’observance nécessite de contacter le médecin.

CONSEILS COMPLEMENTAIRES

• Rappeler le régime recommandé : pauvre en sel, hypoglucidique, hypolipidique et normoprotidique.

• Proscrire le jus de pamplemousse et éviter les boissons alcoolisées.

• Réduire l’exposition UV au minimum et se protéger du soleil (port de chapeau, vêtements couvrants et crème solaire).

• Insister sur la nécessité d’une observance maximale pour éviter le rejet de greffon. Le traitement ne doit jamais être arrêté sans avis médical.

PATHOLOGIE

La transplantation rénale en 4 questions

De nombreux patients, souvent jeunes, insuffisants rénaux chroniques au stade terminal, vivent dans l’attente d’une greffe rénale. Ce traitement de suppléance de la fonction rénale améliore considérablement la qualité de vie et la survie à long terme des patients.

1 QUAND ENVISAGE-T-ON DE RÉALISER UNE GREFFE ?

• La greffe rénale est envisagée chez tout patient souffrant d’une insuffisance rénale chronique terminale. L’insuffisance rénale peut avoir différentes causes : néphropathie diabétique, glomérulonéphrite, pyélonéphrite récidivante, malformations des reins…

• Certaines pathologies contre-indiquent la greffe de façon définitive (cancer métastasé) ou temporaire (infection en cours, cancer récent après guérison…). L’indication est discutée au cas par cas devant une insuffisance cardiaque sévère, une maladie coronarienne instable, une maladie psychiatrique en poussée…

• Le profil des receveurs s’élargit. Les patients séropositifs pour le VIH peuvent désormais être transplantés. L’âge limite de la transplantation recule au-delà de 65 ans. Il est possible de greffer aux patients âgés deux reins d’un donneur de plus de 65 ans dont la fonction rénale est légèrement altérée.

2 QUI SONT LES DONNEURS ?

Les donneurs vivants

• La greffe rénale à partir de donneur vivant est encore rare en France (12 % des greffes rénales en 2012). La loi définit le cercle des donneurs possibles : les parents et, par dérogation, les enfants, les frères et sœurs du receveur, son conjoint, ses grands-parents, oncles ou tantes, cousin(e)s germain(e)s ainsi que les conjoints des parents. Le donneur peut également être toute personne apportant la preuve d’une vie commune ou d’un lien affectif étroit et stable depuis au moins 2 ans avec le receveur.

• En cas d’incompatibilité entre le malade et le candidat au don, la loi permet désormais de procéder à un don croisé : le receveur (receveur 1) bénéficie du don d’une autre personne (donneur 2) également en situation d’incompatibilité avec son receveur (receveur 2) qui, lui, bénéficie du don du premier donneur (donneur 1).

• La greffe rénale à partir de donneur vivant est une thérapeutique efficace pour le malade et sûre pour le donneur. Elle permet un délai d’attente d’un greffon raccourci, une période de dialyse réduite voire évitée en cas de greffe préemptive et un meilleur résultat de la greffe : 3/4 des greffons issus de donneurs vivants sont fonctionnels à 10 ans contre 2/3 de ceux issus de don post-mortem.

Les donneurs décédés

• En état de mort encéphalique : c’est actuellement la principale source des organes greffés en France (près de 90 % des greffes). Or, ce type de décès suite à un arrêt vasculaire cérébral ou un traumatisme crânien représente moins de 1 % des décès survenant à l’hôpital.

• Après arrêt cardiaque et respiratoire persistant : le prélèvement est autorisé suivant un protocole élaboré par l’Agence de la biomédecine.

Encore peu développé, le recours à cette source de greffon pourrait permettre à un plus grand nombre de malades d’être greffés.

3 COMMENT SE DÉROULE LA GREFFE ?

Les critères d’attribution du greffon

Le candidat à la greffe est inscrit sur la liste nationale d’attente gérée par l’Agence de la Biomédecine. Les greffons des donneurs décédés sont attribués en fonction de différents facteurs : compatibilité HLA, proximité géographique, temps d’attente sur la liste (certains patients sont prioritaires, notamment les enfants et les patients dont la vie est menacée à court terme). En raison de la pénurie d’organes à greffer, l’attente peut durer des mois, parfois des années.

Avant la transplantation

Le bilan prétransplantation du receveur vise à éliminer les contre-indications à la greffe ainsi qu’à la prise au long cours du traitement immunosuppresseur. Il comprend également une détermination du groupe sanguin, un groupage HLA et une recherche d’anticorps anti-HLA.

Un bilan sérologique est effectué sur le donneur à la recherche de maladies transmissibles.

Juste avant la greffe, l’équipe de transplantation réalise un « cross match » afin de vérifier la compatibilité entre le donneur et le receveur et prévenir le rejet de greffe hyperaigu.

L’intervention

Selon l’origine du don, donneur vivant ou post-mortem, le condiv de l’intervention diffère considérablement :

• Dans le premier cas, l’intervention est programmée. Le prélèvement s’effectue dans le même hôpital que la greffe. Le greffon reste à peine une heure non vascularisé.

• Dans le second cas, l’intervention se déroule dans un condiv d’extrême urgence. Parfois prélevé à l’autre extrémité de la région, le greffon, placé en hypothermie et rempli d’un liquide de conservation, doit être acheminé dans les plus brefs délais sur le lieu de la greffe.

Le rein prélevé doit être greffé dans les 24 à 36 heures après le prélèvement. Le greffon est implanté le plus souvent dans la fosse iliaque droite, sans obligatoirement retirer les reins malades. Les anastomoses vasculaires sont effectuées sur les vaisseaux iliaques. L’uretère du greffon est suturé directement dans la vessie ou bien sur l’uretère du receveur. La greffe dure 2 à 3 heures.

4 QUELLES SONT LES COMPLICATIONS ?

En général, les suites opératoires sont favorables. La fonction rénale reprend après 2 à 15 jours. En cas de reprise tardive de la diurèse et de la fonction rénale, une dialyse est parfois nécessaire.

• Des complications précoces peuvent survenir : nécrose tubulaire aiguë, thrombose artérielle ou veineuse rénale, complications urinaires (fuite, fistule, sténose), lymphocèle

• La principale complication postgreffe est le rejet du greffon. On en distingue 3 types :

• Le rejet hyperaigu est exceptionnel. Il est lié à la présence chez le receveur d’anticorps anti-HLA dirigés contre le greffon. Il impose de retirer le rein greffé. La prévention repose sur le bilan prétransplantation (recherche d’anticorps anti-HLA, cross match…).

• Le rejet aigu est lié à une immunisation cellulaire du receveur. Ce rejet survient le plus souvent dans les 3 premiers mois suivant la greffe. Les symptômes cliniques d’appel (fièvre, greffon augmenté de volume) sont inconstants. La fonction rénale se dégrade de façon aiguë. Une immunosuppression intensive précoce peut sauver le greffon.

• Le rejet chronique du greffon, ou néphropathie chronique, survient à long terme, souvent 10 à 20 ans après la greffe. La fonction rénale se dégrade progressivement, associée à une protéinurie et à une hypertension artérielle. Le rejet peut être d’origine immunologique, lié à certaines pathologies (diabète, HTA…) ou à la néphrotoxicité des traitements (ciclosporine, tacrolimus). La surveillance du greffon repose sur la surveillance de la créatininémie, des marqueurs du rejet et des biopsies.

• D’autres complications peuvent être observées, favorisées par les traitements immunosuppresseurs. La persistance des désordres phosphocalciques liés à l’IRC peut induire des complications ostéoarticulaires type ostéopénie, ostéoporose. Le diabète et l’hyperlipidémie sont fréquents. Le risque cardiovasculaire global est augmenté. Une hypertension artérielle est retrouvée chez 60 à 80 % des receveurs. Une anémie est souvent présente, surtout dans les 6 premiers mois suivant la greffe.

• Les traitements immunosuppresseurs sont à l’origine de complications infectieuses et tumorales.

• Dans certains cas, la maladie rénale initiale récidive sur le greffon.

THÉRAPEUTIQUE

Comment prévenir le rejet aigu de greffe rénale ?

La prévention du rejet aigu du greffon est basée sur l’utilisation de médicaments immunosuppresseurs. L’association de plusieurs principes actifs permet de diminuer les doses utilisées et ainsi de réduire les effets indésirables dose-dépendants, tout en augmentant l’efficacité du traitement.

STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

• Le traitement immunosuppresseur a pour objectif de prévenir le rejet du rein greffé en maîtrisant la réaction immunitaire déclenchée chez le receveur par la présence de cellules allogéniques.

• L’arsenal thérapeutique est composé de plusieurs classes médicamenteuses inhibant une ou plusieurs étapes de l’activation du lymphocyte T, effecteur principal du rejet.

• Le risque de rejet est maximal lors du premier mois postgreffe et reste très élevé durant les 3 premiers mois. Il diminue ensuite au fil du temps.

• La stratégie thérapeutique comporte plusieurs phases adaptées au niveau de risque de rejet. Le traitement initial agit sur la prévention du rejet aigu par une immunosuppression intense (phase d’induction et d’entretien). Il est relayé par une immunosuppression de maintenance destinée à contenir la partie immunologique de la néphropathie d’allogreffe.

Protocole d’immunosuppression

Les protocoles de traitement sont en constante évolution et dépendent en grande partie des habitudes des centres de transplantation et des profils du receveur et du donneur (état du greffon, compatibilité…).

Phase d’induction

Le traitement d’induction n’est pas systématique. Il comporte des anticorps antilymphocytaires polyclonaux, lorsque le risque immunitaire est élevé et monoclonaux lorsque ce risque est plus faible. Ils sont utilisés le plus souvent d’emblée en association avec la trithérapie d’entretien.

Phase d’entretien

Le schéma d’immunosuppression d’entretien associe classiquement un inhibiteur de la calcineurine, un inhibiteur de la synthèse des bases puriques ou un inhibiteur de la mTOR et un corticoïde. La tendance actuelle est à l’utilisation préférentielle du tacrolimus sur la ciclosporine, de l’acide mycophénolique sur l’azathioprine et à l’élimination précoce voire à la non-introduction des corticoïdes, responsables de nombreux effets indésirables.

Phase de maintenance

Durant cette phase, les doses d’immunosuppresseurs sont réduites et le traitement adapté à chaque patient. L’enjeu actuel est de limiter l’usage des inhibiteurs de la calcineurine (néphrotoxique) en minimisant leur posologie. Leur éviction complète semble possible si on les remplace d’emblée par du bélatacept (réservé à l’usage hospitalier). Leur remplacement par les inhibiteurs de la mTOR est possible mais est associé à un surrisque de rejet aigu.

Profils particuliers

Femmes en âge de procréer

Une femme greffée rénale peut envisager une grossesse. Il est recommandé d’attendre une année après la transplantation. Le projet de grossesse impose un bon état général (fonction rénale stable, protéinurie négative et hypertension artérielle contrôlée) ainsi qu’une adaptation des traitements immunosuppresseurs et des éventuels traitements associés. En pratique, l’acide mycophénolique est contre-indiqué car tératogène. En l’absence de données suffisantes, le sirolimus et l’évérolimus ne sont pas recommandés. Pour ces traitements, une contraception efficace doit être mise en place au cours et après l’arrêt du traitement, pendant une durée variable selon le traitement : 6semaines pour l’acide mycophénolique, 8 semaines pour l’évérolimus et 12 semaines pour le sirolimus. L’allaitement maternel est contre-indiqué avec les traitements immunosuppresseurs (déconseillé pour la ciclosporine).

TRAITEMENTS

En ville, hormis les corticoïdes et l’azathioprine, tous les médicaments immunosuppresseurs indiqués en prévention du rejet aigu de greffe rénale sont à prescription initiale hospitalière valable 6 mois. Les anticorps antilymphocytaires sont quant à eux réservés à l’usage hospitalier.

Corticoïdes

• Les corticoïdes font partie quasi systématiquement du « cocktail » immunosuppresseur du traitement préventif du rejet, malgré leurs effets indésirables au long cours. La tendance actuelle est d’essayer de s’en passer.

• Ils s’utilisent par voie orale à la posologie de 1 à 1,5 mg/kg/j en initiation de traitement, pour baisser progressivement à 10 à 15 mg/j au bout de 6 à 9 mois de traitement.

• Effets indésirables les plus fréquents : hypertension artérielle, rétention hydrosodée, acné, ostéoporose, ostéonécrose, diabète, dyslipidémie, atrophie musculaire, cataracte.

Inhibiteurs de la calcineurine

Cette classe constitue la pierre angulaire du traitement immunosuppresseur des patients transplantés rénaux. A marge thérapeutique étroite, ces médicaments nécessitent une surveillance particulière.

Ciclosporine

• La ciclosporine (Sandimmun, Neoral) est un polypeptide cyclique lipophile.

• La biodisponibilité des formes orales est faible, variable d’un individu à l’autre avec des valeurs allant de 20 à 50 %, et variable chez un même individu en fonction notamment de l’horaire de prise par rapport aux repas et de leur composition. La forme galénique microémulsionnée de Néoral permet de gommer une partie de ces variabilités inter- et intra-individuelles en augmentant la biodisponibilité.

• La ciclosporine se caractérise par une toxicité rénale quasi constante et dose-dépendante. La toxicité rénale et la biodisponibilité variable justifient des dosages sanguins réguliers en vue d’une adaptation de posologie.

• Métabolisée au niveau hépatique par les isoenzymes du cytochrome P450, la ciclosporine est à l’origine de nombreuses interactions médicamenteuses (voir page 12).

• Néoral et Sandimmun ne sont pas bioéquivalents. En revanche, les différentes formes galéniques (capsule et solution buvable) d’une même spécialité sont bioéquivalentes.

• Effets indésirables les plus fréquents : 67 % des patients sous ciclosporine développent une hypercholestérolémie à un an de traitement. L’élévation de créatininémie, dose-dépendante et réversible, et le risque d’hypertension artérielle imposent un suivi régulier. Les autres effets indésirables fréquents sont de type hypertrophie gingivale, hirsutisme et hypertrichose.

Tacrolimus

• Antibiotique appartenant à la classe des macrolides, le tacrolimus possède un mécanisme d’inhibition de la calcineurine différent de celui de la ciclosporine.

• Ses propriétés cinétiques sont proches de celles de la ciclosporine. L’absorption de la molécule lipophile est soumise à de fortes variations interindividuelles, dépendantes des repas. Des dosages sanguins réguliers permettent une adaptation de posologie.

• Le tacrolimus par voie orale existe sous 3 formes galéniques :

- des gélules à libération immédiate (Prograf, Adoport),

- des granulés pour solution buvable (Modigraf) permettant une administration de dose plus précise notamment chez l’enfant,

- des gélules à libération prolongée (Advagraf).

Les différentes formes de tacrolimus à libération immédiates sont bioéquivalentes.

• Effets indésirables les plus fréquents : caractérisé par une toxicité rénale, le tacrolimus a également une toxicité neurologique s’exprimant par des tremblements. Il est à l’origine d’une hyperglycémie ou d’un diabète chez 8 % des patients.

Inhibiteurs de la synthèse des bases puriques

Azathioprine

• L’azathioprine (Imurel) est un antimétabolite de la famille des analogues des bases puriques.

• Elle est responsable d’une toxicité hématologique se portant le plus généralement sur la lignée granuleuse. L’atteinte médullaire est dose-dépendante et généralement réversible à l’arrêt du traitement. Elle impose un contrôle régulier (au moins tous les 3 mois) de l’hémogramme. Thrombopénie, anémie et troubles de la fonction hépatique sont également rapportés.

Acide mycophénolique

L’acide mycophénolique est commercialisé sous forme de sels : mycophénolate sodique (Myfortic) et mycophénolate mofétil (Cellcept). Ces deux sels ne sont pas bioéquivalents.

• Les paramètres pharmacocinétiques assurent une certaine sécurité. Il n’y a pas de variabilité interindividuelle, pas de stockage dans les tissus lipidiques, dispensant ainsi de tout monitorage plasmatique, et pas de problème d’accumulation du fait de sa double élimination urinaire et biliaire.

• Les troubles hématologiques engendrés par le mycophénolate concernent essentiellement la lignée neutrophile, justifiant un suivi hématologique. Les autres principaux effets indésirables sont l’anémie et la diarrhée.

• Son rapport efficacité/tolérance en fait un médicament de choix pour remplacer l’azathioprine. Il permet en effet de réduire l’incidence du rejet aigu de manière significative, et apporte également un bénéfice à long terme en limitant la progression de la fibrose rénale qui caractérise certaines formes de rejet chronique. De plus, il ne présente pas d’hépatotoxicité contrairement à l’azathioprine.

• L’acide mycophénolique est tératogène. Sa manipulation nécessite la plus grande précaution. Pour les patients recevant la suspension buvable, il est recommandé de procéder à la reconstitution de la solution à l’officine en respectant des règles de sécurité strictes (dans le préparatoire, protéger la peau et les muqueuses, éviter la manipulation par une personne enceinte ou susceptible de l’être).

Inhibiteurs de la mTOR

• Le sirolimus (Rapamune) et l’évérolimus (Certican) composent cette classe. Ils sont indiqués en association avec la ciclosporine sous forme de microémulsion (Néoral) et des corticoïdes. Médicament à marge thérapeutique étroite, une adaptation posologique individuelle est nécessaire en fonction des taux sanguins résiduels.

• Le sirolimus présente comme intérêt une absence de néphrotoxicité et un effet antiprolifératif susceptible de diminuer l’incidence des tumeurs induites par les immunosuppresseurs. L’AMM du Rapamune préconise l’arrêt de la ciclosporine après 3 mois de traitement. Or, cette stratégie thérapeutique est en train d’être abandonnée en raison d’un surrisque de rejet.

• L’évérolimus est dérivé du sirolimus. Il est utilisé avec des doses réduites de ciclosporine.

• Effets indésirables les plus fréquents : troubles digestifs, aphtes, retard de cicatrisation, hypertension artérielle, hyperglycémie, cytopénie, pneumopathie, protéinurie. Pour le sirolimus particulièrement, des troubles du métabolisme lipidique conduisent souvent à instaurer un régime alimentaire et un traitement hypocholestérolémiant.

Anticorps antilymphocytaires

Ces traitements sont réservés à l’usage hospitalier.

Les anticorps monoclonaux

• Le bélatacept (Nulojix) est une immunoglobuline modifiée. Il agit par immunosuppression sélective de l’activation des lymphocytes T. Il est utilisable d’emblée puis en phase d’entretien à la place des inhibiteurs de la calcineurine chez les patients séropositifs pour le virus de l’Epstein-Barr. Il est administré par perfusion intraveineuse toutes les quatre semaines. Le bélatacept présente l’avantage de moins altérer la fonction rénale par rapport à la ciclosporine, notamment chez les patients jeunes.

Toxicité hématologique, troubles de la balance phosphocalcique, dyslipidémie, dyspnées, toux, hyper- et hypotension, œdèmes sont les effets indésirables de haute fréquence sous traitement.

• Le basiliximab (Simulect) est un anticorps monoclonal chimérique murin/humain. Il est utilisé pour la phase d’induction immunosuppressive postopératoire. Son profil d’effets indésirables intéressant fait qu’il remplace très largement les anticorps polyclonaux. Son intérêt majeur semble résider dans le fait qu’il diminue l’incidence des rejets aigus. Sa longue demi-vie lui confère une couverture immunosuppressive importante.

Les anticorps polyclonaux

Ces anticorps (Thymoglobuline et Globuline Antilymphocytaire Fresenius) sont des immunoglobulines obtenues à partir de sérum de lapin. Ils sont essentiellement utilisés dans la phase postopératoire immédiate de la greffe ainsi que dans le traitement du rejet aigu, notamment dans ses formes corticorésistantes. La fréquence de leurs effets indésirables est relativement importante.

Complications liées à l’immunosuppression

• Les immunosuppresseurs actuellement disponibles ne sont pas spécifiques des antigènes du greffon, et diminuent donc les défenses immunitaires du receveur. Les complications liées à cette immunosuppression, outre les effets indésirables précités, sont d’ordre infectieux et tumoraux.

• Les infections sont présentes dans plus de 80 % des cas. Qu’elles soient bactériennes, fongiques ou virales, leur gravité est directement corrélée à l’intensité et à la durée de l’immunosuppression. Plusieurs traitements ont permis de fortement réduire certaines d’entre elles. C’est le cas de la pneumocystose par une prophylaxie par triméthoprime + sulfaméthoxazole (Bactrim), ou des infections à cytomégalovirus par l’utilisation du valaciclovir (Zelitrex) ou du valganciclovir (Rovalcyte). En revanche, les infections à virus Epstein-Barr susceptibles d’induire un syndrome lymphoprolifératif, à BK virus responsable de néphropathies sévères, ou à herpès virus type 8 pouvant induire des sarcomes de Kaposi, n’ont pas aujourd’hui de traitement prophylactique.

• Les complications tumorales s’expliquent par l’inhibition des fonctions des lymphocytes T qui ne peuvent plus détruire les cellules cancéreuses. Le risque augmente avec la durée du traitement. Il s’agit la plupart du temps de tumeurs cutanées ou de syndromes lymphoprolifératifs.

ACCOMPAGNER LE PATIENT

Isabelle, 45 ans, sans emploi

« Je suis atteinte d’une malformation rénale congénitale diagnostiquée à mes 18 ans suite à des épisodes de fièvre inexpliquée. Ma première hospitalisation a eu lieu en 1982. Ma transplantation date de 2006 après 6 mois de dialyse qui se sont bien passés. L’attente a été courte et je l’ai bien vécue. On m’a appelée pendant une séance de dialyse et directement envoyée au service des greffes. L’opération s’est déroulée sans complication. Je suis depuis devenue rigoureuse sur la prise des médicaments, faisant sonner une alarme pour la prise des immunosuppresseurs. Je ne suis gênée au quotidien ni par les contraintes de prises, ni par des effets indésirables. Je n’ai pas pu avoir d’enfant, cela m’était déconseillé du fait de ma malformation et non de la greffe, c’est mon seul regret. Mais pour moi, ce parcours était finalement balisé et facile à suivre, grâce à l’équipe médicale en qui j’ai confiance et que je revois tous les quatre mois à présent. »

LA GREFFE RÉNALE VUE PAR LES PATIENTS

Impact psychologique

• La transplantation est souvent vécue comme une « seconde naissance », après une attente plus ou moins longue et anxiogène et de nombreuses séances de dialyse. La personne nouvellement greffée vit souvent une période d’euphorie du fait de sa liberté retrouvée. Avant de poursuivre une vie normale, il lui faut gérer la rupture du lien avec l’équipe soignante de dialyse (relations affectives installées), l’épisode de fatigue consécutive à l’opération et accepter ce nouvel organe.

• Après quelque temps, la qualité de vie est considérablement améliorée, avec notamment la possibilité de reprendre une activité professionnelle. Mais il n’est pas rare que le sujet greffé ressente une angoisse du rejet du greffon, du retour à la dialyse et d’une nouvelle greffe.

Des consultations avec un psychologue, voire un psychiatre si nécessaire, ou le recours à des associations de patients sont à encourager.

Impact sur la vie quotidienne

Le bénéfice de la greffe est évident pour le patient qui cesse les séances contraignantes d’hémodialyse (4 heures 3 fois par semaine), peut à nouveau boire sans restriction et envisager une vie sociale.

Cependant, le patient greffé doit encore se soumettre à certaines mesures pour éviter le rejet de greffon et les complications des traitements : observance stricte du traitement et du suivi médical, alimentation équilibrée, protection solaire et prévention des infections…

Impact sur l’alimentation

Des recommandations diététiques sont à rappeler régulièrement au patient. Elles sont à suivre à vie, ce qui peut parfois gêner la vie sociale. Le traitement associant des corticoïdes impose de limiter la consommation de sucres rapides, de matières grasses saturées et d’alcool. Un régime sans sel ajouté est conseillé pour éviter la rétention hydrique. Les perturbations glycémiques et lipidiques induites par les traitements immunosuppresseurs font privilégier la consommation de fruits et légumes, de volaille et de poisson. Une consommation excessive de protéines est à éviter pour ne pas surcharger les reins.

À DIRE AUX PATIENTS

A propos de la transplantation

• Conserver sur soi la carte de greffé et les coordonnées du centre de greffe. Penser à prendre les derniers résultats biologiques à chaque consultation médicale.

• L’installation d’une néphropathie chronique est inéluctable mais la durée de survie du greffon peut dépasser 20 ans. La fonction du greffon rénal s’altère de manière progressive et les patients greffés peuvent à nouveau souffrir d’insuffisance rénale chronique. Chez eux, comme chez les insuffisants rénaux dialysés, la maladie cardiovasculaire demeure la principale cause de mortalité, rendant crucial le contrôle des facteurs de risque.

• La principale complication de la greffe est le rejet du greffon.

• Toute fièvre est considérée comme une urgence nécessitant un avis médical.

A propos des traitements

• Rappeler le but du traitement : éviter le rejet et augmenter la durée de vie du greffon. Le traitement ne doit jamais être arrêté sans avis médical.

• Les traitements sont adaptés à chaque patient, tout au long de sa vie.

• Une grossesse peut être planifiée un an après la transplantation, lorsque la fonction rénale et le risque immunologique sont stabilisés. Le traitement immunosuppresseur est adapté : prednisone < 15 mg, ciclosporine et tacrolimus utilisables à doses thérapeutiques, arrêt des immunosuppresseurs tératogènes plusieurs semaines avant la conception.

• Une observance rigoureuse des traitements et du suivi clinique et biologique doit être encouragée.

• Déconseiller l’automédication, la prise de compléments alimentaires et de plantes (nombreuses interactions). Signaler la prise d’immunosuppresseurs à tout professionnel de santé.

•  De nombreux médicaments néphrotoxiques doivent être évités : AINS, diurétiques, IEC, aminosides, aciclovir, fibrates…

• Le pharmacien doit encourager le patient à veiller à une bonne hygiène buccale (hyperplasie gingivale fréquente sous ciclosporine, candidoses).

PRÉVENTION

• L’immunosuppression diminuant les défenses immunitaires, les risques d’infections opportunistes bactériennes, virales (cytomégalovirus, herpès…) ou fongiques sont à prendre en compte. Il est recommandé, surtout lors des trois premiers mois postgreffe, de porter un masque lors de contact avec des sujets malades et d’avoir une bonne hygiène des mains.

• Le risque néoplasique nécessite l’arrêt du tabac ainsi qu’une protection lors de toute exposition solaire (écran total, vêtements couvrants, lunettes solaires…). Une surveillance cutanée annuelle s’impose.

• Hormis pour le vaccin antigrippal, les vaccinations ne sont pas recommandées dans les six premiers mois postgreffe. Les vaccins vivants atténués (BCG, varicelle, ROR et fièvre jaune) sont contre-indiqués.

DÉLIVRERIEZ-VOUS CES ORDONNANCES ?

ORDONNANCE 1 : OUI ET NON. L’ordonnance est valable mais il faut recommander à M. G de ne pas prendre d’ibuprofène. En effet, l’association de ciclosporine et d’AINS est à prendre en compte en raison du risque d’addition des effets néphrotoxiques. La prise de paracétamol est à privilégier.

ORDONNANCE 2 : NON. L’association ciclosporine et rosuvastatine est contre-indiquée avec un risque majoré des effets indésirables de l’hypolipémiant (rhabdomyolyse, néphrotoxicité). Contacter le médecin pour changer de statine en privilégiant la fluvastatine ou la pravastatine, sans interaction avec la ciclosporine.

MÉMO-DÉLIVRANCE

TRAITEMENTS IMMUNOSUPPRESSEURS

Quels traitements sont à prescription restreinte ?

Tous les immunosuppresseurs disponibles en ville indiqués dans la greffe rénale, sauf les corticoïdes et l’azathioprine, nécessitent une prescription initiale hospitalière semestrielle. Le traitement peut être renouvelé par tout médecin.

Le patient a-t-il bien compris l’importance de l’observance au traitement ?

• La prise rigoureuse des traitements immunosuppresseurs est un facteur capital de la prévention du rejet de greffe.

• Il est utile, à chaque renouvellement, de s’assurer que le patient a compris les bénéfices attendus du traitement, de l’interroger sur les éventuelles difficultés rencontrées et les effets indésirables les plus gênants.

• Le pharmacien peut proposer des solutions pour faciliter l’organisation pratique de la prise des médicaments : plan de prise personnalisé, pilulier adapté, alarme…

Le patient connaît-il les signes d’alerte qui nécessitent un avis médical en urgence ?

Certains signes imposent de contacter le médecin référent du centre de transplantation : fièvre non expliquée ou non rapidement résolutive (48-72 h), douleur du transplant, hématurie, oligurie, tout événement justifiant une modification majeure du traitement, problèmes récurrents d’observance…

Le patient tolère-t-il bien son traitement ?

Les immunosuppresseurs ont de nombreux effets indésirables parfois graves (hématotoxicité de l’azathioprine et du mycophénolate, néphrotoxicité des inhibiteurs de la calcineurine, complications infectieuses et tumorales…) qui imposent un suivi biologique et clinique tous les 1 à 4 mois.

Le patient sait-il que son traitement risque d’interagir avec d’autres médicaments ?

• Le patient doit éviter l’automédication et signaler ses traitements à tous les professionnels de santé. Certains médicaments exposent à un risque d’insuffisance rénale (AINS, diurétiques, IEC, aminosides, aciclovir, fibrates…).

• Alerter également le patient sur des éventuelles interactions avec la phytothérapie et les compléments alimentaires.

Le patient sait-il quand prendre ses médicaments ?

Les corticoïdes et l’azathioprine sont à prendre au cours des repas, le tacrolimus à distance des repas (1 heure avant ou 3 heures après), le mycophénolate sodique, l’évérolimus et le sirolimus soit toujours pendant, soit toujours en dehors des repas.

CONSEILS COMPLÉMENTAIRES

• Suivre certaines règles hygiénodiététiques : apports lipidiques, glycémiques et protéiques modérés, régime pauvre en sel et alcool à éviter sous corticoïdes. La pratique d’une activité physique est conseillée en évitant les sports violents.

• Se protéger du soleil : vêtements couvrants et crèmes solaires.

• Arrêter de fumer et limiter la consommation d’alcool

• Limiter les risques d’infections et se faire vacciner contre la grippe (tous les ans), le pneumocoque et les hépatites A et B.

LE CAS : Mme C., 35 ans, 59 kg, suivie dans un service hospitalier, présente son ordonnance pour le traitement antirejet qu’elle prend depuis la greffe rénale dont elle a bénéficié il y a 8 mois. Elle explique au pharmacien qu’il lui faut également des injections car les comprimés de fer n’ont pas suffi à corriger son anémie.

Qu’en pensez-vous

Quand recommander la prise d’Advagraf ?

1) 1 gélule matin et soir au cours du repas.

2) 1 gélule matin et soir à distance du repas.

3) 2 gélules le matin à distance du repas.

Qu’en pensez-vous

Tous les médicaments peuvent-ils être rangés dans le pilulier ?

1) Oui, il n’y a pas de problème particulier.

2) Non, la manipulation de certains médicaments pose problème.

Appel au médecin

Bonjour Docteur, je suis le pharmacien de Mme C. Elle était sous Bactrim depuis sa greffe. Vous ne lui en avez pas prescrit ce mois-ci, est-ce normal ?

Oui. Bactrim n’est prescrit de manière systématique que les 6 premiers mois suivant la transplantation pour prévenir des infections à Pneumocystis carinii.

EN CHIFFRES

Situation en France en 2012* :

• 50 726 personnes porteuses d’un greffon fonctionnel.

• 17 627 patients en attente d’une greffe.

• 3 044 greffes de rein dont 357 à partir d’un donneur vivant en 2012 (+ 18 % par rapport à 2011).

• 45 % des insuffisants rénaux terminaux chroniques (IRC) sont greffés, 55 % dialysés.

• Prise en charge de l’IRC par l’assurance maladie : 4 milliards d’euros par an (dont dialyse : 82 % ; greffe : 18 %).

* Source : Agence de la biomédecine.

Don d’organes : en parler à ses proches

• En France, la règle qui s’applique est celle du consentement présumé. Toute personne est considérée comme consentante au don de ses organes après sa mort si elle n’a pas manifesté d’opposition de son vivant, notamment en s’inscrivant au registre national des refus.

• Dans les faits, les proches sont toujours consultés pour connaître la position du défunt. Près d’un prélèvement sur trois est refusé par la famille. Il est donc essentiel de transmettre sa position à ses proches pour qu’ils puissent en témoigner.

La réponse immunitaire

Le rein greffé est reconnu comme du « non-soi » par le système immunitaire du receveur. La reconnaissance par les lymphocytes T (LT) des cellules du greffon, exposées par les cellules présentatrices de l’antigène, induit une cascade de réactions responsables de l’activation des LT. Ils sécrètent alors des cytokines (interleukine 2 notamment) qui vont amplifier leur propre stimulation et déclencher l’activation des monocytes, des lymphocytes cytotoxiques et des lymphocytes B sécréteurs d’anticorps.

CE QUI A CHANGÉ

• Commercialisation de 3 nouvelles spécialités à base de tacrolimus

2010 : Modigraf, granulés pour suspension buvable et Advagraf, gélules à libération prolongée.

2010 : Adoport, gélules à libération immédiate.

• L’azathioprine et le mycophénolate mofétil sont respectivement entrés au Répertoire des génériques en 2006 et 2009.

POINT DE VUE
Dr Lionel Couzi, néphrologue au sein du service de néphrologie et de transplantation rénale de l’hôpital Pellegrin de Bordeaux (Gironde)

« Un quart des patients greffés est non adhérent au traitement? »

Selon vous, quel est le rôle du pharmacien dans la prise en charge du patient greffé rénal ?

Il a un rôle majeur pour contrôler l’adhérence aux traitements immunosuppresseurs. En France, 25 % des patients greffés sont non adhérents ! Le pharmacien possède les outils pour s’assurer de la délivrance régulière des médicaments (DP, dossier patient…). Il est également bien placé pour détecter les effets indésirables, souvent sources de mauvaise adhérence, et alerter le médecin si nécessaire. Enfin, son intervention est essentielle dans la prévention des complications infectieuses et tumorales.

Que peut apporter l’éducation thérapeutique à ces patients ?

L’insuffisance rénale chronique terminale est une pathologie chronique lourde avec des traitements de suppléance contraignants. Pour accompagner les patients, des programmes d’ETP sont désormais mis en place dans les unités de transplantation rénale, avec pour principaux objectifs l’amélioration de la qualité de vie, la gestion du quotidien avec sa greffe, la prévention des complications et l’acquisition de compétences vis-à-vis du traitement.

Comment promouvoir le don ?

L’enjeu est de développer le don du vivant, peu répandu en France et seule solution pour combler la pénurie de donneurs. L’Agence de la biomédecine a lancé une campagne « Un don en moi » pour le promouvoir. Le pharmacien pourrait en parler avec les patients et leurs familles, car il est souvent difficile de demander à un proche de donner.

VIGILANCE !!!

Certaines contre-indications doivent être connues du pharmacien :

• Corticoïdes : états infectieux et viroses en évolution, ulcère gastroduodénal en évolution, états psychotiques non contrôlés.

• Ciclosporine (Néoral) : occlusion intestinale en raison de la présence de dérivé d’huile de ricin.

• Tacrolimus : hypersensibilité aux macrolides, allaitement.

• Azathioprine : allaitement.

• Acide mycophénolique : grossesse et allaitement.

• Sirolimus et évérolimus : grossesse et allaitement. Allergie à l’arachide et au soja pour la solution buvable de sirolimus.

QUESTIONS DE PATIENTS

« Quels sports puis-je pratiquer  ? »

Quelques mois après la greffe, la pratique sportive est bénéfique tant mentalement que pour éviter les troubles métaboliques provoqués par les traitements. Sont possibles, entre autres, marche, vélo, natation, golf et aviron. Les sports de contacts et violents sont à éviter (motocross, basket-ball, football, rugby, équitation, sports de combat). Demander l’avis du néphrologue avant la reprise de l’activité.

QUESTIONS DE PATIENTS

« Y a-t-il des vaccins recommandés lorsqu’on est greffé  »

La vaccination antigrippale est recommandée chaque année en raison d’un risque accru d’infections respiratoires sévères. La vaccination contre les infections à pneumocoque doit être réalisée tous les 5 ans (Pneumo 23). La vaccination contre le virus de l’hépatite B et de l’hépatite A est recommandée, en particulier pour les patients à risque d’exposition.

BROCHURES PATIENT

L’Agence de la biomédecine élabore des documents d’information sur le don d’organes :

« Don d’organes, dites-le simplement maintenant », guide d’information à destination du public, à commander gratuitement sur www.cespharm.fr. Il comporte la carte de donneur d’organes et le formulaire d’inscription au registre national des refus.

« Un don en moi », brochures destinées aux patients souffrant d’insuffisance rénale et à leur entourage pour faire connaître la greffe rénale à partir de donneur vivant, téléchargeables sur www.dondorganes.fr

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