LES RÉPONSES À FORMULER - Le Moniteur des Pharmacies n° 3025 du 29/03/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3025 du 29/03/2014
 
IDÉES REÇUES AU COMPTOIR

DOSSIER

Auteur(s) : François Pouzaud

Les idées reçues sur l’officine ont la vie dure. Nous avons beau les combattre, elles reviennent sans cessecomme la mauvaise herbe. Prix en pharmacie, efficacitéet sécurité des génériques… Voici une liste non exhaustive d’exemples quotidiens de préjugés et de réponsespour leur tordre le coup définitivement.

S’il s’agit d’un manque de communication de la profession, il ne date pas d’aujourd’hui. Force est de constater que, dans l’esprit de nos concitoyens, l’image du pharmacien ne change pas beaucoup. Même si la caricature d’un épicier nanti est moins présente dans les esprits qu’autrefois… Et si les idées reçues anciennes circulent moins, d’autres, plus récentes, ont repris le flambeau.

« Les Français sont champions dela consommationde médicaments »

Cela vient de son système de protection sociale : la France figure dans le peloton de tête des pays qui consomment le plus de médicaments en Europe. Elle se classe deuxième en unités achetées, ex-aequo avec l’Espagne. Mais l’écart avec les autres pays se réduit de manière significative. Il s’élevait à 6 % en 2009 contre 15 % en 2006, soit une baisse de 9 points en 3 ans. En effet, la France se distingue de ses voisins (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Espagne, Suisse, Royaume-Uni) en enregistrant sur la période 2006-2009 la plus faible croissance du nombre d’unités standard par habitant, avec un taux annuel de 0,5 % (source : étude de la CNAM comparant la consommation et les dépenses des huit principales classes de médicaments en Europe). Cette croissance est nettement plus forte dans les six autres pays européens : 2,9 % par an au Royaume-Uni au minimum et jusqu’à 4,6 % par an en Espagne. A titre de comparaison, le Royaume-Uni occupe de loin la première place du classement en volume avec 456 unités standard sur les huit principales classes thérapeutiques, contre 382 pour la France. Ces bons résultats nationaux témoignent des effets positifs des programmes de maîtrise médicalisée menés auprès des professionnels de santé et des assurés depuis 2005, pour favoriser le respect des référentiels sanitaires et optimiser les dépenses de médicaments. Elles ont encore reculé en ville en 2013 (- 3 %).

« Vous avez tout intérêt à me refilerun maximumde produits ! »

Si tel était le cas, nous assisterions à la hausse des indicateurs de consommation de médicaments à prescription médicale facultative non prescrits, sur les volumes desquels le pharmacien peut influer par son conseil. Or, en 2013, les ventes de médicaments sans ordonnance affichent une décroissance de 3 % en valeur et de 4 % en volume (source : Celtipharm). De même, le marché global du « selfcare », comprenant les compléments alimentaires et les dispositifs médicaux non remboursés, enregistre un recul en valeur (- 0,1 %) et en volume (- 2,5 %). « Le conseil du pharmacien doit s’inscrire dans le parcours de soins et la prise en charge des maux bénins. Cette évolution se fera dans le respect des valeurs de notre profession. Elle n’a pas pour objectif d’inciter à une consommation abusive de médicaments, précise Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine. Nous réfléchissons avec les complémentaires santé à faire évoluer nos relations afin de proposer un cadre plus global d’offre de services et de prestations innovants tournés vers l’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients. »

« En France,le médicament non remboursé est plus cher qu’ailleurs ! »

Notre pays ne souffre pas de la comparaison. Les prix français des produits d’automédication sont déjà parmi les plus bas en Europe, soit 4,50 euros en moyenne contre 5,20 euros. En Italie, la libéralisation de leur vente, après une diminution initiale des prix, n’a finalement pas favorisé le pouvoir d’achat des consommateurs. Le prix moyen d’une spécialité d’automédication en GMS est passé de 5,70 euros en septembre 2011 à 5,90 euros en septembre 2013, soit une hausse de 3,6 % en deux ans. Par ailleurs, l’Italie affiche un prix moyen sur ces médicaments largement supérieur à celui de la France (7,30 euros contre 4,50 euros), tandis que les ventes en GMS dans ce pays ne représentent que 2,6 % du chiffre d’affaires global sur l’automédication.

« C’est bien pluscher en pharmaqu’en para »

Non, les pharmacies ne sont pas systématiquement plus chères que les parapharmacies et les grandes et moyennes surfaces », peut-on lire sur l’affiche de l’Ordre des pharmaciens adressée à toutes les officines en février dernier. Cette campagne a pour intitulé « Médicaments : cassons les idées reçues ». Il ressort des études comparatives de l’Ordre que les GMS sont plus chères sur les laits infantiles, préservatifs et lingettes pour bébé… Pour plus de précisions, se reporter au site ordre.pharmacien.fr

« De toute façon,il n’y a pas de vraie concurrence entreles pharmacies »

Dans son avis du 19 décembre 2013, l’Autorité de la concurrence relève que les pharmacies pourraient proposer des prix plus attractifs et moins hétérogènes au profit des consommateurs. Elle constate que l’intensité concurrentielle entre officines est relativement faible et signale de très forts écarts de prix (de 1 à 4) relevés sur les médicaments non remboursables. Cette situation défavorable aux consommateurs l’est d’autant plus qu’elle s’accompagne d’un manque d’information et de publicité sur les prix, qui les empêche d’établir des comparaisons. Sur la question de l’affichage des prix, le pharmacien ne peut se soustraire à la législation française et européenne en vigueur. Concernant la faible concurrence sur les prix entre officines, Pascal Brossard, président de l’AFIPA*, s’inscrit en faux : « La baisse des prix en euros constants observée depuis six ans, et la diminution de moitié depuis douze ans des écarts de prix entre officines, démontre que la concurrence joue pleinement son rôle dans le secteur de l’automédication. Cela confirme les efforts permanents des laboratoires pharmaceutiques et des pharmaciens d’officine. » Celtipharm a analysé le prix de vente moyen pondéré en euro constant de 3 004 pharmacies (panel Xpr-SO). Résultat : la dispersion de prix n’est que de 0,37 euro en 2013 (contre 0,67 euro en 2001) à l’intérieur de la fourchette qui regroupe 50 % des officines pratiquant un prix moyen. Aussi, ajoute Pascal Brossard, « la mise en place de mécanismes de régulation sur les prix serait inappropriée au regard de la réalité objective du marché de l’automédication. La multiplicité et la diversité des intervenants, du producteur au distributeur, certifie l’aspect concurrentiel de ce marché, ce qui profite aux patients ». Le président de l’AFIPA attend beaucoup des travaux engagés dans le cadre du Conseil stratégique de filière pour créer un observatoire des prix et instaurer des outils de suivi de la consommation et de la satisfaction du patient. Ce qui devrait permettre de faire taire les mauvaises polémiques contre la profession.

« Ce médicament n’est plus remboursé, il ne sert pasà grand-chose ! »

Le SMRI (service médical rendu insuffisant), qui légitime les déremboursements de médicaments décidés par la Haute Autorité de santé, reste un sérieux frein au développement de l’automédication. « L’appellation de SMRI est une notion ambiguë. Elle donne une connotation négative à ce changement de statut et sème le doute chez le consommateur », reproche Daphné Lecomte-Somaggio, déléguée générale de l’AFIPA. Et Pascal Brossard, son président, de rappeler : « L’AMM est la garantie que le médicament possède une efficacité et un rapport bénéfice/risque satisfaisant. Il appartient maintenant aux autorités de trancher clairement ce qui doit être pris en charge par la collectivité et ce qui doit l’être par l’individu. » Pour mettre fin aux nuisances créées par la notion de SMRI, l’AFIPA milite depuis plusieurs années pour une dissociation entre efficacité et remboursement en instituant la notion de « service médical rendu non remboursable ». Par ailleurs, elle revient régulièrement à la charge pour obtenir une définition et un statut à part entière du médicament d’automédication afin de le valoriser dans l’arsenal thérapeutique.

« Je ne vois pasla différence entrela pharmacie etun autre commerce »

Si le client n’a pas remarqué une once de changement dans son officine habituelle et qu’il continue de percevoir son pharmacien comme un simple commerçant, alors mieux vaut en changer… pour une pharmacie pour laquelle la loi HPST, les entretiens pharmaceutiques, le DP, les programmes de DPC, les actions de prévention et de dépistage ou encore la coopération interprofessionnelle font partie de son quotidien.

Si le message des instances professionnelles semble bien reçu par les pharmaciens, le passage à l’acte n’est pas forcément évident. Face aux vastes changements en cours, la profession n’est plus aussi homogène qu’elle pouvait l’être au cours des précédentes décennies. Certains officinaux ne sont pas en mesure ou ne souhaitent pas intégrer toutes ces évolutions dans leur pratique professionnelle. Et il est vrai que des confrères optent pour une mise en avant très, voire trop commerciale de leur métier. « Qu’il y ait des manquements, du fait de certains pharmaciens, c’est hélas possible. Personne ne le niera », reconnaît Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, en préambule du document intitulé « Médicaments, pour une transparence de la consommation et des coûts, en cinq questions franches et une enquête incontestable ». Et c’est d’ailleurs pour cela que l’Ordre veille au grain…

« Les génériques ne sont pas efficaces »

Cette objection des patients résonne comme une rengaine au comptoir depuis l’avènement du droit de substitution en 1999. Régulièrement, les attaques contre les génériques entretiennent la méfiance des Français sur ces médicaments. Sylvie Fainzang, anthropologue, directrice de recherche à l’INSERM et div de l’ouvrage Médicaments et société. Le patient, le médecin et l’ordonnance, a mené une étude sur l’évolution de la perception du médicament générique par les patients depuis dix ans. Elle souligne la rémanence de certaines réticences, en particulier chez ceux qui n’ont pas connaissance du système des brevets et qui pensent que les médicaments obéissent aux mêmes lois du marché que n’importe quel produit de consommation. « Le prix moindre implique une moindre efficacité et distingue le générique du “vrai médicament” », explique la spécialiste. Sylvie Fainzang suggère de mettre l’accent au comptoir sur des informations factuelles contenues dans différents rapports à consulter en ligne. Qu’il s’agisse de celui publié en 2012 par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur « l’évaluation de la politique française des médicaments génériques », du rapport de l’Académie nationale de pharmacie ou de celui émanant de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), « les médicaments génériques : des médicaments à part entière ». Tous réaffirment sans équivoque la qualité et la sécurité de ces spécialités. « Aucune alerte, ni aucune crainte, n’est à émettre sur la qualité, la sécurité et l’efficacité du médicament générique qui bénéficient des mêmes exigences en termes de contrôle et de surveillance que les médicaments princeps », rapporte l’IGAS. Le Gemme (« Générique même médicament ») regrette que la proposition d’une campagne de communication grand public inscrite dans le rapport de l’IGAS n’ait pas encore été reprise par le ministère de la Santé. L’espoir fait vivre…

« Le générique n’est pas conforme au médicament d’origine »

D’autres préjugés concernent l’équivalence thérapeutique entre princeps et génériques. Elle est mise en doute par les patients, comme par l’Académie nationale de médecine. Dans son rapport de février 2012, cette dernière affirme que « la bioéquivalence ne signifie pas qu’il y a automatiquement une équivalence thérapeutique ». Le Gemme lui a répondu sur ce point précis : « Selon l’Agence européenne des médicaments, la bioéquivalence de deux médicaments garantit que leur efficacité et leur sécurité sont essentiellement les mêmes. » Et Dominique Maraninchi, directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, de préciser en mars 2012 : « L’intervalle de confiance toléré lors des tests de bioéquivalence entre génériques et princeps est similaire à ce qui pourrait exister entre deux personnes différentes prenant le même médicament, puisque le taux d’absorption dans le sang diffère d’une personne à l’autre. »

« Les génériques ne sont même pas fabriqués en France ! »

Pour rassurer les patients, certains génériqueurs communiquent sur l’origine des principes actifs utilisés pour leurs spécialités et leurs lieux de fabrication, en majorité d’implantation française et européenne. Une enquête du Gemme confirme que 97 % des spécialités génériques dispensées en France sont fabriquées en Europe, dont 55 % le sont sur notre territoire. Dès que l’on quitte le continent européen, les clients pensent que la qualité du générique chute singulièrement. Le made in China ou India véhicule l’image de « médicaments au rabais ». Il faut rappeler que les délocalisations de production concernent tous les groupes pharmaceutiques et toutes les spécialités, génériques et princeps. La mondialisation est à l’œuvre sur le marché des matières premières à usage pharmaceutique. « L’important est d’assurer un contrôle et des audits réguliers de manière à maîtriser la qualité des matières premières entrant dans la composition des médicaments, quels que soient leur statut et leur origine géographique », précise le Gemme. Dans son rapport de 2012, l’Académie nationale de médecine indique que les laboratoires de génériques n’hésitent pas, pour faire des économies, à contourner les règles de bonnes pratiques de fabrication dans les pays émergents. Si tel était le cas, les résultats des contrôles seraient impitoyables avec les génériques. Or, les inspections et contrôles réalisés par l’ANSM, le suivi des effets indésirables ne montrent pas d’écarts notables entre les médicaments génériques et les princeps, selon un rapport de l’ANSM de décembre 2012. Et, rappelait l’agence lors d’une conférence du Gemme, des inspections, concertées entre autorités européennes, sont mises en place périodiquement sur les lieux de développement et de fabrication hors Union européenne.

« Les autogénériques sont plus efficaces que les autres génériques »

Les laboratoires sont conscients de ce que les changements d’aspect peuvent déstabiliser certains patients. Aussi, l’autogénérique, fabriqué à l’identique de l’original par le laboratoire du princeps, a longtemps été un argument commercial auprès des officinaux et de substitution auprès des clients pour faciliter leur acceptation du générique. Aujourd’hui, ce bénéfice a perdu du poids. D’une part, parce que les génériques sont bioéquivalents entre eux. Et, d’autre part, parce que les nouveaux génériques peuvent désormais se rapprocher au plus près des caractères organoleptiques des spécialités de référence. En effet, la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé a levé l’interdiction de copier la forme, la taille ou la couleur d’une spécialité pharmaceutique.

* Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable.

« Pourquoi, dans ma rue du XVe à Paris, toutes les pharmacies sont ouvertes le dimancheet pas vous ? On voitque vous n’avezpas besoin de sous… »

Ce client parisien doit avoir des origines marseillaises pour surestimer ainsi le nombre d’officines de la capitale ouvertes le dimanche ! Sur les 992 pharmacies parisiennes ouvertes en semaine, environ 120 le sont les dimanches et jours fériésde 8 heures à 21 heures. Car, à l’exception de celles inscrites sur le tableau de garde, les pharmaciens ne peuvent tenir officine ouverte le dimanche. Un accord a été trouvé entre l’ARS, les syndicats et le Collectif des 125, en référenceaux 125 croix vertes allumées le dimanche, pour mettre finà la guerre des gardes à Paris. « Les gardes sont assurées sur la base du volontariat. Tous les ans, l’ARS adresseun questionnaire aux pharmaciens parisiens pour connaître leurs desiderata. Le tableau des gardes établi au vu de leurs réponses par les syndicats donne quasiment satisfactionaux pharmacies traditionnellement ouvertes le dimanche et aux pharmaciens qui souhaitent faire trois ou quatre gardes par an », précise Patrick Zeitoun, président de l’Uniondes pharmaciens de la région parisienne. Néanmoins, la règle de l’alternance oblige les premières à rester fermées plusieurs dimanches dans l’année. « Depuis que les règles sont modifiées, les pharmacies qui auparavant étaient ouvertesde manière systématique le dimanche ne le sont plus qu’un dimanche sur deux ou sur trois », précise Laurent Sebban, président du Collectif des 125. Hormis les pharmacies situées dans des zones très denses en population, « les ouvertures dominicales restent d’abord un service de santé publique et génèrent un gain modique pour l’entreprise, voire parfoisune perte », indique ce titulaire du XXe arrondissement.

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !