LES POINTS OÙ IL FAUT ÊTRE VIGILANT - Le Moniteur des Pharmacies n° 3023 du 15/03/2014 - Revues - Le Moniteur des pharmacies.fr
 
Le Moniteur des Pharmacies n° 3023 du 15/03/2014
 
INSPECTION DU TRAVAIL

Entreprise

Auteur(s) : Marie Luginsland

Corollaire de l’inspection de la pharmacie, le contrôle de l’inspection du travail génère lui aussi nombre de tracas pour les titulaires. Car si le respect de mesures en matière d’hygiène et de sécurité au travail leur semble indéniable, les pharmaciens sont souvent pris en défaut là où ils s’y attendent le moins. Quelques points à réviser avant la visite du contrôleur du travail.

Quels sont les domaines dans lesquels vous devez être irréprochable au passage de l’inspection du travail ? Elle pointe d’abord les dysfonctionnements qui ont trait à la sécurité et la santé des salariés. L’accessibilité des lieux et leur praticabilité, les écarts entre rayonnages, l’accès aux extincteurs sont autant de points sur lesquels nul ne peut transiger. Mais il existe des critères estimés moins essentiels par les employeurs sur lesquels les pharmaciens sont régulièrement épinglés. Et la liste peut être longue. « Il s’agit, en général, relève une inspectrice de la région parisienne qui tient à garder l’anonymat, de l’absence d’affichage obligatoire du règlement intérieur, de l’intitulé de la convention collective, du planning des congés payés, des horaires, des articles du Code pénal relatif au harcèlement moral et sexuel, des résultats des élections professionnelles, des divs sur l’égalité entre les hommes et les femmes, des consignes incendie ainsi que de la signalisation de l’interdiction de fumer, des secours d’urgence, mais aussi des coordonnées de la médecine du travail et de l’inspection du travail. Il peut s’agir aussi d’insuffisances dans la rédaction du document unique d’évaluation des risques que chaque titulaire se doit de rédiger. » Ces manquements exposent l’officine soit à un rappel à l’ordre, soit à une mise en demeure de rectifier dans un délai très court (une semaine par exemple) ou pire, à un procès-verbal et à des poursuites pénales si l’inspecteur estime que l’infraction perdure.

Des exigences liées à l’exercice officinal

Outre ces points d’ordre général, d’autres exigences sont spécifiques à l’exercice officinal. Le rangement des substances chimiques doit ainsi respecter des principes réglementaires et cette évaluation doit figurer dans le document unique d’évaluation des risques. De même, la présence de deux enceintes réfrigérées, dont l’une exclusivement réservée à l’usage des salariés, sera systématiquement vérifiée. De même, l’inspection du travail vérifiera l’existence de deux éviers, l’un affecté aux préparations, l’autre à la vaisselle des collaborateurs si l’officine est ouverte en continu. Le cas échéant, le contrôleur veillera à ce qu’un coin repas soit dédié aux salariés.

Attention à ne pas essayer de « bricoler » des solutions, mais de se conformer strictement à la réglementation car l’inspection du travail apprécie peu le système D. Un pharmacien en a fait l’expérience. « Pour éviter au personnel féminin la manipulation de cartons lourds placés en hdiv, c’était moi qui assurais la manutention, sans chute depuis dix ans ! », se souvient ce titulaire, qui tient à rester discret. Mais sa bonne volonté et sa galanterie n’ont pas été récompensées. Le contrôleur, lui, a fait remarquer que la colonne d’étagère était trop haute et trop dangereuse en raison des risques de chute de produits et les rayonnages pas assez espacés par rapport à la règle des 80 cm réglementaires. « Cela ne lui plaisait pas que je laisse mes médicaments dans les cartons car cela génère de la poussière néfaste à la santé des collaborateurs. »

Autre exemple : Valéry Toth, titulaire de la pharmacie de Villaroy, à Guyancourt (Yvelines), s’est ainsi fait retoquer pour ne pas avoir fait vérifier son installation électrique par une société certifiée. En toute bonne foi, il ignorait qu’une officine recelait des dangers électriques majeurs. « Depuis cette inspection, j’en suis pour mes frais, c’est-à-dire environ 400 euros pour faire vérifier mon tableau chaque année par une société spécialisée », avoue-t-il, agacé. Il n’est donc pas rare que les titulaires ressentent un sentiment d’injustice. Ils se voient dans l’œil du cyclone. « Sur mes murs en placo, j’avais placé mes extincteurs le plus bas possible en raison de leurs poids. J’ai été retoqué car ils n’étaient pas à hdiv réglementaire de 1,20 m. Repositionnés, ils arrachent désormais le placo ! », raconte un titulaire. Il y a encore ces « détails » qui parfois irritent les titulaires, comme ces remarques sur les écrans d’ordinateur, pourtant mats, qui reflètent trop les spots de l’officine et les rayons solaires externes.

Un audit nécessaire

Afin de se prémunir contre quelques surprises désagréables, le pharmacien peut faire appel à un avocat. Celui-ci vérifiera la conformité des éléments que le titulaire aura à produire lors du contrôle : l’ensemble des documents prévus à l’affichage, mais aussi les contrats de travail, les bulletins de paie, et le document unique d’évaluation des risques professionnels. « Sur ce dernier point, nous constatons souvent que le document n’est pas rédigé correctement ou qu’il n’est pas réactualisé chaque année », assure Dan Nahum, avocat spécialisé dans le conseil en pharmacie. Bien souvent, les titulaires sous-estiment l’importance de ces documents essentiels au nombre desquels le règlement intérieur. Or, remarque l’avocat, « le harcèlement moral et la modification des horaires de travail constituent la majorité des contentieux entre employeur et salariés en officine. » Ce sont justement ces documents qui prouveront qu’une politique de prévention a bien été établie et qu’une procédure (enquête interne, confrontation) a été prévue. Le titulaire ne pourra être pris à défaut et ne sera pas exposé en cas de litiges. Cette intervention en amont compter 500 euros pour un audit permet d’échapper à bien des sanctions, et surtout à la panique le jour venu.

AVIS D’EXPERT

80 % des plaintes concernent les horaires à l’officine

3 QUESTIONS À GÉRARD FILOCHE ANCIEN INSPECTEUR DU TRAVAIL

Le Moniteur : Les pharmaciens se plaignent souvent d’inspecteurs trop tatillons. Ils ont l’impression qu’on leur cherche des problèmes. Est-ce réellement le cas ?

Gérard Filoche : Attendez, je vous arrête tout de suite. Dans ce cas, ce n’est plus la peine de faire respecter le droit. Il existe un Code du travail qu’il s’agit de faire respecter. Pas davantage.

Quels sont les manquements que vous avez observés le plus fréquemment au cours de votre carrière ?

Gérard Filoche : Le problème commun aux pharmacies de six, douze ou quinze salariés est le manque de respect des horaires. Huit plaintes sur dix concernent ces questions. Il s’agit de déplacements d’horaires sans préavis, ce qui occasionne de nombreuses complications aux salariés mais également des heures supplémentaires non payées. Cela constitue le premier problème dans les pharmacies, comme dans d’autres commerces. Par ailleurs, les horaires ne sont pratiquement jamais affichés, ou le sont de manière incorrecte.

Avez-vous le souvenir d’une intervention en officine qui vous a marqué particulièrement ?

Gérard Filoche : Je me souviens d’une pharmacienne qui refusait strictement de faire passer la visite médicale à ses six salariés sous prédiv que cela ne servait à rien. Pourquoi voulez-vous que je dépense de l’argent pour cela, ils peuvent aller chez leur généraliste ?, a-t-elle invoqué.

Un paradoxe pour une professionnelle de santé. Au bout de trois lettres recommandées et deux de mes visites, elle a fini par s’y plier.

Il se trouve que la médecine du travail a détecté un cancer du sein chez l’une des salariées.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


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