LES AUTOTESTS ARRIVENT À L’OFFICINE - Le Moniteur des Pharmacies n° 3030 du 03/05/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3030 du 03/05/2014
 
DÉPISTAGE DU VIH

L’événement

Auteur(s) : Caroline Coq-Chodorge

Fin 2014, les autotests de dépistage du VIH arriveront dans les officines. Une étape importante dans la lutte contre le sida. La délivrance ne sera pas anodine. En Lorraine, une formation est déjà en préparation.

C’est une nouvelle opportunité pour les confrères de faire leur vrai métier de pharmacien », s’enthousiasme Monique Durand, présidente du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Lorraine, le premier à travailler sur l’arrivée des autotests de dépistage du VIH en officine fin 2014. Cette arrivée a été confirmée par la ministre de la Santé Marisol Touraine, le 4 avril dernier, à l’occasion du Sidaction. « C’est une petite révolution, explique Gabriel Girard, sociologue et militant de la lutte contre le sida. Les autotests banalisent le dépistage du VIH. On entre dans une logique proche du test de grossesse. Tout ce qui va dans le sens de la découverte le plus tôt possible d’une séropositivité est bon à prendre. » « L’objectif, c’est la banalisation du dépistage, sa dédramatisation », renchérit Jean-Marie Le Gall, responsable du pôle recherche à l’association AIDES.

Car l’épidémie de sida continue de progresser en France : en 2012, 6 400 personnes ont découvert leur séropositivité, selon le dernier bilan de l’Institut national de veille sanitaire. 42 % de ces nouvelles contaminations concernent des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, et 38 % des hétérosexuels nés à l’étranger. Autrement dit, l’épidémie n’est pas du tout sous contrôle dans les communautés homosexuelles et des migrants d’Afrique subsaharienne. Le virus se propage au cœur d’une « épidémie cachée » : 30 000 personnes ne connaîtraient pas leur statut sérologique.

L’enjeu actuel de la lutte contre le sida est de parvenir à dépister le plus tôt possible les personnes contaminées et de les mettre sous antirétroviraux. Bien traités et bien suivis, les séropositifs ont une charge virale (le taux de CD4) très faible, parfois indétectable, qui leur assure une espérance de vie comparable à la population générale. Le risque de transmission s’en trouve aussi très limité. « On est à un tournant de l’épidémie, il est possible de l’enrayer », affirme Gabriel Girard.

C’est le Conseil national du sida qui, le premier, a rendu, en avril 2013, un avis favorable à l’arrivée des autotests en France. Leur intérêt est d’« enrichir la palette des outils de dépistage disponibles ». 5 millions de tests de dépistage sont réalisés chaque année en France : des tests sanguins Elisa, réalisés dans un laboratoire d’analyse ou dans un des 345 centres de dépistage, et le test rapide à orientation diagnostique (TROD), réalisé depuis 2010 par les associations, qui permet, à partir d’une simple goutte de sang prélevée à la pointe du doigt, d’obtenir un résultat en 30 minutes. Pour le Conseil national du sida, les autotests pourraient intéresser « les personnes que l’offre existante ne permet actuellement pas d’atteindre ». « Ce sont les gens qui échappent au dispositif classique, détaille Jean-Marie Le Gall, ceux qui cachent leur sexualité, ou qui habitent dans des petites villes. » Mais le public des autotests est peut-être plus large. « Les personnes qui ont des pratiques à risque, ceux qui se dépistent souvent, vont peut-être adopter les autotests. Les hétérosexuels de 16 à 25 ans sont un autre public potentiel », poursuit Jean-Marie Le Gall.

Le Conseil national du sida avait auparavant rendu deux avis défavorables aux autotests, ne les jugeant pas assez fiables. Mais il a été convaincu par l’autotest salivaire Oraquick du laboratoire Orasure, commercialisé aux Etats-Unis depuis 2012 : sa sensibilité, si l’infection est présente, se situe aux alentours de 90 %. Il existe donc encore un pourcentage non négligeable de faux négatifs, mais le bénéfice de la diffusion de ces tests est jugé supérieur aux risques. Un autre autotest, sanguin celui-là, de la firme Chembio, affiche de meilleurs résultats de fiabilité. Ces deux entreprises sont en train de réaliser les démarches pour obtenir le marquage CE, préalable à l’obtention d’une autorisation de commercialisation sur le marché français (lire encadré ci-dessous). En Europe, la Grande-Bretagne devrait être la première à ouvrir le bal, juste avant la France.

Un besoin de formation déjà identifié

En Lorraine, la soutenance de la thèse de docteur en pharmacie de Nadine Fiegel, consacrée au dépistage du sida, a été l’occasion, le 7 mars dernier, de réunir Jean-Marie Le Gall, Laurence Boyer, praticien hospitalier au service des maladies infectieuses du CHU de Nancy, et Monique Durand. La thèse de la jeune pharmacienne comprend les résultats d’un questionnaire sur les autotests soumis à 95 pharmaciens d’officine. La quasi-totalité (96,7 %) se déclare très favorable à l’arrivée des autotests en pharmacie. Huit sur dix ans affirment qu’ils seront « à l’aise dans leur dispensation ». Mais 86,3 % sont preneurs d’une « formation de l’équipe officinale sur la gestion d’un patient dont le test s’avère positif ». Laurence Boyer se félicite de cette attente de formation : « Les pharmaciens ont besoin d’une remise à niveau sur les traitements ou le dépistage, qui ont beaucoup évolué ces dernières années. » « Les pharmaciens doivent délivrer un conseil à l’occasion de cette délivrance. Ils doivent apporter des réponses en cas de découverte d’une séropositivité », complète Monique Durand. L’association AIDES, l’Ordre des pharmaciens et le Comité de coordination de la lutte contre l’infection par le VIH (Corevih), au sein du CHU de Nancy, travaillent désormais à mettre sur pied une formation dès la rentrée 2014.

Se pose aussi la question cruciale de la confidentialité du conseil pharmaceutique. « Il est encore difficile de parler de cette maladie, très stigmatisée. Il faut que les pharmaciens se dotent d’un espace de confidentialité pour accompagner les patients », estime Monique Durand. Les associations insistent aussi sur la nécessité pour les pharmaciens de vendre ces autotests sur Internet, à leurs yeux lieu de plus grande confidentialité. De manière pratique, Laurence Boyer prévoit que ces tests seront délivrés « avec une notice d’information comprenant le numéro de téléphone du service de médecine interne ou des maladies infectieuses du centre hospitalier le plus proche. Les pharmaciens devront l’expliquer au patient ».

Le prix risque d’être un frein

Le prix de ces tests est actuellement l’objet de réflexions et de négociations. Sur le modèle du test de grossesse, ils ne seront pas remboursés. Aux Etats-Unis, Oraquick est vendu aux alentours de 39 $ aux Etats-Unis (28 euros). « Ils sont peu vendus car ils sont trop chers et parce qu’aucune campagne de santé publique n’a été menée, explique Jean-Marie Le Gall. Nous préconisons de fixer le prix des autotests en dessous de 20 euros et de mener une campagne de santé publique. Nous réclamons aussi que les autotests soient distribués gratuitement par les associations, sur le modèle du préservatif en France dans les années 90. » La pharmacienne Monique Durand n’est pas d’accord : « il ne faudrait pas que ce test soit payant chez nous et gratuit dans les associations. Mais il doit être à bas prix dans nos pharmacies. Et pourquoi ne pas reconnaître en parallèle un nouvel acte de conseil pharmaceutique ? »

Salivaire ou sanguin : les principales caractéristiques des tests

OraQuick et Chembio sont les deux autotests sur les rangs pour être les premiers commercialisés en France.

Si, à première vue, l’aspect d’Oraquick est très proche d’un test de grossesse, il s’agit bel et bien d’un test salivaire, la salive étant prélevée sur les gencives à l’aide d’un bâtonnet qui réagit aux anticorps du VIH. Le résultat apparaît en 20 minutes : une seule ligne et le test est négatif ; deux lignes, il est positif. OraQuick est le test salivaire le plus fiable, mais il n’est sensible qu’à hdiv de 90% environ en cas de contamination.

Le test Chembio est à mi-chemin entre le test de glycémie et le test de grossesse : « C’est un test qui consiste à prélever au bout du doigt une microgoutte de sang. Les anticorps éventuellement présents réagissent aux antigènes fixés sur la bandelette. Deux lignes apparaissent si le test est positif, une seule s’il est négatif », explique Joseph Coulloc’h, P-DG du laboratoire Nefrotek, qui a acheté la licence américaine et est en attente du marquage CE pour fabriquer cet autotest en France. Chembio livre son résultat en 15 minutes. Le P-DG de Nefrotek affirme qu’il est fiable à plus de 99% et estime que les deux tests devraient être vendus en pharmacie dans une fourchette de prix comprise « entre 25 et 30 euros ».

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